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[RP] Fêlures d'oiseaux

Umbra
[1459, Couvent de Dunkerque]

Une religieuse pouponne une orpheline dans le reflet d’un miroir. Ce dernier réfléchit un visage opalin aux traits fins, presque fragiles. Des boucles de jais se tordent dans tous les sens sous la dextérité de la nonne. Les sourcils s’arquent puis se fronce étirant la peau parfaite. Deux grands onyx scintillent à l’éclat d’un chandelier à proximité. Des larmes ourlent les longs cils. Quelques une s’échappent du regard et dévalent des joues creuses et rosies. Le nez se plisse et renifle, dérangé par des picotements. Les lèvres se pinçent puis rougissent sur la morsure de dents blanches.

Ne pleurez donc pas, Ombeline. Vous êtes magnifique, mon enfant...

[1462, Auberge de Rodez]

Une plaque de verre brisé rejette en un coin l’image de ce même faciès. A peine trois années se sont écoulées que le portrait est méconnaissable. La chevelure, en plus d’avoir poussé, a prématurément commencé à blanchir. L’arcade gauche fracturée déforme la ligne du sourcil ainsi que l’expression du visage. Sous ce dernier, la paupière peine à dégonfler, bordée de noir et de violet. Les hématites semblent définitivement avoir perdu leur brillance. L’ovale est toujours aussi creusé et se ride déjà d’amertume. A différents endroits, le cuir a même bleui. Le nez désormais cassé renâcle. Les lippes tremblent puis s’étirent en un râle agonisant. Cependant, après tout ce temps passé, toujours les même sanglots...

La dextre se plonge sans vigueur dans un pot d’onguent douteux. Les mouvements sont longs et las. Seuls les spasmes agitent la carcasse et en éveillent les tourments. L’Ombre a conscience que pleurer avive ses plaies mais elle sait aussi qu’il ne lui reste plus que cela aujourd’hui. Allongée sur un lit de fortune, bloquant sa respiration entre deux haut le coeur, les doigts frôlent le poitrail dénudé pour appliquer la pâte malodorante sur sa côte fêlée. Chaque geste est un supplice depuis de longues journées maintenant. La vie est même est un fardeau depuis un sinistre jour.

La Corneille a plumé son orgueil pour se parer d’une éternelle honte. Fuyant le contact, se retranchant sur elle-même, elle exige la solitude. Se laissant mourir à petit feu, Umbra ne mange plus, ne boit plus, ne dort plus, ne se lave plus. Sa peau transpire le fumet de la crasse, la fragrance des baumes et le parfum métallique du sang. Ses chairs suppurent son odeur. Celle de cet animal sans vergogne.

A cette idée, le corps se tord de souffrance et l’âme se ploie d’affliction. Les ongles noirs lacèrent les morsures imprimés sur son sein. Qu’importe les maux physique, la Noiraude ne semble plus écouter les restrictions de son enveloppe charnelle. Sourde à cet appel, c’est d’abord, son esprit qui est en péril. Repenser, remémorer, toujours ruminer, inlassablement ressasser. Ne jamais oublier.

Mais bientôt les nerfs viennent à bout et l’être sombre dans l’inconscience. Gisant au milieu des draps à moitié dépenaillée, Ombeline rêve maintenant de ne plus se réveiller.

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Hibou.
Et on garde la même musique oui oui, 6 minutes d'ambiance, ça se paye.




[ Cœur de lavande ]


Ca d'vrait pas tarder.

Le germain offre un demi sourire de remerciement à l'aubergiste. Sourire de connivence pour une sourde demande de silence. Pas que le piaf ne soit jamais d'humeur à discuter, bien au contraire, mais l'envie n'est clairement pas au rendez-vous. Fort heureusement pour lui, le dodu comprend le geste et l'humeur, et en reste à son simple intérêt du travail bien fait. La saison des cigales est là, mais l'âtre des tavernes ne cessera jamais d'apporter le même réconfort des voyageurs. Un instant de calme qu'Hibou s'abreuve d'une trentenaire tranquillité. Dos au mur, bras croisés, l'ex-blond, dans son plus simple apparat, s'enferme dans un proche souvenir toulousain qui ne cesse de le perturber.

