--La_platine
Novgorod la Grande. République autonome, baignée par la rivière Volkhov et dirigée par Nikolaï Ivanovitch Novgorod, Knèze(1) élu par le Vetché(2). Chef naturel tant que charismatique, fier descendant d'autres Princes avant lui mais, l'avenir m'apprendra qu'il sera le dernier de sa lignée à trôner en ces terres hostiles.
[Un messager vient d'arriver, j'ai 12 ans
Envolée ma naïveté, j'suis plus une enfant.
Lhorloge tourne, les minutes sont nocives
Et moi je rêve daccélérer le temps.]
Ce soir-là, notre Père nous fit appeler dans le petit salon. Il siégeait dans son fauteuil, imposant mais non moins gracieux ; Mère, belle comme le jour, assise à l'accoudoir, nous souriait avec bienveillance comme toujours, et sa simple présence savait nous tranquilliser... L'atmosphère pesante, chaque fois qu'il exigeait un conciliabule, la dernière fut témoin d'un départ deux ans plus tôt, celui de notre aîné.
Notre fratrie se composait de quatre enfants, Nikolaï, Vladimir, Sergueï et moi. Nos personnalités différaient, de par nos âges sans doute... aussi, Niko' réputé dur quand Vlad' était sensible, Serg' et moi étions les plus semblables mais tout cela viendra plus tard dans mon récit.
Pour l'heure, notre géniteur nous observait, un vélin entre les mains et, bientôt, la nouvelle tomba comme un couperet... Notre frère avait disparu. Nous savions son voyage périlleux puisqu'il partait en guerre contre les éventuels envahisseurs, venus de l'ouest(3) ; nous pensions qu'il nous reviendrait, marqué par les combats bien sur mais victorieux.
Nikolaï. Grand et solide, à l'image des hommes de notre peuple ; la chevelure longue des régnants, aussi claire que les blés ; les yeux d'un gris argenté, profonds et limpides. Chasseur émérite, lutteur inébranlable ; il rappelait les félins sibériens, puissants et féroces, de sorte qu'il en gagna le surnom : Le Tigre.
Les larmes coulèrent, les miennes et celles de Vladimir... peut-être savait-il, dés lors, qu'il serait le prochain, sûrement même. Le patriarche m'invita d'un clin dil encourageant et je m'installais sur ses genoux pour entendre ses projets. Ainsi, notre frère partirait le lendemain à la recherche de laîné. Il s'effondra sous le regard courroucé de Père et celui, affligé, de Mère.
Sergueï et moi étions impuissants à modifier les desseins paternels, il était autoritaire et ne souffrait la moindre rébellion... si nous l'aimions, nous n'en demeurions pas moins, respectueux mais davantage encore, effrayés par ses colères et notre frère le savait.
Vladimir. Une silhouette androgyne, filiforme ; la crinière d'une blancheur neigeuse qui lui descendait à mi-dos ; les prunelles aussi bleues qu'un ciel d'été, translucides et pénétrantes. Doux comme un agneau, fragile comme un pétale ; Passionné d'étoffes, efféminé et raffiné, de sorte qu'on l'affubla d'un qualificatif : l'alambiqué.
Ce soir-là, j'aurai voulu remonter le temps, bien avant le départ de Nikolaï, quand ma vie n'était qu'un long fleuve tranquille... quand je n'étais qu'une fillette innocente mais, surtout, ignorante.
[Un messager vient darriver, jai 13 ans,
On la fait sans se protéger mais j'vois pas loffensant,
Lhorloge tourne, les minutes sont acides
Et moi je rêve de remonter le temps.]
Nikolaï senior tenait la cité d'une main de fer, juste dans ses sentences mais imperturbable dans ses décisions, et le peuple de l'aimer tant qu'il le craignait. Ses hommes veillaient au respect des règles édictées par les anciens et perpétuées par notre géniteur, pendant que la douce Svetlana(4) s'attachait à m'enseigner les rudiments de notre statut.
