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[RP] Sernin, Cyprien, Augustin...c'est des potes.

Asphodelle
(ou ça dépote)


« L'homme qui lutte pour autrui est meilleur que celui qui lutte pour lui-même. »
Clarence Darrow




Pas de faste, ni d'orgueil, pas de hanches ourlées par le mouvement féminin, ni de chevelure lourde et ondulée, pas de bouche pulpeuse rougie d'un baiser qui ne fut nullement déposé, et pas de toutes ces choses impossibles lorsque la femme est naturelle, et qu'il pleut.
Le lendemain de l'arrivée, après une nuit à dormir avec les chevaux, elle venait de trouver son bivouac. A pleine lune. Ou presque.

Les gouttes translucides suivent les sillons de sa peau un peu blanche, tandis que ses mèches se foncent sous l'eau du ciel. Son regard menthe, posé sur la cabane, l'observe avec une gravité d'une profondeur mystique, comme si elles échangeaient à elles seules une conversation secrète. Elles ne se seraient pas vues depuis des années, elles avaient à se dire, sur un accord tacite et inconnu de toute la face du monde, le mot clé à partager.

Sur son épaule, sa vieille escarcelle. Sur son corps, une cotte et un surcot en drap grossier. Ses pieds effleurent l'herbe, intacte ici, car elle se trouve quasiment aux pieds des remparts. Derrière elle, le quartier des parias et des désabusés réchauffe l'atmosphère de sa présence franche, étendu comme une couverture mal dégauchie mais aussi tenace que sa populace.
Le peuplier vieux n'aime pas la pluie, mais il prends une teinte grisée d'une élégance rare, et même si la porte est à moitié décrochée, et que les murs penchent légèrement vers la droite, l'ensemble tient, il promet de tenir. L'ensemble est un cube de planches, sans étage, d'une seule pièce, absorbé par une montée de lierre fantasmagorique avec qui elle aura de nombreuses discussions. L'intérieur, un simple sol de terre battue, où les araignées de terre ont fait des galeries, ne dispose que d'un volume d'air à occuper en soi, mais propose une aire d'abri facilement aménageable.

C'était pauvre et ôté de tout superflu, y compris du nécessaire, fragile, voire faiblard, devant les murailles élancées et écrasantes, dévorant le ciel et menaçant de vous dévorer vous-même. C'était là où personne ne voudrait vivre. C'était loin du monde des Hommes, et en son centre exact également.

Elle est décidée sans émotions, et son visage ne se ride de nul sourire quand le choix est fait.
Alors, posant son genou à terre comme elle faisait Chevalier, elle s'imagine Isenduil dans sa main, plantée dans le dénuement, et retirant son chapelet de bois de Kreuz qu'elle présente devant la façade, elle baisse la tête, indifférente au ruissellement froid, ferme les yeux, et récite à mi-voix une prière au Créateur. Sa litanie dure plusieurs minutes, plusieurs dizaines de minutes, jusqu'à ne plus sentir son genou, jusqu'à ce que le geste devienne de particulier à étrange, d'étrange à mystérieux, de mystérieux à dérangeant. La posture considérée comme peu confortable par le commun, lui procure de la force, de la patience, une concentration intense où son esprit s'engourdit dans un état second méditatif et spirituel. C'est la deuxième fois qu'elle parvient à ce stade du retranchement en soi-même, jusqu'à ce que son être charnel s'efface. La première fois, c'était pour son office de funérailles d'Alcalnn. L'exercice peut être long, il lui était vital de l'accomplir.

Aujourd'hui, jour de jeûne.

Elle se relève, et n'attends pas pour s'affairer, posant son escarcelle à l'abri, elle attaque l'herbe à un mètre de la baraque, sur l'arrière, caché, à l'aide de son poignard. Ce poignard et ses couteaux de lancer toujours ceinturés à la cuisse, c'était la seule chose qu'elle se permettait en armement. Le trou est vigoureusement produit tandis que la terre un peu rouge apparaît. Jour maudit par le promeneur, elle trouve en la pluie une aubaine : de son extraction et malaxage, elle en fait plusieurs boules, collantes, qu'elle dépose sur le côté.
Lorsqu'elle se satisfait du nombre, elle en prends une à qui elle marrie d'herbe séchée de l'été, et après examen des façades, entreprends de reboucher les trous où le courant d'air malin peut passer.
L'histoire lui prends un moment, jusqu'à ce qu'elle soit sûre d'avoir fait le premier nécessaire pour le premier stade. Ensuite, les mains rousses, elle se plante devant la porte, et attache dans l'attente de mieux, la première latte au gond qui se dégonde.
Une suite de problèmes, une suite de solutions à trouver, une suite de défis et d'insatisfactions, pour le plus grand nombre un embarras, une situation insupportable. Pour elle : c'était parfait.

Le poignard alors, sur le battant extérieur de la porte, dessine une croix d'Aristote qui se creuse comme un message muet, pas discrète, qui ne se cache pas, qui bien au contraire, lève le nez bien fièrement.

Fier, c'était exactement comme cela qu'elle voyait son joli taudis. Un joli taudis béni de Dieu, calfeutré un temps, et possédant son premier chiotte.

Après avoir eut la satisfaction d'y pisser, elle entre dans son cube de planches, et pas peu heureuse, ôtant son surcot mouillé et sa cotte qu'elle pendouille à une branche de lierre attaché à l'arrache, passant par les écartements des bois du toit, elle s'étend à même le sol, et ayant vidé sa besace de cuir avec soin, sans abîmer le très peu qu'elle possède et qui ne vaut rien en valeur marchande et tant en valeur du Ciel, se l'étant posée sur les épaules, dans son unique tenue de vêtement de dessus, à dentelle anglaise...parce qu'elle adore la dentelle anglaise....elle passe son premier sommeil dans sa retraite, l'univers qu'elle se crée et ce que tout religieux devrait affronter une fois dans sa vie : le dénuement de tout, à la recherche de la plus grande des richesses.

Les araignées de terre sont d'accord.

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Youp...youp...youp...
Hervald
" Je danse le mia, pas de pacotille,
Chemise ouverte, chaîne en or qui brille "

IAM - 1994


Oh qu'il avait bien dormi le Chaton! Après un litre de vin de Rioja et l'équivalent en bière, il n'avait eu aucun mal à trouver le sommeil, vous pouvez me croire. Mais Hervald avait la dent dure...ou plutôt le gosier entraîné, et il était parfaitement conscient et tout à fait en forme trois bonnes heures avant le zénith.
Il en profita alors pour faire quelques emplettes, chercher un endroit où travailler un peu et se rendre utile. Car oui, Hervald rendait parfois des services contre quelques pièces de cuivre ou d'argent, selon le niveau de compétences. Ses voyages avaient fait de lui un charpentier de qualité et un fin connaisseur du travail du fer : ce qui faisait de lui un homme à tout faire pour n'importe quel village. D'ailleurs, il comptait bien faire du Duché de Mortain une belle place du travail de ces deux matières nobles, même s'il devait pour cela prendre lui-même les devants devant ses propres vassaux et serfs. Même pas peur!

