Umbra
[...J'ai rendez-vous et j'irai comme je suis. Non, je ne changerai rien...*]
[Paris Bord de Seine]
Au cur de Paris retentissaient les cloches annonçant le début daprès-midi et malgré la froidure hivernale, la Capitale grouillait encore et toujours. Ce jour-là, lOmbre avait délaissé la Cour des Miracles pour se rapprocher du bord de Seine où elle était attendue. Comme à son habitude, Umbra était arrivée largement en avance et patientait donc au chaud, nichée dans une taverne jonchant les quais. Un rade moins miteux que ceux des Quartiers de la Spiritu Sanguis mais tout aussi malfamé. Ici ne cuvaient pas mercenaires et assassins mais plutôt corsaires et marins. Hommes avinés en manque de femmes discutant de leurs prises ou de leur dernier voyage. Les pêcheurs exposaient leurs poissons tandis que les pirates exhibaient leurs trésors, le tout résonnant bruyamment dans des éclats de rires gras, de remarques obscènes et de godets entrechoqués. Certains étaient heureux de toucher pied à terre lorsque dautres se languissaient de la mer. Les capitaines braillaient leurs nombreuses destinations, les matelots assourdissaient lassemblée de leur envie de trouver une ribaude au port et ainsi de suite...
La Noiraude plaignait les serveuses humiliées et harcelées par leurs clients mais ces dernières semblaient habituées et se prêtaient même à leurs vulgarités. Dans son coin, capuche sur la tête, elle éclusait un verre de vieille prune ramené dune ville plus au Sud par bateau...Et cela couvrait apparement le prix exorbitant dun infâme tord-boyau daprès le tenancier! Le temps sécoulait au rythme des flots de whisky, bières, chouchen et autres alcools importés de part et dautres des royaumes avoisinant. Ces mêmes minutes dont usaient Ombeline pour réfléchir au pourquoi du comment de sa présence ici
Quelques mois auparavant, à lopposé du royaume, la Bâtarde, par heureux hasard, rencontra pour la première fois lhomme quelle attendait aujourdhui encore. Ce dernier avait usé dun subtil subterfuge pour arriver à ses fins : engager un bras droit. Il avait finalement jeté son dévolu sur la Manchote, drôle de coïncidence...
De prime abord, lOmbre lavait jugé sournois et manipulateur puisque sattendant à un généreux trésor, elle était repartie avec une offre demploi. Avec un peu de recul, elle révisa son jugement, le trouvant futé et courageux et accepta sa proposition. Voilà quelques temps maintenant quUmbra travaillait au service dErnst Von Zweischeidig. Rien de transcendant pour le moment mais ce jour-là, lemploi semblait intéressant. A vrai dire, elle navait quentrevu cet homme quelle estimait déjà. La Noiraude navait, pour linstant, que régler de menus affaires, détails futiles qui lui permettaient de gonfler sa bourse. Lorsque quelle quitta sa propriété béarnaise lors de leur rencontre, elle sattendait à être réellement au service de ce dernier. Ombeline songeait à être employée à des tâches ingrates qui lui promettraient, dans quelques années, une retraite confortable bien méritée. Entre temps, elle avait rarement été appelée pour des broutilles quil aurait pu régler lui-même si son rang lui avait permis.
Un monde séparait ces deux jeunes gens qui ne semblaient guère se porter la moindre importance et chacun paraissait bien vivre ainsi Pourtant, la surveille de cette journée de grand froid, un pli cacheté aiguisa lattention de la Bâtarde. Son employeur la réclamait pour un nouveau service mais cette fois-ci, il se déplacerait en personne pour mener laffaire. Cest ainsi donc quelle se retrouvait deux jours plus tard à patienter dans une taverne de marin, un verre de prune à moitié consommé et les oreilles bourdonnantes dun vacarme déplaisant.
Soudainement, lhuis de lauberge souvrit violemment, engouffrant lair glacé extérieur à lintérieur, faisant frémir et rager les clients venus se réchauffer. Un gamin haut comme trois pommes, accourut, sous les regards torves des chalands, vers la Manchote attablée. La goutte pendant à son petit nez rouge, les cheveux sales et en batailles, les haillons maintes fois rapiécés, le souffle court et le regard écarquillé, il sexclama avec empressement :
Mdame Corneille ! Mdame Corneille ! Gavroche la vu lnobliau ! Lest dans la rue ! Larrive, lnobliau !