Ainsi, je partageais mon temps entre la discipline, l'instruction, la broderie... parfaite petite poupée, vêtue de toilettes somptueuses, coiffée de rubans assortis et usant d'un vocabulaire soutenu, digne de ma noblesse.
Les rares temps libres, je les passais auprès de Sergueï. Il mettait un point d'honneur à m'épargner les horreurs qui nous entouraient... ainsi, je n'assistais pas aux exécutions des criminels, je méconnaissais les difficultés vécues par la gueusaille et j'imaginais, sottement, que les Dieux nous bénissaient de leurs bienfaits. Candide jeune fille, j'en oubliais presque l'absence de nos frères ; il était mon autre, je l'aimais.
Sergueï(5). Mon alter ego, mon unique. J'ignorais, alors, qu'il était finalement voué à succéder... Dans cet optique, il subissait un entraînement draconien dont il me taisait les souffrances, toujours pour me préserver de la dureté paternelle ; ce dernier, figure de proue que jidolâtrais encore un peu, malgré l'éloignement des deux aînés, à cause desquels, il était devenu spartiate et violent sans qu'on ne s'en offusque officiellement.
De jour en jour, nous nous étions rapprochés. D'utérin, il fut protecteur ; de protecteur, il fut amour ; d'amour, il devint naturellement amant. A l'époque, je pensais les découvertes partagées, d'un an plus vieux, mâle de surcroît, peut-être n'était-ce qu'une illusion et, qu'en réalité, il avait plus de pratique que moi ; je ne le saurai jamais et j'avoue égoïstement, que je m'en moque.
Ainsi, les baisers langoureux remplacèrent les câlins fraternels ; les caresses lascives disparurent au profit d'étreintes passionnelles... union lubrique des corps concupiscents. Notre relation, bien qu'incestueuse, nous procurait un tel bonheur que nous méprisions jusqu'à la discrétion... et Mère l'apprit.
Dès lors, mon « jumeau » fut envoyé par-delà les frontières... le commerce comme alibi qu'il maîtrisait les langues étrangères et c'était l'avenir de notre splendide Cité selon notre géniteur. J'en fus profondément marquée mais le pire restait à venir et, rapidement, je n'eus d'autre occupation que l'attente de leurs retours.
Elle ne divulgua jamais les arguments engendrant son évincement, notre Père sourd à la relation fusionnelle qui me liait à Serg' ; sans doute serions-nous morts dans le cas contraire.
Prisonnière d'une cage dorée, je vivotais au rythme d'un sablier imperceptible tandis que mon giron s'étoffait d'un fruit inattendu, à l'abri des regards... aussi surprenant, celui de notre Mère l'imitait sagement, à la vue de tous.
[Un messager vient darriver, jai 14 ans,
9 mois se sont écoulés et un nouvel enfant,
Lhorloge tourne, les minutes se dérident
Et moi j'oscille, flexible j'accuse le temps.
Une jolie petite fille qu'on m'arracha sitôt venue au monde... les semaines suivantes, j'ai cru mourir mais la Mère Nature en avait décidé autrement. Je n'ai jamais revu l'enfant, ni ma génitrice d'ailleurs ; personne ne saura jamais qui avait enfanté la Princesse, hormis mes parents et moi. L'on fêta la nouvelle malgré l'absence des concernées, félicitant le Knèze de sa fertile épouse, le flattant de sa virilité et de redoubler d'offrandes aux Dieux lors du banquet afin de lui octroyer davantage de réussites. En avait-il seulement le mérite ? Je les ai maudit, à cet instant, de me l'avoir volée sans le moindre scrupule ; je les ai maudit, à cet instant, de leur mensonge éhonté. Pourtant, jamais je n'ai trahi ce secret qui nous liait d'insalubrité. L'éducation ne fut pas vaine, la famille primait plus que l'individualité et je taisais ma douleur pour la souveraineté de notre sang, pour la mémoire des mes frères que je pensais définitivement disparus.
J'assistais au banquet en digne héritière. Certains s'interrogeaient quant à ma longue absence, les études furent avancées et mon sourire terminait d'entériner la curiosité... l'orage passerait, je le croyais.
