Ryoka Le jeune Ryoka venait de sortir d'un mois de retranchement chez les moines. Il s'était octroyé ces petites « vacances » en les justifiant d'une fatigue qui commençait à peser sur ses petites épaules. A un peu plus de la vingtaine, dans la force de l'âge, celui qui devait être en forme avait soudainement déclaré qu'il ne l'était pas. Son travail n'était pas plus contraignant que les autres, et ses passes-temps étant d'un banal affligeant, il lui fallait trouver une excuse valable pour expliquer cette retraite plus ou moins spirituelle (nous conviendrons bien entendu que pour lui le côté spirituel résidait dans le simple fait de rêver dans une église plutôt que dans un arbre). Et cette excuse, il l'avait trouvé : cela faisait deux mois qu'il avait eu l'avant bras cassé par, rappelons-le, un malentendu entre lui et un duc avec lequel il n'avait pas pu rivaliser en force ainsi qu'en brutalité. L'accident avait occasionné une fracture ouverte radio-ulnaire qui avait été pansée dans un premier temps par Somica qui lui avait prodigué les soins d'urgences. La consigne avait été par la suite de ménager cette partie du corps devenue fragile le temps de la consolidation. Directive qu'il n'avait pas réellement observé, puisqu'il avait une légère tendance à prendre des risques malgré lui, par maladresse plus que par vaillance. C'était alors sans l'ombre d'un doute la raison pour laquelle ses os avaient la fâcheuse tendant à pseudarthroser. Et c'était là l'excuse qu'il avait bien pu trouver afin de pouvoir s'enfermer quelques semaines chez les moines : ce retard de consolidation, de cicatrisation osseuse le gênait.
Cela n'était pas complètement faux, puisque la douleur était toujours présente lorsqu'il voulait bouger son bras. Mais il avait eu alors tendant à exagérer le trouble pour qu'on le laisse tranquille.
Nous voilà donc un mois plus tard, à trois mois de la fracture, et le jeune homme sort tout frétillant de son séjour à l'église de Montélimar. La fracture est quasiment consolidée. Un air niais sur le visage, une naïveté dans le regard qui semblait le faire redécouvrir son village, et le garçon se baladait gaiement sur les chemins qu'il avait mille fois parcouru en rêvant. Vous l'aurez compris, il aime bien rêver le bonhomme, entre autres activités improductives à souhait.
Puis, au détour d'un chemin qu'il connaissait pourtant par cur, le paysage le surprit et il s'arrêta. Quelque chose avait changé. Balayage de droite à gauche, de haut en bas, et il trouva ce qui s'était greffé dans le tableau de son chemin : un dispensaire.
Ca tombait bien, il pourrait fier de lui, montrer son avant bras afin de se faire féliciter de son dernier mois de calme et sa bonne guérison. Le bras était toutefois toujours en écharpe, dans le but qu'on le laisse encore un peu tranquille, surtout pour le travail. Ca lui permettait de glander gentiment avec une excuse visible. Il fallait donc qu'il reste discret avec le résultat de sa consultation imminente.
C'est dans cette idée donc que Ryoka frappa à la porte du nouveau lieu qui venait d'ouvrir à Montélimar. Il frappa sans compter, parce que lui, ce n'était pas vraiment le genre de personne à compter quoi que ce soit. Et encore moins à faire des séries de chocs calculés pour qu'on le reconnaisse. Il était plutôt du style à se viander lamentablement entrant quelque part, ou à trébucher sur un objet qui pourrait croiser son chemin.
Il souriait bêtement devant la porte, et attendait.
La première patiente qui devait donc se présenter aujourd'hui était un homme, un jeune homme, un ami même. Et sans le savoir, une surprise l'attendait derrière cette porte, à laquelle il criait déjà :
Youhou !
Je peux entrer ?
Ryoka Le jeune homme attendit les quelques poignées de secondes qui séparaient Kateline et sa marche boiteuse de la porte. Comme il ne savait pas faire grand chose sans laisser son esprit s'évaporer, il attendit en regardant les nuages qui surplombaient le dispensaire.
Puis après avoir entendu des bruits de pas d'une démarche approximative, la porte finit par s'ouvrir sur une femme qui semblait bien plus mal en point que lui. Sorti de sa rêverie par ce visage meurtri, et un air surprit de le rencontrer, il ne mit par plus d'une seconde à réaliser qu'il connaissait cette trogne. Enfin, elle ressemblait terriblement derrière ses blessures et son allure de mamie qui se tient les côtes à une amie qu'il n'avait pas vu depuis bien longtemps maintenant.