Oh bien entendu, une nouvelle violée des ruelles parmi tant d'autres dira-t-on, le métier et le passé offrant au moins un sommeil identique à l'habituel. Certes, le mercenaire n'ira pas s'enquérir chaque minute de l'état de la blessée, les bras chargés d'une corne d'abondance... On connait bien l'oiseau de nuit, l'époque et le vécu en bras de lance, comme tout à chacun. Néanmoins, Hibou ne peut cacher un malaise depuis le jour où le gris de l'âme s'est posé sur la coquille vide et traumatisée de sa jeune Corneille. Au moins avant n'avait-il aucun lien avec les pauvres touchées. Mais lorsqu'un proche est pris en compte...


C'est prêt.

Merci. Je vous montre la chambre et vous dégage la voie.

L’emplumé ne sait décidément pas comment réagir envers elle. Une once de pitié et rien de bon n'en ressortira. Mais continuer à rester dans le noir et la pourriture de la solitude, non. Il ne l'a jamais envié. Il n'en donne aucune leçon. Alors peut être qu'un petit coup de pouce saura calmer la peur de la jeunesse. De toute manière, ce n'est pas comme si l'ex-blond avait d'autre choix, le crapaud ayant fait son baluchon il ne sait où pour quelques jours. Ainsi donc se montent les marches, la gêne au ventre, le seul cliquetis continu des clés de l'aubergiste venant troubler le silence du couloir aux chambres. Quelques pas plus loin, c'est le bruit d'une bourse savamment lancée que l'on peut entendre.

Merci mon bon.

C'est moi. Nous sommes toujours d'accord, aucune visite.


Un accord suivi d'un hochement de tête. Le piaf vérifie d'ailleurs que la curiosité ne fait pas défaut au propriétaire, patientant. Puis, les billes se tournent enfin vers la chambre tant redoutée. Un long soupir s'échappe des lippes germaines, avant qu'une main blafarde ne daigne se poser sur le bois de la porte, une oreille inquisitrice la rejoignant. Aucun son. Autant ne pas envisager le pire mon vieux... Allez, du courage.

Umbra ?... C'est moi. J'entre.

Les gonds grincent à peine leur malheur d'entretien. Lâche pour l'occasion, Hibou ne porte pas son regard à la silhouette, son attention se tournant directement au cadeau préparé : un bac chaud aux senteurs provençales, saupoudré de linges propres.

C'était mes derniers brins de lavande, tu as intérêt à les apprécier.

Rire forcé. Fallait pas non plus s'attendre à de la finesse venant du bougre. Porte fermée et bac tiré, le volatile s'enquiert d’entrouvrir les volets, supportant de moins en moins l'odeur pour la blessée. Une longue inspiration d'air frais plus tard, revoilà notre trentenaire en bien mauvaise posture, accroupi, un linge dans la dextre, cherchant une once de regard de la part d'Ombeline.

Bon, il est clair qu'à ma tronche, on aura toujours du mal à croire que je puisse prodiguer des soins...

Et de deux blagues pourraves. Tu vas te tourner juste pour ça hein ?
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Hibou, au désir de l'Art et des Hommes...
Umbra
Paupières closes, il faut tenter encore. Essayer de repartir vite, de fuir à nouveau. Espérer que le temps se fige ou mieux, vole en éclats. Accélération du rythme cardiaque, la peau du poitrail nu se gonfle pour se vider aussitôt par à-coups nerveux. A bout de souffle, la plaie de l’abdomen la freine dans sa course. La côte ébréchée lui comprime le thorax et la force à déclarer forfait. Profond soupir, résignation.

