Gianni
16 Août 1462 ...En Soirée
Gianni remanie son étendart. Sur le tissu flotte un dessin d'un groupe d'hommes aux visages menaçants. Il les provoque par sa présence au côté d'une charmante blonde qu'il embrasse, un message au bout de ses lèvres: Je profite les gars, vous pourrez ensuite me faire la Peau. Quand il le brandit à la sortie de la ville, il ne se doute pas un instant, à quel point, ce sera une prémonition. Dans sa besace, il a acheté en excés de la viande, des fruits, du lait et des miches de pain. Il y a toutes ses correspondances depuis plus d'un an et demi, si ce n'est pas deux, sur les routes. Autant dire pas grand chose mais certaines valent leur pesant d'or. Grâce à des affaires commerciales, il amasse bien 300 écus. Il profite de la somme rondelette pour se réarmer, tout ce qu'il a perdu, il y a quelques mois au cours d'un malheureux brigandage dont il a été victime. L'Italien se console de ce périple ennuyeux avec le calcul de ses douze mois sur les chemins. Deux brigandages et trois tentatives auxquels son pied leur a botté les fesses. Son aventure est une partie de plaisir. De Castillon en longeant tout la côte méditerranéenne jusqu'en Italie pour remonter par la Savoie, notamment Chamberry, pour une escale familiale, qui l'incitera à reprendre la route vers le Nord qui lui est inconnu.
De périple en périple, il a une drôle d'occupation, la tentative de prise de mairies. 39 à ce jour. Les dernières ont été au Berry, à Bourges, 12 consécutives. Son record à battre. Jusqu'à aujourd'hui, Gianni est passé à travers les mailles de la Justice, de la sécurité et des services secrets. A peine 7 procés dont 4 reconnus coupables principalement 3 en Italie, 1 en France. Et 3 relaxes. Il n'a pas de casier judiciaire à proprement dit, un procés en attente de verdict qui date de....loin...Il n'est pas fiché. A peine suspecté.
Cette fameuse nuit du 16 Août 1462...
Il se fera transpercer par un groupe. Ils seront à trois sur lui dont un qui s'acharnera à trois reprises. Cinq coups lui seront donnés, de toute part. Ce qui le sauvera, ce sera le galop de son cheval qui fera demi-tour face au danger pour le ramener d'où ils sont venus. Mais les coups stratégiques portés pour le clouer sur place lui feront prendre conscience que c'est grave. Pourquoi cette nuit-là a-t-il prit ce risque incensé de voyager ? Pour retrouver son ex-belle soeur à deux villes plus loin. Connaitre les racines de sa famille.
C'est quasiment sur le flan de l'animal que l'Italien entre en ville. Il grogne entre ses dents sous les douleurs atroces, s'étonne de s'entendre grogner, pas son genre:
Maudit, je suis maudit. C'est qui ses abrutis...
A force, il ne saurait, il en fait tellement aussi. Comment pourrait-il savoir. Il avait repéré une maison en rez de chaussée, les propriétaires en voyage, absents. Il guide pour les derniers mètres son cheval. Une tape sur son flan:
Ca va, ça va...Ici. Ton abreuvoir t'attend, regarde. On va séjourner ici pour un temps...
Il serre les dents à cette idée. Bloqué ici en convaslescense. Il se penche un peu plus sur le côté, glisse sur le flan de l'animal. Il tombe sur le sol poussiéreux dans un bruit sourd. Il se recroqueville sur lui en deux dans un hurlement étouffé, les larmes s'écoulent, sur son visage qu'il ressent chaud, très chaud, la fièvre s'empare de lui:
Je vais pas crever, je veux pas crever...