Il n'eut pas le temps de se présenter qu'elle lui demandait déjà ce qu'il faisait là. Et c'est lorsqu'il entendit sa voix qu'il se rendit compte qu'il n'y avait plus d'erreur possible. Si jusque là il hésitait encore, sa mémoire auditive lui imposa une reconnaissance certaine. Même si visuellement, elle avait morflé avec le temps la copine...
Elle riait et cela le fit sourire. Il voulu lui sauter au cou pour exprimer sa joie de la revoir enfin, lorsqu'il prit conscience que dans l'état ou elle était, cela n'était pas la manière la plus maline de lui signifier cette joie. Trop tard, il était lancé et, en tentant d'arrêter son geste fou, il trébucha et tomba bêtement à ses pieds.
La situation étant trop ridicule pour former des retrouvailles dignes de ce nom, il décida de rester au sol, et de la regarder en riant.
Kateline?
Sacrebleu, si je m'attendais ! T'as presque pas changé !
Tu ne m'as pas prévenu de ton arrivée ici, ou alors j'ai raté ton pigeon. Tu viens ici pour rencontrer le nouveau médecin toi aussi?
Il souriait en la regardant et riait niaisement, se souvenant de leur première rencontre. Les retrouvailles semblaient improbables, mais mieux valait faire comme si de rien n'était pour le moment, et continuer de parler au sol. Au moins, il ne risquait pas de tomber plus bas, pour le moment. Il lui demanderai plus tard comment elle en était arrivée à avoir de telles contusions.
Ryoka Ben Oui c'est bien moi... T'es gentil...
Gentil et maladroit le bonhomme, qui continue de lui sourire niaisement avec sa vue en contre plongée.
Non mais je ne voulais pas t'écrire et te faire la surprise! Hé, ben c'est gagné...
Il est vrai que sa stupéfaction n'avait pas pu être très bien cachée avec cette petite chute. Il ferma les yeux et se releva rapidement d'un geste approximatif mais efficace. Il avait saisit la main de la jeune femme, mais la voyant grimacer n'avait pas osé tirer dessus. Il y était allé brusquement en donnant tout dans les jambes. Puis après cet effort quasi-surhumain, le réconfort: Kateline lui fit une bise qui le fit penser qu'il ne s'était pas relevé pour rien. S'il fallait tomber devant elle pour qu'elle lui fasse des bisous, il allait devoir penser à venir la voir en armure. A cette idée, il ne put sempêcher un léger rictus qu'il cacha en enchaînant.
Ca pour une surprise c'est une surprise !
Je suis bien content de te revoir enfin. Je t'avouerais que je pensais jusque là que je ne te reverrai jamais... Enfin, même si c'est chez le médecin, ça compte quand même pour des retrouvailles !
Le médecin?! Ben c'est moi en fait. Depuis la dernière fois qu'on s'est vu, j'ai beaucoup étudié et je le suis devenue.
Mais entrons, je t'en prie, nous n'allons pas rester sur le pas de la porte. Je crois que tu as autant besoin de mes services que moi même, je me trompe?
Ouah, t'as eu le temps de devenir médecin et de faire la guerre depuis la dernière fois qu'on s'est vu ! C'est vrai que le temps passe vite.
Puis en montrant son bras en écharpe:
Et pour ça en fait je me le suis cassé en tombant. Il n'allait quand même pas lui raconter qu'il s'était fait casser en deux par quelqu'un d'autre... Sa fierté avait déjà pris assez de claques pour aujourd'hui, avec sa chute à l'entrée du dispensaire.
Mais c'était il y a plusieurs mois, et ça va déjà beaucoup mieux. En fait je garde l'écharpe pour qu'on me laisse un peu tranquille à la mine... Ajouta-t-il en riant. Mais tu le gardes pour toi hein !
M'enfin, je ne serai pas contre une vérification par un il spécialisé comme le tiens.
Ils étaient maintenant dans le dispensaire, la porte fermée par la brune, et le jeune homme l'attendait au milieu de la pièce sans savoir ou se mettre. Son regard scrutait la pièce, pour vérifier qu'il n'y avait pas d'outils qui étaient susceptibles de lui infliger des douleurs dont il n'avait pas besoin. Il avait toujours eu légèrement peur des médecins, et même si là c'était Kateline, il se méfiait. Elle avait eu le temps d'étudier comment faire des saignées ou d'autres gens de traitements du même types, que Ryoka fuyait comme la peste.
Raconte moi tout! Que deviens-tu depuis nos derniers échanges?
Ben pour te dire la vérité il ne m'est pas arrivé grand chose. Je suis arrivé ici avec mon frère, et je me suis installé à Montélimar, qui est une ville plutôt sympa. Lui s'est installé à Lyon et je ne le vois pas beaucoup en ce moment.