L’oeil droit se rouvre instinctivement au cliquetis de la serrure. Nulle crainte ne perce l’ombrageuse pupille. Tout au plus, une lueur de méfiance dans l’oeillade emplie d’amertume. Paralysée dans les draps, la dextre rabat douloureusement les pans du chemisier sur le ventre blessé.


Qui ose déranger mon sommeil ?

Acrimonie dont l’Ombre se dispense pour jauger l’entrant qui la fuit du regard. L’oiseau de nuit fait irruption dans le nid et d’un battement d’ailes, propulse la Corneille hors de sa torpeur. La carcasse abîmée peine à sortir du misérable cocon mais finit par réussir à s’extirper de ses limbes. Accoutrée d’un linceul sombre, la patte folle se traîne vers le présent aux effluves provençales.

Le ricanement du germain meuble la pièce. Ce n’est pas aussi rassurant que la voix croassante de sa soeur mais c’est déjà un soutien lorsqu’Umbra fait face à son reflet aqueux. Dans un hoquet de stupeur, la vapeur de l’eau se loge dans les poumons. La réflexion du faciès brisé tremble quand l’unique point agrippe le baquet afin de retrouver contenance. Sous les jambes fébriles, le monde s’écroule. Le silence perdure un infime instant aux allures d’éternité. La chambre se remplie de lumière, écorchant la vision réduite de la Noiraude. Les lippes se pincent, se mordent, se tordent avant de s’entrouvrir en vain.

La fragrance bien qu’enivrante de la lavande ne couvre pas les relents de chair et de sang. Une larme se fond dans le bain puis une seconde est chassé d’un revers de main. Parle Hibou, dis quelque chose. Raconte-moi tout et n’importe quoi. Couvre mon putain de désarroi. La gorge nouée est maladroitement raclée avant qu’Ombeline ne daigne ranimer l’échange mourant d’un piètre murmure :


Les méchants ne sont pas ceux que l’on croit...

Et inversement.


La silhouette se redresse difficilement pour faire face à l’interlocuteur. Le regard éborgné cherche le semblable métallique, fouille les traits blafards afin de déceler une moindre réaction. L’affliction est palpable sous ses faux airs de gentillesse. La politesse en guise d’aveu. A vrai dire, la Bâtarde ne trouve plus ses mots.

Vous seriez-vous attaché à une certaine région pour en garder les brins ?

Un rire de circonstance aurait bien ponctuer cette phrase. La taquinerie perd de son humour sur la bouche plate du visage austère. Dans le dos de la Sombre, ses doigts frôlent la surface du bain.

Moi aussi, je me souviens d’une époque plus glorieuse, Hibou. Un passé dont je ne me souviens même plus l’odeur...

Là où jadis, il y aurait pu avoir un malaise, aujourd’hui ne réside plus aucun tabou. D’ailleurs, plus rien n’a de sens ni même de consistance. Tout est lointain, tout est perdu. Les étoffes sont égrainés dans le vide sans autre forme de procès avant que le corps ne s’immerge. Le parfum embrume les sens. Doucereusement, l’esprit vogue vers d’anciens souvenirs. D’un autre temps où finalement, les prises de bec n’étaient que futilité enrobés d’orgueil.

Comme je regrette, maître.

Le recul avive les maux de l’âme, les remords suintent. La maturité fait mal quand il faut peser les dégâts. Dos voûté, épaules creusées, une boule dans sa bulle ou plutôt un boulet au fond de l’eau.

N’ayez crainte, Hibou. Je vous les rendrais. On retournera là-bas et je vous offrirai un bouquet...

Un jour prochain, je guérirai. N’est-ce pas ?
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Hibou.
[ De toi à Maux ]


Il ne change pas sa posture. L'inquiétude l'enracine au parquet vieilli de mille usages. A la dramatique silhouette qui s'étire, se dégage, l'âme se pince d'indignation et de colère. Une rage qu'il enfouit dans son poing libre, à s'en faire sauter les phalanges. Les premiers aveux se murmurent en ses yeux, pétrifiés d'une malsaine intention envers les chiens de basse-cour, trop hâtifs à mordre la première agnelle qui leur passe sous la truffe. Hibou se le jure ; Il émasculera le premier qu'elle reconnaitra.