Il rampe de son mieux dans une douleur qui le lance de partout en des endroits beaucoup plus lancinants. Des blessures ouvertes qui se vident de sang. Il ne serait pas dépaysé. Il avait vécu dans cette maison les quelques jours et nuits de son passage en cette ville. Il s'agrippe au rebord de la fenêtre, pousse la vitre par laquelle il en est sorti, quelques heures auparavant. Elle glisse avec difficulté, pas grande force dans sa main ensanglantée. Gianni a à peine la force nécessaire. Son corps abandonné, vide de volonté, parvient à franchir le plus dur, le rebord. Il prend de l'élan pour se faire basculer dans les rideaux, en avant, dans la maison. Il tombe dans un grand bruit de plancher en bois. Le corps caché au milieu des rideaux ne bouge plus. L'effort de trop l'immobilise pour quelques minutes. L'Italien se débat soudain pour se sortir du rideau. Sur ses coudes, le corps avance entre les pièces. La salle de bain, des serviettes qu'il double, triple en épaisseur, pour plaquer sur ses blessures qu'il découvre sur les zones assombries de sa côte de maille:
De l'arnaque la cotte de maille, ça protége de rien...
Les serviettes s'imbibent de rouge carmin. Il se cale la tête contre le grain bain en bois, les yeux en surveillance sur la porte ouverte. Ses jambes allongées devant lui qu'il sent à peine. Il trouve à rire du pire qui pourrait arriver:
Manquerait plus que les proprios débarquent...Ils seraient fichus dem'achever à coups de balai
Il éclate d'un rire nerveux. Des larmes roulent. L'Italien commence à croire qu'il n'a pas doué pour grand chose. Il éponge au fur et à mesure, reculant l'instant de retirer ce qui est sa peau, la cotte de maille collée à ses plaies profondes. Il ne sert à rien de se plaindre. Il n' a croisé que des parfaits et des parfaites qui n'ont aucune tolérance ni l'ombre d'une compassion. Alors demander de l'aide. Il ne le fera pas. il fait des mimiques pour imiter:
Mais toi aussi Gianni, nous sommes en guerre, tu ne demandes pas d'autorisation pour entrer dans les villes aux frontières fermées...Mais Gianni, tu n'as pas fait de demande de laisser passer...Mais Gianni, tu es un multi-récidivistes, tu dois être listé...Mais Gianni, tu te mets tout le monde à dos, tu ne crois pas, qu'on va te faire de cadeau...
Plus rien à faire. Lui des laisser passer, il n'en a pas eu besoin jusqu'à aujourdhui.
Il retire toutes les serviettes utilisées pour compresses. Elles jonchent le sol à ses côtés. Il remonte par le bas la cotte de maille, la fait remonter. Les cris en silence sous l'habit se font entendre par des grognements rauques longs. Ses plaies semblent béantes sous le passage du vêtement à la matiére reiche. Sans compter, la sueur qui fait un effet ventouze. Ses bras se lèvent vers les airs pour tout retirer aussi de sa tête. Les bras emprisonnés. Il les secoue en vain pour les libérer.Dans un ultime effort, il tire sur ses bras. Tout vient. Il respire avec diffulté, en nage. Le visage blême, les yeux rougis. Il balance l'habit droit devant lui contre la porte. Cela rebondit, s'étend dans le couloir. Son regard n'ose se baisser sur son corps pour réaliser la gravité de ses blessures. Il le baisse. Attiré par les plaies béantes nettes, profondes. Noires, le moindre mouvement est un filet de sang abondant, rouge vif. Une sur le côté, apparement, la lame est passée de l'autre côté. La douleur est des deux côtés. Il plaque de suite dessus une serviette placée en son dos et son flanc. Une estafilade à l'épaule, sur la clavicule. L'Italien au constat doute de sa survie cette fois-ci. Il se satisfait ne rien voir sur ses mains, ni pieds, ni jambes. Il a senti plusieurs coups. Les yeux portés plus bas, il faillit ne pas remarquer sur ses cicatrices de fil fer barbelé les deux blessures sur son torse. Les deux à quelques centimêtres. Les coups portés lui reviennent bien en son esprit. Ce qui l'a déstabilisé. Les deux rapides, précis. Il avait compris qu'ils étaient plusieurs. Une serviette pour les recouvrir. L'effleurement de sa nuque. Il fronce les sourcils. Un derrière oui. Un coup de vent soudain qui avait frôlé le bas de sa tête. Son coeur fait des bonds dans sa poitrine. Non. Son bras se replie en arrière, sa main glisse. Cherche, fouille:
Ils ont voulu me scalper ses tarés!
