Cyrinea
Savez-vous où se trouve Automne ? Le soir va tomber et elle n’a toujours pas reparu.
Bénauges était inquiète. Elle s’était prise d’une réelle affection pour la jeune fille qui avait manifesté désir de les suivre dans leur aventure provençale et elle s’en sentait un peu responsable. Elle était certes indépendante mais jusqu’alors, elle avait toujours regagné le lieu de leur villégiature avant la nuit.
Berthelot n’en avait aucune idée, Hugues entendant sa question avait pointé le doigt vers l’horizon, et le Duc avait, en grand observateur, évoqué le port où la belle aimait par-dessus tout aller se promener. Le Duc était leur mémoire collective. Il notait tout, aussi bien par écrit que mentalement et la Duchesse lui en savait gré, elle qui avait une mémoire de poisson rouge.
Je vais au port. Si je ne suis pas revenue dans un petit moment, envoyez Berthelot me rejoindre ou confiez-lui Hugues et venez vous assurer qu’il ne nous soit rien arrivé.
Elle ne laissa pas à Stanislas l’occasion de protester. Automne allait devenir sa vassale, il lui incombait de veiller sur elle.
Cyrinea traversa la ville en trombe, insensible à la vie qui se transformait autour d’elle. L’univers de la nuit jetait son ombre sur Arles dans une atmosphère inquiétante et fascinante. Elle en avait un temps fait partie, le connaissait bien et n’avait pas peur. Il en allait différemment d’une jeune fille à peine sortie du couvent et pour laquelle les dangers prenaient l’allure de la barbe des nonnes qui l’avaient élevée. Et, en termes de barbe, la nuit, sur le port, y avait franchement de quoi s’inquiéter.
Quelle ne fut pas sa surprise lorsque, essoufflée, elle avisa la donzelle perdue dans la contemplation de l’horizon, jambes ballantes au-dessus de l’eau.
S’approchant doucement afin de ne pas l’effrayer, manquerait plus que d’un sursaut elle ne tombe et savait-elle nager ? mystère, elle lui susurra un« N’aie pas peur ce n’est que moi, Cyrinea », puis, prit place à ses côtés.
Oubliant toute notion du temps, elle se perdit avec elle dans la contemplation des eaux noires, du balancement des mâts et de la flamme du phare qui substituait au réel le travail de l’artiste : la nature devenait tableau.
_________________
Image trop lourde.
Enlevée par Mouchette admin forum.
Automne.
Oui, qu’importe le temps quand s’offre à mes yeux ce paysage fuyant.
Le temps que la lumière me permet de jouir pleinement du panorama et d’en découvrir chaque détails, j'écoutais. Taire, pour mieux faire parler formes et couleurs, profondeurs et textures, clair et obscure. Retracer le temps et l’espace unifiés ou le vaisseau devant moi passe et repasse.
J’aurais aimé savoir dessiner ou peindre, ou les deux, pour d’instinct coucher sur la toile cet instant …
Un sourire s’étira sur mes lèvres avec cette pensée me rappelant si fort l’échange de l’autre soir avec une amie si chère.
PLOUF !
Sortant de ma rêverie, le butin glissant m’échappa des doigts. Je fixai les ronds dans l’eau tranquille ou lentement zigzaguait vers les profondeurs MA saucisse perdue.
* Mais quelle andouille ! *
Toujours arrimée sur le ponton, je m’appuyai résignée contre un paquetage et un à un j’entrepris de lécher mes bouts de doigts. Il fallait bien à présent que je me contente de ça.
Salive au gout marin au fond de la gorge, mes paupières se firent lourdes et le temps immuable passa et repassa caressant mes contours. Le soleil déclinant s’invita dans le ciel nébuleux et un frisson me fit ouvrir les yeux. Ou plutôt ce fût une voix délicate et familière tout près de mon oreille qui me fit tourner la tête.
« N’aie pas peur ce n’est que moi, Cyrinea »
Une lueur brilla alors que mes iris s’intensifiaient pendant qu’un sourire radieux s’étirait sur ma bouche. Un instant suspendu, je la regardais s’asseoir près de moi et accompagnais son regard vers le paysage des derniers moments du jour.