La conscience lui refuse cependant de se perdre plus loin, en ce lieu où il n'y en a aucunement besoin. Le hoquet l'extirpe de sa cage vengeresse, la surprise en bout de lance. Cependant, le germain se côtoie à son rôle de muet, statique, alors que le reflet de la dualité fait couler quelques sels d'une rivière féminine déjà trop asséchée. Le mercenaire n'est pas habile du réconfort par les mots. Il n'y a d'ailleurs jamais rien compris, ou su entendre.
Ce genre de scène, il n'y a que dans le théâtre ou les contes qu'on peut les citer. La douceur d'un homme dans une langue mentholée de diplomatie, soignant les maux d'une profondeur abyssale. Ben voyons... Conneries.

Fort heureusement pour le piaf, la jeune élève reprend contenance, bredouillant quelques syllabes que l'ouïe trentenaire n'entend guère, avant d'enfin établir le vis-à-vis. Un tableau contraignant à peindre, de deux générations fêlées de ci, de là, mais où la paix ne fait guère acte de présence, tant ce genre de cristal fait défaut dans leur voie, mais aussi dans ce monde. Pourtant, le fond n'a rien d'étonnant : personne n'est prêt à subir les affres de la grande et petite guerre. On survit, voilà tout. Et c'est ce qu'attend le maître, dans un élan d'intimité, deux billes grises où l'on ne sait plus différencier lassitude et autres émotions.

A la question de l'attachement, la marionnette délabrée ne le remarque peut être pas, mais l'ex-blond avoue un demi-sourire, suivi de très près d'une nouvelle lâcheté d’œillades. Sans le savoir, la bâtarde touche une rare sensibilité extrapolée. Toutefois, elle est vite classée, dès l'instant où la gêne glisse, sournoisement, à la vue d'une fraction d'Eve. Deux raclements de gorge plus tard, Hibou camisole comme il peut l'afflux de phéromones, en bon débutant samaritain. La fille a grandit. Les formes sont épanouies. L'homme reste un homme.

Chaleur passée, nature subjuguée, le volatile se décide enfin à s'approcher d'un dos humilié, le plumage doué d'une certaine chasteté. A genoux, le blafard plonge son linge dans un coin du bain, avant de l'essorer, silencieux et méthodique. A nouveau, la délaissée vient à parler, entre-autre d'une simple dette à payer. Un rendu qui ne manque pas d'enfin donner du foin à l'animal. Une offre qui ravive une once de gentillesse dans une voix d'un autre pays :


Ya, cela lui fera surement plaisir.

Il faut quelques secondes avant que le bougre ne comprenne son erreur. Il connait trop bien la curiosité pour oser penser que la féminité ne fera pas acte de se souvenir. Cependant, Hibou se décide de faire mine de rien, se côtoyant au rôle d'esclave corporel.

Hum... Prête moi ton bras.

Épongeant la crasse de la solitude d'une nouvelle douceur, il espère que la lueur des prunelles, emplies de questions, finira par disparaitre. Une prière qui ne dure pas bien longtemps, dès lors que l'injustice vient fourrer son nez. La moindre des choses n'est-elle pas au moins de profiter de ce moment pour la mettre au courant ? Ne mérite-t-elle pas au moins de savoir quel est le but du voyage, autre qu'un paquet parisien ?

Puisqu'après tout, il ne te reste plus que ça pour te battre...

Le trentenaire plonge à nouveau le linge, s'accordant un dernier soupir, la bouche pâteuse :


Un jour, j'ai eu deux enfants.

Sa patte lui semble extrêmement lourde, à mesure qu'il termine sa phrase.

