Asphodelle
(ou ça dépote)
« L'homme qui lutte pour autrui est meilleur que celui qui lutte pour lui-même. »
Clarence Darrow
Pas de faste, ni d'orgueil, pas de hanches ourlées par le mouvement féminin, ni de chevelure lourde et ondulée, pas de bouche pulpeuse rougie d'un baiser qui ne fut nullement déposé, et pas de toutes ces choses impossibles lorsque la femme est naturelle, et qu'il pleut.
Le lendemain de l'arrivée, après une nuit à dormir avec les chevaux, elle venait de trouver son bivouac. A pleine lune. Ou presque.
Les gouttes translucides suivent les sillons de sa peau un peu blanche, tandis que ses mèches se foncent sous l'eau du ciel. Son regard menthe, posé sur la cabane, l'observe avec une gravité d'une profondeur mystique, comme si elles échangeaient à elles seules une conversation secrète. Elles ne se seraient pas vues depuis des années, elles avaient à se dire, sur un accord tacite et inconnu de toute la face du monde, le mot clé à partager.
Sur son épaule, sa vieille escarcelle. Sur son corps, une cotte et un surcot en drap grossier. Ses pieds effleurent l'herbe, intacte ici, car elle se trouve quasiment aux pieds des remparts. Derrière elle, le quartier des parias et des désabusés réchauffe l'atmosphère de sa présence franche, étendu comme une couverture mal dégauchie mais aussi tenace que sa populace.
Le peuplier vieux n'aime pas la pluie, mais il prends une teinte grisée d'une élégance rare, et même si la porte est à moitié décrochée, et que les murs penchent légèrement vers la droite, l'ensemble tient, il promet de tenir. L'ensemble est un cube de planches, sans étage, d'une seule pièce, absorbé par une montée de lierre fantasmagorique avec qui elle aura de nombreuses discussions. L'intérieur, un simple sol de terre battue, où les araignées de terre ont fait des galeries, ne dispose que d'un volume d'air à occuper en soi, mais propose une aire d'abri facilement aménageable.
C'était pauvre et ôté de tout superflu, y compris du nécessaire, fragile, voire faiblard, devant les murailles élancées et écrasantes, dévorant le ciel et menaçant de vous dévorer vous-même. C'était là où personne ne voudrait vivre. C'était loin du monde des Hommes, et en son centre exact également.
Elle est décidée sans émotions, et son visage ne se ride de nul sourire quand le choix est fait.
Alors, posant son genou à terre comme elle faisait Chevalier, elle s'imagine Isenduil dans sa main, plantée dans le dénuement, et retirant son chapelet de bois de Kreuz qu'elle présente devant la façade, elle baisse la tête, indifférente au ruissellement froid, ferme les yeux, et récite à mi-voix une prière au Créateur. Sa litanie dure plusieurs minutes, plusieurs dizaines de minutes, jusqu'à ne plus sentir son genou, jusqu'à ce que le geste devienne de particulier à étrange, d'étrange à mystérieux, de mystérieux à dérangeant. La posture considérée comme peu confortable par le commun, lui procure de la force, de la patience, une concentration intense où son esprit s'engourdit dans un état second méditatif et spirituel. C'est la deuxième fois qu'elle parvient à ce stade du retranchement en soi-même, jusqu'à ce que son être charnel s'efface. La première fois, c'était pour son office de funérailles d'Alcalnn. L'exercice peut être long, il lui était vital de l'accomplir.
Aujourd'hui, jour de jeûne.
Elle se relève, et n'attends pas pour s'affairer, posant son escarcelle à l'abri, elle attaque l'herbe à un mètre de la baraque, sur l'arrière, caché, à l'aide de son poignard. Ce poignard et ses couteaux de lancer toujours ceinturés à la cuisse, c'était la seule chose qu'elle se permettait en armement. Le trou est vigoureusement produit tandis que la terre un peu rouge apparaît. Jour maudit par le promeneur, elle trouve en la pluie une aubaine : de son extraction et malaxage, elle en fait plusieurs boules, collantes, qu'elle dépose sur le côté.
