Arsene
- « Le Mal n'est jamais spectaculaire, il a toujours forme humaine, il partage notre lit et mange à notre table. » W.H. Auden
Paniquée et fébrile. La jeune lionne fait les cent pas et tourne en rond. La tignasse de feu se balance indolemment, suivant le rythme imposé par une carne en proie à une agitation singulière. Les mèches bouclées caressent lentement la peau pâle et s'insinue même jusqu'au minois bordé de tâches de rousseur. L'épi s'impose et s'installe sur la trogne fatiguée. En fier conquérant, il tente de détrôner le despote actuel et de le retrancher dans un coin sombre et oublié de la caboche frénétique. Mais la nervosité est une dictatrice intransigeante et sans pitié. La place est sienne et elle défend ses positions afin de se faire empereur unique. Les prémices de la bataille qui aura lieu dans la soirée sur le parvis de la mairie, se déroule et déjà le cliquetis des armes s'entrechoquant retentit. Elle inspire pour chasser ses appréhensions. Le levé de rideaux est pour ce soir et Corleone n'a pas le droit à l'erreur pour montrer sa valeur et sa légitimité.
Silencieusement, la maigre carcasse vient se réfugier dans l'alcôve apaisante des bras de l'époux. Le petit corps se pressant avec avidité contre sa musculature tandis que les doigts délicats s'aventurent à effleurer l'épiderme masculin. Les lèvres cherchent dans un automatisme bien rodé ses jumelles choyées pour y déposer quelques baisers troublants. L'attente langoureuse se déroule ainsi au rythme d'une étreinte lascive et charnelle. Les deux corps se cherchant pour un peau à peau réconfortant et sécurisant. Pour une danse désirée et salvatrice. Quelques mots aux accents chantant d'Italie sont prononcés et résonnent aux tempes du jeune homme. Et une promesse tacite et silencieuse est conclue entre les deux amants.
A la tombée de la nuit, les corps entremêlés se quittent finalement. La rousse s'avance, la démarche fière et fluide. Elle rejoint les siens à grandes et rapides enjambées. Pressée d'en découdre et de se décharger d'une pression accumulée et angoissante. Comme une soupape prête à imploser, le vermeil bouille dans les veines de la roussâtre. La silhouette se faufile entre les membres du clan et des affiliés et elle prend la tête du groupe, dispersant les derniers ordres et conseils. Dégainant son fauchon imposant, la Frêle tire en arrière sa tignasse volumineuse, les muscles se tendent imperceptiblement et les mirettes scrutent nerveusement les alentours.
Le signal est donné d'un signe évident de main et Spiritu Sanguis et collaborateurs s'élance comme un seul homme contre les gardes. Dans une cohésion habituée et un ensemble logique, les coups pleuvent et les lames s'entrechoquent avec fracas. Dans un automatisme bien rodé, le corps se tord et se plie aux exigences d'un combat épuisant. Le revers de l'arme vient percuter une épaule et larde ensuite une cuisse. Concentrée et tendue, la Meneuse prend le temps d'observer ses jeunes recrues. Comme une louve couve ses petits, Corleone défend ses membres. L'air revêche et déterminé, elle continue sa route entraînant dans son sillon macabre un garde malchanceux.
Une lame adverse cueille la brindille dans son élan. Effilochant l'épiderme féminin au niveau d'un bras imprudent, elle évite de justesse un deuxième coups qui entaille sérieusement sa large chemise et elle assène un premier coup de genou dans l'entrejambe masculine, le poignard venant mordre silencieusement et rapidement la peau du cou. Elle abandonne l'homme à son sort pour rejoindre le parvis de la mairie.
Et le Cerbère finit par entrer dans la mairie. Le chambranle de la porte principale pend mollement, symbole déchu du règne de l'huis et de la mairesse. La brindille s'installe et sassoit sur le bureau municipal, un fin sourire satisfait trônant sur le visage avenant. Après un an, Corleone revient et trousse de nouveau la ville. Bien décidé à marquer durablement les esprits.
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