L'une se nommait Mélusine, et l'autre Caïn.

Un sourire triste l'envahit.

Je ne pouvais pas avoir deux yeux et deux mains pour chacun... Alors il m'a fallu faire un choix.

Dis-le.

J'ai vendu en Provence la fille. Elle était la plus vieille des deux certes, mais ignorante de voix. Elle n'a pas survécu l'an.

Pardonne-moi petite, cette époque n'était pas faite pour toi.



*** Musique : The Choice de Gustavo Santaolalla, tirée du jeu The Last Of Us ***
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Hibou, au désir de l'Art et des Hommes...
Umbra
Dix-huit minutes de musique, on en profite et on poursuit la lecture avec le même thème


Recroquevillée dans le baquet fumant, les hématites lorgnent l’eau s’assombrir dans son sillage telle une aura de mauvaise augure. Le liquide translucide prend une teinte brunâtre mêlant crasse et sang datant d’une bonne semaine maintenant. Le regard se durçit à cette vision mais il ne faut pas plus longtemps pour que le germain dissipe ses songes tortueux.

Ya, cela lui fera surement plaisir.

Les iris de jais vrillent vers l’interlocuteur, l’interrogeant en coin. A-t-elle mal compris ses propos ou n’ont-ils réellement aucun sens ? Les lippes échappent un soupir exténué. Décidément, rien n’y fait apparement. Sans un mot de plus, l’Ombre tend mollement son bras vers l’ex-blond. Le frottement du tissu sur son cuir la tient en éveil. L’attention se fige sur cet insignifiant détail, s’accroche rudement pour ne pas que l’âme flanche de nouveau. Le silence dans la pièce n’est pas reposant, il est parasitant.

Alors que la réflexion divague vers d’autres pensées, le mutisme se brise à nouveau. Les yeux posés sur l’étoffe se redressent sur le faciès blafard sans surprise, à peine un semblant d’intéret. La gêne raille les propos du volatile nocturne, Umbra n’est pas dupe, elle le ressent. Quelque chose pèse derrière chacun de ses mots. Les pupilles obsidiennes scrutent le bec en peine, fouillant ses mimiques pour en dépécher la suite, s’essaie à alléger le fardeau.

A l’aveu, la Noiraude ne cille pas. Il y a peu encore, aurait-elle insulté voir rejetté ou peut-être même attaqué, gonflée de rage et d’orgueil. Dans le fond, elle est cette gamine qu’un père a renié, son unique avantage étant d’être encore en vie, à son grand dam. La gorge féminine se râcle sans abriter l’idée d’ajouter quelque chose à cette confession.

Ce jour, Ombeline ne lui en veut pas. C’est à se demander si elle ne lui a pas déjà pardonner, il y a de cela de longs mois : Le jour où il la prit sous son aile. Son mentor n’est pas comme son géniteur, son trouble trahit aisément ses remords. Il souffre de cette décision et chaque jour, il en paie un peu plus le prix.

Il aurait été vicieux de la part de l’élève de tenter la moindre interrogation à cet instant. Mieux valait-il apaiser la plaie que de la triturer espérant en extraire toute l’infection. Maladroitement, la Bâtarde entreprend de rassurer celui qui, aujourd’hui, la sauve d’une lente agonie et d’une mort certaine.


Mais le second est toujours en vie.

L’intonation s’achève en un semblant de questionnement floutant l’angoisse de son initiative. Aurait-elle mieux fait acquiescer bêtement et de le conforter dans l’idée qu’ils iraient fleurir la malchanceuse ou aurait-il été plus judicieux de se taire tout simplement.
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Hibou.
[ De Maux à toi ]


Rumwald opine du chef à cette simple mais lourde vérité. Il se tait le jardinier. Le choix se ressasse... La folie du jeu en l'âme, l'engouement du danger au fourreau, sa jeunesse aux contrats simples et savoureux en bourse. Une nuit parisienne comme les autres, l’œil au spectacle, puis l'arrivée d'un client craint et respecté à la fois. Vient un travail unique, une langue pleine de promesses, habituée à toucher aux profonds désirs... Il aurait dû s'appeler Carpe, comme l'imbécile titillé, engagé, trop bien ferré.