Après un déjeuner frugal, car il ne faut pas non plus ressembler à une barrique au bout d'une journée, le fils de feu Alcalnn Blackney partit à la recherche de son amie. Elle avait parlé des bas quartiers la veille au soir, et de "vivre dans la pauvreté" dixit Asphodelle herself. Tout un programme. Du coup, Toulouse assistait à la scène la plus cocasse de l'année : le Chaton, tout propre et tout beau, se promenait dans les rues les plus infréquentables de Tolosa, paré d'une magnifique chaînette d'or et de son gilet de soie favori. Petite toque en peau d'ourson des Pyrénées et flasque d'eau de vie à la main. Vous avez le tableau? Sans doute qu'il aurait pu se faire attaquer une centaine de fois dans la demie lieue qu'il parcourut, mais le Très-Haut veillait sur lui. Le Très-Haut ou bien le long falchion à sa ceinture, à portée directe de sa main libre. Je vous laisse choisir.

Après un certain temps à se demander où Asphodelle avait bien décidé d'installer son "Taudis Général", le blond aux yeux azurs tomba devant ce qui ressemblait à une croix d'Aristote creusée sur du bois. Du bois qui formait une sorte de porte.


C'est pas possible...elle a tourné de la feuille. Ca y est. On l'a perdue.

Hervald commentait à voix basse, dépité. Autour du lieu, le chaos. Chiens qui puent et vieux moisis à moitié crevés. Bonnes femmes poilues et rats de trois pieds de long. Odeur fétide et tranches de fientes au sol. Le jeune cria:

Asphodelle!!? V'zêtes par ici? Hey ho!
Asphodelle
Elle dormait lorsqu'il criait, le fils du Chat devant sa porte.

Sortant d'un sommeil sans rêves, elle se redresse, et considère sa condition. Comme les enfants, c'était parfois rude de sortir d'une sieste. Elle en tire une mauvaise humeur organique.
Se frottant les yeux, elle sourit cependant : le jour était haut à présent, la pluie avait cessé. Une flaque absorbée par la terre sur le coin gauche indique une réparation à venir du toit.

Ses affaires sûrement, n'étaient pas sèches encore. Si les éclaircies étaient clémentes, elle les mettra dehors.

Ouvrant la porte, elle sort ainsi que vêtue : sa chemisette sans manches et son caleçon de dentelles, puisqu'elle n'avait rien d'autres à se mettre.


Blackney...elle l'avise, et lui ôte derechef sa chaîne en or, ainsi que son gilet, et sa toque.

Prêtez-moi votre gilet, et donnez-moi l'or et la toque. Vous venez en ces quartiers pauvres habillé comme un pacha, voulez-vous mourir ou bien humilier de vos atours confortables ces gens qui manquent de tout?


Elle souriait avec douceur, bien que ses yeux ardaient une certaine fermeté. Posant ses yeux sur l'entourage : vous voyez ici misère et crasse. Mais comment croyez-vous que les gens tiennent dans la souffrance et l'aigreur? Vices, calculs, mais également Vertus et Partage...elle le regarde et lui affirme la chose suivante : il y à plus de travail sur l'âme ici que chez les riches et les bien portants qui ne trouvent raisons de la travailler, en Bien ou bien en Mal.

Montrant les affaires dérobées, comme pour l'influencer à les lui laisser :
ils serviront à aider, en cela Dieu vous remerciera.
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Youp...youp...youp...
Hervald
Hervald hésita entre un coup de pied et un sourire. Dans le doute, il gueula pour faire un mix des deux.

Vous allez lâcher mes biens oui? Si vous voulez me mettre nu, proposez-le directement. Bon...vous êtes assez attrayante dans cette tenue en plus. Mais je n'ai pas envie d'aller dans les réjouissances devant ce public.
Vous croyez que le Très-Haut vous a vraiment envoyé ici? Vous avez bien regardé la carte de la ville? Alors oui, je ne dis pas que les riches devraient avoir la priorité....


Regarde autour de lui:

Mais là! Franchement ! On dirait Oanylone plongé dans des latrines! Un porc n'accepterait même pas de faire le jambon ici. Voyons Asphodelle...vous n'allez pas rester là, c'est un coup à chopper la suette.
Asphodelle
Je veux bien que vous vous foutiez à poil, oui...à condition de me donner vos vêtements.

Elle eut un fin sourire, et répondit, avec une gravité sérieuse :

Oui...Dieu m'utilise...il me prends et me fait faire des choses que peu oserait faire, il me place où je dois être : je le fus pour protéger des vies un temps, et puis ensuite pour foutre un gros coup de pied au cul d'une administration endormie...il investit les Roys, il fait et il défait, et aujourd'hui, ce qu'il veut de moi, c'est que je déterre avec mes frères les écrits d'Augustin, et qu'après études, nous mettions aux nues une autre façon de lui servir, sans quoi, tout sombre dans la léthargie, l'indolence et la somnolence.


D'un geste elle montre le décor : cette misère m'est familière...je suis née dedans, j'ai foulé quinze années de misère avant de devenir limier pour un seigneur du Poitou...si je dois marcher pieds nus, et avoir froid, si je dois avoir faim...alors que je devienne plus forte, et qu'en mon fort intérieur je réapprenne à contrôler mes émotions, mon corps, mes pulsions, et atteindre un degré spirituel où mon esprit aiguisé par la dalle, verra ce qu'on ne voit pas le ventre plein.

Si j'ai eut des moments difficiles pendant ma carrière de soldat des Saintes Armées, ce n'est rien comparé à un vrai état de pauvreté.
Ses yeux se rétrécissent un instant : il est bon que je discipline à nouveau cette âme et ce corps, que je fasse acte de contrition, et que je fasse aussi, charité.

Elle l'invite à la suivre sans attendre : allons échanger l'or et je vais donner cette toque à cette vieille femme que j'ai croisé tout à l'heure.

De pieds ferme, de foulées dynamiques, elle ajoute déterminée : un entraînement guerrier au lever du jour, ça vous dit? demain je dois placer des collets, il me faut de la peau de lapin. Vous me disiez également qu'il me fallait un cochon...se grattant la tête : moi fermière...vous imaginez? je vais pas savoir en quoi faire de c't animal ! et elle part dans un grand éclat de rire.

Au fait : si Dieu m'a pas envoyée...et bien...c'est MOI...qui m'envoie. Et à elle seule la résolution paraissait souffrir d'une pugnacité peu commune.

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Youp...youp...youp...
Hervald
Hervald ne comprenait tout, mais assez toutefois pour piger que ses biens s'envolaient. Allons échanger l'or...ben voyons. Donner la toque...encore mieux.