Sans détourner le regard ma main vient se coucher sur la sienne et ces mots s’échappèrent.
Je n’ai pas peur car il y a le monde, le réel, les autres et vous.
Le tableau était achevé. Deux femmes assises, côte à côte, une brune et une blonde qui se rejoignaient. Elles regardaient ensemble le mouvement, le quai. Elles ne sont rien, c’est ce qui les bouleverse qui est tout.
J’espérais que vous viendriez avant la lune. Cyrinea faites-moi découvrir la nuit ce soir, ici dans ce port. Voulez vous ?
Cyrinea Le moment était étrange. Etrange de ces liens qui se nouent sans crier gare et de la découverte d’une toute jeune fille qui était indiscutablement entrain de grandir, prendre de l’assurance, et qui avait des curiosités qui surprenaient la Sirène.
Sirène qui trouva tout aussi étrange sa demande. La nuit…De quelle nuit voulait-elle parler ?
Sans quitter du regard les eaux lisses qui devenaient d’un noir profond, par endroits scintillant de la lueur des lanternes sur les bateaux, elle répondit à Automne d’une voix un peu sourde, comme lorsque l’on craint une nature qui jusque-là a su se montrer rassurante, familière, mais qui contient en son sein des monstres de chair qui pouvaient à tout moment arriver par derrière et les dépouiller, elles, femmes vulnérables, uniquement tournées vers la magie du soir qui tombe.
Je connais plusieurs nuits Automne. Celle qui enveloppe l’âme dans les moments de pire souffrance ou de solitude, celle qui se contemple sur les marches d’une roulotte lorsque l’on est en proie à l’insomnie, celle dans laquelle on plonge un regard émerveillé si cette même insomnie nous prend mais parce que l’on vient de vivre un moment de bonheur exceptionnel, celle de l’amour, celle des confidences, et celle, plus inquiétante, des bouges, des lupanars, une nuit délivrée des tabous, dans laquelle l’on peut s’immerger mais dont on ne ressort jamais totalement indemne.
Elle se tourna vers la jeune femme avec un sourire.
Laquelle t’attire le plus ?
_________________
Image trop lourde.
Enlevée par Mouchette admin forum.
Automne. Derrière la mer, l’astre orangé puis rouge flamboyant s’était couché. Le ciel indifférent de s’être décomposer en une multitude de couleurs se teintait de la portée lumineuse du phare sur la mer. Cela donnait au spectacle un mouvement lancinant à mesure que l'obscurité s'épaississait.
Elle venait l’irrésistible nuit parsemée de frissons. Comme quand on est dans l'enfance ou les songes peuplent nos couches de monstres effrayants. Ce paysage nocturne apportait lui aussi ses ombres menaçantes.
Je tournais mon regard vers elle. Fascinante la Sirène quand de sa belle voix sourde pour dire un monde d’amour et de passions, de déchirures et de brouillard, d’instants sombres et lumineux qui volent d’un ciel à l’autre.
Avide d’apprendre, curieuse de tout. Une multitude de pensées sortirent de ma bouche, je savais que je pouvais me confier.
Toutes ces nuits que je ne connais pas mais que je voudrais vivre me donnent une impression d’urgence et toutes m’attire Cyrinea.
Ma vie semble prendre l’allure d’une course ou j’aimerais me perdre.
Me perdre dans la profondeur d’un regard ou j’oublierais l’instant suivant et plus encore. Ce regard peut être celui d’une vie ou d’une heure, peu importe si son intensité ne dure qu’une nuit. C’est pour ça que la nuit est fascinante, elle sait donner et prendre sans rien attendre. Je crois que je lui ressemble.
Mes prunelles parcouraient les nuages qui voguaient sur l'eau en ombres chinoises.Une minute peut être deux passèrent, sans qu'un bruit ne perturbent le silence abyssal. Je la regardais a nouveau pour continuer.
Si j’ai assez de temps pour toutes les découvrir, alors celle que je choisis ce soir est la nuit ou Vénus étincelle. Peuplée de fantasmes ou les blanches colombes ne sont plus. Je veux goûter à l'interdit ici, pas ailleurs. Cette nuit, mon corps m’appartient et je ne veux plus être vierge.