C'était sensé être le coup du siècle.

Aux mots de Corneille, Hibou reprend sa besogne muette avec attention. Oui, le garçon est en vie. Il respire, questionne, critique, fixe, lit, mange, grogne, avec toute l'aisance de son âge, aux prémices de l'homme, vivant dans l'aisance d'un nid de sobriété, caché entre fange et richesse. Ce bout de vie là, l'ex-blond ne veut le partager. Le mercenaire ne le peut. Le métier ne le souhaite. Mais le germain sait combien la cage ne saura tenir. Si la curiosité ne brise pas le cadenas, ce sera bien pire. Le sourire de l'Ange n'en a pas le droit ; En aucun cas.
Alors que pourrait bien faire au milieu la désarticulée direz-vous ?...

Le trentenaire n'est pas dupe au point d'accorder une confiance de fer envers l'élève. Seulement, qu'il le veuille ou non, la brune finira par prendre part à la délicate situation. Et Hibou sait combien les jours pourront bientôt se compter avant qu'il ne tombe nez à nez face à la rage bretonne. Alors tant qu'à faire, autant augmenter ses chances pour ne pas avoir un poignard dans le dos supplémentaire, aussi émoussé soit-il. L'ex blond sent doucement le poids de la vieillesse faire son chemin. Une vicieuse mélodie à laquelle il ne compte donner aucune aisance...

Mais tout d'abord, il lui faut une carte sûre en main. Une mini-reine tachetée en guise d'espoir... Quittant le dos, la dextre vient cueillir avec une rare douceur le menton féminin, tandis que l'autre vient chercher une nouvelle étoffe propre. Hibou casse enfin le silence pesant, sans toutefois hausser le ton :


Ré-enjolivons ce visage...

Un faible sourire prend naissance sur l’albâtre volatile, sciant certainement avec l'habitude, avant de s'évanouir pour une forme plus sérieuse, alors que le linge vient chasser la boue de la solitude.

Il est comme un fils pour moi. Je l'appelle d'ailleurs souvent ainsi... Et pourtant...

Un soupir s'extirpe de ses lèvres avant de continuer :

Il a de bonnes raisons pour me haïr jusqu'à la mort.

Un rire désabusé ponctue ses mots, le cœur pourtant au travail du corps, ou heureusement. Une choppe ne serait pas de trop.

Pour lui sauver la vie, je lui vole sa propre mère.

Il parait que se confier amène un soulagement. Le piaf le trouve terriblement futile, tant le malaise ne fait aucun doute dans le creux de ses yeux.

Cette même femme contre laquelle les anciens ont décidé que tu lui ouvre un peu plus la blessure que je lui ai porté...

Sa main soignante tremble sensiblement de colère, alors qu'il prononce le nom maudit.

Anaon.



*** Musique : You and Me de Gustavo Santaolalla, tirée du jeu The Last Of Us ***
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Hibou, au désir de l'Art et des Hommes...
Umbra
Un piètre hochement de tête en guise de réponse et voilà que le regret envahit l’âme juvénile. Les hématites s’affaissent honteusement et le reste de la carcasse suit la déchéance. Les lippes s’entrouvrent pour échapper une inaudible excuse. A cet instant, Umbra se sent ridicule. Aurait-elle mieux fait de la fermer tout bonnement. La Noiraude se sent inutile. Peut-être aurait du-t-elle agir avec plus de convictions. Ombeline se sent insignifiante...

Ré-enjolivons ce visage...