Je veux bien vous aider Asphodelle. Mais parce que c'est vous et parce que je compte bien prélever le cens et le champart sur les terres de Mortain. Utiliser mon or à des fins personnelles...vous ne manquez pas de souffle. J'espère que cela sera compris comme une action de grâce de ma part. Si ce n'est pas de la charité, je ne sais pas ce que c'est!

Bougon, le Blackney répliqua du tac au tac : Vous auriez pu vous envoyer ailleurs. Toutefois, je veux bien vous suivre sur un entraînement matinal demain. Et vous aider à trouver une bête adéquate : je suis doué pour l'élevage....grâce à mes voyages. Les cochons m'apprécient, allez comprendre pourquoi. On va aller se trouver un éleveur et lui acheter une bonne bête, qu'on va engraisser...et des lapins...et poser des collets pour se manger une ou deux grives après l'entraînement : j'aime bien les petits oiseaux qui croquent sous la dent. Mais la voyant partir, il héla : Mais on va échanger l'or, "tout de suite tout de suite"?!

Résigné il était. Et puis Asphodelle, quand elle avait quelque chose en tête...il était parfaitement inutile de la contrarier. A la rigueur pouvait-on la guider vers un chemin adjacent.
Asphodelle
Les cochons vous apprécient? tiens donc...fait-elle avec un sourire un peu taquin...

Je n'achèterai pas les lapins...je vais les chasser...sinon je ne serai plus une pauvre si je commence à sortir ma bourse à tout bout de champ.
Avec le lapin, je mangerai demain...et avec sa peau, je récupèrerai la substance visqueuse dont je ferai la colle de peau, avec quoi on fait également un tas de choses utiles...des toiles...d'ailleurs. Avec les os, je taillerai des aiguilles, et une partie me servira aussi à faire de la colle.
Le cochon me servira à nourrir une partie de mon quartier : dans le cochon tout est bon, voila l'aubaine. Je ne peux le chasser, je vais donc user de mon pécule...sachant qu'il n'est pas non plus énormissime. Je garderai les soies pour faire des pinceaux...la particularité de la soie de porc est qu'elle retient parfaitement l'eau, et donc, les badigeons de chaux. Je dois aller voir un berger, et lui mander de me donner la peau de ses agneaux morts-nés : j'ai grand besoin de beaucoup de papiers. Je tenterai d'en trouver venant de Valence, ce papier rugueux et bon marché...des plumes, et de l'encre, et je serai heureuse ! le reste je trouverai dans la nature et au fil du temps.


Elle le regarde et sourit : voyez...C'est cela que je veux remettre en marche.

La moitié du travail d'Asphodelle allait reposer sur un perfectionnement de ses états spirituels, par l'acceptation d'une situation facilement améliorable si elle le voulait, en ne le faisant pas, et par l'étude et la prière, l'action aux autres. Mais l'autre moitié reposera sur l'entraînement physique, et mental, de façon à pousser plus loin ses états guerriers.

Stagner, c'était reculer.
Stagner, c'était mourir.

Et là, elle se sentait stagner, reculer...mourir.


L'or ne sera pas pour moi...je vais l'utiliser en l'achat de biens utiles car l'hiver approche.
Il faudra pourtant à un moment donné qu'elle pense aussi à elle.

Elle n'est pas suicidaire pourtant, le but sera évidemment de rester en vie, ou cela ne servirait à rien. Mais frôler le précipice était nécessaire, c'était l'adrénaline qu'elle n'avait plus et qu'elle recherchait de fait.
Elle se tait sur le chaudron à dégotter, sa principale frayeur : manquer du diacode.

Pour l'heure, elle marche dans les rues, à la recherche d'un acheteur d'or.


Savez-vous où je peux trouver un tel charlatan? elle ralentit le pas...sa méconnaissance de la ville pesait dans ses pérégrinations.

Une voiture soudain les frôle, elle fait un écart en poussant le jeune Blackney...

Surprise, elle va pour crier "au chauffard", quand elle s'aperçoit qu'une chose est tombée de l'avant...se penchant, elle avise l'objet rempli de boue.
Un fouet long. Haussement de sourcils.


Et sinon, vous avez accompli vos grâces ce matin j'espère...
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Youp...youp...youp...
Asphodelle
« Jette le chanceux dans la rivière, il en ressortira avec un poisson dans la bouche. »
Proverbe arabe



Aaaaaaaaaah....un bâillement heureux commence la journée.

Le logis s'était vu agrémenté d'une toiture de chaume déjà bien plus étanche. Plus lourde, les planches accusaient un léger fluage en leur milieu.
Pour l'instant, ça ira. Mais avant les premières neiges, il lui faudra consolider cela.

Pour le foyer, elle avait aménagé en terre un âtre fermé avec une colonne sommaire.
Celui-ci lui avait demandé de nombreuses allées venues jusqu'au puit. Pour aller l'y chercher, elle s'était confectionnée un "bâton d'eau" : plusieurs outres de cuir cousues, et pendant par des liens au bout du bâton qu'elle portait sur la nuque. La difficulté était enchanteresse : les outres molles, il fallait garder équilibre, les remplir en serrant le ventre avec le seau du puit, et une fois ici verser dans la petite flaque prévue à cet effet le temps de la construction.
Le puit était loin, l'effort pénible : c'était parfait !
Sourire dans l'adversité, se contenter de peu, cultiver l'espoir et soigner sa détermination. Toulouse, paraissait avec ses travers, prendre le parti d'une ville de défi et d'avancée extraordinaire.

Mais parce qu'il ne fallait pas se mettre en danger, elle faisait en sorte de se préserver pour l'hiver à venir.
Asphodelle avait des notions : son père adoptif maçon tailleur de pierre, à l'occasion, aidait également l'érection de maisons sorties de terre, dans la matière locale : pisé, adobe, pans de bois et torchis, mur en moellons hourdé de mortier de terre....partout dans le grand sud-ouest.
Après le départ d'Abi, sa mère, Petit Pierre de Taillebourg l'avait pris avec elle sur les chemins.
Elle l'avait suivi, persuadée qu'il était son père. Celui-ci ne démentit jamais la chose.
Autant son demi-sang di Césarini de par Ujio exécrait sa mère, autant son demi-sang EtxeBerri était adulé de Pierre, fou amoureux de cette exécrable sorcière qui les abandonna tout deux.

Le foyer cependant, refoule. Le feu prends mal, et l'intérieur de la bicoque reste humide.
Les enduits de terre demandent une confection d'avant-toit plus en avant sur les côtés pour les protéger de la pluie.

Malgré tout, elle est heureuse de vivre dans sa pauvreté forcée.
C'est comme si... elle enlevait le superflu. Des couches et des couches d'en trop qui lui bouchent la vue, et l'empêcheront d'étudier correctement.

A présent, elle le sentait, c'était le moment : préparer un coin de table, une bougie, et de quoi écrire. C'était le moment.

