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[RP] Deux demi-vérités ne font pas une vérité.*

--Adryan
*Multatuli

La patience était une vertu bien rare chez le Castillon. Pourtant, invraisemblablement, il en avait fait preuve durant les trois jours qu’il avait délibérément laissés trainer depuis cette fameuse soirée où un honteux attrape-nigaud avait vu le jour au bar du lupanar. Si la tapette à souris s’était vilainement refermée sur les doigts castillons, elle avait néanmoins échoué à lui happer le poignet tout entier. Des deux comploteurs, Alphonse avait été le seul démasqué, bien que les raisons de cette pantomime demeurent opaques à la clairvoyance discutable d’Adryan. Sybil, quant à elle, bénéficiait de la naïveté nobiliaire à croire que l’amitié se dédouanait des mufleries, fourberies et autres bassesses du même acabit.

Dans l’esprit d’Adryan, les choses étaient limpides. La blondine, dans sa candeur de jeune fille en fleur n’ayant jamais rien connu d’autre que les complotages et le sordide des bordels, s’était, - Dieu seul sait comment - entichée du comptable. Et le comptable, pour une raison plus hermétique encore que les astuces de Cupidon, se jouait de cet attachement, feignant une violence qui, malgré tous les efforts déployés pour la rendre crédible, n’avait pu duper le nobliau. Il n’en restait pas moins que Sybil était manipulée, et Adryan, en bon crédule qu’il était, s’en outrageait.

Mais toute patience, et en premier celle d’Adryan, avait ses limites. Trois jours à se torturer les méninges étaient largement suffisants, alors même que, paranoïaque en puissance, la sincérité de Camille, quand elle recourait à la drogue pour se dévoiler et s’offrir, se voyait remise en question à grands coups de massue dans le cœur. Mais de cela, il était bien évidement impensable d’en parler à la Concernée sans se dévoiler lui-même bien plus qu’il ne l’acceptait. Mettre les choses au clair avec la blonde n’était pas plus concevable. Celle-ci faisait preuve d’une réserve d’opiniâtreté impressionnante à lui faire la gueule. Par ailleurs, il devait bien avouer que cette bouderie interminable ne l’incitait guère à l’amabilité et aux câlineries de tous poils ou plumes. Définitivement, les femmes, qu’elles soient amies ou aimées avec déraison, étaient les pires maux sur terre.

Ne restait donc plus qu’Alphonse pour le soulager de quelques-uns de ces obsédants interrogatoires intérieurs. Alphonse. Cet homme que, depuis noël, Adryan évitait soigneusement, soucieux du risque de retrouver dans ce visage détesté, l’éclat qui lui avait fait perdre la raison dans une débauche des sens aussi éphémère que bestiale. L’osmose charnelle découverte, le plaisir pris et repris, n’avaient qu’enflé le dédain comme un furoncle purulent, menaçant à tout instant de déverser son pus sur le précaire équilibre maintenu à grand renfort de contenance des deux hommes. Plus aveuglé que jamais par sa morgue, tous les mots qui sortiraient de la bouche du comptable, n’auraient aux yeux du noble que l’apanage d’une fiente mensongère et fourbe.

Pourtant, adossé dans le couloir menant au bureau du comptable où il ne manquerait de porter ses pas nonchalants, Adryan l’attendait, tête baissée et bras croisés. Calme. Bien trop calme.
Alphonse_tabouret
En passant leur pacte, Alphonse avait su que chaque ligne en comportait d’autres, ombres des mots prononcés, défiant en plusieurs strates, un seul et même adversaire, et s’il n’avait en aucun cas menti à Sybil quant à ses motivations, il avait gardé pour lui, les racines les plus noueuses de ses décisions pour lui seul.
Adryan lui avait déclaré une guerre froide dés ses premiers pas dans le lupanar, étouffé par des désirs niés avec une rage blême et rien, si ce n’était, quelques heures, l’alcool arrangé par les bons soins de Fleur, n’avait su les rapprocher, forces aussi antinomiques que l’eau douce et l’eau salée, pas même la tentation qui, sitôt consommée, une fois les limbes de l’extase éclaircies, s’était avérée un fardeau honteux à porter. Du Castillon, il ne supportait ni la beauté, ni les manières, ni la lave coulant à ses veines figées par la morsure de ses dettes et s’il n’avait pas eu une aversion aussi franche qu’ancrée à son âme pour l’herboriste, il aurait pu féliciter Camille de rendre son amant tour à tour livide et vivant, de le propulser aux errances douces des possibles et au gouffre sans fond des peut-être. Elle attaquait un versant d’affection que jamais Alphonse ne se serait autorisé à effleurer, étonnamment assez bon joueur pour ne jamais mêler les mensonges à ses plans de bataille, leur préférant sans conteste le délictueux de la mise en scène quand il s’agissait des combats livrés au parasite, incapable de se défaire de cet exaspérant respect qui les liait l’un l’autre au-delà de leurs controverses.


En prenant le couloir menant à son bureau, il perçut immédiatement la silhouette nobiliaire, la peau se hérissant doucement en parcourant les ramifications de ses pensées, entrapercevant au travers des variables, divers horizons naissant tour à tour à la mine sinistre qu’affichait le Castillon, à la pose de son corps , entrave résolument calme dans une attente silencieuse, impasse vivante qui éveilla sans mal, l’arrogance féline. Qu’il soit là pour lui ou bien pour sa maitresse, le comptable retint un sourire à l’idée qu’il parviendrait sans mal à extirper pour un instant, l’étincelle colérique qui gangrenait chaque parcelle de ses nerfs et, poursuivit son chemin en choisissant d’en forger la trame lui-même, insolent félin dont le pas lent n’eut pas l’once d’une hésitation, avançant, dédaigneux du danger quand ses sens étaient tendus à chaque variation, méprisant le message que posait l’élégant corps du jeune homme en travers de sa route. Il concevait sans mal la réponse qu’il recevrait à sa provocation acide et sibylline , animal ayant déjà éventré les frontières poser et subi le courroux à la fois sanguin et épicé de son adversaire en conséquence, et n’eut, l’espace d’un instant qu’un seul regret : que Sybil ne soit pas là pour constater que malgré l’entrejambe par laquelle le menait la brune, le cœur du nobliau avait assez de richesse pour lover deux personnes en son sein.
Le regard noir porté droit devant sans s’attacher une seconde à croiser les perles grises, il parcourut, léger, détaché, les quelques mètres menant l’inévitable rencontre, et arrivé en fin à hauteur, s’accorda de lui jeter un regard en coin sans cacher le moins du monde, l’aube d’un sourire aussi lascif que narquois, fait pour écorner et distiller le venin jusqu’au bout de son esquisse carnassière.

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--Adryan
J's'rai content quand tu s'ras mort
Vieille Canaille
Tu ne perds rien pour attendre
Je saurai bien te descendre
J's'rai content d'avoir ta peau
Vieux Chameau

Vielle canaille- Serge Gainsbourg


Etrange paradoxe des sentiments quand la détestation se parait des mêmes atours que l’amour. Futile était le regard pour sentir l’arrivée de l’être aimé. Superficielle était la réflexion pour reconnaître la cadence de son pas sur le plancher. L’amour avait bon dos, et bien loin d’être miraculeux, partageait ses effets avec l’aversion dévote. L’approche de l’adoré nouait le ventre avec la même emphase que celle du détesté, d’une impatience sournoise et délicieusement anxieuse. Pourtant l’un n’était jamais assez proche et l’autre était toujours trop prêt.