Le faciès abimé se laisse guider du bout des doigts. La bouche se pince de malaise et le regard fuit. Il ne veut pas supporter l’aigreur ou le mépris. Il n’a plus la force de parer le reproche. Les billes sont vides comme l’esprit qui se dissimule derrière ses reflets de jais.

Ne me regardez pas, Hibou. Ne me jugez pas.

Contre toute attente, le Mentor surenchérit là où elle pensait avoir échoué. Les iris se redressent timidement pour observer tout le désarroi agitant les traits de celui qu’elle pensait impassible depuis leur rencontre. La Bâtarde l’écoute attentivement, se raccrochant inconsciement à ses aveux. L’oiseau de nuit semble humain. Plus un père maladroit et dévoué qu’un monstre sans coeur. L’apprentie le tait mais aimerait avoir un tel géniteur. Sous les doutes de l’ex-blond, l’élève rumine ses hésitations. L’enfant est-il vraiment rancunier après tous les sacrifices ? Tout d’abord, en est-il conscient pour arbitrer ces actes ? Qu’est-ce qu’une mère si ce n’est celle qui vous donne la vie ? L’Ombre n’a rien à ajouter, elle ne connait rien de tout cela. C’est alors que le plus lourd à confier se fait entendre. L’attention se rive sur le regard métallique tandis que quelques morceaux d’existence se soudent dans la caboche adolescente. Les images fusent, les douleurs s’avivent, la matière grise cogite et en écho, un long frisson hérisse l’échine de la Corneille. Est-ce l’eau refroidit qui la tiraille ou l’ampleur de ces précédents actes qui s’éveillent.

Cela veut dire que je vais la revoir, Maitre ?

L’oeillade s’ombrage à cette idée et lentement, sans aucun mouvement brusque afin de ne pas froisser le volatile nocturne, l’unique main rompt le contact, le repousse lassement. La carcasse endolorie se redresse avec difficulté, éclaboussant son espace vital au passage. La dextre fébrile se tend pour quérir un linge sec quand les propos résonnent d’une toute autre ardeur :

Nous ne sommes pas prêts.

Oui, la Noiraude se veut soudainement audacieuse en l’incluant dans son estimation. Oui, sans remords et sans crainte, elle place celui qui la tire toujours plus vers le haut, pour une fois, à son niveau. Non, Umbra n’est pas apte à faire face à l’Ange. Non, Hibou, ton discours en dit plus que tu ne le souhaiterais apparement.

S’essuyant le haut du corps, les jambes encore plongées dans l’eau crasseuse. L’intonation se veut plaintive et hésitante. Le doute et l’appréhension sont palpables. Une complainte, un souhait : du répit simplement.


Laissez-moi encore un peu de temps, je vous prie...

Je suis à bout de souffle, ne comprenez-vous donc pas ? Je ne veux plus me battre, je veux simplement...

Subitement, les hématites lorgnent agressivement le baquet trouble. Un déclic enraille la machine, un pincement au coeur la réveille. Pourquoi tant de noirceur là où tout devrait être limpide ? Les méninges s’échauffent à la réminescence. La jouvencelle se souvient d’une mare tout aussi cauchemardesque, d’un étang où elle promit de ne jamais se noyer. La vérité coule de source, Ombeline se laisse emporter par des flots tumultueux. Nage, petite Bâtarde, remonte à la surface, regagne la berge, tu l’as juré...

Ou pressez-le.

L’être mal en point s’extirpe douloureusement de ses songes ainsi que du bain pour finir de se sécher. Les traits se durcicent inévitablement lorsque la carcasse s’affaire à se revêtir. Une once d’orgueil perdure sous cet amas d’humiliation. Une aiguille dans une botte de foin à laquelle la Corneille voudrait encore pouvoir se piquer.

Vous faites beaucoup pour moi, Maitre. Peut-être est-il temps de vous rendre la pareille ?

Avant toute chose, faire ses preuves pour lui, pour elle-même. Faussement égoïste, s’occuper des démons des autres permettra surement à l’Ombre de pallier aux siens.
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