Tiens? un porteur? tiens? une lettre...
Une lettre du Vice-Grand Ambassadeur Royal...Aeglos?
Elle remercie et offre ... le dernier fond de vin coupé d'eau, de la mauvaise piquette à pas cher dans sa gourde. Il refuse, il fait bien, elle s'y résigne, embarrassée de n'avoir rien de potable à offrir pour le coup.

Desceller, et ouvrir le pli....

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Youp...youp...youp...
Hervald
Hervald aussi traînait dans le coin. Et depuis l'épisode de l'or, il tâchait de venir dans le plus simple appareil. Non, pas nu....vous êtes pas un peu bêtes non? Mais habillé comme un "gens simple", un tout venant.

Asphodelle avait parlé d'un entraînement, alors le quasi presque Duc de Mortain était venu armé d'une épée et d'un bâton, pour répondre aux envies de la religieuse d'armes.


Asphodelle? Etes-vous dans le coin ou bien avez-vous finalement été desséchée par la faim et la soif des bas quartiers?

C'était humide autour du taudis. Pas bon pour y vivre, même pour une asphodelle. Et puis il insistait peut être un peu lourdement...mais ça puait bordel à chiottes!
Asphodelle
Le Blackney avait peut-être voyagé, mais il semblait pas taillé.
Elle lève les yeux au ciel, en se disant que Dieu, pour Alcalnn, il allait falloir qu'elle s'occupe de faire son éducation.

Vrai, elle avait un peu perdu de poids, mais vrai aussi qu'elle avait pris du rouge aux joues.
Les jours passaient et sa vision de la Foy s'affinait. Le papier s'accumulait sur un coin de table, un mobilier très austère et qui ressemblait plus à un pupitre.

Elle avait commencé à se chercher une maison sur Saint Sernin, car la vie d'ermite n'allait pas de pair avec les services à la Cité.
Déjà Capitoul, adjoint au maire et Ambassadrice, la lettre reçue l'autre jour la rappelait à son poste d'Ambassadrice Royale, et c'est le portefeuille de l'Ecosse qu'elle récupérait.
Impossible de s'habiller comme une souillon pour se rendre au Louvre, pas plus qu'à la Chancellerie Toulousaine.
Décidée à rester humble, elle s'obstine à ne pas abandonner Saint Cyprien et sa bâtisse pourrave, et à tenir bon dans la rédaction de la deuxième Règle Monacale, destinée à montrer à Saint Benoit, qu'on peut se donner à la religion sans se prendre pour Dieu le Père, et faire chier son monde avec ses édits de mis au ban des gens pas comme lui. Et pour cela, une personne, un homme.
Elle travaille sur ses écrits, les compare au Livre des Vertus.

L'Eglise de France va elle aussi pouvoir s'appuyer sur une base saine, revue, et reprendre par là-même, un mouvement que le Roy Saint-Louis lui-même a reconnu. Elle pourra alors inscrire le nom d'Eusaias comme le Roy qui lui fit suite, et créer une généalogie royale à la survie de cet esprit, l'esprit de tolérance et de construction.
Bien que devant repasser son corps fatigué dans des corselets de soie, elle ne se laissera pas envahir par les ors, et créera son Couvent, à la nouvelle année, si ses travaux se passent bien, avant, si Dieu le veut.


En attendant, le Blackney n'était pas taillé.

Vêtue de braies et de ses bottes, jour de fête, elle n'a pas le sabot de bois aujourd'hui.
Pas d'armes non plus, mais par contre, toujours le fichu sur la tête, pour cacher ses cheveux sales.


Vous êtes une chochotte Hervald, et je sens qu'au contraire un séjour ici avec moi vous pends au nez. Vous êtes baptisé à ce propos? C'est pas que, mais elle a déjà une idée derrière la tête.

L'entrainement de ce jour ne comportera pas de maniement des armes : avant cela, il faut d'abord savoir si votre corps peut accomplir des choses élémentaires comme sauter un fossé large, ou un tronc un peu haut, courir dans les taillis et être vivace entre les talus de sous-bois...combien de temps vous tenez à la course, et quel poids vous pouvez portez...du haut de quelle branche vous pouvez sauter sans vous fracasser la cheville...J'suis pas une mauviette d'escrimeuse qui se bagarre en robe dans une jolie lice avec un beau Maître d'Armes rasé de près moi !

Après avoir reniflé, elle ajoute à sa décharge : ouais j'avoue c'est la seule entorse que j'ai fait aux règles de la Chevalerie...tout le ramdam du combat en duel...c'est...c'est un truc de nobliaux ça...elle le regarde en souriant : soyez heureux la neige n'est pas encore là ! sous-entendu : "t'as pas tout vu mon coquin si tu veux t'entrainer à mes côtés !"
Cela dit, je ne connais pas l'état de ma jambe et ce que je peux lui demander...il se peut que je doive renoncer à mes élans de soldat, et....et alors...il me restera la pendaison, puisque je suis pas foutue d'avoir un mari...
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Youp...youp...youp...
Asphodelle
«Autre jour, autre matin, où Buddy Parker est attendu à Fort Hampton...»



Mmmmm les clés...
Quelles clés? t'as pas d'clés...t'en as pas parce que t'as pas de serrure...


Ah oui, c'est vrai. Tu veux qu'on te vole quoi? tes petites culottes en soie?
Asphodelle ne porte pas de petites culottes en soie, quant à savoir ce qu'elle porte vraiment, hormis sa ceinture de chasteté branchée sur du 50 000 Volts...augmentée à 100 000 quand ces petits moments fugaces, elle perds le contrôle d'elle-même et se transforme en...

Son papier grossier fut caché dans sa paillasse, il était important de ne pas le perdre.
Le verre de Murano tanguait dangereusement au bord de l'épuisement. Ce matin, c'est ce qui la travaille.
Bien-sûr, elle en profitera pour se rendre sur la côte, et là-bas, elle se hâtera de faire un marché en toute discrétion au nom d'une certaine "Mordekaï".

Tout le monde ignore que c'est son nom en Orient, sauf les concernés...en Orient.

La date fatidique approche et elle avait de plus en plus de mal à contacter sa mère. Si celle-ci en avait encore dans ses réserves elle n'en doutait pas. Mais la date approche et elle n'a pas de bonne réponse à lui fournir. Peut-être, à sa prochaine visite au Louvre, elle passera à la Cour.

Pour l'heure, elle tente de se rassurer : la cargaison en contiendra et elle aura de quoi tenir pour les mois à venir, où de toute façon, Anya lui administrera son traitement de choc.

Le devoir l'appelle, elle enclenche la pièce de bois qui assure la fermeture du gîte, et grimpe sur sa monture. Le magnifique Lusitanien argenté, cadeau de sa mère, est nerveux, il ne la voit pas assez souvent. Elle amène sa canne, accessoire utile, armée, autant pour la discrétion que pour le soulagement de reposer sa jambe.