Sinon je fais beaucoup de balades dans le duché, je m'occupe un peu des animations du coin aussi. Enfin... Ça doit te paraître un peu plat comme vie à toi qui aime bien voyager et guerroyer !
Il avait préféré passer sous silence les rares fois ou il lui était vraiment arrivé des choses récemment. Son enlèvement de duchesse et son cassage de bras... "Sorti d'son contexte, ça peut être mal interprété."OSS117
Et toi alors? Raconte moi tout, en commençant par ce qu'il t'es arrivé pour que tu sois dans cet état.
Ryoka Finalement elle ne semblait pas avoir d'attirance particulière pour la guerre comme pouvait le penser le jeune homme lorsqu'il lisait ses lettres. Et c'était bien mieux comme cela, elle aurait moins de chances d'être blessée en abandonnant les armes comme elle le disait si bien ! Il accompagna ses dires avec un regard approbateur, et un sourire rassuré de savoir qu'elle risquerait moins sa vie, pour le moment du moins.
Puis elle s'était arrêtée de parler, de sourire même, pour observer le bras du garçon. Avant d'enchaîner sur son frère. Elle était vraiment professionnelle la brune, elle arrivait à s'enquérir des nouvelles du châtain tout en scrutant les détails de sa blessure telle une détective à la recherche d'indice de manière détendue.
Ben on a quand même encore quelques contacts, mais aux dernières nouvelles, il s'était enfermé chez les moines. Du coup ceci explique cela... Je risque d'en avoir de moins en moins jusqu'à ce qu'il se décide à ressortir. Mais je ne me fais pas de soucis pour lui !
Elle semblait mettre en doute la platitude de sa vie, mais d'un signe de tête, tout en souriant il voulu lui faire comprendre qu'il ne se passait pas tant de choses que cela pour lui. Il se voulait rassurant, malgré son bras en écharpe. Il savait qu'il n'avait pas vraiment une vie à risque lui, il ne voyageait pas sur les routes toute la journée, il ne guerroyait pas toute la nuit, il préférait les balades en forêt. Sa maladresse et son sens de l'orientation terriblement défaillant eux pouvaient le mettre en danger, mais il n'avait besoin de personne pour cela. Et puis cela faisait parti du quotidien pour lui, c'est donc que ça devait être normal. Une vie normale comme la sienne devait donc être plate, comme la terre, aux dernières nouvelles.
Bon elle a dit qu'elle ne dirait rien pour la petite magouille de son bras, c'était plutôt une bonne chose en soi. Mais le fait qu'elle veuille quand même y jeter un il était encore mieux. Il pouvait avoir un avis médical sur son rétablissement, et pouvait ainsi savoir à quel moment il pourrait recommencer à faire le casse cou sans remords. Il lui arrivait en effet plus souvent d'avoir des remords que d'avoir l'intelligence de s'arrêter avant.
Il ôta donc son écharpe et tendit fièrement son bras à Kateline tendis qu'elle lui expliquait ses aventures en Berry, puis son périple, pour arriver au drame qui avait dû la marquer. Il laissa tomber son bras pseudo-pathologique pour poser son autre main sur son épaule dans le but de la réconforter. C'était plutôt maladroit encore une fois comme manière d'agir mais ça avait le mérite d'être spontané, et son visage plein d'empathie pouvait en témoigner.
Elle avait mentionné son demi frère dans son parcours du combattant, ce qui linterpella.
Sebastian ? Je n'ai encore jamais eu la chance de le connaître il me semble.
J'espère que tu vas me le présenter !
Montélimar avait l'air de lui plaire, et cela lui fit plaisir.
Tu as bien fait de rester un peu dans le coin.
Déjà parce que j'y suis, et cela me semble être une raison plus que suffisante, et puis parce que le Lyonnais Dauphiné est un duché assez sympa dans l'ensemble. Tu verras si tu y restes un peu !
Je te montrerai des balades à faire avec ton accompagnateur, je les connais presque toutes !
Merci pour ce résumé, et je maintiens ce que j'ai dis: le récit de ma vie ne saurait être autant en relief que le tiens !
Pour ce qui est de manger je n'ai pas très faim. J'ai rarement faim en fait, je ne mange pas beaucoup de manière générale. Comme tu peux sans doute le constater aux vues de ma musculature plutôt impressionnante nous en conviendrons ! Héhé !
Je vais te prendre un verre d'eau, et je veux bien que tu jettes un il à ce bras.