Ce fut bien cette énormité menant les ennemis les plus farouches à la même intimité, à la même reconnaissance, que les amoureux qui assaillit le Castillon. Alphonse était là, et il était inutile de lui adresser le moindre regard pour s’en assurer, ni pour deviner l’exaspérant sourire qui se dessinait sur les traits du comptable. Incontestablement, tout le couloir se gorgeait de lui, jusqu’à la nausée. Adryan ne broncha pas, statue de fiel, les mèches brunes couvrant le coin de la bouche se plissant d'un pli mauvais. Nul besoin n'était de donner rendez-vous, nul besoin ne serait de retenir Alphonse, depuis trois jours, l’entrevue était inscrite dans le marbre de leur animosité, et ennemis attentifs et fidèles, ni l’un ni l’autre ne se défilerait.


Parmi ses biens, ma famille possédait deux joyaux inestimables. Aucune entrée en matière. Aucune salutation. Aucun geste. Les deux hommes savaient la raison de leur face à face. Le rubis est à votre doigt. La voix était neutre, profonde et basse. Le second est une émeraude. Je ne sais pas où il est. Peut-être Sybil l’a-t-elle gardé après que j’ai voulu, naïf que j’étais, la protéger contre la cupidité. Le temps fila sans que le Castillon ne cherche à le rattraper. Sans même redresser la tête, d’un geste du bras d’une lenteur équivoque, il ouvrit la porte anonyme à sa droite. Puis, comme engourdi par sa colère glaciale, se redressa, refusant toujours au comptable le moindre regard, la moindre attention supplémentaire que celle de ses mots. Pourtant le pas qu’il fit pour contourner le Chat fut rapide, tout comme la poigne gantée venant enserrer la nuque féline, sans pourtant la resserrer sur sa prise, tout juste pesante du poids de son ombre. La bouche nobiliaire effleura vilainement le lobe de l’ennemi, refusant de respirer le parfum doucement musqué de son otage qui pourtant assaillait ses narines sans pitié. Entrez je vous prie. Murmura-t-il, jouant de la douceur du ton quand l'ordre était donné par l’impulsion implacable de son corps noué contre le dos comptable.

La chambrée dans laquelle ils pénétrèrent était vide de tout signe d’occupation. Une infime odeur de renfermé couvait les draps repliés au pied du lit et la fine couche de poussière palissant la table de bois. Et parlez-moi d'elle. Question ridicule s'il en était, mais dont le seul dessein était de savoir sur quel pied le Chat danserait pour retomber sur ses pattes. La porte fut repoussée d’un coup de botte distrait alors que les pas castillons s’éloignaient de l’ombre du comptable sans n’avoir toujours daigné poser sur lui le moindre regard pour, magnanime, donner une chance infime à la mesure jusqu’alors préservée entre eux.
Alphonse_tabouret

Il ne faut pas souhaiter la mort des gens,
Ça les fait vivre plus longtemps
Dominique A





Aux premières paroles, avait fait écho le geste ouvrant la porte sur des bribes de souvenirs hivernaux, forçant le chat à retenir la bile à sa gorge pour persister à user du sourire qu’il avait choisi et auquel Adryan refusait de se soumettre en ne le regardant pas, flattant malgré lui le narcissisme cruel de l’animal qui puisait avec délectation dans ce genre de détails anodins, la force la plus brute à perpétrer ses méfaits. La main sur la nuque était inutile, caresse promettant le feu froid d’une colère maitrisée, mais Alphonse ne la chassa pas, avare des démonstrations agacées, des manifestations les plus parlantes, soucieux de ne donner que les miettes pour frustrer son adversaire jusqu’au faux pas et se pliant de ce fait, à la supériorité suggérée par la colère contenue. L’ordre le fut tout autant, mais suivi avec la même indolence quand le Castillon se permettait un rapprochement que le monstre, tapi dans les entrailles félines, se promettait d’outrepasser bien plus encore, accusant les lignes males dans son dos quand le murmure poli lui donnait la nausée.

Et parlez-moi d'elle acheva-t-il d’imposer en refermant derrière eux, tyran de papier laissant le comptable maitre de ses gestes, liberté consommée sans en rajouter, se contentant de pousser un soupir las en s’asseyant sur le bord du lit, une main s’enfonçant en décalé dans l’édredon pour y faire jouer le poids de son corps quand la dextre chassait sur les braies, une particule de poussière imaginaire.

Vous la connaissez certainement mieux que moi, répondit-il en usant d’un ton volontairement distrait chancelant sur le fil du désintérêt, provocation première de l’indifférence travaillée que le chat avait prévu d’offrir à son parasite pour jeter le discrédit à cette rage légitime qui enflait en lui. Si le nobliau venait chercher des réponses, il semblait alors tout indiqué au jeune homme de ne les lui fournir qu’au prix qu’il avait lui-même tarifé, commerçant avant tout le reste dès lors qu’on le sortait du cocon de ses amours, choisissant de distiller les premiers doubles tranchants du sens, des situations, et des ambiguïtés … et nous savons tous les deux à quoi ressemble une catin amoureuse. Son sourire s’aiguisa quand il basculait la tête en arrière, aux prises d’une morgue lascive essaimée aux volutes des mots
Cela finira par lui passer… Voyez-vous, je suis certainement trop pingre pour laisser à la première putain s’agenouillant béatement devant moi une quelconque marque de mon affection sous la forme d’un bijou… Le monstre gronda de plaisir, entrelaçant le fiel à la moindre syllabes avec une attention esthète, laissant perler la suite pour mieux empoisonner… mais assez honnête pour ne pas la prendre sous mon aile et la délaisser aux premiers jupons dignes d’intérêt que je croise…
Il pencha la tête pour cueillir de ses prunelles les perles grises nobiliaires, lui offrant un sourire à ce point arrogant qu’il n’aurait, si les deux hommes avaient su passer au-delà de leurs aveuglements, pu qu’irrémédiablement amuser Adryan tant la provocation tenait du puéril, mais si Alphonse avait compris une chose sur la bête Homme, c’était son entêtement à ne voir que ce qu’il avait choisi de contempler et d’en tordre chaque bribe jusqu’à le plier à l’interprétation de sa vision de choses, et dans l’immédiat, celle du Castillon tenait dans le creux d’une poignée de main scellée avec une cruauté enfantine par les bons soins du comptable et de la blonde
Si je devais vous parler d’elle, je vous remercierais sans doute pour l’avoir rendue aussi démunie et délaissée …
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--Adryan
« Avoir pitié de son ennemi, c'est être sans pitié pour soi-même. »
Francis Bacon.


Comme l’avait prévu le Castillon, l’Ennemi ne montra aucune résistance à s’engouffrer dans le piège insensé que tous deux tissaient depuis cette nuit d’hiver. Nuit dénuée de tout qualificatif quand abjecte, après avoir pris tant de plaisir, aurait été aussi mensonger que de l’affubler d’une impensable auréole subjuguée. Etrangement, Adryan se trouva bouffi d’orgueil d’avoir un tel adversaire, trouvant dans la pugnacité de celui-ci à s’engourdir de mépris une preuve éclatante à la sienne. Aucun coup ne serait épargné dans cette limite enfin franchie d’un pied sûr.