Lorsqu'elle se satisfait du nombre, elle en prends une à qui elle marrie d'herbe séchée de l'été, et après examen des façades, entreprends de reboucher les trous où le courant d'air malin peut passer.
L'histoire lui prends un moment, jusqu'à ce qu'elle soit sûre d'avoir fait le premier nécessaire pour le premier stade. Ensuite, les mains rousses, elle se plante devant la porte, et attache dans l'attente de mieux, la première latte au gond qui se dégonde.
Une suite de problèmes, une suite de solutions à trouver, une suite de défis et d'insatisfactions, pour le plus grand nombre un embarras, une situation insupportable. Pour elle : c'était parfait.
Le poignard alors, sur le battant extérieur de la porte, dessine une croix d'Aristote qui se creuse comme un message muet, pas discrète, qui ne se cache pas, qui bien au contraire, lève le nez bien fièrement.
Fier, c'était exactement comme cela qu'elle voyait son joli taudis. Un joli taudis béni de Dieu, calfeutré un temps, et possédant son premier chiotte.
Après avoir eut la satisfaction d'y pisser, elle entre dans son cube de planches, et pas peu heureuse, ôtant son surcot mouillé et sa cotte qu'elle pendouille à une branche de lierre attaché à l'arrache, passant par les écartements des bois du toit, elle s'étend à même le sol, et ayant vidé sa besace de cuir avec soin, sans abîmer le très peu qu'elle possède et qui ne vaut rien en valeur marchande et tant en valeur du Ciel, se l'étant posée sur les épaules, dans son unique tenue de vêtement de dessus, à dentelle anglaise...parce qu'elle adore la dentelle anglaise....elle passe son premier sommeil dans sa retraite, l'univers qu'elle se crée et ce que tout religieux devrait affronter une fois dans sa vie : le dénuement de tout, à la recherche de la plus grande des richesses.
Les araignées de terre sont d'accord.
_________________
Youp...youp...youp...
« L'homme qui lutte pour autrui est meilleur que celui qui lutte pour lui-même. »
Clarence Darrow
Pas de faste, ni d'orgueil, pas de hanches ourlées par le mouvement féminin, ni de chevelure lourde et ondulée, pas de bouche pulpeuse rougie d'un baiser qui ne fut nullement déposé, et pas de toutes ces choses impossibles lorsque la femme est naturelle, et qu'il pleut.
Le lendemain de l'arrivée, après une nuit à dormir avec les chevaux, elle venait de trouver son bivouac. A pleine lune. Ou presque.
Les gouttes translucides suivent les sillons de sa peau un peu blanche, tandis que ses mèches se foncent sous l'eau du ciel. Son regard menthe, posé sur la cabane, l'observe avec une gravité d'une profondeur mystique, comme si elles échangeaient à elles seules une conversation secrète. Elles ne se seraient pas vues depuis des années, elles avaient à se dire, sur un accord tacite et inconnu de toute la face du monde, le mot clé à partager.
Sur son épaule, sa vieille escarcelle. Sur son corps, une cotte et un surcot en drap grossier. Ses pieds effleurent l'herbe, intacte ici, car elle se trouve quasiment aux pieds des remparts. Derrière elle, le quartier des parias et des désabusés réchauffe l'atmosphère de sa présence franche, étendu comme une couverture mal dégauchie mais aussi tenace que sa populace.
Le peuplier vieux n'aime pas la pluie, mais il prends une teinte grisée d'une élégance rare, et même si la porte est à moitié décrochée, et que les murs penchent légèrement vers la droite, l'ensemble tient, il promet de tenir. L'ensemble est un cube de planches, sans étage, d'une seule pièce, absorbé par une montée de lierre fantasmagorique avec qui elle aura de nombreuses discussions. L'intérieur, un simple sol de terre battue, où les araignées de terre ont fait des galeries, ne dispose que d'un volume d'air à occuper en soi, mais propose une aire d'abri facilement aménageable.