Il tira avec son bras sain sur sa chemise pour l'enlever par la tête d'un geste vif et assuré, l'envoya au sol, d'un geste moins assuré cette fois, puisqu'il visait une chaise, et posa son autre bras sur la table d'auscultation. Il était relativement gêné de se retrouvé torse nu devant son amie mais comme elle était médecin, il ne voulait pas lui poser de problème. Son frère avait été clair avec lui dans son éducation : il faut toujours tout faire pour aider le médecin, car c'est un professionnel qui a un regard asexué au moment de l'auscultation.
Il n'était pas outrageusement musclé mais était harmonieusement proportionné. Un bras était légèrement plus trophique que l'autre, nous comprendrons pourquoi, et il avait la chance (au niveau de l'hygiène surtout pour la chance, pour le style ça reste une autre affaire) d'être imberbe au niveau du thorax.
Il attendait en regardant le décor distraitement.
Ryoka A mesure que Kat' parlait de son demi-frère, le jeune homme jubilait à l'idée de se faire un nouvel ami. De plus, si c'était le demi-frère de sa demi-soeur, cela voulait dire qu'il était à moitié comme elle. Il s'imaginait alors un hybride à moitié guerrière-médecin avec les beaux yeux sombres de la brune et des muscles monstrueux d'un homme à l'accent anglais. Il avait un vague souvenir de cet accent et son esprit l'avait légèrement caricaturé, rendant les paroles de l'hybride dans sa tête difficilement crédibles.
La seconde d'arrêt nécessaire à la réflexion de la jeune femme n'avait pas été remarquée par Ryoka qui était à moitié en train d'imaginé son futur nouvel ami, à moitié en train de se concentrer pour ne pas rougir de la situation. Sa concentration était d'ailleurs en plein débat avec sa fierté afin de savoir s'il fallait contracter le plus de muscles possible dans le but d'impressionner son amie. La conclusion de ce débat, qui avait fait appel au sens de la vue pour témoin, avait finalement statué sur le fait que c'était inutile puisqu'objectivement, ses muscles étaient trop fins pour pouvoir impressionner qui que se soit. Il le savait déjà mais le temps de cette réflexion lui permit de ne pas réaliser qu'elle était déjà à ses côtés, et que le verre d'eau était prêt.
Il eut à peine le temps de rire au conseil d'hygiène de vie alimentaire que venait de lui fournir son amie, qu'elle avait déjà embarqué son bras dans une inspection méticuleuse.
Le jeune homme trouva les manipulations de Kateline agréables, car même s'il la prenait toujours pour une guerrière, elle avait les mains douces. Son esprit balançait entre le désir de voir se prolonger ce moment médical doux, et l'envie qu'on lui rende son bras parce qu'il avait quand même toujours peur d'avoir mal.
En parlant d'avoir mal, elle lui indiqua que le temps humide pouvait jouer en sa défaveur. Une chance qu'il ne vivait pas au nord du royaume, il parait que la haut l'hygrométrie est hostile. Cependant, cette idée le perturba. Il ne comprenait pas comment l'humidité pouvait lui redéclencher quelque douleur.
Comment ça?
Tu veux dire que mon bras il va rouiller?
Il la regardait en fixant son regard, tout en se baissant pour ramasser sa chemise au sol.
Il avait vu le petit coup d'oeil qu'elle lui avait lancé avant de lui demander d'arrêter de tomber, et le jeune homme l'interpréta avec inquiétude. Ce dernier regard sur son corps entier n'avait pas l'air médical, et en plus juste avant elle avait l'air de dire qu'il allait rouiller le bonhomme. Peut être était-ce là le regard d'une femme qui observe une dernière fois son ami avant une dégénérescence prochaine? Peut être qu'elle voulait garder en mémoire l'image du jeune homme alors qu'il était encore entier et qu'il pouvait bouger?
Il s'approcha d'elle le regard anxieux, la chemise à la main.
Dis... J'ai vu ton regard...
Si je retombe dessus je vais pas mourir hein?
Il ouvrait grand ses yeux noisettes pour la fixer et ne laisser aucune chance au hasard désormais dans les interprétations qu'il devait faire. Il n'était pas d'un naturel anxieux, pas assez réfléchis pour cela certainement, mais la curiosité mélangée à cette situation gênante avait créé un quiproquo dans son esprit qu'il voulait vite chasser.
L'idée de mourir ne l'effrayait pas outre mesure, il savait que cela devrait arriver un jour, on lui avait déjà raconté la fin de l'histoire. Mais l'idée de rouiller avant de mourir, ou encore d'avoir un talon d'Achille au niveau de l'avant bras le troublait beaucoup trop pour qu'il reparte de cette consultation avec ça sous le bras.