L’insupportable voix s’éleva, calme sereine, rutilante d’une mesure irritante. Si cette simple voix suffisait à faire sortir le nobliau de ses gonds, l’exaspération gagna des sommets inégalés quand, se retournant enfin, le comptable s’offrait dans toute la splendeur de son art à écorcher chacun des nerfs castillons. Oh, que ces simagrées calculées jusque dans la pose du corps, rehaussées du piment d’un geste futile le mettait hors de lui ! Et ce sourire ! Cet abominable sourire ! Détails anodins qui chez d’autres n’auraient pas même été remarqués mais qui, privilège d’être l’Elu de sa rancœur, éveillait une irritation sans borne chez Adryan. Comme ces poupées de bois qui ne cessaient de sourire malgré leurs bras uns à uns arrachés et qui gonflaient l’envie de leur arracher les jambes avec une cruauté sadique pour qu’enfin, elles se démunissent de leurs masques grotesques et faux et dévoilent leurs véritables visages.

Pourtant, repoussant avec une fermeté presque douloureuse ces élans furieux s’agitant dans son sang, le Castillon s’adossa au mur opposé. Trois jours. Il avait réussi à patienter trois jours, il ne céderait pas si facilement à l’envie arracher le sourire insultant des babines félines.

Les mots glissaient à ses oreilles, y trouvant d’étranges échos moralisateurs, et curieusement, le rire fut le premier à se précipiter aux lèvres castillones, tout aussi ardu à museler que la colère et qui, malgré l’effort, retroussa sa lèvre d’un pli dédaigneux. La leçon à ses yeux était bancale. Infondée. La seule présence d’Adryan volontairement face au Chat, pour elle, en était la preuve la plus indéniable. Combien fallait-il que le Castillon tienne à cette petite écervelée blonde pour se plier à respirer le même air qu’Alphonse ! Que le félin ne le comprenne pas, Adryan s’en moquait, bien qu’il soupçonnait l’Ennemi d’être bien trop fin pour être aveuglé. Que Sybil ne voie rien n’importait pas davantage. Un attachement sincère ne demandait rien en retour, pas même la reconnaissance. Et surtout pas de s’affubler de milles feux d’artifice tapageurs tout justes bons à exciter les louanges. La sincérité exprimait toute sa pureté dans la discrétion des actes. Ainsi Adryan était-il formaté, incapable de comprendre que l’autre pouvait avoir besoin de preuves.

Aussi, aux provocations, ne broncha-t-il pas, ne pensant pas même à se justifier d’une faute qu’il jugeait ridicule. Peut-être, avait-il été moins présent pour la Blonde. Peut-être, au lieu de lui en faire le reproche, la jolie Blonde aurait-elle choisi de lui parler sans ses bouderies infantiles, se serait-il confié. Et peut-être, alors, aurait-elle compris l’attachement vrai, sans devoir en passer par ces extrémités, et surtout sans rompre la distance protectrice que les deux hommes avait choisi de tisser au sortir de cette veillée de Noël. Mais Sybil avait choisi une autre voie, encore bien pardonnable au regard du Castillon qui, de la vérité, n’en savait que la moitié. Pourtant, l’ire nobiliaire afflua encore. Non content d’être suffisamment agaçant en manipulant la Nymphe blonde, Alphonse salissait Camille rien qu’en la sous entendant. Et le pli dédaigneux à la bouche rapace se contracta vilainement répondant à ses poings se resserrant. Effacer ce sourire. Effacer ce sous-entendu ignoble de la bouche de l’Ennemi sous une pluie de coups. Que la tentation était brulante. Mais si le soulagement aurait-été incommensurable, cela aurait été bien trop facile. Pour lui, tout autant que pour le Chat.

Ce qui retint Adryan de fondre sur la silhouette nonchalamment installée sur le lit, fut la curiosité morbide de savoir jusqu’où le Comptable était prêt à s’enfoncer pour satisfaire ses desseins occultes. Alors à fourbe, fourbe et demi, le Castillon joua l’idiot aveugle. Qu’Alphonse soit dupe ou pas n’aurait pas la moindre importance quand le but était de faire avouer le mensonge ou, au contraire, d’y noyer encore davantage l’Intriguant.

Démunie et délaissée. Commença-t-il d’une voix atone. Il est vrai qu’il est plus facile de battre une femme dans ces conditions qu’avec les poignets entravés de chaines dans une cave puante. poursuivit-il en plongeant l'acier de son regard dans les prunelles adverses. Vous aviez alors bien moins fière allure. Alors, si vous deviez me remercier, peut-être devriez vous y réfléchir à deux fois.

Cesse de jouer Alphonse. Je t’ai vu brisé. J’ai ôté tes fers. J’ai vu le visage d’Etienne quand il t’a découvert, recroquevillé sur toi. J’ai vu l’Amour briller dans tes yeux quand ton visage amaigri s’est relevé vers lui. Cesse de dénigrer ce en quoi tu crois et ce en quoi je voudrais croire. Cesse de me mentir Alphonse. Cesse de vouloir nier que je te connais autant que tu me connais, et montre toi digne de l’inimité que je te porte. A toi, l’Ennemi.
Alphonse_tabouret

Le silence succéda aux mots, immobilisant l’animal sur le lit où il s’était assis et absorba, tandis qu’il le relevait vers Adryan, toute vie de son regard, montrant au Castillon les mornes plaines, les cieux délavés, les vertiges du vide, l’ombre à laquelle s’était réfugiée la créature pour survivre, puisant dans les plaies fraiches la substance à sa faim et qui enflait sans plus s’arrêter dès lors qu’il avait mis un pied en dehors de sa geôle.
La guerre d’avec son parasite avait toujours respecté certaines conditions, certaines règles intrinsèques à la joute bileuse qu’ils s’adressaient depuis leur cohabitation forcée, et, subjugué autant que vitrifié, le chat laissa cette attaque d’un type nouveau couler en lui jusqu’à le remplir froidement, renvoyé à une vérité qu’il n’avait jamais songé à nier mais qu’il n’aurait jamais cru arme dans les mains d’un ennemi intime. Adryan venait d’abolir la tacite lisière qu’ils n’avaient jamais encore franchie, pointant du doigt la blessure la plus profonde, la plus douloureuse, quand tous deux n’avaient toujours appuyé qu’aux aspérités tranchantes des défauts les plus insupportables qu’ils se trouvaient. Immobile statue, marbre charnel, le sourire figé aux lèvres sans plus d’entrain mais ciselé d’une brume nouvelle, mortuaire, paix tronquée par l’accalmie de l’œil du cyclone, Alphonse détailla soigneusement l’homme devant lui, comme s’il s’était agi d’un parfait étranger, ne voyant plus la silhouette pour ne considérer que les nœuds qui entravaient chaque nerfs, chaque pensée, remontant le fil jusqu’à la seule chose qui ait changé chez lui.
Ce n’était pas Sybil, la source de cette rage-là, ni même son comportement envers elle, pas plus que leur farce idiote qui avait poussé Adryan à montrer les crocs ; rien de tout cela n’avait ébranlé le nobliau, tout au plus le couple factice avait-il réussi à l’agacer assez pour justifier cette mise au point, mais ce coup bas, cette volonté nette de ramener à la chair féline l’humiliation vécue, la torture, l’enfer, l’abandon, ne tenait même pas à lui , à sa provocation première, et, une seconde, avant que l’éclipse ne ramène l’opacité complète de l’ombre à son âme pour relâcher le monstre qui s’agitait à l’aube des réminiscences, Alphonse se demanda si Adryan ne se trompait finalement pas d’adversaire…

C’est donc ainsi que te rend l’amour, Castillon ?
Aigre, aveugle, si proche de la rupture que tu t’éloignes du sujet dans l’instant, que tu me crucifies sans plus tarder, et que tu joues, à peine la partie entamée, ta meilleure carte ?
Laisse-moi te montrer comment me rendent les souvenirs que tu ramènes à la surface…


La tête pivota doucement, comme pour assouplir la nuque avant qu’il ne se relève, lent, terriblement, allongement nécessaire des mouvements pour canaliser correctement la colère qui affluait, quittant le rebord du lit pour récolter amplement ce qu’il s’apprêtait à semer, conscient que chaque mot prononcé en plus de leur brutalité serait soumis au prisme vibrant des sentiments, la chair fourmillant d’une obscure énergie.