Habillée en fonction de la nécessité, "out" les haillons...
Sous sa pélerine à capuche pointue, chaussée de brodequins, vêtue de braies de daim, camisole et doublet à vestir de linon, bannolier sur les hanches et non sous les seins, fronteau sur ses cheveux lâches..."à Rome faisons comme les Romains", et c'était pareil pour l'aventure.

Un coup de talon dans les flancs, elle traverse Toulouse et disparait par une des Portes, simplement adressé, un mot pour Hervald...accompagné d'une "recette d'amabilité", pour la chicane.

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Youp...youp...youp...
Asphodelle
« La beauté sera comestible ou ne sera pas. » Salvador Dali
«Où Buddy Parker voit l'Enfer et le Grand Canyon dans son verre de Murano»




SHBARF !!!

Le bois s'incruste dans la tempe...la tempe mollasse, du coton par où les idées s'échappent. Les incrustations nerveuses au sein de son dos vacillent sous des impulsions neurologiques aliénantes : c'est le verre de Murano qui ayant tangué à son départ au bord de l'épuisement est désormais évaporé jusque dans ses infimes molécules...

Le vertige résiste, la respiration halète, et c'est comme cette chienne croisée au carrefour du quartier des tanneurs et des pargaminiers, la langue pendante, l’œil vitreux et la queue basse. Le pas lent dans la mélasse, l'air d'avoir rejoint un autre univers avant d'avoir bientôt quitté celui-ci : le paradis des chiens peut-être. Pour Mordekaï, le paradis est encore loin.

Les doigts lents effleurent la matière de la pèlerine qu'elle ne porte plus, perdue, égarée, comme l'est son âme quelque part sur le chemin. Ils suivent le tracé courbe de sa hanche, tâtonne le long de la camisole, ondulent sur son ventre...ils cherchent les clés. Mais il n'y à toujours pas de clé à ta porte Asphodelle.

La joue posée sur le peuplier gris, le regard désespéré s'accroche à chaque information envoyée à la rétine, parce qu'elle n'est pas encore partie, que le Rubicon n'est pas traversé. Il suffit du souvenir fugace de cette pièce de chevron simplement basculée entre deux croches de métal rouillé, pour parvenir à pénétrer dans l'antre froide et sentir la besace remplie de paperasses quitter son épaule roide, explosée l'instant d'après dans l'inconscience d'un vide happant chaque lamelle de son environnement. La pensée fixe, le but est entêtant. Entêtant comme la tête du pavot blanc, "Papaver Somniferum", variété album, Provenance : Turquie.

Il y à une limite à l'intolérable : de cette découverte d'un état bien trop latent, de ce contrôle de l'intérieur de sa tête, cette possession mentale qu'il est impossible de retenir, il n'était question d'en faire la confidence. Les rues avaient donc défilé jusque là, douloureuses, longues, à la faveur du soir, entre chien et loup, où on ne saura la définir, ni chienne, ni loup.

A présent, à genoux devant le marmiton trop petit pour la contenance souhaitée, l'évidence d'une ébauche de concentration supérieure aux précédentes se dessine dans son esprit, une ébauche couleur encre qui met en scène l'échec. Un échec d'un bout à l'autre, quand depuis l'hiver dernier, la lavande s'est vue petit à petit destituée par l'afioun, substance des Fida'iyyuns et élixir de toutes leurs folies.
Pourtant, c'était irrésistible. A ses débuts, narcotique salvateur prescrit pour ses douleurs autant physiques qu'intérieures, la date limite avait été simplement dépassée, et la blessure de guerre avait pris plus de place, même lorsqu'elle ne se manifestait pas.
La tentation et les doses rallongées, et l'âge, l'avancée.
Le monde devenait plus lourd, les gens de plus en plus décevants. La déception perçait, perlait, transpirait par les pores de ses relations. Des rencontres longues aux plus fortuites, beaucoup y mettaient du leur pour ne faire du tissage de ses bouts de temps partagés ensemble, qu'un patchwork incohérent, qui ne tient à rien, et à présent, on pouvait même se permettre de la demander en épousailles au-dessus d'un chausson aux pommes, et faire, semblait-il, de ce geste une pure fantaisie.

C'était folie ! de leur mépris dédaigneux, sans fond, gratuit, à l'agressivité au long court, comme le flot d'un torrent, de l'indifférence à la vacuité imbécile de ces vies qui se croisent et avancent, parallèles, sans se croiser vraiment, ni être vraiment parallèles...Des actions sérieuses et graves, qui basculent dans l'ineptie ridicule d'un moment, tout est un rien, une vanité inconséquente, l'utilité d'un côtoiement réduit qu'à l'utile, quand elle trouve que tout est important, que rien n'est anodin, que tout est si précieux. C'était folie, réellement, ces destins sans attaches, ces univers concentriques, égocentriques, qui tournent sur eux-même et rencontrent l'objet si l'objet traverse leur chemin...pour le quitter, au virage suivant.

Alors le looch est salvateur, il aide à porter le fardeau, à marcher correctement, et puis parfois, il ouvre l'esprit, à d'autres ailleurs, où sa pensée est unique sous le firmament, avec Augustin et ses arguments. Parfois, et dernièrement plus souvent.

Mais c'était échec d'avoir écrasé la lavande. Bien que l'attente, trop longue, lançait des relents nauséeux dans le fond de sa gorge, l'évidence bien plus cruelle s'imposait à chaque matin, et maintenant que la dernière goutte remontait à cinq jours, l'affaire paraissait plus cruelle encore. Les pigeons survolaient autour de sa tête, et les porteurs filaient dans leur course, mais aucun ne s'arrêtait à ses pieds, selon les mots, mots pour mots, d'une promesse signée.
Depuis cette semaine passée vers les frontières, les choses et la valeur des choses paraissaient répugnantes, d'une âpre lassitude, aussi acide qu'est sa révolte.

Les mains tremblent autour de son cou, quand au-dessus d'elle et sous le toit de son abri, nulle étoile ne scintille dans le reflet de ses pupilles.
La fabrication durera un bout de la nuit, et le reste sera posé à prendre la tangente, refuser de comprendre, dégager de là et rejoindre les nimbes vaporeuses d'un éther où ses questions n'ont plus de points d'interrogation, où les nuages ont placé sur la couche terrestre un brouillard épais, qui après avoir mangé les gens, lui rendra la paix, et le sommeil, dans sa plus magnifique conscience.

Demain alors, à son réveil, elle sera en pleine forme, énergique, parée à toute attaque, prête à reprendre le cours vilain de la vie, l'espoir tatoué sur sa peau, et l'air débarrassé des effluves sombres, de ses envies de frapper, de mordre, tout sera dilué.
Au centre des couleurs vives de ce jour nouveau, sous un soleil nouveau aux pensées nouvelles, même son arcade sourcilière bleutée ne trouvera résonance.

