Acaciane
- - Angelina Camilla Graciana di Campiglio reviens ici !
- Non, non et non. Je suis en âge de prendre mes décisions toute seule maintenant. Et ma décision restera celle-ci : demain je pars !
Et voilà comment une véritable tête de mule se lançait dans une aventure bien moins romanesque quelle ne le pensait mais beaucoup plus dangereuse quelle ne le souhaitait. Quinze ans à peine, un joli minois tout juste sorti de lenfance mais un caractère des plus trempés faisait dAngelina Camilla Graciana une singulière tête de mule. Jeune fille en fleurs qui ne rêvait que de grands espaces, daventures, de princes charmants, elle avait décidé que sils ne venaient pas à elle, elle irait les débusquer. Oui mais voilà, quand on ne nait pas homme, il est difficile de faire entendre raison à son entourage. Alors elle avait promis de se rendre chez ce frère qui depuis des années avait quitté le bercail pour ne jamais y revenir. Au moins si elle voulait vivre laventure française, on la savait sous protection de ce dernier. Mais cétait sans compter sur le désir dévasion de la brune mutine et rebelle qui regardait le monde avec encore une certaine candeur dans le bleuté de ses yeux. Elle ne voulait pas quon entrave son projet ni même son insouciance et encore moins cette nouvelle indépendance. On lui rabâchait à longueur de temps quelle avait lâge de raison et quil faudrait penser maintenant à se marier ; elle, elle répondait à qui voulait lentendre quelle préférait encore être enfermée dans un couvent plutôt que dépouser le premier venu tout rabougris et sans aucune fantaisie dans la vie. Pauvre enfant, elle ferait bien ce quon lui dirait, le moment venu mais pour éviter une fugue ou toute autre idée aussi saugrenue, on avait concédé un peu de terrain et de liberté.
Mais aujourdhui, Ciana était sur ces terres françaises et elle se devait donc de prévenir son aîné. Ne sachant pas vraiment comment il réagirait à cette nouvelle, elle prit son temps et décida quil pouvait encore attendre. Allez savoir sil nallait pas la forcer à rappliquer chez lui en bonne et due forme pour la cloitrer. Non cette perspective nenchantait guère lenfant qui sommeillait encore en elle et quelque peu revêche et boudeuse, Ciana avait donc fait traîner les choses. Mais là, alors quelle était sur les routes de France, à explorer le monde qui souvrait à elle, elle se plia à lexigence familiale. Vélin et plume devant elle, bougie qui scintillait de mille feux à la tombée de la nuit dans une petite auberge dun petit village du sud, Ciana se mit donc à la rédaction de ce fameux courrier.
A vous, Louis-Josèphe Dimaro di Campiglio
De moi, Angelina Camilla Graciana di Campiglio.
Mon cher frère,
Vous rappelez-vous, il y a fort longtemps, de cette petite chose qui vous servait de sur ? Vous rappelez-vous quenfant je navais dyeux que pour vous et que jespérais quun jour vous memmèneriez découvrir le monde ?
Jai attendu attendu attendu jusquà lépuisement, là derrière ma fenêtre, pensant quun jour vous reviendriez pour me trainer dans une quelconque aventure. Mais rien. Javais juste besoin dy croire, quun jour moi aussi on memmènerait ailleurs pour visiter le monde mais il ne sest rien passé durant ces sept années où vous avez disparu. Jai juste grandi. Je suis devenue une jeune fille et il parait que jai lâge de raison maintenant. Alors comme il est de notre sang de se sentir à létroit entre les murs du manoir familial, jai suivi vos traces et je suis partie avant que lon me donne en épousailles à un quelconque inconnu dont je ne voudrais pour rien au monde. Cest un peu comme la faveur du condamné. On a bien voulu me laisser faire à condition que je vienne à vous afin de me mettre sous votre protection. Mais comme jai une bonne âme, je vous épargnerez ma présence. Il semblerait que vous ne vous souciez pas vraiment de moi depuis des années alors faites comme si jétais là et je vous laisserais en paix.
Pour le moment, mes pas se font lents et jai à peine traversé nos montagnes pour me retrouver dans le sud de la France. Je suis à Montauban. Il parait que cest joli à voir. Les villes ici sont plutôt vides et je my ennuie au final. Peut être que la grande vie dont je rêvais enfant cest envolée je me désespère de voir arriver laventure à laquelle je songeais alors que mes rêves nétaient pas encore abîmés. Mais je suis une éternelle rêveuse dit-on et je maccroche à cet espoir que bientôt laventure me rattrapera.
Mais je vais arrêter de vous assommer avec cet espoir futile donc je fais souvent preuve. Je tenais à vous faire part de mon arrivée sur les terres de ce roy de France dont je ne connais même pas le nom. Jai bien peur que mon enseignement ne fasse défaut ces derniers temps, jespère que vous men excuserez davance. Donc, me voici quelque part par ici ou par-là mais ne vous faites aucun soucis mon frère, je suis une grande personne maintenant et je saurais me débrouiller. Bien entendu, si vous désirez que lon se rencontre après toutes ces années de silence, je saurais venir jusquà vous dans un délai acceptable. Il va de soi que nous aurions sans aucun doute des choses à nous dire.
Avec toute mon affection
La jeune rebelle prit soin de signer délicatement sa missive même si quelques phrases dans cette dernière lavaient amusée. Elle se demandait encore si le blond avait changé. Ses souvenirs étaient parfois fugaces dautres semblaient tenaces mais au final, litalienne se demandait si elle navait pas inventé ces derniers. Lenfant quelle était lorsque son frère avait quitté la demeure familiale avait sans doute voulu, depuis, sinventer un univers parfait. Toutefois, quoi quil en soit, elle était bien décidée à vivre sa vie comme elle lentendait même si elle devrait composer avec lautorité fraternelle si Dimaro décidait duser de cette prérogative. Un long frisson parcourue le corps aux rondeurs qui se dessinaient doucement à cette pensée mais bien vite, Acaciane décida de chasser ses doutes pour ne laisser place quau désir de continuer son chemin. Quoi quil lui en coûte.
_________________