Je ne souhaite à personne ce que j’ai vécu là-bas, commença-t-il en retrouvant les perles du Castillon et s’y accrochant pour poursuivre, calme, comme détaché des souvenirs entravant pourtant chacun de ses gestes depuis son retour à l’Aphrodite. Saviez-vous que parfois, je ressens encore le poids des fers à mes poignets ? Un rire froid vint mourir à ses lèvres, les pliants en un sourire lassé par l’impétuosité des bribes tournoyantes qu’il gardait de sa captivité, poursuivant, les mots teintés d’une absence qui n’appartient qu’aux survivants avant qu’elle ne se remplisse du monstre tout entier.
J’avais en effet, moins fière allure, concéda-t-il quand le dessein de sa bouche retrouvait imperceptiblement un parfum d’insolence, les fragrances discrètes d’une prise de pouvoir de la noirceur sur les écueils habituels, réduisant la distance entre eux jusqu’à ce qu’ils soient face à face, rage contre rage, écume contre écume.

Tu veux la guerre, Adryan ?
Tiens, voilà, je te l’offre.


Je ne vous ai jamais remercié… il serait temps, fit il en lui tendant la main : Au moins, me concernant, êtes-vous arrivé à temps pour m’épargner l’humiliation du viol …

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--Adryan
Les masques tombaient. Ou presque quand l’attaque touchait une cible qui n’était pas sienne. Et les mots coulèrent de la bouche féline enfin dénuée de cet accablant maquillage factice. Les efforts faits pour camoufler l’aigreur du Comptable ne suffisaient plus à le cacher, malgré tout son art. Les nerfs affluaient, à fleur de peau. Enfin. Pourtant à l’instant même où le flegme comptable vacillait, la fureur castillonne gronda. Non content de ne pas comprendre à quelles extrémités ses manigances l’avait conduit, le Chat lui crachait à la figure le viol de Camille qu’il n’avait pu éviter. Arrivant trop tard.

Idiot.

Au fond de sa gorge roulait une colère qu’il n’était plus capable de maitriser.

Sombre idiot.


La carcasse frémissante d’Adryan se décrocha du mur, envoyant valser la main tendue avec violence. Tu ne sais rien de ce que j’ai vu moi aussi dans cette cave infâme. Tu ne sais rien de ce que j’ai ressenti en te voyant là. Comme ça. Le rire fusa de ses lèvres, mauvais et le plat de la main nobiliaire frappa le torse adverse, forçant au recul quand il avançait d’un pas. Tu crois vraiment que sans imaginer ce que tu dis, jour après jour, j’aurais passé une semaine à te chercher dans les rues sordides de Paris ? De l’attaque sur Camille ou de l’ignorance dévoilée, le Castillon n’aurait su dire ce qui le blessait le plus. Pourquoi l’aurais-je fait sinon ? Dis-moi ? Pour répondre à des ordres ? Moi ! Imbécile que tu es ! La mâchoire se contracta alors que les poings se serraient de part et d’autres de ses jambes figées au sol. Et toi, toi qui ne voies que ce que tu veux et crois tout savoir, tu me mens et tu entraines Sybil dans tes basses manigances ! Et tu t’y enlises. Un pas de plus et les torses mâles se frôlèrent d’une respiration saccadée qui n’avait rien à faire avec la moindre attirance mais tout avec la colère et le dépit. Nichés au plus profond de mon aigreur, j'avais du respect et de confiance pour toi. Et toi, tu me mens ! Et quand je te force à la vérité, tu ne m’avoues que ton irrespect à me croire aussi mort que toi ! Le plat de la main frappa encore, plus forte. Pourquoi ? Pourquoi vouloir salir Sybil ? Pourquoi vouloir salir Camille ? C’est entre toi et moi que la partie se joue. Pourquoi, dis-moi ! Tu ne respectes donc rien ? Pas même elles ? Menteur !

Le calme n’était plus qu’un souvenir, les mots ironiques susurrés, une vague réminiscence. La voix grondait, et le poing partit, inévitable...

POURQUOI ?
Alphonse_tabouret
Les mots accablèrent, grêlant la surface trouble de l’âme, laissant les vérités s’ouvrir, les non-dits s’éventer dans la bouche d’Adryan, sabotant en un instant, les mois minutieux d’une guerre de tous les jours, osant porter l’intention au-delà des apparences, coup de poignard plus violent encore que tout ce qui s’était dit ou ce qui suivrait pour l’animal dont les manières étaient empreintes à jamais de l’apparence des faux semblants, accusant sans jamais plier, les lauriers souvent décriés qui lui revenaient. Pour sa chevalière, Adryan avait cru à une attaque personnelle quand le comptable n’avait tout simplement pas supporté de savoir le bijou aussi précieux ajusté à un doigt qui ne le lui rendrait jamais. Dès lors, chaque geste, avait été volontairement interprété à la lumière voilée qui les desservait et pourtant, c’était lui qui avait été chercher Fleur, prétextant les besoins du bordel, sachant qu’il soignerait possiblement au succès de cette entreprise, le vague à l’âme du barman. Il avait encaissé longtemps, les accusations de Dacien jusqu’à être le dommage collatéral des secrets que défendait le Castillon, mettant en valeur la véracité des contrats signés quand c’était sa manière de protéger une intimité que son parasite ne livrait jamais entre ses murs…
Il aurait bien sûr été idiot de croire que c’était le simple altruisme qui guidait les choix d’Alphonse, tout comme il aurait été absurde de ne l’imaginer qu’en tacticien souhaitant garder pour lui, les ficelles des hasards. Peut-être aurait-il fallu s’attacher d’abord à cette solitude quasiment innée ou du moins à ce point inscrite à la chair, qu’elle en influait tous les choix, s’attarder ensuite sur cette méfiance à rendre les choses lisibles quand c’était la distance qui l’avait maintenu en vie et finir alors, sur cette satisfaction à se contenter d’être spectateur et jamais acteur, frileux de l’affection, des sentiments, de leurs oscillations. En égrenant des vérités, le Castillon brisait le jeu de dupes qu’il maintenant avec tant d’éclat, une telle application que ni l’un ni l’autre, ne pouvait nier avoir trouvé là un adversaire redoutable, et brisant par le choix des mots, les frontières du décors posé depuis toujours ne laissa que deux hommes dans la pièce, dans tout ce qu’ils avaient de plus brut et de plus proches.

Je récolte ce que je sème, songea Alphonse quand le poing nobiliaire percuta son visage, affrontant sans esquisser le moindre geste la sanction d’Adryan, accusant le coup jusqu’au chancèlement, reculant d’un pas, sonné, frémissant, attisé à l’aube d’un remous à la chape épaisse l’engluant depuis d’interminables semaines, et aussitôt déçu que la souffrance l’effleure sans noyer la bile, sans éradiquer les souvenirs, sans même en égratigner un seul , plongeant la créature dans un désarroi si violent qu’elle feula , déportant jusqu’à la gorge du chat, un grognement rauque, frustré, enragé.