Sa main réapparait avec du sang. Il abandonne. Il est dépité devant ce sang de partout. Il n'est pas capable de se soigner, pas cette nuit. Plus à espérer qu'il passera la nuit. La peur de fermer les yeux, de ne plus se réveiller, l'Italien lutte. Même si le petit matin n'est plus si loin pour le faire se réveiller avec le froid. Un demi-tour de la tête vers la fenêtre de la salle d'eau. Bien en hauteur surtout. Il ne bougera plus. Sa tête tombera en avant. Son corps s'avachira sur le côté. Sur le bois du parquet. Des mots marmonnés à lui-même:
Seul tu as voulu être, seul tu finiras...Il est temps dans ce cas...Ca me pèse et je ne changerai pas...
Pensées Cauchemardesques : Le lâcher-prise et la mort de l'ego
Si devant le Très Haut, tous sommes égaux, il ne devrait pas y avoir de cauchemars. Le halo lumineux au fin fond du tunnel aspire notre corps, c'est tout. Gianni lutte pour atteindre cette lumière. Il n'avance pas dans ce fichu couloir noir. Pourquoi mais pourquoi. Et pourquoi d'abord. Pourquoi ce n'est pas de tout repos avec lui ? Pourquoi c'est la croix et la bannière même pour en finir ? Zou....Il suffit qu'il plonge dans la clarté éblouissante. Non, même ça, il va se le louper. Pas moyen d'en finir, de mourir, avec dignité, fierté. A moitié étendu au sol, dans une salle d'eau, au milieu d'une vision d'horreur de sang, côté dignité, il peut faire un effort. Peut-être ce détail qui chiffonne Aristote, le repousse vers la Vie. Faire le ménage, il sera condamné à laver ses fautes, par le nettoyage de son sang qui s'est incrusté dans les lames du plancher.
Une tempête, un éclair qui déchire la ville plongée dans le noir. Ses paupières frémissent. Comment peut-il être au-dessus des toits ? Il est sur le rebord d'un immense édifice en pierre. Un édifice trop futuriste pour être une réalité angoissante. Son corps réagit par soubresauts. Il se voit dans la pénombre devant un vide sidéral, le regard ne peut se détacher du vertige d'une telle hauteur et du vertige sous ses pieds. Curieux, Gianni fait des pas vers le recoin sombre. Sous ses yeux, se dessine un homme camouflé par un habit à capuche, de dos, installé à l'allure d'une gargouille. Accroupi, si proche du vide. L'Italien n'ose faire un pas. Il cherche . Muet par la stupeur de la situation que l'inévitable se produise sous ses yeux. L'encapuchonné se redresse devant le vide, provocant.L'ombre surgit face à l'Italien. Elle s'élance sur le bord de la corniche en des mouvements rapides de saltos avant et arrière, enchainés. Ni peur de ça, ni de ça, ni même de ça. Plaqué contre le mur de pierre de ses deux bras en croix pour se maintenir soudain l'homme l'empoigne avec force, sa capuche tombe en arrière. Il se voit lui. Son Jumeau, trait pour trait, Angelo...Gianni est paralysé, angoissé, entre les mains de son double, que se passe-t-il, est-ce possible? Angelo est mort. C'est un cauchemar. Ce n'est pas lui. Alors qu'en face de lui, souriant, Angelo le trouble, échanges de regards entre haine et peur. Gianni se débat, repousse son double dans le vide alors que celui-ci se raccroche à lui, pour l'entrainer avec lui. Ils s'accrochent l'un à l'autre dans une lutte acharnée. Gianni finira par avoir le dessus. Son jumeau disparaitra dans le vide jusqu'à ne plus être qu'une masse plus bas, en contre-plongée, inerte.
Ouvre les yeux, Ouvre les Yeux...N'est peur d'aucun voyage. Accepte les.
Les yeux grands ouverts, la respiration haletante. Le cauchemar quasi réel. Tout s'enchaine dans son esprit. Ne l'a-t-il pas tué en quelque sorte ? Un jour ou l'autre, ils auraient bien vécus chacun leur vie mais Gianni ne lui en avait pas laissé le temps de partager quoique ce soit. Cette manie de croire que tout est éternel.
