Hel.
- C'est dans l'eau qu'on peut admirer son reflet
- -Lève l'ancre! Sors l'grand'voile! Toi, là! Vir' ça d'la! 'tain, t'vas rayer l'bois! C'est où qu't'as eu ton permis d'mousse, gars? Hey! M'gars! Là, l'noeud l'est mal foutu.
'tain, Jacques, t'pas à t'place là! Et les écoutilles! C'qui qui s'occupe des écoutilles? On en perdra l'espadrilles, marde! Allez! À la barre! Et toi Cap'taine d'marde, t'vas fair' ton boulot, pa'ce que là tu glandes rien tu m'fous l'nausée.
-Hum.
C'est une furie brune lancée à pleins poumons dans la rencontre avec un navire de fortune qui s'apprête à lever l'ancre et prendre le large en direction du Grand Nord. C'est deux femmes au caractère bien différent et pourtant relativement semblable qui vaquaient alors sur les quais à la recherche d'un moyen de locomotion jusqu'à un rêve commun. Une rousse, une brune. Une Noble, une Sauvage. Le contraste était assez effrayant et on se demandait bien ce que ces deux là pouvaient foutre ensemble. Surtout qu'une fois avoir trouvé l'objet de leur convoitise, la brune se mit à courir partout, à ordonner à l'équipage de faire ce qu'elle disait, ce qu'elle ordonnait. Si bien que beaucoup commençaient déjà à souffrir en silence, s'énerver et laisser poindre quelques insanités dans un vocabulaire bien choisi. Souffrance commerciale lorsqu'il y a de l'argent en jeu. Néanmoins, le capitaine bouillonna presque extérieurement et agrippa l'encolure de la trouble-fête pour la jeter par dessus le pont. Enfin, du moins, lui faire peur, paniquer, de cette perspective là. Une Nordique n'a rarement peur de ce genre de menaces, mais c'est en regardant sa compagne qu'elle prit conscience qu'il fallait peut-être, au moins une fois dans sa vie, se tenir à carreau et obéir tranquillement sans moucheter. Sinon, adieu la réalisation de leurs fantasmes.
- -Tu fermes ta gueule ou tu dégages.
-Maaaaaaaaa'! Hm. C'bon. Ma' ton équipage l'est pas doué, on est pas arrivé avant l'fin d'l'année à c't'allure.
-J'ai dit quoi?!
-Hm. D'accord.
Tu vas voir, phylécastrope, si tu vas continuer à me donner des ordres comme ça. Attend d'voir un peu qu'on prenne le large pour que je te montre de quoi je suis capable. Tu sais pas diriger, alors j'me gausserai à ta gueule. Crevure.
C'est d'une humeur noire que la sombre se rangea aux côtés de la flamboyante pour assister à la virée maritime. Le temps paru une éternité. L'impatience se fit entendre et percevoir par quelques tapotements de phalanges sur la rambarde du navire. Enfin, les voiles prirent le vent, et les mouettes commencèrent à suivre cet étrange équipage jusqu'à une longue route qui n'en sera que plus exaltante pour la folle que pour son amie. Il faut dire que la rousse avait avoué avoir peur de l'eau. Et là, de l'eau, sur une mer aussi grande, il y en a pas mal tout de même. De quoi faire flipper tous les peureux de cet univers. Hel pensait alors qu'elle pourrait s'en amuser à tenter quelques coups de panique en stipulant que la marée était trop puissante pour que tous soient vraiment en sécurité. Ou bien que le bateau commençait à se fissurer de partout sous l'éclat des vagues contre la proue. Ou alors que le Capitaine était un incapable et qu'il nous dirigeait inconsciemment vers le vide planétaire. Bien évidemment, vu que la Terre n'est pas Ronde, mais bien plate, au fond de ces marécages puants se trouvent les limbes infernales où les pires démons se rangent pour attendre les aventureux perdus et se nourrir de leurs cris, panique, et autres louanges à un Seigneur qui ne sait pas celui de la Scandinave. Ou alors, elle se contenterait de frapper le dos de son amie jusqu'à ce que le contenu de son estomac heurte le plancher avec une classe admirable. Finalement, elle opta pour un mélange de toutes ces idées, et ce, durant plusieurs heures! Vint finalement les réconciliations, parce qu'il ne faut pas déconner.