Parce que je ne ressens rien, explosa-t-il brusquement en passant un revers de la main à sa mâchoire malmenée, noyant Adryan tout entier dans la sincérité qu’il venait chercher. Je ne ressens rien, articula-t-il un ton plus bas, la voix grave, contenue, menaçante sans pourtant s’adresser à son interlocuteur mais à ce qu’il venait d’extirper de la carcasse féline.

Tu ne sais pas à quel point tu as raison … poursuivit il la mâchoire crispée au fil de ses doigts quand il se redressait. Ce que la mort de Quentin n’avait pas fait, elle l’a réussi… j’étais creux, me voilà vide… j’ai renoncé à tout et j’ai attendu, simplement attendu que toute cette absurdité finisse… et me voilà ressuscité… Un ricanement lui échappa, froid, rehaussé d’une incompréhension glacée, incapable depuis sa libération, de se délivrer du malaise perpétuel de l’abdication. Sais-tu toi, comment on fait pour vivre après la mort ?, demanda la créature tapie dans l’ombre. Sais-tu comment on fait pour retrouver le gout des choses quand ce qui surgit en premier, c’est cette nausée à sentir sa propre âme s’éteindre ?
Non, n’est-ce pas ?
reprit le comptable dans le pli d’un sarcasme douloureux... Moi non plus, admit-il quand de nouveau la proximité s’imposait entre eux, le regardant instant, regrettant qu’il n’ait pas frappé plus fort, découvrant enfin nettement ce besoin viscéral de surpasser la douleur laissée par sa geôlière en s’en appropriant une autre plus terrible.

Tu prends tout toujours tellement à cœur, Adryan… fit il au fil de son analyse, calme, la voix nivelée à hauteur d’une confidence. Pourquoi diable venir me trouver moi, quand il aurait été si simple d’aller voir Sybil pour lui montrer ton inquiétude à danser en bordure de nos jeux, la raisonner, poser un baiser à son front et juste, la mettre en garde contre moi ?… Et Camille…Il secoua lentement la tête, sans perdre le fil du calme dense dans lequel il flottait encore. Par tous les dieux, les mots ne salissent pas Adryan, c’est le poids qu’on leur donne qui les imbibe de gout… Comment espères-tu la protéger à hauteur de tes espérances si tu l’exposes comme une faiblesse et pas comme une force ? Il s’interrompit, le temps d’une respiration avant de reprendre, sincère : Ne nourris pas ta colère pour moi à travers elles, ne la nourrit que de moi, tu me dois bien ça…
Le bras se déplia à moitié, avançant la dextre jusqu’à ce que l’index s’enfonce doucement dans le torse, arrogant, mais déterminé, faune prenant à cet instant du bouc pour chasser l’homme et s’offrir aux nerfs de son hôte. Je méritais le premier pour cette farce imbécile… Le reste de la conversation se verra rendre coup pour coup.
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--Adryan
"On ne peut haïr un adversaire quand il se bat."
Francis Bossus


« Parce que je ne ressens rien »


Au coup porté, le Castillon aussi recula d’un pas, abasourdi de cette sincérité criée, arrachée involontairement par sa propre vérité dictée par la colère. Aveu paradoxal quand le comptable ne lui avait jamais paru aussi humain qu’en cet instant où enfin, il se débarrassait du carcan de ses masques léchés. Devant lui enfin, il avait un homme, et non une figurine de papier joliment dessinée. Un homme, assumant ses déchirures et ses faiblesses, hurlant son impuissance à contrer à un mal qui le rongeait en silence. Si le Castillon était obtus, fier, orgueilleux, Alphonse ne l’était pas moins à s’enfermer seul dans ses sourires factices. Il était même bien pire.

Des mots qui suivirent, Adryan n’en laissa pas une miette, les angloutissant tous, rongeant leurs carcasses jusqu’à l’os. La colère se dissipait, relâchant ses doigts de leur hargne blanche. A cet instant précis, Alphonse n’avait plus rien d’agaçant quand enfin il se livrait tel que le Castillon voulait le voir. Sans fard.

Pourquoi n’avoir pas été trouver Sybil, tout simplement ? La question pouvait effectivement se poser quand la réponse pourtant était simple. Pour ne pas la perdre. Les bouderies enfantines, les caprices de gamines trop gâtées exaspéraient le Castillon, et tout était à parier qu’en se frottant à cette mine renfermée que la blonde lui offrait, sa réaction aurait été la même que celle qu’il avait eu avec Fleur. D’un revers de la main, il aurait tout balayé et se serait éloigné sans plus jamais se retourner. Le Castillon avait bien des torts, mais connaissait le précepte « Connais-toi toi-même » lu et relu au cours de ses voyages à l’entrée du temple de Delphes et l’appliquait comme il pouvait, souvent maladroitement, certes, mais s’y appliquait. Or perdre Sybil, il ne le voulait pas, alors il veillait sur elle. De loin. Et surtout, la protégeait de lui-même et de sa froideur expéditive à chasser de son champ de vision quiconque le décevait, sans état d’âme, quelques soient la ténacité des souvenirs.

Quant à Camille… Les conseils étaient peut-être judicieux, pour d’autres que ces deux là. Sa force, Elle l’était, mais dans le cercle vicieux où l’un et l’autre s’étaient trouvés piégés, Elle était tout autant sa faiblesse, et il aurait été mensonge de prétendre le contraire. Son cheval encore fourbu en attestait.

Tout cela, il aurait pu l’expliquer. Mais tout cela était finalement hors de propos, quand Adryan n’était finalement là que pour une seule et unique raison: ne pas perdre son ennemi pour un jupon. Paradoxe des ennemis intimes. Paradoxe d’autant plus éclatant quand en sus, les duellistes viellaient l’un sur l’autre, en catimini pour ne jamais être pris en faute, tout autant qu’ils se détestaient. Bien des fois, Alphonse avait usé de ce stratagème licencieux et avait tendu l’aide d’une main sous le couvert impeccable de la bile. L’heure était à rendre la pareille. Coup pour coup, loi du Talion.

Non, définitivement non. Adryan refusait de laisser la démente parachever son massacre au delà de la séquestration. Vers perfide qu’elle était quand en plus d’avoir brisé le corps, elle gangrénait l’esprit. Non, après tous les efforts fournis à érafler, à égratigner, à saccager avec application, Adryan ne laisserait pas une saleté de donzelle gagner dans des règles indignes de l’Adversaire.

Alors les poings se crispèrent à nouveau, non plus contre Alphonse, mais bien contre cette garce qui venait troubler l’équilibre.

Et alors quoi ? Tu vas rester loqueteux, à attendre de t’éteindre complètement à cause d’un vulgaire jupon ? Tu vas la laisser encore t’arracher la peau, petits bouts par petits bouts, pour mieux y mettre du sel ? Pour qu’encore, elle puisse jouir de t’entendre gémir et te droguer de nouveau pour recommencer, sans fin ? C’est ça que tu veux ? Lâche. Elle t’a déjà violé tu sais. Je suis arrivé trop tard pour toi aussi. Alors bien sûr qu’il est plus facile pour toi de t’endormir et d’espérer ne jamais te réveiller pour ne plus sentir ce gout de braise froide dans ta bouche quand tu as connu le feu par ses mains. Souviens-toi, je suis certain que tu as joui, toi aussi. Ses propres mots le révulsaient, mais au diable l’écœurement quand la seule visée était de le faire réagir, encore, de souffler sur les braises qu’il voyait rougeoyer et tenter de les ranimer, avec tout le pouvoir que lui conférait son statu privilégié d’ennemi.