C'est vrai que....Y a un an...
Le choc que cela fait quand la nouvelle tombe, oui, tombe, qu'un jumeau, le vôtre, vit. Qu'un double. Qu'un autre vous-même vous ressemble ? Oui, Gianni avait eu du mal. Il n'avait pu l'accepter. Il se veut unique, le seul. Tout son monde s'était effondré, lui qui se cherchait depuis si longtemps, n'être que le fruit, d'un même foetus. Toute sa vie avait cette lutte perpétuelle contre lui-même, ce manque insatiable qu'il n'arrivait pas à définir. Ce dédoublement de personnalité qu'il ne comprenait pas. Ses réactions et comportements si à l'opposé. Des craintes, des peurs impulsives de nulle part alors qu'il n'y avait aucune raison. Cette éternelle tristesse qui lui collait à la peau. Non, il n'en avait pas voulu. Il l'avait abandonné, renié de son esprit. Il n'est pas un ange. C'était trop lourd, trop éprouvant à vivre, à comprendre, à supporter. Il ne s'était même pas posé la question si toute cette histoire d'hérédité était bien vraie. Mais c'est pas un revenant dans un cauchemar qui viendra le hanter. Si simple d'être orphelin sans rien devoir à personne. Tout s'écroule sur lui, ses valeurs, tout ce qu'il a vécu sur des bases erronées. Lui si fier, gonflé d'un égo si parfait, sans sentiment ni émotion, sans hérédité de sang ni de coeur. Le solitaire. Seule l'image de sa beauté naturelle fait de lui un menteur invétéré. Un homme. Un séducteur avec des conquêtes à ne plus en finir. Coupable de représenter et non point d'être.
17 Août 1462...Pourquoi est-il revenu...Qui le raccroche à la Vie
Aux premières lueurs de l'aube, il se raccroche aux poignets des portes pour évoluer au sein de la maison. Les serviettes ne trainent plus au sol, ni la cotte de maille. Il sort dans la cour extérieure à l'arrière, les linges en une main. Il remonte du puit le seau plein d'eau, la corde nouée autour de son avant-bras. Il s'en asperge, se tenant d'une main sur le rebord en pierre, l'autre main, pour enlever le sang séché. Sa main frictionne son visage, les parties de son corps, à proximité des blessures encore à vif. Le carnage se dissipe. Le linge est mit à tremper.L'Italien retourne à l'intérieur. Il se déplace très lentement. Une main en soutien partout où cela est possible. Au salon, il remarque ses bouteilles de laits, ses fruits, ses morceaux de viande, et ses miches de pain éparpillés de part et d'autre, de sa besace éventrée à plat, à peine visible de sous les rideaux tachés de sang.Une mine déconfite. Ils les regroupent pour ramener sur le lit dans la chambre. Il compte se faire une bonne semaine de repos. Il ne bougera pas d'ici. Nourriture, soin et nécessaire dans sa besace pour écrire. Un plateau sur la table de nuit avec une bouteille de rhum, des bandages, des fruits. Le reste de la nourriture rejoint le garde-manger dans la cuisine. Une bassine avec de l'eau. Il entasse les coussins pour venir s'y coller de dos contre, les jambes allongées, sa besace sur lui. Il se penche en grimaçant pour tirer le tiroir de la table de nuit pour y cacher sa besace mais il est obstrué par une liasse de courriers, bien pliés, enroulés d'un ruban rouge.
Gianni fait l'échange, referme le tiroir. Il tourne les lettres pour lire les adresses au dos. Il dénoue le ruban rouge. Il passe en revue. Son attention se porte sur le nom de Xalta Exaltation Lablanche D'Abancourt-Diaconesse. Il tourne l'avant de l'enveloppe pour avoir l'adresse de cette maison où il séjourne. Il pose tout sur la table de chevet, il verra à son prochain réveil. Les minutes avant de s'endormir, seront pour se nettoyer les plaies, les protéger par des bandages serrés autour de son corps. Il n'a pas besoin de se donner du courage avec des gorgées de rhum ingurgitées. Le drap remonté, la couverture chaude pour recouvrir son corps. Il souffle sur la bougie. Sa tête s'enfonce dans les coussins. Allongé sur le dos, il ne bougera plus de la nuit jusqu'au lendemain. Une nuit entière réparatrice. Elle sera d'une traite, parfaite. Imperturbable. Respiration profonde et sourde. Lente.