[Un messager vient darriver, jai 17 ans,
Un tsunami a tout emporté, même les jeux dantan,
Lhorloge tourne, les minutes irréversibles
Et moi je rêve que passe le mauvais temps]
Trois ans se sont écoulés. Mon univers s'est considérablement modifié et mon apprentissage est tout aussi différent... Oubliée la broderie, terminées les belles toilettes, abandonné le confort feutré ; exercices armés, vêtements de cuir, quartiers vivables en caserne.
Père m'imposa une préparation drastique, tant physiquement que psychologiquement... j'évoluais en environnement masculin, je percevais l'animosité des uns comme la perversité des autres ; la rudesse paternelle s'étoffait des assauts multiples dont je devais me libérer sans broncher. J'ai pleuré, souvent, au cours des premiers mois... puis, les larmes se sont taries, à l'instar de mon organe vital devenu aride. Il me voulait guerrière, je suis devenue cruelle ; ils m'ont voulue docile, je suis devenue redoutable. La glace, le feu... dangerosité d'une brûlure, destructrice et funeste.
Bientôt, les émotions me furent étrangères, les sentiments inexistants. Plus rien n'avait d'importance que la réussite, préserver l'honneur Novgorodien, la fierté d'un aïeul diminué par le temps et l'absence de ses fils ; la folie s'était présentée quelques mois auparavant, quand le silence fraternel avait eu raison de sa patience et mon mentor n'avait, dés lors, eu de cesse d'ajouter aux exigences.
J'ai essuyé les railleries de mes compagnons, les jalousies et les colères aussi ; j'ai émasculé certains d'entre eux, j'ai brisé des curs et favorisé quelques élus... Garce selon les uns, Grâce selon les autres, mais crainte de tous ; c'était l'essentiel pour moi, l'objectif pour mon père qui me vouait à sa succession. Créature issue de son cerveau dérangé, il m'avait modelée à son image et je n'étais plus que mépris, arrogance et violence.
Quand il me dévoila ses projets, je n'eus pas la moindre réaction ; impassible, je me suis contentée d'acquiescer en silence... La nuit drapait la cité de son manteau sombre, j'observais la lune et, curieusement, le souvenir de notre radieux passé me revint. Mon avenir se scella dans l'obscurité.
[Un messager vient darriver, jai 18 ans,
Mon innocence a déserté, et moi je crie vengeance,
Lhorloge tourne, mon âme se suicide
Et moi je crève, je crève du bon vieux temps.]
Ironie du sort. C'est le plus proche collaborateur de Père qui me donna l'illusion d'un futur conjugué... Son omniprésence lors des dernières années ; il avait été mon maître d'armes, mon entraîneur particulier, mon confident. Ma confiance lui était acquise comme celle de mon mentor, j'en avais fait un frère de substitution et, je crois, que le patriarche le considérait presque comme un fils... qu'il n'était pas. Officiellement, il restait dans l'ombre de notre rang, obéissant aux ordres comme les hommes de la garde personnelle ; officieusement, il faisait des propositions, donnait son avis et, même, se permettait-il parfois de contredire le noble chef. J'en souriais, souvent. Perspicace, notre Knèze avait toujours tu mon accession au trône, je l'étais bien moins que lui à l'époque.
Notre relation se modifia. Il mentraîna insidieusement dans le vice, la perversion, la luxure... assurée de sa loyauté, je n'ai pas perçu le danger ; je l'ai laissé se jouer de moi, il a souillé mon corps, il a violé mon âme... Mon lignage m'a valu de perdre totalement mon humanité, il était dévoué mais n'entendait pas échouer si près du commandement. Il m'a tuée une seconde fois.
Je n'étais plus qu'une coquille vide... comment mener un peuple, diriger une armée, garantir la sécurité et la prospérité d'une cité quand on est incapable de se protéger soi-même ? Dans ma caboche dorée, c'était impossible. J'ai quitté Novgorod sans me retourner, un soir comme tant d'autres... je n'imaginais pas, alors, que je ne reverrai jamais mes parents...