Le second coup fusa, rapide, puissant.


Bats-toi ! Tu me dois bien ça toi aussi !

Oh non Comptable, je ne te laisserai pas te dérober si facilement ! Bats toi!
Alphonse_tabouret
Well, I lie and I'm easy
All the time but I am never sure
Why I need you…
Pleased to meet you

Song 2, Blur




Estomaqué par les mots proférés, accablé par la myriade de souvenirs dansant brusquement à ses tempes, crevant la réalité pour y faire germer un sourire féminin démesuré, un œil exorbité d’intérêt à son agonie, le poids étouffant d’un corps accolé au sien, Alphonse fut trop distrait pour penser même à parer le second coup porté et l’accusa en pleine visage, titubant, recroquevillé sur un ou deux mètres, la douleur irradiant sa tête jusqu’à l’écho des mots crachés par le Castillon.
Chacun d’eux enfla au rythme des battements du cœur, explosant, noirs, désastreux, dévalant les nerfs pour les étouffer et les anesthésier, sans plus de pitié, éclaircissant l’horizon jusqu’à le faire disparaitre et laisser émerger en contrepartie, l’animal, tout simplement, dans ce qu’il avait de plus incontrôlable, de plus vrai, de plus humain. Un hurlement guttural naquit au tréfonds du ventre, porteur d’une vague haute destinée à détruire, remonta le long de la gorge et explosa en une salve de mots maternels tandis qu’il se précipitait sur Adryan, et le percutait de tout son poids avec une telle force qu’ils s’écrasèrent tous deux au mur dans le dos du nobliau. Le temps du choc fut celui du silence, bref, instable, vissant une grimace de douleur aux lèvres interrompues du félin avant que la récidive n’agite ses réflexes et n’exacerbe, sanguinaire, la rage dont il était apprêté. Le col de la chemise nobiliaire fut saisi, relevant la tête dodelinante d’Adryan, le coude se pliant pour administrer le poing.

Au moment même où le hurlement franchit les lèvres comptables, Adryan sut que la bête face à lui était blessée. Irrémédiablement. Et du fait, terriblement dangereuse. De la salve de mots, le nobliau ne comprit le sens que par la rage qui en écumait. D’ailleurs, il était bien trop tard pour se questionner à leur sujet ni même s’en soucier quand sa respiration se trouva brisée nette par le poids d’Alphonse, bélier s’écrasant contre lui dans le craquement de ses côtes contre le mur. Pantin un instant, il recevait ce qu’il avait voulu dénicher. Des valses noires plein les yeux, le coup de poing fusa, sans même qu’il n’ait pu voir le coude se relever, s’écrasant avec fureur sur sa mâchoire alors que son crane ricocha encore sur le mur dont il était prisonnier. Le gout émétique du sang inonda sa langue, maquillant les lèvres catillonnes d’un carmin immonde et dégoulinant. Ce fut ce métal dans sa bouche qui le tira de la torpeur où la douleur voulait l’enterrer. Instinct de survie. L’altruisme d’Adryan avait des limites clairement définies, et l’une d’elles était de sauvegarder son gagne pain, à savoir sa belle gueule.
Alors, d’un rugissement bestial, la chemise flamande fut empoignée, rejetée, sans pourtant amorcer le moindre divorce quand les deux corps furieux s’écrasaient au sol avec lourdeur, roulant l’un sur l’autre dans le désordre de jambes, de bras, de cheveux, de râles, de coups qui se cherchaient et se répondaient sans que l’un ou l’autre ne baisse sa garde. Animaux, ils l’avaient été dans la jouissance. Animaux, ils l’étaient dans la bataille.

Le crane avait cogné le plancher, délestant un instant, les repères primitifs de l’espace et de la douleur, dissolvant dans un brouillard passager, les pensées au profit des nerfs, aiguisant la colère jusqu’à la rendre Une, propre, agitée et rancunière anéantissant le temps dans la violence de la rixe. Les coups accusés n’importaient plus, seule l’exaltation de cette faim sanguine irisant les contreforts de l’âme pour les narguer de l’assouvissement comptait désormais et se trouvait dans chaque frémissement affligé, chaque martèlement, choc et heurt. Plus aucune mesure, plus aucun contrôle, rien que l’informe de semaines frustratoires qui trouvaient enfin matière à s’exprimer, écho du vide qui s’était rempli de trop, et qui s’enfonçait tour à tour dans la chair nerveuse de son parasite pour éclore quelques heures plus tard en flaques sombres sur les peaux.
La dextre nobiliaire percuta sa tempe sans qu’il ne desserre sa prise, assis à califourchon sur le corps souple d’Adryan sans en jauger une seule fois la brulure jumelle, l’essoufflement commun, s’apprêtant à abattre la sienne quand l’éclat rouge d’une goutte de sang éclatant sur la joue d’Adryan attira son attention, figeant le geste à l’orée de son exécution, remarquant la couleur enfin dans les cendres, interrompant le faune , laissant son souffle court se répercuter dans l’onde du silence soudain.
L’air lui brula brusquement les poumons et les douleurs ignorées explosèrent une à une, jusqu’à cette lèvre fendue distillant au compte au goutte, un carmin vibrant sur la joue rougie d’efforts du parasite, étonnant enfin, derrière l’hideuse créature, l’humain, dont les limbes voisines s’entredéchirant autour de lui, laissaient place à une réalité qu’il avait traversé sans en prendre conscience. La dextre grelotta indiciblement, non pas d’hésitation, mais d’un étonnement accompagnant les derniers lambeaux de colère distillés aussi subitement que rapidement aux reliquats du jour jusqu’à l'abaisser, lentement, effaré, repu, discernant à peine les repères habituels qui jalonnaient ses terres, la lueur délicate de la vie louvoyant timidement dans les prunelles ancrées à celles du nobliau.



(Post à quatre mains)
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--Adryan
Only after disaster can we be resurrected
It's only after you've lost everything that you're free to do anything
Nothing is static, everything is evolving, everything is falling apart

This is your life, this is your life, this is your life, this is your life
Doesn't get any better than this
This is your life, this is your life, this is your life, this is your life
And it and it's ending one-minute at a time

The Dust Brothers - This is Your Life


Ignorer la douleur. Ignorer l’épuisement. Frapper. Tenter d’esquiver. Ne pas fuir, jamais. Encaisser les coups. Oublier leurs craquements mats ricochant sans relâche à ses tympans. Frapper encore, malgré les plaintes rauques. Voilà à quoi se résumait l’univers entier d’Adryan. Le coup porté à la tempe comptable élança son poing meurtri sans qu’il n’en prenne garde quand il savait déjà la menace de la riposte pointée vers son visage tuméfié.

D’un réflexe, il se tordit malgré le poids d’Alphonse pesant sur lui, cherchant à le reverser une fois de plus pour reprendre un semblant d’avantage. Avantage aussi futile que versatile que l’avaient été les autres quand la ténacité des deux hommes se mordait dans une égalité frisant le massacre. Pourtant, nul coup, nul grondement de rage plombant le reste de ses forces. Juste le silence, le figeant dans un immobilisme stupéfait d’attente.