La Boiteuse se redressa dans son siège et acheva son tord-boyau sous la bouille crasseuse de lenfant miséreux. Elle déboursa deux beaux écus de sa bourse et les tendit au garçon avant de se lever et de poursuivre :
Joffre une miche fraiche de pain blanc à toi et à ton frère si tu me mènes à lui
Le regard poussiéreux du petit parisien sillumina à loffre et après avoir précieusement rangé ses deux pièces, il opina vigoureusement du chef avant de rebrousser chemin aussi rapidement quil était entré. La porte de la taverne claqua de nouveau sous les grognements des saoulards puis lOmbre disparut. Elle suivit à son allure ralentie, le jouvenceau qui détalait comme un lapin en montrant du doigt une silhouette au port altier. A quelques mètres de celle-ci, Umbra déboursa une nouvelle poignée de deniers, léquivalent de deux miches de pain blanc comme convenu. Titi le vagabond séclipsa alors dans une ruelle, laissant les deux prétendants au reste des quais de la Capitale.
Autour deux, les pêcheurs déchargeaient leurs filets pleins, éventraient leurs poissons aux côtés de marins déménageant les marchandises de leur cale. Leau de la Seine avait des reflets grisâtres en cet après-midi dhiver. Elle reflétait le ciel blanc souillé de déchets en tout genre ou les pans pierreux qui envahissaient de haut en bas la ville.
A quelques pas lun de lautre, immobiles dans la cohue environnante, elle le jaugea dune illade furtive. La Noiraude rabattit sa capuche pour dévoiler son ramage brun barré dune mèche blanche puis inclina la tête en respect.
Sieur Von Zweischneidig Jespère que vous avez fait bon voyage.
De la buée séchappaient de ses lèvres gercées.
Malgré la rudesse de lenvironnement, je suis heureuse de constater que vous avez su rester mon égal et ne pas user de votre confort. Laffaire doit être importante, je suppose... ?
Un sourire moqueur entailla ses lippes.
Edit pour fautes et clarté du texte + balises.
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[Paris Bord de Seine]
Au cur de Paris retentissaient les cloches annonçant le début daprès-midi et malgré la froidure hivernale, la Capitale grouillait encore et toujours. Ce jour-là, lOmbre avait délaissé la Cour des Miracles pour se rapprocher du bord de Seine où elle était attendue. Comme à son habitude, Umbra était arrivée largement en avance et patientait donc au chaud, nichée dans une taverne jonchant les quais. Un rade moins miteux que ceux des Quartiers de la Spiritu Sanguis mais tout aussi malfamé. Ici ne cuvaient pas mercenaires et assassins mais plutôt corsaires et marins. Hommes avinés en manque de femmes discutant de leurs prises ou de leur dernier voyage. Les pêcheurs exposaient leurs poissons tandis que les pirates exhibaient leurs trésors, le tout résonnant bruyamment dans des éclats de rires gras, de remarques obscènes et de godets entrechoqués. Certains étaient heureux de toucher pied à terre lorsque dautres se languissaient de la mer. Les capitaines braillaient leurs nombreuses destinations, les matelots assourdissaient lassemblée de leur envie de trouver une ribaude au port et ainsi de suite...
La Noiraude plaignait les serveuses humiliées et harcelées par leurs clients mais ces dernières semblaient habituées et se prêtaient même à leurs vulgarités. Dans son coin, capuche sur la tête, elle éclusait un verre de vieille prune ramené dune ville plus au Sud par bateau...Et cela couvrait apparement le prix exorbitant dun infâme tord-boyau daprès le tenancier! Le temps sécoulait au rythme des flots de whisky, bières, chouchen et autres alcools importés de part et dautres des royaumes avoisinant. Ces mêmes minutes dont usaient Ombeline pour réfléchir au pourquoi du comment de sa présence ici
Quelques mois auparavant, à lopposé du royaume, la Bâtarde, par heureux hasard, rencontra pour la première fois lhomme quelle attendait aujourdhui encore. Ce dernier avait usé dun subtil subterfuge pour arriver à ses fins : engager un bras droit. Il avait finalement jeté son dévolu sur la Manchote, drôle de coïncidence...