J'avais fait du chemin depuis Novgorod. J'avais suivi la Volga, rejoint le Caucase et, de là, traversé la mer Noire pour la Bulgarie... L'escale me fut enrichissante puisque j'y faisais la connaissance d'une semblable. Maribel. Elle fut ma complice, mon amie, mon égale, ma sur. Nous partagions les mêmes vices, des souffrances similaires, un passé douteux dont nous n'aspirions qu'à faire le deuil...
Ebène quand j'étais Platine, des prunelles sombres à l'inverse des miennes ; nos physiques différaient où nos caboches dérangées nous unissaient... des contraires si semblables.
Et puis cette nuit de débauche. Le réveil en Empire.
Sion. Petite ville enclavée d'Helvétie, calme et trop tranquille, à l'époque. Peut-être est-ce différent aujourd'hui, je n'y suis jamais retournée. Cependant, elle fut le témoin silencieux d'un nouveau départ, d'une nouvelle vie. Une page s'était tournée, avec elle, la fin d'une histoire et la continuité d'une autre...
Quand ? Comment? Pourquoi ?
Quelle importance... Mon orgueil démesuré aura sans doute pesé aux épaules de mes proches ; je n'éprouve, pourtant, ni regret, ni remord. Unique blessure, à jamais béante, celle de ne t'avoir serrée dans mes bras, ne serait-ce qu'une fois.
Mais, si tu as lu ces quelques lignes, tu connais la suite.... Aujourd'hui, Ma Douce, c'est à toi d'écrire l'histoire !
[Un messager vient d'arriver, j'ai 30 ans
30 ans de liberté, mortel aboutissement,
L'horloge tourne, les minutes sont fictives
Et moi je n'existe, que dans l'esprit des gens...(6)]
1 - Knèze ou Kniaz: titre de noblesse valant prince/duc/comte
2 - Vetché : assemblée populaire, haute autorité de la république
3 - Envahisseurs : scandinaves dans l'idée, mais des teutons aussi au fil des années
4 Svetlana : mère de la fratrie, si ce n'était pas clair^^
5 Serguei : pas de descriptif afin d'éviter la moindre offense qui irait à l'encontre du RP actuel du personnage
6 L'horloge tourne Mickael Miro... honteusement détournée pour les besoins du RP
[Un messager vient d'arriver, j'ai 12 ans
Envolée ma naïveté, j'suis plus une enfant.
Lhorloge tourne, les minutes sont nocives
Et moi je rêve daccélérer le temps.]
Ce soir-là, notre Père nous fit appeler dans le petit salon. Il siégeait dans son fauteuil, imposant mais non moins gracieux ; Mère, belle comme le jour, assise à l'accoudoir, nous souriait avec bienveillance comme toujours, et sa simple présence savait nous tranquilliser... L'atmosphère pesante, chaque fois qu'il exigeait un conciliabule, la dernière fut témoin d'un départ deux ans plus tôt, celui de notre aîné.
Notre fratrie se composait de quatre enfants, Nikolaï, Vladimir, Sergueï et moi. Nos personnalités différaient, de par nos âges sans doute... aussi, Niko' réputé dur quand Vlad' était sensible, Serg' et moi étions les plus semblables mais tout cela viendra plus tard dans mon récit.
Pour l'heure, notre géniteur nous observait, un vélin entre les mains et, bientôt, la nouvelle tomba comme un couperet... Notre frère avait disparu. Nous savions son voyage périlleux puisqu'il partait en guerre contre les éventuels envahisseurs, venus de l'ouest(3) ; nous pensions qu'il nous reviendrait, marqué par les combats bien sur mais victorieux.
Nikolaï. Grand et solide, à l'image des hommes de notre peuple ; la chevelure longue des régnants, aussi claire que les blés ; les yeux d'un gris argenté, profonds et limpides. Chasseur émérite, lutteur inébranlable ; il rappelait les félins sibériens, puissants et féroces, de sorte qu'il en gagna le surnom : Le Tigre.