- -Ç'va? T'en fais pas. Y'a Njörd qu'veille sur nous. C'pour ça qu'le vent l'est suffisant pour nous guider où qu'il faut et qu'la mer l'est pas trop brutale. S'tu r'gardes l'ciel, 'fin pas trop pa'c'qu'tu risques d'gerber sur moi, ben t'peux voir là une tâche. C'lui qui nous r'garde d'son gros oeil. T'vra'ment pas à t'inquiéter!
Et le soir arrive. L'enveloppe nocturne prit place dans le ciel, changeant le bleu clair en bleu foncé à la limite du noir profond. Les étoiles vinrent perler de firmament majestueux et le navire se mit au ralenti le temps que les moussaillons puissent se reposer un peu. Ou faire une fête dont ils ont le secret. Il est aisé d'abandonner la Volcanique pour aller risquer son estomac à des jeux d'alcool. Dans son élément, Hel fit virevolter les godets dans les airs, les vidant au préalable, bien entendu. Au final, on entend qu'elle, brailler, gueuler, chanter dans les deux langues qu'elle connaît. Les matelots s'amusent à se foutre de sa tronche, elle leur rend bien. Si bien que parfois il y a quelques poings qui s'échangent. On a pas l'impression, à voir la scène, qu'il y a bien une femme dans le lot. Et pourtant. C'est alors que quelques jeux se font, et que la nuit se voit déjà bien entamée alors qu'il serait vraiment raisonnable de se caler confortablement dans un hamac en soute. Là où le lits se bougent beaucoup et là où ceux qui n'ont pas le pied marin pourraient alors évacuer tout le contenu d'alcools et de denrées alimentaires cuisinées par un gros lard pas réellement efficace dans ce domaine ci. Et après, on s'étonne que les marins passent leur vie dans les tavernes et bordels du port.
Plusieurs semaines se passent, sans que personne ne trépasse. Un miracle en soit. Même la rousse semble se porter comme un charme. Façon de parler. Une longue traversée où rien de bien extraordinaire se fit voir, si ce n'est quelques phoques qui sortent leurs petites têtes de l'eau. Les premiers Fjord se font percevoir, la terre à portée. Exaltée et tout à fait joyeuse, la brune passait son temps à clamer qu'elle était enfin arrivée au pays, qu'elle en était heureuse. Elle ne se cacha pas, d'ailleurs, à aller embrasser son amie devant tous les marins bouche bées qui se retrouvent alors excités par la perspective de voir deux femmes se prendre de façon osée. Il n'en sera rien, il ne s'agit là que d'un baiser qui effleurent des lèvres magnifiques.
- -Freyja! R'garde! R'garde! C'là! On y est! L'plus belle terre d'monde! Là où y'a d'faibles cons comm' dans ta Francie d'marde. J't'f'rai visiter avant qu'on doive s'séparer pendant une s'maine avant que... avant qu'tu sois ma femme.
Ce ne sera qu'un voyage de noce, mais je compte bien en profiter et te montrer tous les charmes que je cache au plus profond de mon être. Te montrer pourquoi je suis comme ça, pourquoi j'agis comme ça. Tu pourras bien plus me comprendre qu'en dix ans de relation. Amour, nous pourrons enfin ne faire qu'un. Mon chef reflet, tu reprendras de ta splendeur, et moi de même. Chacune de nos parties émaciées ne formeront qu'un seul et même pendentif sacré. Parfaite. J'ai hâte!
-On r'passe l'nuit su'l'bateau, et on y s'ra d'main matin. Allez Freyja Fenrir! Courage!
Et la brune frappa violemment dans le dos de la rouquine. C'est rare de voir un sourire sur son visage, c'est si rare qu'il faut en profiter! Et ne surtout pas râler. Puisque la Nordique râle toujours en France, et pas ici, c'est un spectacle qu'il faut admirer et s'en émouvoir.
Et le navire poursuivit sa route sans jamais faillir, évitant les pièges rocailleux qui peuvent se voir en dehors de l'eau. Là commence le périlleux du voyage. Là il faut savoir être un homme de courage, ferme avec la barre pour guider convenablement et ne pas envoyer tout l'équipage par le fond.
Est-ce qu'Hel pourra se taire et laisser agir sans intervenir?
Où participera t'elle à un futur chaos qui régnera sur le rafiot?
C'est à voir.
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