De prime abord, lOmbre lavait jugé sournois et manipulateur puisque sattendant à un généreux trésor, elle était repartie avec une offre demploi. Avec un peu de recul, elle révisa son jugement, le trouvant futé et courageux et accepta sa proposition. Voilà quelques temps maintenant quUmbra travaillait au service dErnst Von Zweischeidig. Rien de transcendant pour le moment mais ce jour-là, lemploi semblait intéressant. A vrai dire, elle navait quentrevu cet homme quelle estimait déjà. La Noiraude navait, pour linstant, que régler de menus affaires, détails futiles qui lui permettaient de gonfler sa bourse. Lorsque quelle quitta sa propriété béarnaise lors de leur rencontre, elle sattendait à être réellement au service de ce dernier. Ombeline songeait à être employée à des tâches ingrates qui lui promettraient, dans quelques années, une retraite confortable bien méritée. Entre temps, elle avait rarement été appelée pour des broutilles quil aurait pu régler lui-même si son rang lui avait permis.
Un monde séparait ces deux jeunes gens qui ne semblaient guère se porter la moindre importance et chacun paraissait bien vivre ainsi Pourtant, la surveille de cette journée de grand froid, un pli cacheté aiguisa lattention de la Bâtarde. Son employeur la réclamait pour un nouveau service mais cette fois-ci, il se déplacerait en personne pour mener laffaire. Cest ainsi donc quelle se retrouvait deux jours plus tard à patienter dans une taverne de marin, un verre de prune à moitié consommé et les oreilles bourdonnantes dun vacarme déplaisant.
Soudainement, lhuis de lauberge souvrit violemment, engouffrant lair glacé extérieur à lintérieur, faisant frémir et rager les clients venus se réchauffer. Un gamin haut comme trois pommes, accourut, sous les regards torves des chalands, vers la Manchote attablée. La goutte pendant à son petit nez rouge, les cheveux sales et en batailles, les haillons maintes fois rapiécés, le souffle court et le regard écarquillé, il sexclama avec empressement :
Mdame Corneille ! Mdame Corneille ! Gavroche la vu lnobliau ! Lest dans la rue ! Larrive, lnobliau !
La Boiteuse se redressa dans son siège et acheva son tord-boyau sous la bouille crasseuse de lenfant miséreux. Elle déboursa deux beaux écus de sa bourse et les tendit au garçon avant de se lever et de poursuivre :
Joffre une miche fraiche de pain blanc à toi et à ton frère si tu me mènes à lui
Le regard poussiéreux du petit parisien sillumina à loffre et après avoir précieusement rangé ses deux pièces, il opina vigoureusement du chef avant de rebrousser chemin aussi rapidement quil était entré. La porte de la taverne claqua de nouveau sous les grognements des saoulards puis lOmbre disparut. Elle suivit à son allure ralentie, le jouvenceau qui détalait comme un lapin en montrant du doigt une silhouette au port altier. A quelques mètres de celle-ci, Umbra déboursa une nouvelle poignée de deniers, léquivalent de deux miches de pain blanc comme convenu. Titi le vagabond séclipsa alors dans une ruelle, laissant les deux prétendants au reste des quais de la Capitale.
Autour deux, les pêcheurs déchargeaient leurs filets pleins, éventraient leurs poissons aux côtés de marins déménageant les marchandises de leur cale. Leau de la Seine avait des reflets grisâtres en cet après-midi dhiver. Elle reflétait le ciel blanc souillé de déchets en tout genre ou les pans pierreux qui envahissaient de haut en bas la ville.
A quelques pas lun de lautre, immobiles dans la cohue environnante, elle le jaugea dune illade furtive. La Noiraude rabattit sa capuche pour dévoiler son ramage brun barré dune mèche blanche puis inclina la tête en respect.
Sieur Von Zweischneidig Jespère que vous avez fait bon voyage.
De la buée séchappaient de ses lèvres gercées.
Malgré la rudesse de lenvironnement, je suis heureuse de constater que vous avez su rester mon égal et ne pas user de votre confort. Laffaire doit être importante, je suppose... ?
Un sourire moqueur entailla ses lippes.
Les hommes que j'aime - La rue Kétanou.
Petite dédicace à qui de droit et se reconnaitra
Petite dédicace à qui de droit et se reconnaitra
Edit pour fautes et clarté du texte + balises.
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