Les larmes coulèrent, les miennes et celles de Vladimir... peut-être savait-il, dés lors, qu'il serait le prochain, sûrement même. Le patriarche m'invita d'un clin dil encourageant et je m'installais sur ses genoux pour entendre ses projets. Ainsi, notre frère partirait le lendemain à la recherche de laîné. Il s'effondra sous le regard courroucé de Père et celui, affligé, de Mère.
Sergueï et moi étions impuissants à modifier les desseins paternels, il était autoritaire et ne souffrait la moindre rébellion... si nous l'aimions, nous n'en demeurions pas moins, respectueux mais davantage encore, effrayés par ses colères et notre frère le savait.
Vladimir. Une silhouette androgyne, filiforme ; la crinière d'une blancheur neigeuse qui lui descendait à mi-dos ; les prunelles aussi bleues qu'un ciel d'été, translucides et pénétrantes. Doux comme un agneau, fragile comme un pétale ; Passionné d'étoffes, efféminé et raffiné, de sorte qu'on l'affubla d'un qualificatif : l'alambiqué.
Ce soir-là, j'aurai voulu remonter le temps, bien avant le départ de Nikolaï, quand ma vie n'était qu'un long fleuve tranquille... quand je n'étais qu'une fillette innocente mais, surtout, ignorante.
[Un messager vient darriver, jai 13 ans,
On la fait sans se protéger mais j'vois pas loffensant,
Lhorloge tourne, les minutes sont acides
Et moi je rêve de remonter le temps.]
Nikolaï senior tenait la cité d'une main de fer, juste dans ses sentences mais imperturbable dans ses décisions, et le peuple de l'aimer tant qu'il le craignait. Ses hommes veillaient au respect des règles édictées par les anciens et perpétuées par notre géniteur, pendant que la douce Svetlana(4) s'attachait à m'enseigner les rudiments de notre statut.
Ainsi, je partageais mon temps entre la discipline, l'instruction, la broderie... parfaite petite poupée, vêtue de toilettes somptueuses, coiffée de rubans assortis et usant d'un vocabulaire soutenu, digne de ma noblesse.
Les rares temps libres, je les passais auprès de Sergueï. Il mettait un point d'honneur à m'épargner les horreurs qui nous entouraient... ainsi, je n'assistais pas aux exécutions des criminels, je méconnaissais les difficultés vécues par la gueusaille et j'imaginais, sottement, que les Dieux nous bénissaient de leurs bienfaits. Candide jeune fille, j'en oubliais presque l'absence de nos frères ; il était mon autre, je l'aimais.
Sergueï(5). Mon alter ego, mon unique. J'ignorais, alors, qu'il était finalement voué à succéder... Dans cet optique, il subissait un entraînement draconien dont il me taisait les souffrances, toujours pour me préserver de la dureté paternelle ; ce dernier, figure de proue que jidolâtrais encore un peu, malgré l'éloignement des deux aînés, à cause desquels, il était devenu spartiate et violent sans qu'on ne s'en offusque officiellement.
De jour en jour, nous nous étions rapprochés. D'utérin, il fut protecteur ; de protecteur, il fut amour ; d'amour, il devint naturellement amant. A l'époque, je pensais les découvertes partagées, d'un an plus vieux, mâle de surcroît, peut-être n'était-ce qu'une illusion et, qu'en réalité, il avait plus de pratique que moi ; je ne le saurai jamais et j'avoue égoïstement, que je m'en moque.
Ainsi, les baisers langoureux remplacèrent les câlins fraternels ; les caresses lascives disparurent au profit d'étreintes passionnelles... union lubrique des corps concupiscents. Notre relation, bien qu'incestueuse, nous procurait un tel bonheur que nous méprisions jusqu'à la discrétion... et Mère l'apprit.
Dès lors, mon « jumeau » fut envoyé par-delà les frontières... le commerce comme alibi qu'il maîtrisait les langues étrangères et c'était l'avenir de notre splendide Cité selon notre géniteur. J'en fus profondément marquée mais le pire restait à venir et, rapidement, je n'eus d'autre occupation que l'attente de leurs retours.