Ainsi, jusqu'à la prochaine fin du sirop brun, et jusqu'au retour de la lavande.
C'était la routine des effluves audacieuses de la pensée libérée, à freiner avant que la mort - ou le diable - ne l'emporte.

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Youp...youp...youp...
Asphodelle
« Le meilleur de vos serviteurs est celui qui ne cherche pas à entendre de vous ce qu'il souhaite, mais à souhaiter ce qu'il a entendu. » Saint Augustin



Les doigts dans la terre, malaxant les pailles et l'herbe sèche qui composaient le torchis. L'enceinte qui doublait sa cabane avait demandé quelques poteaux de bois, des moises et des lisses, du contreventement, des éclisses, des chevilles. Peu grand, moins de coût, bois de récupération. Le torchis posé en boule s'enroulant comme une liane salutaire, le froid pouvait arriver, les pannes courtes et chevrons supportaient à présent le chaume sur la volige. La fin des travaux arrive, et sa cabane simple ne serait pas son tombeau cet hiver. Sauf si l'on y fout le feu. Elle y pensait, devenue paranoïaque avec le temps qui passe et l'acharnement qu'elle va mettre, et avait déjà dessiné le plan d'un tunnel souterrain qui reparaitrait au droit d'une tour sous un buisson. Pensait à tout la lapine.

Un regard dans le vide, l'emprisonne dans ses pensées méditatrices.
Au gré de sa lecture, elle se rendait compte que la place de sa Foy était là : la vision selon Augustin. La Foy, puis l'Intelligence.

La méditation par le Raisonnement sur la Création, le Bien et les Vertus, et en devers d'Aristote, Platon.
Pourtant, Aristote ne s'en trouvait pas exclu. Il y avait une réflexion plus humaniste, qui revenait de ces temps antiques.

Les pieds brulés par la foulée sur cet ensemble mêlé de cailloux, de paille, d'eau et de terre, elle ne les sentait plus.

Même si l'Eglise de France, humiliée, diffamée, passait au crible des menteries et de la méconnaissance, elle ne devait pas abandonner.
Saint Benoît échouait à sa tâche. Il a composé une Règle que ces jours ci, Rome ne peut plus suivre, ayant quitté le rang des élites, reproduisant les actes hérétiques d'autrefois, qui persécutaient les aristotéliciens. Ils avaient échangé leur place, et sans un mot, envoyaient leurs sbires dégoulinant de duplicité, parlant de voix mielleuse aux grands de ce monde, pour faire leur volonté qu'ils appellent être celle de Dieu.

Pourquoi alors, Nicolas n'est-il pas sacré? Pourquoi Rome ne le sacre t'il pas? N'avait-il pas nommé un Grand Aumônier il y à quelques mois?

Toutes ces réflexions ne tenaient pas, elles pouvaient tourner dans un sens ou un autre, Asphodelle s'enfonçait irrémédiablement dans la tendance augustine...

La Réforme n'a pas assez de chaleur pour elle, bien trop souriante, elle ne comprends pas cet état de choses. La froideur l'emmerde : les Princes sont froids, les Comtes se la jouent, les gens sont méfiants, les romains sont froids, les réformés sont froids, Peste soit de la froidure !! Y en avait marre de la froidure !

Elle inspire, elle ira une nouvelle fois à contre-courant : si la chaleur manque, elle l'apportera...si la bienveillance manque, elle l'amènera...si le bénéfice du doute est un pouvoir oublié, elle le rappellera. Si ça plait pas c'est la même.

Trop vieille pour se laisser compter, trop vieille pour plaire, et c'est peut-être une avancée : cesser de vouloir plaire et d'être aimée à tout prix. Faire ce qui est juste, le reste passe et s'appelle "vanité".

Tandis que son regard s'assombrit, elle s'applique et ronge son frein, posant avant la pluie et le gel surtout, la dernière ligne de torchis.
Un enduit terre sur le tout avant les mois d'hiver, et un jardin bouquetier dans le fossé tout autour, pour assécher la terre et se donner du courage tant qu'à ses objectifs.

La cheminée prenait forme, la flambée sera prête sous peu.
Sur le sol, de la chaux, d'abord, pour assainir la terre...puis elle le battra de toutes forces, et le tapissera de paille et d'aromates pour parfumer.

La main posée sur le mur, elle sentit le poids de ses luttes, et ses épaules s'affaissant, posa son front sur la terre odorante.

En silence et sans grands bruits, pour la première fois depuis longtemps, elle pleura, le cœur lourd.



Les nouvelles avaient été mauvaises.

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Youp...youp...youp...
Asphodelle
« Tant qu’un homme n’a pas découvert quelque chose pour lequel il serait prêt à mourir, il n’est pas à même de vivre. » Martin Luther King



En prières, les mains jointes, et à genou sur un boudin de lin. Face à elle, une croix d'aristote accrochée - une croix d'aristote et pas "leur croix" comme ces imbéciles de détracteurs Romains veulent faire croire parce que l'"Eglise de France c'est caca" - au mur.

En prières avant le lever du soleil, et la bougie près d'un tas de papier grossier, d'une plume neuve, et d'une encre noire comme le charbon.

Elle ne récite pas de crédo : pour Augustin, quand aucune prière ne va, il faut l'inventer soi-même. Elle étudia longuement la question et trouva dans les allégations de Christos la permission pour ce faire, car au début des temps missionnaires, nul livre ni églises consacrés n'étaient encore publiés et construits en grande échelle.


"...pssspptttchppt....donnez-moi....pssshhcthchnlidpp...volonté.....pshchhhttippplsf...sagesse....pshhchhldlppshls...compréhension..."

Au bout d'un temps interminable, elle se signe.
Puis elle se lève.

Dans une coupe d'étain elle se lave les mains, les essuie.
Habillée d'une robe de bure blanche, de bas de grosse laine et de sandales, elle s'immerge dans la spiritualité du moment : il est temps de créer la Règle de leur Mouvement.




Citation:
Chapitre I: L'Ideal de Base: Amour et communauté


I

A vous qui formez une communauté monastique, voici ce que nous prescrivons d’observer.

2. Avant tout, vivez unanimes à la maison, ayant une seule âme et un seul cœur (Vita de Christos, chapitre XI - 6-9) en quête de Dieu, à tendre vers lui et sa perfection. N’est-ce pas la raison même de votre rassemblement et de votre existence ? (Création, VII, 8 )

3. Qu’on n’entende pas parler parmi vous de biens personnels. Veillez au contraire à ce que tout vous soit commun. Votre frère prieur doit distribuer à chacun de vous de quoi se nourrir et se couvrir, non pas selon un principe égalitaire-car votre état de santé n’est pas le même- mais plutôt à chacun selon ses besoins.