C’est ton tour… Que fiches-tu ? Ne put-il s’empêcher de songer dans le chaos des ecchymoses naissantes. Il n’était que douleur et contusions, mais pourtant, au lieu de profiter de la trêve pour asséner le coup décisif, tourna la tête vers Alphonse, sans relâcher sa poigne forcenée agrippée à la chemise adverse. Et il vit. Enfin. Cette lueur louvoyant au fond des prunelles noires.


Enfin… lâcha-t-il dans un filet de voix essoufflé. Stupidement, certainement, le Castillon en fut satisfait, reléguant au loin les douleurs confuses quand le but était atteint. Quand les coups, aussi durs avaient-ils pu être, avaient au moins le mérite d’ébranler la nasse de l’engourdissement. Le Castillon n’en tirerait aucune fierté, tout au contraire, il se flagellerait certainement d’avoir tendu cette main licencieuse. Mais pour le moment, le pantin agonisant laissait entrevoir l’Ennemi qu’il souhaitait retrouver. Impudique, Adryan se gorgea de ce simple éclat jusqu’à la lie, laissant le temps s’effilocher entre leurs deux visages ravagés. Dans un grincement de dents, s’extirpant de sa torpeur visqueuse, le Castillon se releva sur un coude, tirant vers lui, avec la même force dont il avait usée pour frapper, la chemise flamande et écrasa sa bouche contre celle de l’Ennemi, l’enchainant cette fois non plus de coups, mais d’un baiser fougueux et irréfléchi. Baiser plus vénéneux encore que la giboulée de coups qui les avait renversés. Puis d’un geste toujours plein de brutalité, renversa le combattant, s’arrachant à l’emprise du gout de ses lèvres sanglantes tout autant que de son poids et de ses attaques. Et essoufflé, incapable d’un geste supplémentaire, se laissa retomber sur le sol.

Je te hais, Comptable, de me contraindre à te voir.
Alphonse_tabouret
Un mot, un seul, franchit les lèvres Castillonnes, s’emparant du silence pour se l’approprier, désaltérant les ultimes retranchements d’une brise fraiche, anesthésiant le chat au fil d’une vérité encore trop brillante pour en percevoir clairement les contours, étonnamment diaphane quand elle revêtait les couleurs du carmin, écrasante quand elle n’était que gouttelettes perdues à même la peau.
“Enfin”.
Enfin un instant libéré, assouvi de coups, de brulures, de douleurs, enfin reconnu dans les yeux d’un tiers tel qu’il avait été quand il se savait vivant, détesté ou aimé, peu importait, mais en vie tout simplement malgré l’étourdissement qui fourmillait le long de sa nuque et enserrait l’ensemble du crane d’une manne virulente quand le poing crispé du brun le maintenant encore dans l’entrelacs de leur discours muet. Sous la coupe du regard nobiliaire, il n’esquissa pas le moindre geste, incertain de le pouvoir, trop fragilement né pour se sentir maitre de la route devant lui, asservi encore à cette reconnaissance ténue, soucieuse et aigre, que lui octroyait le Castillon, jusqu’au baiser plaqué à ses lèvres , étincelle suffisante à réguler le pouls dans le gout du sang dilué, étrange sensation que de se sentir respirer dans le souffle passionné et écœuré de son ennemi.

Le sol l’accueillit dans un ultime geste de rejet, et il y resta, pantelant, le corps perclus de douleurs amenant leurs premières vagues, poinçonnant le corps des réalités qui s’étaient abattues sur lui, grimaçant en passant sur sa lèvre sanglante un index dont l’extrémité s’empourpra, visqueuse, l’âme en proie à une reconnaissance métissée de dégout, à une joie souffreteuse, à la bile de se sentir en dette sans être certain de pouvoir rendre sous le couvert du dédain, la pareille au jeune homme étendu à côté de lui.


Je te hais, Comptable, de me contraindre à te voir.

Il s’accorda une lente inspiration,sifflante, assimilant les mots au travers du gouffre, en suivant la ligne maculée de ténèbres et tachetée de lumière jusqu’à leur absorption complète. Adryan avait vu au delà du vernis, du jeu opposé et avait choisi de le confondre jusqu'à l'arracher à sa flegmatique torpeur, par cruauté ou bien par sincérité, le faune n'eut pu le dire tant il était parfois difficile de démêler l'une de l'autre... Qu'importait, le résultat était le même, Adryan avait vu et forcé l’animal à un spectacle qu'il niait depuis des semaines.

Je te hais, Parasite, de me contraindre à l’accepter, répondit-il la voix cassée d’une émotion aussi aigre que douce, partagé entre la paix écœurante d’à nouveau se sentir respirer et la conscience brulante que ce n’était que le début du chemin vertigineux à entreprendre pour se libérer de ce poids infernal pesant à ses poumons et éradiquer la maladie.
Sa tête pivota, la tempe trouvant le plancher, le regard ombré prenant le temps de mesurer sur le visage du parasite les marques laissées par ses soins, la cohérence de leur affrontement s’estompant accidentellement quelques instants, sans lutin pour forcer le lien viscéral les unissant, avant de trouver les perles grises auxquelles s’attacher, fraction momentanée de quiétude dans l’esquisse à peine perceptible d’un soupir, passage fugitif dans l’œil du cyclone, n’existant que pour mourir sitôt que le temps reprendrait son cours:

De quoi ai je l'air ?
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--Adryan
Le gout de la bouche comptable s’accrochait aux lèvres nobiliaires, poison qui semblait vouloir lui pourrir la vie, malgré la rancœur, malgré de dégout, malgré les mots plus vrais que tous ceux qu’il n’avait jamais prononcer. Vrais. Tout comme ceux d’Alphonse. De deux simples phrases, tout était dit, brisant net les tabous. Tout le paradoxe de leur houle se trouvait étalé sur le plancher sans plus de pudeur, éclatant d’une vérité pleine, chatoyante de leur entêtement à ne rien vouloir briser de l’ordre établi, craignant, peut-être, de se perdre. L’entente muselée les dépassant ne faisait que renforcer l’animosité dans laquelle ils avaient choisi de s’embourber, sans même plus se souvenir des causes initiales. Oui, ils auraient pu être amis proches, et la conscience de cet état de fait les retranchaient toujours plus loin derrière leurs remparts haineux méticuleusement hérissés. De deux phrases, ils avouaient tout, signant à l’encre rouge que jamais il n’en serait autrement. Serment d’ennemis intimes. Promesse de fidélité à leur éthique.

C’est ainsi du moins qu’Adryan vit les choses quand pour la première fois, il acceptait de prendre un tant soit peu de recul pour les analyser, le regard flottant sur le plafond. Enfin, demi regard quand l’œil gauche semblait vouloir disparaître sous une paupière trop lourde. Mais alors qu’il pensait le silence roi, une question irrationnelle vrilla les murs.


« De quoi ai-je l'air ? »


L’interrogation sembla à ce point déplacée que la seule réponse que put fournir Adryan éclata dans un éclat rire agitant ses cotes douloureusement, toussant dans le même temps en se tortillant de douleur, s’offusquant de logorrhées incompréhensives que l’attaque était sournoise et que les coups avaient suffit. Puis se calmant enfin, les nerfs déjà trop mis à l’épreuve lâchant définitivement prise, il toussa encore avant d’essuyer sa bouche du revers de la main, indifférent à la trainée rouge qu’il y traçait. D’une lenteur accablante, la tête brune daigna enfin se tourner et le gris se mélangea au noir dans un brouillard d’incompréhension. Le Castillon avait beau être éreinté et fourbu, n’ayant en tête que l’idée de quitter la pièce pour s’écrouler sur un lit si ses jambes avaient pu le porter, il ne percevait pas moins le double sens de la question. Un soupir faible souleva son torse, alors que son regard ne parvenait pas à se libérer de celui du comptable.