Elle ne divulgua jamais les arguments engendrant son évincement, notre Père sourd à la relation fusionnelle qui me liait à Serg' ; sans doute serions-nous morts dans le cas contraire.
Prisonnière d'une cage dorée, je vivotais au rythme d'un sablier imperceptible tandis que mon giron s'étoffait d'un fruit inattendu, à l'abri des regards... aussi surprenant, celui de notre Mère l'imitait sagement, à la vue de tous.
[Un messager vient darriver, jai 14 ans,
9 mois se sont écoulés et un nouvel enfant,
Lhorloge tourne, les minutes se dérident
Et moi j'oscille, flexible j'accuse le temps.
Une jolie petite fille qu'on m'arracha sitôt venue au monde... les semaines suivantes, j'ai cru mourir mais la Mère Nature en avait décidé autrement. Je n'ai jamais revu l'enfant, ni ma génitrice d'ailleurs ; personne ne saura jamais qui avait enfanté la Princesse, hormis mes parents et moi. L'on fêta la nouvelle malgré l'absence des concernées, félicitant le Knèze de sa fertile épouse, le flattant de sa virilité et de redoubler d'offrandes aux Dieux lors du banquet afin de lui octroyer davantage de réussites. En avait-il seulement le mérite ? Je les ai maudit, à cet instant, de me l'avoir volée sans le moindre scrupule ; je les ai maudit, à cet instant, de leur mensonge éhonté. Pourtant, jamais je n'ai trahi ce secret qui nous liait d'insalubrité. L'éducation ne fut pas vaine, la famille primait plus que l'individualité et je taisais ma douleur pour la souveraineté de notre sang, pour la mémoire des mes frères que je pensais définitivement disparus.
J'assistais au banquet en digne héritière. Certains s'interrogeaient quant à ma longue absence, les études furent avancées et mon sourire terminait d'entériner la curiosité... l'orage passerait, je le croyais.
[Un messager vient darriver, jai 17 ans,
Un tsunami a tout emporté, même les jeux dantan,
Lhorloge tourne, les minutes irréversibles
Et moi je rêve que passe le mauvais temps]
Trois ans se sont écoulés. Mon univers s'est considérablement modifié et mon apprentissage est tout aussi différent... Oubliée la broderie, terminées les belles toilettes, abandonné le confort feutré ; exercices armés, vêtements de cuir, quartiers vivables en caserne.
Père m'imposa une préparation drastique, tant physiquement que psychologiquement... j'évoluais en environnement masculin, je percevais l'animosité des uns comme la perversité des autres ; la rudesse paternelle s'étoffait des assauts multiples dont je devais me libérer sans broncher. J'ai pleuré, souvent, au cours des premiers mois... puis, les larmes se sont taries, à l'instar de mon organe vital devenu aride. Il me voulait guerrière, je suis devenue cruelle ; ils m'ont voulue docile, je suis devenue redoutable. La glace, le feu... dangerosité d'une brûlure, destructrice et funeste.
Bientôt, les émotions me furent étrangères, les sentiments inexistants. Plus rien n'avait d'importance que la réussite, préserver l'honneur Novgorodien, la fierté d'un aïeul diminué par le temps et l'absence de ses fils ; la folie s'était présentée quelques mois auparavant, quand le silence fraternel avait eu raison de sa patience et mon mentor n'avait, dés lors, eu de cesse d'ajouter aux exigences.
J'ai essuyé les railleries de mes compagnons, les jalousies et les colères aussi ; j'ai émasculé certains d'entre eux, j'ai brisé des curs et favorisé quelques élus... Garce selon les uns, Grâce selon les autres, mais crainte de tous ; c'était l'essentiel pour moi, l'objectif pour mon père qui me vouait à sa succession. Créature issue de son cerveau dérangé, il m'avait modelée à son image et je n'étais plus que mépris, arrogance et violence.
Quand il me dévoila ses projets, je n'eus pas la moindre réaction ; impassible, je me suis contentée d'acquiescer en silence... La nuit drapait la cité de son manteau sombre, j'observais la lune et, curieusement, le souvenir de notre radieux passé me revint. Mon avenir se scella dans l'obscurité.