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https://www.youtube.com/watch?v=xTKfrY4cQ9I
Gianni remanie son étendart. Sur le tissu flotte un dessin d'un groupe d'hommes aux visages menaçants. Il les provoque par sa présence au côté d'une charmante blonde qu'il embrasse, un message au bout de ses lèvres: Je profite les gars, vous pourrez ensuite me faire la Peau. Quand il le brandit à la sortie de la ville, il ne se doute pas un instant, à quel point, ce sera une prémonition. Dans sa besace, il a acheté en excés de la viande, des fruits, du lait et des miches de pain. Il y a toutes ses correspondances depuis plus d'un an et demi, si ce n'est pas deux, sur les routes. Autant dire pas grand chose mais certaines valent leur pesant d'or. Grâce à des affaires commerciales, il amasse bien 300 écus. Il profite de la somme rondelette pour se réarmer, tout ce qu'il a perdu, il y a quelques mois au cours d'un malheureux brigandage dont il a été victime. L'Italien se console de ce périple ennuyeux avec le calcul de ses douze mois sur les chemins. Deux brigandages et trois tentatives auxquels son pied leur a botté les fesses. Son aventure est une partie de plaisir. De Castillon en longeant tout la côte méditerranéenne jusqu'en Italie pour remonter par la Savoie, notamment Chamberry, pour une escale familiale, qui l'incitera à reprendre la route vers le Nord qui lui est inconnu.
De périple en périple, il a une drôle d'occupation, la tentative de prise de mairies. 39 à ce jour. Les dernières ont été au Berry, à Bourges, 12 consécutives. Son record à battre. Jusqu'à aujourd'hui, Gianni est passé à travers les mailles de la Justice, de la sécurité et des services secrets. A peine 7 procés dont 4 reconnus coupables principalement 3 en Italie, 1 en France. Et 3 relaxes. Il n'a pas de casier judiciaire à proprement dit, un procés en attente de verdict qui date de....loin...Il n'est pas fiché. A peine suspecté.
Cette fameuse nuit du 16 Août 1462...
Il se fera transpercer par un groupe. Ils seront à trois sur lui dont un qui s'acharnera à trois reprises. Cinq coups lui seront donnés, de toute part. Ce qui le sauvera, ce sera le galop de son cheval qui fera demi-tour face au danger pour le ramener d'où ils sont venus. Mais les coups stratégiques portés pour le clouer sur place lui feront prendre conscience que c'est grave. Pourquoi cette nuit-là a-t-il prit ce risque incensé de voyager ? Pour retrouver son ex-belle soeur à deux villes plus loin. Connaitre les racines de sa famille.
C'est quasiment sur le flan de l'animal que l'Italien entre en ville. Il grogne entre ses dents sous les douleurs atroces, s'étonne de s'entendre grogner, pas son genre:
Maudit, je suis maudit. C'est qui ses abrutis...
A force, il ne saurait, il en fait tellement aussi. Comment pourrait-il savoir. Il avait repéré une maison en rez de chaussée, les propriétaires en voyage, absents. Il guide pour les derniers mètres son cheval. Une tape sur son flan:
Ca va, ça va...Ici. Ton abreuvoir t'attend, regarde. On va séjourner ici pour un temps...
Il serre les dents à cette idée. Bloqué ici en convaslescense. Il se penche un peu plus sur le côté, glisse sur le flan de l'animal. Il tombe sur le sol poussiéreux dans un bruit sourd. Il se recroqueville sur lui en deux dans un hurlement étouffé, les larmes s'écoulent, sur son visage qu'il ressent chaud, très chaud, la fièvre s'empare de lui:
Je vais pas crever, je veux pas crever...