Mon regard audacieux se plongea dans le sien, ma confiance en elle avait encore grandie.
Lolo87
1 heure, presque 2 vu la hauteur du soleil dans le ciel,
Le blond marche dans le port quasi vide à cette heure.
Seul il se laisse bercé par le bruit des bateaux, des voiles relâchées qui claque au vent, les clapotis de l’eau contre les pontons...
Des bruits qu'il apprécie...
Loïc se sent bien là dans l'anonymat du port et de cette ville où il vient d'arriver.
"anonymat, ça c'est sur!!!"
Riant à cette idée , il était quasi sur que ses vieux amis ne le reconnaitraient même pas !
Qui aurait cru que Loïc l'irréductible de SBC aurait autant changé...
Avant toujours bien coiffé, rasé de près et bien habillé il était aujourd'hui redevenu le Loïc de sa jeunesse!
Enfin avec des cicatrices, des rides et des tatouages en plus...
Le blond portait aujourd'hui la barbe et les cheveux longs, des habits abimés et crasseux,
une deuxième épée sur son côté gauche s'ajoutait en parfaite symétrie à sa fidèle Mûre qui trônait sur sa hanche droite.
Sa peau qu'il gardait jadis pâle portait maintenant les marques brunes du soleil,
et son bras gauche les marques noires et indélébiles des entrelacs celtes.
Il n'était plus le même homme et il aimait ça !
Il s'assit à l'ombre d'une grande caisse en bois,
les jambes au dessus de l'eau regardant le port vivre au ralentis aux heures trop chaudes de la journée...
Cyrinea Elle découvrit en la jeune femme une profondeur et une sensibilité qu’elle n’avait pas jusqu’alors mesurée. Elle trouva, dans les paroles d’Automne, des échos de celle qu’elle avait été jadis, de celle qu’elle était encore aujourd’hui.
Alors que le jour venait de tirer sa révérence, la Sirène sourit, puis s’allongea mollement sur le sol, les pieds toujours pendant au-dessus de l’eau devenue d’un noir d’encre. La vie palpitait dans le ciel comme elle la sentait palpiter en elle.
Virginité…Sujet de plaisanteries tendres ou graveleuses, d’envies ou de jugements sans appel, fuie par certains hommes, appelée de leurs vœux par d’autres, elle ne se perd qu’une fois mais peut renaître par la force de l’amour. Mais nous n’en étions pas là : la jeune fille voulait devenir femme.
Un jour, c’était il y a longtemps maintenant, je suis entrée dans une taverne. Un homme et une femme discutaient. D’art. Ils ont à peine fait attention à moi, l’homme surtout. Je l’ai revu, ai provoqué des rencontres, lui aussi ai-je appris plus tard, tout comme j’ai appris que ce premier jour j’avais attiré son attention sans même m’en apercevoir. A force d’échanges, de regards, de complicité intellectuelle, l’air s’est chargé d’une tension sexuelle au fur et à mesure de nos rencontres contre laquelle j’ai vite compris qu’il serait vain de lutter et je n’en avais d’ailleurs aucune envie.
La Sirène ferma les yeux un instant, puis les rouvrit sous un ciel gorgé d’étoiles.
J’étais vierge. Je ne le fus plus. Et n’ai jamais eu à le regretter. Sais-tu pourquoi ? Parce que cet homme, je l’avais choisi et ai attendu que ce moment, que l’on ne vit qu’une fois, devienne une évidence. Je ne savais pas si ce serait une nuit, une semaine, dix ans…Cela n’avait aucune importance. L’interdit se déguste Automne. Venus est volupté. Que tu sois ou non amoureuse, c’est cette volupté que tu dois rechercher. Ce désir d’un corps que tu choisis ainsi que l’âme dont il est l’enveloppe.
Elle se redressa, jetant à l’eau de petits cailloux que sa main avait saisis. Le bruit léger du clapotis la fit sourire.
Sois légère. Pars à sa recherche. Quand tu l’auras rencontré, tu sauras.
_________________
Image trop lourde.
Enlevée par Mouchette admin forum.