[Un messager vient darriver, jai 18 ans,
Mon innocence a déserté, et moi je crie vengeance,
Lhorloge tourne, mon âme se suicide
Et moi je crève, je crève du bon vieux temps.]
Ironie du sort. C'est le plus proche collaborateur de Père qui me donna l'illusion d'un futur conjugué... Son omniprésence lors des dernières années ; il avait été mon maître d'armes, mon entraîneur particulier, mon confident. Ma confiance lui était acquise comme celle de mon mentor, j'en avais fait un frère de substitution et, je crois, que le patriarche le considérait presque comme un fils... qu'il n'était pas. Officiellement, il restait dans l'ombre de notre rang, obéissant aux ordres comme les hommes de la garde personnelle ; officieusement, il faisait des propositions, donnait son avis et, même, se permettait-il parfois de contredire le noble chef. J'en souriais, souvent. Perspicace, notre Knèze avait toujours tu mon accession au trône, je l'étais bien moins que lui à l'époque.
Notre relation se modifia. Il mentraîna insidieusement dans le vice, la perversion, la luxure... assurée de sa loyauté, je n'ai pas perçu le danger ; je l'ai laissé se jouer de moi, il a souillé mon corps, il a violé mon âme... Mon lignage m'a valu de perdre totalement mon humanité, il était dévoué mais n'entendait pas échouer si près du commandement. Il m'a tuée une seconde fois.
Je n'étais plus qu'une coquille vide... comment mener un peuple, diriger une armée, garantir la sécurité et la prospérité d'une cité quand on est incapable de se protéger soi-même ? Dans ma caboche dorée, c'était impossible. J'ai quitté Novgorod sans me retourner, un soir comme tant d'autres... je n'imaginais pas, alors, que je ne reverrai jamais mes parents...
J'avais fait du chemin depuis Novgorod. J'avais suivi la Volga, rejoint le Caucase et, de là, traversé la mer Noire pour la Bulgarie... L'escale me fut enrichissante puisque j'y faisais la connaissance d'une semblable. Maribel. Elle fut ma complice, mon amie, mon égale, ma sur. Nous partagions les mêmes vices, des souffrances similaires, un passé douteux dont nous n'aspirions qu'à faire le deuil...
Ebène quand j'étais Platine, des prunelles sombres à l'inverse des miennes ; nos physiques différaient où nos caboches dérangées nous unissaient... des contraires si semblables.
Et puis cette nuit de débauche. Le réveil en Empire.
Sion. Petite ville enclavée d'Helvétie, calme et trop tranquille, à l'époque. Peut-être est-ce différent aujourd'hui, je n'y suis jamais retournée. Cependant, elle fut le témoin silencieux d'un nouveau départ, d'une nouvelle vie. Une page s'était tournée, avec elle, la fin d'une histoire et la continuité d'une autre...
Quand ? Comment? Pourquoi ?
Quelle importance... Mon orgueil démesuré aura sans doute pesé aux épaules de mes proches ; je n'éprouve, pourtant, ni regret, ni remord. Unique blessure, à jamais béante, celle de ne t'avoir serrée dans mes bras, ne serait-ce qu'une fois.
Mais, si tu as lu ces quelques lignes, tu connais la suite.... Aujourd'hui, Ma Douce, c'est à toi d'écrire l'histoire !
[Un messager vient d'arriver, j'ai 30 ans
30 ans de liberté, mortel aboutissement,
L'horloge tourne, les minutes sont fictives
Et moi je n'existe, que dans l'esprit des gens...(6)]
1 - Knèze ou Kniaz: titre de noblesse valant prince/duc/comte
2 - Vetché : assemblée populaire, haute autorité de la république
3 - Envahisseurs : scandinaves dans l'idée, mais des teutons aussi au fil des années
4 Svetlana : mère de la fratrie, si ce n'était pas clair^^
5 Serguei : pas de descriptif afin d'éviter la moindre offense qui irait à l'encontre du RP actuel du personnage
6 L'horloge tourne Mickael Miro... honteusement détournée pour les besoins du RP