Il rampe de son mieux dans une douleur qui le lance de partout en des endroits beaucoup plus lancinants. Des blessures ouvertes qui se vident de sang. Il ne serait pas dépaysé. Il avait vécu dans cette maison les quelques jours et nuits de son passage en cette ville. Il s'agrippe au rebord de la fenêtre, pousse la vitre par laquelle il en est sorti, quelques heures auparavant. Elle glisse avec difficulté, pas grande force dans sa main ensanglantée. Gianni a à peine la force nécessaire. Son corps abandonné, vide de volonté, parvient à franchir le plus dur, le rebord. Il prend de l'élan pour se faire basculer dans les rideaux, en avant, dans la maison. Il tombe dans un grand bruit de plancher en bois. Le corps caché au milieu des rideaux ne bouge plus. L'effort de trop l'immobilise pour quelques minutes. L'Italien se débat soudain pour se sortir du rideau. Sur ses coudes, le corps avance entre les pièces. La salle de bain, des serviettes qu'il double, triple en épaisseur, pour plaquer sur ses blessures qu'il découvre sur les zones assombries de sa côte de maille:
De l'arnaque la cotte de maille, ça protége de rien...
Les serviettes s'imbibent de rouge carmin. Il se cale la tête contre le grain bain en bois, les yeux en surveillance sur la porte ouverte. Ses jambes allongées devant lui qu'il sent à peine. Il trouve à rire du pire qui pourrait arriver:
Manquerait plus que les proprios débarquent...Ils seraient fichus dem'achever à coups de balai
Il éclate d'un rire nerveux. Des larmes roulent. L'Italien commence à croire qu'il n'a pas doué pour grand chose. Il éponge au fur et à mesure, reculant l'instant de retirer ce qui est sa peau, la cotte de maille collée à ses plaies profondes. Il ne sert à rien de se plaindre. Il n' a croisé que des parfaits et des parfaites qui n'ont aucune tolérance ni l'ombre d'une compassion. Alors demander de l'aide. Il ne le fera pas. il fait des mimiques pour imiter:
Mais toi aussi Gianni, nous sommes en guerre, tu ne demandes pas d'autorisation pour entrer dans les villes aux frontières fermées...Mais Gianni, tu n'as pas fait de demande de laisser passer...Mais Gianni, tu es un multi-récidivistes, tu dois être listé...Mais Gianni, tu te mets tout le monde à dos, tu ne crois pas, qu'on va te faire de cadeau...
Plus rien à faire. Lui des laisser passer, il n'en a pas eu besoin jusqu'à aujourdhui.
Il retire toutes les serviettes utilisées pour compresses. Elles jonchent le sol à ses côtés. Il remonte par le bas la cotte de maille, la fait remonter. Les cris en silence sous l'habit se font entendre par des grognements rauques longs. Ses plaies semblent béantes sous le passage du vêtement à la matiére reiche. Sans compter, la sueur qui fait un effet ventouze. Ses bras se lèvent vers les airs pour tout retirer aussi de sa tête. Les bras emprisonnés. Il les secoue en vain pour les libérer.Dans un ultime effort, il tire sur ses bras. Tout vient. Il respire avec diffulté, en nage. Le visage blême, les yeux rougis. Il balance l'habit droit devant lui contre la porte. Cela rebondit, s'étend dans le couloir. Son regard n'ose se baisser sur son corps pour réaliser la gravité de ses blessures. Il le baisse. Attiré par les plaies béantes nettes, profondes. Noires, le moindre mouvement est un filet de sang abondant, rouge vif. Une sur le côté, apparement, la lame est passée de l'autre côté. La douleur est des deux côtés. Il plaque de suite dessus une serviette placée en son dos et son flanc. Une estafilade à l'épaule, sur la clavicule. L'Italien au constat doute de sa survie cette fois-ci. Il se satisfait ne rien voir sur ses mains, ni pieds, ni jambes. Il a senti plusieurs coups. Les yeux portés plus bas, il faillit ne pas remarquer sur ses cicatrices de fil fer barbelé les deux blessures sur son torse. Les deux à quelques centimêtres. Les coups portés lui reviennent bien en son esprit. Ce qui l'a déstabilisé. Les deux rapides, précis. Il avait compris qu'ils étaient plusieurs. Une serviette pour les recouvrir. L'effleurement de sa nuque. Il fronce les sourcils. Un derrière oui. Un coup de vent soudain qui avait frôlé le bas de sa tête. Son coeur fait des bonds dans sa poitrine. Non. Son bras se replie en arrière, sa main glisse. Cherche, fouille:
Ils ont voulu me scalper ses tarés!
