--Anaon.
L'Anaon crève la brume, dans le martèlement étouffé des sabots sur la terre meuble. Fusant comme une ombre, Fenrir tient la tête du cortège. Le soleil va bientôt gagner sa pleine place dans le ciel, mais à l'heure où ses rayons rasent encore la crête des paysages, le brouillard semble s'enflammer d'un éclat mordoré. La forêt beigne dans des allures de contes. On ne se surprendrait pas de croiser quelques feu-follets émerger de ses taillis, ou apercevoir l'uf doré du Serpent roi régner sur son lit de vase. A moins que ne soient les vouivres lacustres, qui daignent s'extirper du fond des marécages. L'Anaon et sa Superstition ne se surprendraient de rien, et elle trouve alors aux bois un charme trouble aussi beau qu'inquiétant.
Le trio gagne le premier point d'eau, là où les bêtes quittent la verdure pour s'abreuver avant de trouver le repos dans le bois. L'étang est désert de tout signe de vie... Un regard contrarié se porte vers le son du cor qu'elle entend s'amenuiser au loin. Damned. Pourtant, s'il y a eu gibier dans cette zone, la terre détrempée se sera aisément marquée de leur empreintes. La cavalière s'immobilise près de la berge, laissant le jeune chien fouiller les alentours, et se force à ne pas mettre pied-à-terre.
A vrai dire, la balafrée n'a que peu l'habitude des chasses accompagnées. Avant qu'elle ait Fenrir, elle ne traquait qu'en solitaire, à l'approche ou à l'affut, des moments où les heures se faisaient parfois jours quand la bête était touchée sans qu'elle ne soit achevée. Néanmoins, pour que le jeune chien se forge sa propre expérience, il faut que la chasseresse se fasse passive. Une chose qui contrarie toujours grandement ses habitudes.
Elle attend alors. Les azurites observent le paysage humide, avant qu'elles soient attirées par le dogue revenu folâtrer autour des jambes de la monture. Il semblerait qu'il n'y ait rien à trouver ici. Par soucis de conscience, la sicaire ne peut s'empêcher de jeter un vague coup d'il au sol boueux des berges. Puis, faisant alors confiance à son chien, elle ne s'attarde pas plus, envoyant son cheval dans la souplesse de l'amble pour quitter ce premier point d'eau.
La chasseresse cogite. Il lui faut sans doute garder la trajectoire la plus parallèle au Renard. Avec un peu de chance, elle interceptera une proie en pleine fuite. Il faudrait cependant éviter de se perdre au passage. Si elle aime à arpenter illégalement les forêts des grands seigneurs, on ne peut pas dire qu'elle connaisse tous les recoins de celle-ci comme sa poche. La main se décale à droite, faisant passer la monture sur le terrain le plus tendre, là où le claquement des sabots se fera plus mat.
Au bout d'un certain temps, sans rien apercevoir, un autre étang se distingue, plus large, tout autant arpenté à sa surface d'une mousse d'un vert de jade cependant. Tandis que Fenrir s'en va flairer une rive du point d'eau, l'Anaon décortique l'opposé. La saison du rut devrait très bientôt commencer. Peut-être que quelques jeunes brocards ont déjà marqué les arbres de leur bois. La mercenaire longe l'orée de la forêt à la recherche d'écorces stigmatisées ou toute autre trace abandonnée par le gibier. C'est alors que brusquement, un aboiement joyeux transperce le voile du silence. La tête fait volte face. De l'autre côté, Fenrir brasse de l'air, avant de détaler subitement à travers les arbres.
L'Anaon n'attend pas. Visgrade gagne le galop coupant à demi à travers l'eau, créant la panique dans une cohorte de grenouille.
A nouveau, le trio disparaît dans les bois.
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Images originales: Victoria Francès, Concept Art Diablo 3 - Anaon dit Anaonne[Clik]