4. Que ceux qui possédaient quelque bien dans le monde acceptent de grand cœur que ce soit mis en commun, dès leur entrée au monastère. Mais s'ils possèdent quelques biens particuliers qu'ils veulent conserver pour soi, qu'ils ne se vantent pas de les avoir, et le mettent en commun si ceux-là manquent à la communauté.

5. Quant à ceux qui s’y trouvaient dépourvus de biens, qu’ils n’aillent pas chercher au monastère ce qu’ils n’ont pu posséder à l’extérieur. Mais qu’on ne manque pas d’accorder à leur faiblesse les soulagements qui s’imposent, même si leur indigence les forçait à se contenter du strict nécessaire à l’époque où ils se trouvaient au dehors. Cependant, ils ne doivent pas placer leur bonheur dans le fait d’avoir trouvé vivre et couvert tels qu’au dehors ils n’auraient pu se les procurer.

6. Qu’ils ne relèvent pas non plus la tête parce qu’ils partagent la vie de personnes dont autrefois ils n’auraient pas osé s’approcher. Qu’ils élèvent plutôt leur cœur et ne cherchent pas les choses vaines de la terre. Qu’il n’arrive pas aux monastères d’être profitables aux riches et non aux pauvres, si les riches y devenaient humbles et les pauvres orgueilleux.

7. D’autre part, que ceux qui jouissaient d’une certaine considération dans le monde ne dédaignent pas leurs frères qui se sont joints à la communauté à partir d’un état de pauvreté. Qu’ils s’appliquent plutôt à tirer gloire de la compagnie de frères pauvres et non du rang social de parents fortunés. Et qu’ils ne se vantent pas d’avoir contribué de leur fortune à la vie commune, et ne retirent pas plus d’orgueil de leurs richesses, pour en avoir disposé en faveur du monastère, que s’ils en jouissaient dans le monde. Les autres vices, en effet, se manifestent dans l’accomplissement des œuvres mauvaises, mais l’orgueil, lui, menace même les bonnes œuvres afin de les anéantir. Quel avantage y a-t-il à prodiguer ses biens en faveur des pauvres et à devenir pauvre soi-même, si la pauvre âme devient plus orgueilleuse en méprisant les richesses qu’elle ne l’était en les possédant ?

8. Vivez donc tous dans l’unité des âmes et des cœurs, vous lisez, en effet, dans la Vita d'Aristote : Aristote : "Le divin est un Tout unique et le divin est la perfection, donc la perfection est unité. L’unité est la forme idéale des choses." Honorez Dieu les uns auprès des autres car chacun de vous est devenu son temple (Christos Logion 5).




A la fin de la première des huit études, elle indique les grandes lignes de la Règle numéro I.


Citation:
Chapitre I: L'Ideal de Base: Amour et communauté

Modèle de la première communauté de Jérusalem: ayez un seul coeur et une seule âme en quête de Dieu. - Vivez dans l'unité des âmes et des coeurs et honorez Dieu les uns auprès des autres.
Mise en commun des biens comme première réalisation de la vie en communauté.
La vie en communauté n'est pas pure uniformité sans discernement; elle exige que la spécifité de chaque personne soit reconnue.
Humilité et orgueil comme facteurs positif et négatif dans la vie en communauté.


Puisque chaque chose est fait avec ordre et rigueur avec Asphodelle, elle annote également un mot sur le côté après une flêche :

Couvent.

Ainsi dans son esprit est déjà crée et organisé la première des Huit Règles qui contribuera à poser le socle de leur Eglise.

Elle recopie soigneusement son étude, et empoigne avec assurance mais douceur le scel de l'Eau.
Le tout est déposé entre deux feuilles de parchemins, et l'ensemble dans un dossier de cuir fin et souple roulé et scellé, glissé à son tour entre ses deux seins.
Le dossier n'aura pas quitté le balcon, alors qu'il sera posé au vote aux Palais, .

A ce stade là de son évolution, il n'était plus possible d'arrêter Asphodelle. Hier encore peut-être, mais aujourd'hui, son esprit était pris d'une fièvre fourailleuse spirituelle : elle ira plus loin, plus loin dans la compréhension, que toutes les religions du monde pouvaient bien avoir créées : ""Nous sommes certes enchaînés à la matière, certes soumis à ses lois, mais notre but est de tendre vers Toi, l’Esprit Éternel et Parfait. Donc, selon moi, le sens que Tu as donné à la vie est l’amour." Plus que tout au monde, elle voulait aider l'humanité à suivre le but de la vie. Ce qu'elle voyait autour sonnait comme un échec, il fallait rendre les choses plus accessibles, plus précieuses, plus proches des Hommes. Le temps de l'Obscurantisme connaîtra son Opposante, mais ce sera sûrement l'une des plus douces connues.

Une fois ceci fait, elle s'assiéra, et priera encore.
Deux choses devaient être faites maintenant : relancer les Jeux Floraux pour faire briller les arts et l'étude en Toulousain, et organiser la soupe populaire, car le froid est désormais là.

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Youp...youp...youp...
Asphodelle
[Saint Sernin]


«L'Armagnac se boit avec des prunes.»
« Cochon qui s'en dédit.» I. Proverbe populaire


La brigandine était plus aisée d'entretien. C'est d'ailleurs ce type de protection qu'elle utilisa massivement à Jérusalem. Etrangement, elle y avait chaud, mais les combats là-bas étaient différents d'ici. A dos de monture, elle y avait appris la voltige, le vent et la vitesse en plein visage, soit la capacité d'accomplir des actions sans quitter son canasson, même lancé à vive allure.
Combien de gamelles elle prit... ce fut un massacre. L'occidental est lourd et mollasse, elle jura sur sa naissance des milliers de fois, éprouvant pour l'homme brun, le Maure, l'Ottoman, le Berbère, une profonde admiration proche de la vénération.
Mais l'Asphodelle était aussi stupide que pugnace.
Après une épaule deux fois démise, une clavicule cassée, une hanche explosée sur le sol de poussière caillouteux, elle l'a eut son Galop. Elle le voulait et elle l'a eut. Si elle a des séquelles? mais évidemment....qui pourrait se targuer de soumettre son corps à si dur traitement sans séquelles? mais si elle tends à vouloir faire plier les situations, son corps ne passait pas outre, et sa volonté exige.
Et Abruti fut en ce sens un magnifique cheval.

Cet étalon pur sang récupéré à Bayeux pendant la bataille contre l'Iris Noir, avait été éduqué à la façon brigande, puisque son propriétaire en était un : une monture en or, donc. Nerveux, capable de tous les terrains, petit au garrot, infatigable et de caractère dégueulasse. D'où ce nom, puisqu'il ne répondait qu'à l'injonction sèche. Pendant ses mobilisations, ses errances d'espionne, ses escortes pour Rome, il fut un champion, et elle nourrit à son égard, ce qu'elle ne parvenait pas à lier avec Jéricho.