Sa main réapparait avec du sang. Il abandonne. Il est dépité devant ce sang de partout. Il n'est pas capable de se soigner, pas cette nuit. Plus à espérer qu'il passera la nuit. La peur de fermer les yeux, de ne plus se réveiller, l'Italien lutte. Même si le petit matin n'est plus si loin pour le faire se réveiller avec le froid. Un demi-tour de la tête vers la fenêtre de la salle d'eau. Bien en hauteur surtout. Il ne bougera plus. Sa tête tombera en avant. Son corps s'avachira sur le côté. Sur le bois du parquet. Des mots marmonnés à lui-même:
Seul tu as voulu être, seul tu finiras...Il est temps dans ce cas...Ca me pèse et je ne changerai pas...
Pensées Cauchemardesques : Le lâcher-prise et la mort de l'ego
Si devant le Très Haut, tous sommes égaux, il ne devrait pas y avoir de cauchemars. Le halo lumineux au fin fond du tunnel aspire notre corps, c'est tout. Gianni lutte pour atteindre cette lumière. Il n'avance pas dans ce fichu couloir noir. Pourquoi mais pourquoi. Et pourquoi d'abord. Pourquoi ce n'est pas de tout repos avec lui ? Pourquoi c'est la croix et la bannière même pour en finir ? Zou....Il suffit qu'il plonge dans la clarté éblouissante. Non, même ça, il va se le louper. Pas moyen d'en finir, de mourir, avec dignité, fierté. A moitié étendu au sol, dans une salle d'eau, au milieu d'une vision d'horreur de sang, côté dignité, il peut faire un effort. Peut-être ce détail qui chiffonne Aristote, le repousse vers la Vie. Faire le ménage, il sera condamné à laver ses fautes, par le nettoyage de son sang qui s'est incrusté dans les lames du plancher.
Une tempête, un éclair qui déchire la ville plongée dans le noir. Ses paupières frémissent. Comment peut-il être au-dessus des toits ? Il est sur le rebord d'un immense édifice en pierre. Un édifice trop futuriste pour être une réalité angoissante. Son corps réagit par soubresauts. Il se voit dans la pénombre devant un vide sidéral, le regard ne peut se détacher du vertige d'une telle hauteur et du vertige sous ses pieds. Curieux, Gianni fait des pas vers le recoin sombre. Sous ses yeux, se dessine un homme camouflé par un habit à capuche, de dos, installé à l'allure d'une gargouille. Accroupi, si proche du vide. L'Italien n'ose faire un pas. Il cherche . Muet par la stupeur de la situation que l'inévitable se produise sous ses yeux. L'encapuchonné se redresse devant le vide, provocant.L'ombre surgit face à l'Italien. Elle s'élance sur le bord de la corniche en des mouvements rapides de saltos avant et arrière, enchainés. Ni peur de ça, ni de ça, ni même de ça. Plaqué contre le mur de pierre de ses deux bras en croix pour se maintenir soudain l'homme l'empoigne avec force, sa capuche tombe en arrière. Il se voit lui. Son Jumeau, trait pour trait, Angelo...Gianni est paralysé, angoissé, entre les mains de son double, que se passe-t-il, est-ce possible? Angelo est mort. C'est un cauchemar. Ce n'est pas lui. Alors qu'en face de lui, souriant, Angelo le trouble, échanges de regards entre haine et peur. Gianni se débat, repousse son double dans le vide alors que celui-ci se raccroche à lui, pour l'entrainer avec lui. Ils s'accrochent l'un à l'autre dans une lutte acharnée. Gianni finira par avoir le dessus. Son jumeau disparaitra dans le vide jusqu'à ne plus être qu'une masse plus bas, en contre-plongée, inerte.