C'était pauvre et ôté de tout superflu, y compris du nécessaire, fragile, voire faiblard, devant les murailles élancées et écrasantes, dévorant le ciel et menaçant de vous dévorer vous-même. C'était là où personne ne voudrait vivre. C'était loin du monde des Hommes, et en son centre exact également.
Elle est décidée sans émotions, et son visage ne se ride de nul sourire quand le choix est fait.
Alors, posant son genou à terre comme elle faisait Chevalier, elle s'imagine Isenduil dans sa main, plantée dans le dénuement, et retirant son chapelet de bois de Kreuz qu'elle présente devant la façade, elle baisse la tête, indifférente au ruissellement froid, ferme les yeux, et récite à mi-voix une prière au Créateur. Sa litanie dure plusieurs minutes, plusieurs dizaines de minutes, jusqu'à ne plus sentir son genou, jusqu'à ce que le geste devienne de particulier à étrange, d'étrange à mystérieux, de mystérieux à dérangeant. La posture considérée comme peu confortable par le commun, lui procure de la force, de la patience, une concentration intense où son esprit s'engourdit dans un état second méditatif et spirituel. C'est la deuxième fois qu'elle parvient à ce stade du retranchement en soi-même, jusqu'à ce que son être charnel s'efface. La première fois, c'était pour son office de funérailles d'Alcalnn. L'exercice peut être long, il lui était vital de l'accomplir.
Aujourd'hui, jour de jeûne.
Elle se relève, et n'attends pas pour s'affairer, posant son escarcelle à l'abri, elle attaque l'herbe à un mètre de la baraque, sur l'arrière, caché, à l'aide de son poignard. Ce poignard et ses couteaux de lancer toujours ceinturés à la cuisse, c'était la seule chose qu'elle se permettait en armement. Le trou est vigoureusement produit tandis que la terre un peu rouge apparaît. Jour maudit par le promeneur, elle trouve en la pluie une aubaine : de son extraction et malaxage, elle en fait plusieurs boules, collantes, qu'elle dépose sur le côté.
Lorsqu'elle se satisfait du nombre, elle en prends une à qui elle marrie d'herbe séchée de l'été, et après examen des façades, entreprends de reboucher les trous où le courant d'air malin peut passer.
L'histoire lui prends un moment, jusqu'à ce qu'elle soit sûre d'avoir fait le premier nécessaire pour le premier stade. Ensuite, les mains rousses, elle se plante devant la porte, et attache dans l'attente de mieux, la première latte au gond qui se dégonde.
Une suite de problèmes, une suite de solutions à trouver, une suite de défis et d'insatisfactions, pour le plus grand nombre un embarras, une situation insupportable. Pour elle : c'était parfait.
Le poignard alors, sur le battant extérieur de la porte, dessine une croix d'Aristote qui se creuse comme un message muet, pas discrète, qui ne se cache pas, qui bien au contraire, lève le nez bien fièrement.
Fier, c'était exactement comme cela qu'elle voyait son joli taudis. Un joli taudis béni de Dieu, calfeutré un temps, et possédant son premier chiotte.
Après avoir eut la satisfaction d'y pisser, elle entre dans son cube de planches, et pas peu heureuse, ôtant son surcot mouillé et sa cotte qu'elle pendouille à une branche de lierre attaché à l'arrache, passant par les écartements des bois du toit, elle s'étend à même le sol, et ayant vidé sa besace de cuir avec soin, sans abîmer le très peu qu'elle possède et qui ne vaut rien en valeur marchande et tant en valeur du Ciel, se l'étant posée sur les épaules, dans son unique tenue de vêtement de dessus, à dentelle anglaise...parce qu'elle adore la dentelle anglaise....elle passe son premier sommeil dans sa retraite, l'univers qu'elle se crée et ce que tout religieux devrait affronter une fois dans sa vie : le dénuement de tout, à la recherche de la plus grande des richesses.
Les araignées de terre sont d'accord.
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Youp...youp...youp...