Jéricho Saint-Louis, le magnifique Lusitanien argenté, cadeau de sa mère, lui fut offert pour briller en société, pas pour être le prolongement de son bras et de ses jambes. Elle dut se séparer d'Abruti, le confiant à la retraite méritée après tant...mais tant...Dieu, tant...autant d'aventures, en France, Empire ou Espagne qu'en Orient. Il avait mérité son repos, mais elle ignorait si elle ferait de Jéricho un destrier à la hauteur. Il le fallait pourtant. Le lien du soldat avec sa monture était primordial.

La Guyenne allait le décrotter. Autrement dit, elle allait en baver...et lui aussi. Sûrement et surtout parce que dès demain elle allait lui confier tous ses états d'âme. Il faudra apprendre à son cheval à parler pour connaître tous ses secrets les plus intimes et inavouables. Cependant, il n'y en à qu'un qui saura vouer sa monture à l'art de la gouverne guerrière, et faire de lui son alter-égo. Le meilleur puisque Berbère. L'homme, un frère, jeune marrié et père, devra ramener ses miches en Toulousain, d'autant plus qu'il lui manquait d'une force peu commune.



«L'Armagnac, on y trempe des canards»
« Cochon qui s'en dédit.» II. Proverbe populaire


Et cela n'avait rien à voir, mais la brigandine était donc plus aisée à entretenir, cependant étant une gonzesse, et les bouffées de chaleur allant avec, il y avait les périodes du cycle où elle y avait vraiment trop chaud. C'était armement d'hommes ça, pas de nanas. Par chance, ses seins n'étaient pas de ces seins lourds, dont se vantent bien des pécores. Elle se demandait d'ailleurs souvent comment certaines pouvaient à la fois se dire aguerries au combat et porter sur elles des mamelles capable de nourrir une famille entière de russes. Quel handicap ! Mieux valait en avoir entre les jambes, et elle signe de suite l'adage sans complexes de femelle en mal d'égalité.

La pince dans ses doigts devenus noirs, elle entretient posément sa cotte de mailles, qui coûtent deux bras, et une fesse et demie. En acier...cotte et armure d'acier...une fortune!! du temps où elle en avait une.
Pauvre à ce jour, l'astreinte était devenue nécessaire. Avant toutes choses, trois éléments devaient être soigneusement gardés : son armement, et surtout ses gros bas de laine pour les pieds, son Livre des Vertus, et sa capacité de gouvernance, sa trogne en somme. Contraignant, long...brosses, pierre d'affutage, linge de lin, aiguilles, cuir, lacets, doigté parfait, oeil avisé...son équipement à partir de ce jour allait souffrir de sa maniaquerie obsessionnelle. Une demie heure de plus à consacrer dans son quotidien, et l'étude des progrès en la matière auprès de la famille Battaglia, forgerons italiens - the Best, et d'une fabrique alémanique pour les lames.

L'Armagnac et ses menaces, devaient sortir la Bête de l'antre doux de l'Augustine. C'était la règle du jeu.
Mais....il n'était pas question d'éjecter la douce religieuse en pleine construction.
Double concentration...Asphodelle s'infiltre dans le sentier dangereux du repli sur soi.
Garder le contrôle, et se surveiller, et comment faire autrement?



«On le distille aussi jusqu'à l'évaporation»
« Cochon qui s'en dédit.» III. Proverbe populaire


Cela commence avec Hercule.
Si elle perdit son petit poulet Spartacus, échappé dans la forêt pendant le voyage depuis la Normandie, le même qui négocia sa vie avec le chat de Natale à Bynarr pendant qu'elle croulait inconsciente, percutée par le goupillon échappé d'Henriques, elle fit l'erreur de baptiser son premier cochon.
Hercule était tout rose et tout mignon.
Mais il était surtout un poids en jambon, saucisses et pâté.

Après avoir soigneusement et presque de façon malade préparé son équipement au combat, elle se résolut à aller l'abattre.
Hercule...petit Hercule.

L'Augustine s'attendrit, retient son bras, le soldat attrape la hâche.
Comment tue t'on un cochon?
Elle fit des cultures, mais ne fit jamais fermière. Et en toute franchise, elle fait une piètre fermière, gauche, maladroite.

Embarassée, dans la cour où il trottine, elle s'imagine se jetant sur lui et lui tranchant le cou comme un billot de frêne. Trop hard ! Un couteau? on fait avec un couteau d'habitude. Pareillement, se jeter sur lui et lui ouvrir la gorge ! Le soldat n'a pas de scrupules...l'Augustine rame pour retenir le radeau. La hâche en main, elle se crispe, s'interroge.
Le cochon le sent, il lui offre un regard rempli de rien, mais elle l'interpète comme une supplique muette. Elle renifle, se gratte la tempe, passe sa main dans ses cheveux, regard à droite, puis à gauche...passe sa main sur son front, se pose sous son menton, elle s'agite, elle réfléchit, elle ne sait que décider.
Hercule...cher Hercule. J'ai le pouvoir de t'ôter la vie, mais je peux décider si ce sera douloureux ou non.
La tension est à son comble, l'Augustine bande ses muscles, le soldat s'arme. L'Augustine s'avance la première et lui décoche une baffe. Le soldat encaisse, qu'est-ce qu'elle croit? il attrape son fléau. La première passe ne la décide pas. La religieuse tient bon : après une autre gifle, elle entends bien ne pas se laisser bouffer par ce grossier et vulgaire tas de violence. Comme le soldat est brutasse, il prends la masse d'armes. Rusée, l'Augustine approche la catapulte.
Asphodelle ne sait...elle ne sait pas comment on s'y prends pour saigner un cochon et elle ne sait pas comment faire pour qu'il n'en souffre pas.
Elle pose la hâche, marche de long en large, réfléchit, s'éprouve, s'agace, prends peur, s'arrête, reprends, le tourment devient une affaire personnelle.
Demander à Hervald? non ! il faut qu'elle se débrouille...
Le souci est ingérable. Le regard porcin n'aide en rien, et sait toucher à sa corde sensible, mais son jambon est bien la priorité. Surtout qu'elle part en plus. S'absente et qui va s'en occuper? et puis faut en acheter d'autres, faut bien vivre.

Hercule. Cher Hercule.

Inspiration, elle recherche le calme, transcende la stratosphère, appelle les forces spirituelles. Mains jointes, coudes levés, inspiration, la poitrine se gonfle, les épaules se redressent, le menton se lève, les yeux se ferment, l'affaire devient affaire d'état !! L'Augustine et le soldat y vont de leur plaidoyer, tantôt la vie sauve tantôt la boucherie !

Prendre une décision. Une minute. Deux minutes.

Le soleil fait jour en son esprit, Asphodelle sait. Elle soumet l'Augustine et le soldat.
Hercule va mourir dignement.
Elle remonte dans sa chambre, et prends l'arme.
Redescends l'étage, et dans cette cour prêtée....

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