Je voudrais te répondre de rien… Mais je te mentirai.

Ne joue pas à ça Alphonse.
Tu sais qu’à te regarder trop, la folie qui m’a pris ce soir de noël pourrait bien me reprendre. Que ton gout me hante, tant de dégout que d’envie, inextricablement entrelacés, et que je n’ai comme échappatoire, pour me regarder encore dans un miroir, que la solution d’évincer ce souvenir de mon esprit.

Ne joue pas à ça Alphonse.
Ce que j’ai pu voir, au-delà de ton visage ravagé, de ton corps souple, de l’habileté de tes mains et de ta bouche, pourrait me plaire, et ça, je ne le veux pas plus que toi. Alors laisse-moi me taire et oublier.


Laisse-moi aimer te détester. Tout entier. Du gout de ta bouche jusqu’aux noirceurs de ton âme d’homme. D’homme. Simplement.
Alphonse_tabouret
Le rire du Castillon éventra le silence neuf jusqu’à emplir la pièce, vibrant de souvenirs que le chat s’était appliqué à enfouir toujours plus profondément quand chaque bribe ayant survécu aux drogues qu’ils avaient absorbé malgré eux remontait à la surface, et le narguait, ostensiblement, d’une réalité qu’il ne pouvait pas nier. Le regard sombre ne décrocha pas du visage opposé, assistant à la transformation des traits qui étaient habituellement dessinés à son attention, de lignes droites, abruptes, et jamais de courbes moelleuses, enchevêtrant à ses pensées, jusqu’à l’illuminer du rire, brièvement, laissant ricocher autour de lui la lueur d'une beauté simple, enivrante.

Je voudrais te répondre de rien… Mais je te mentirai.

Tes yeux parlent trop, Parasite…
Si je ne joue pas, toi, ne me regarde pas avec cette vérité qui y vibre plus fort que notre colère, pas avec cette sincérité effleurée dans le sang. Ne me regarde pas comme si tu me comprenais, c’est la dernière chose à laquelle je veux me nourrir…


Laisse-moi aimer te détester. Tout entier. Du gout de ta bouche jusqu’aux noirceurs de ton âme d’homme. D’homme. Simplement.

D’Homme, répéta-t-il d’une voix presqu’absente, faisant écho en préférant dans un soupir le plafond à l’expression jumelle, trop vive, capable de faire chanceler à l’instant jusqu’à la chute, le funambule déjà déséquilibré, acceptant un instant la sentence avant de se redresser, crispant à ses dents un gémissement de douleur en sentant ses cotes cercler ses poumons sans sommation, s’asseyant pour un reprendre un souffle court malgré le répit.
Il resta un instant là, à contempler le plancher, les tempes vides pour la première fois depuis longtemps, goutant au calme jusqu’à clore les paupières et se laisser dériver aux confins des douleurs s’enfouissant à sa chair en guise de nouveaux symptômes quelques secondes avant d’appuyer la main au sol, sans retenir la grimace accompagnant le geste, contemplant dans une expression rogue le poing ankylosé par l’effort. Prenant sur lui, vainqueur-vaincu mais aiguisé par cette empoignade brutale autant que sincère, il se redressa, chancelant, presque au creux du vertige de sa hauteur habituelle et, faisant lentement un pas de côté pour s’assurer la prise à la terre ferme, tendit une main à Adryan, attendant qu’il s’en saisisse pour l’aider , d’un mouvement à le relever.
Du geste, il ne choisit de garder que l’insolence, signe de vitalité, accord tacite des règles préétablies et se devant de perdurer pour leur propre équilibre, profitant du mouvement pour entrainer le Castillon à plaquer ses lèvres aux siennes, volant un baiser étonnamment vif tout autant que soyeux, qu’il conclut d’un sourire ensanglanté, onyx lovés aux perles et souffles jumelés par la proximité.

Maintenant les comptes sont justes, lui murmura-t-il en reculant d’un pas, la morgue renaissante se mêlant à l’étincelle d’une reconnaissance encore trop neuve pour être bileuse, saisissant la poignée de la porte pour l’ouvrir, lui confiant, dans la conclusion de cette parenthèse, grave sous le dessin faune de ses traits abimés : A charge de revanche…
_________________
--Adryan

« Maintenant les comptes sont justes ».


Relevé dans une grimace souffreteuse, il aurait dû rejeter, encore, ce corps chaud qui le frappait sans pitié d’un baiser affolant. Œil pour œil, dent pour dent n’est-ce pas ? Telles étaient les règles. Alors Adryan les respecta, se gorgeant de cette offrande périlleuse, retranchant sa conscience vacillante derrière la douleur et l’épuisement pour justifier son apathie ignoble quand au coup porté, il aurait dû en rendre un autre, sans fin. Mais magnanime, il accepta l’équilibre, plus par pitié pour lui-même que pour l’Ennemi.


« A charge de revanche… »

La main comptable sur la poignée de porte annonçait la fin de l’entracte, laissant le Castillon hébété, empêtré à ce gout trainant sur sa bouche dont il ne savait que faire, engoncé de cette promesse tacite et menaçante malgré elle. D’un élan incontrôlable il avança d’un pas, s’apprêtant à saisir cette main qui allait se dérober, emportant avec elle ce rubis qui le narguait de son éclat. Il aurait voulu l’arracher de ce doigt pour conclure définitivement qu’ils étaient quitte, que la revanche était consommée, mais pourtant dans un sursaut de fierté n’en fit rien, refusant in extremis de s’abaisser à la mesquinerie pourtant si facile. Pourtant à portée de main. D’un simple souffle sifflant, il accepta le poids neuf d’une reconnaissance qui l’écrasait, de la promesse d’une aide sur laquelle il avait déjà envie de cracher et qui pourtant, il le savait, serait à la hauteur du déni. Tout aurait pu finir là, par l’entremise d’un simple bijou, mais Adryan laissa filer sa chance en toute connaissance de cause, sachant qu’il risquait à nouveau de lâcher prise devant le regard sombre du comptable. Mais tel aussi était le pacte, malgré le danger affolant dont se parait à présent le visage l’ennemi. Danger bien plus profond que les coups, que l’ironie dans laquelle tous deux s’étaient prélassés jusqu’à présent, qui ne faisant alors qu’égratigner, qu’agacer. Tout serait pareil en apparence, mais plus rien ne serait comme avant, quand la vérité avait éclaté au fracas des coups et dans chaque mot soigneusement choisi pour en laisser suinter l’essence même.

La porte se referma sur la silhouette d’Alphonse, et Adryan ne put comme toute réponse que murmurer d’un souffle éreinté
Ne me mens plus. Jamais. Menace ou imploration, lui-même n’aurait su le dire, mais l’Ennemi paré du halo du péril était trop beau pour risquer de le perdre. Amen. La messe avait été dite, laissant enfin le fidèle libre de s’écrouler dans une plainte expirée sur le lit. Vide et plein. Paumé et n’ayant jamais été aussi convaincu du chemin sur lequel il devrait arpenter sans savoir pourtant, où celui-ci menait.


« Entre tous les ennemis, le plus dangereux, est celui dont on est l'ami. »
Alphonse Karr
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