Ouvre les yeux, Ouvre les Yeux...N'est peur d'aucun voyage. Accepte les.
Les yeux grands ouverts, la respiration haletante. Le cauchemar quasi réel. Tout s'enchaine dans son esprit. Ne l'a-t-il pas tué en quelque sorte ? Un jour ou l'autre, ils auraient bien vécus chacun leur vie mais Gianni ne lui en avait pas laissé le temps de partager quoique ce soit. Cette manie de croire que tout est éternel.
C'est vrai que....Y a un an...
Le choc que cela fait quand la nouvelle tombe, oui, tombe, qu'un jumeau, le vôtre, vit. Qu'un double. Qu'un autre vous-même vous ressemble ? Oui, Gianni avait eu du mal. Il n'avait pu l'accepter. Il se veut unique, le seul. Tout son monde s'était effondré, lui qui se cherchait depuis si longtemps, n'être que le fruit, d'un même foetus. Toute sa vie avait cette lutte perpétuelle contre lui-même, ce manque insatiable qu'il n'arrivait pas à définir. Ce dédoublement de personnalité qu'il ne comprenait pas. Ses réactions et comportements si à l'opposé. Des craintes, des peurs impulsives de nulle part alors qu'il n'y avait aucune raison. Cette éternelle tristesse qui lui collait à la peau. Non, il n'en avait pas voulu. Il l'avait abandonné, renié de son esprit. Il n'est pas un ange. C'était trop lourd, trop éprouvant à vivre, à comprendre, à supporter. Il ne s'était même pas posé la question si toute cette histoire d'hérédité était bien vraie. Mais c'est pas un revenant dans un cauchemar qui viendra le hanter. Si simple d'être orphelin sans rien devoir à personne. Tout s'écroule sur lui, ses valeurs, tout ce qu'il a vécu sur des bases erronées. Lui si fier, gonflé d'un égo si parfait, sans sentiment ni émotion, sans hérédité de sang ni de coeur. Le solitaire. Seule l'image de sa beauté naturelle fait de lui un menteur invétéré. Un homme. Un séducteur avec des conquêtes à ne plus en finir. Coupable de représenter et non point d'être.
17 Août 1462...Pourquoi est-il revenu...Qui le raccroche à la Vie
Aux premières lueurs de l'aube, il se raccroche aux poignets des portes pour évoluer au sein de la maison. Les serviettes ne trainent plus au sol, ni la cotte de maille. Il sort dans la cour extérieure à l'arrière, les linges en une main. Il remonte du puit le seau plein d'eau, la corde nouée autour de son avant-bras. Il s'en asperge, se tenant d'une main sur le rebord en pierre, l'autre main, pour enlever le sang séché. Sa main frictionne son visage, les parties de son corps, à proximité des blessures encore à vif. Le carnage se dissipe. Le linge est mit à tremper.L'Italien retourne à l'intérieur. Il se déplace très lentement. Une main en soutien partout où cela est possible. Au salon, il remarque ses bouteilles de laits, ses fruits, ses morceaux de viande, et ses miches de pain éparpillés de part et d'autre, de sa besace éventrée à plat, à peine visible de sous les rideaux tachés de sang.Une mine déconfite. Ils les regroupent pour ramener sur le lit dans la chambre. Il compte se faire une bonne semaine de repos. Il ne bougera pas d'ici. Nourriture, soin et nécessaire dans sa besace pour écrire. Un plateau sur la table de nuit avec une bouteille de rhum, des bandages, des fruits. Le reste de la nourriture rejoint le garde-manger dans la cuisine. Une bassine avec de l'eau. Il entasse les coussins pour venir s'y coller de dos contre, les jambes allongées, sa besace sur lui. Il se penche en grimaçant pour tirer le tiroir de la table de nuit pour y cacher sa besace mais il est obstrué par une liasse de courriers, bien pliés, enroulés d'un ruban rouge.
Gianni fait l'échange, referme le tiroir. Il tourne les lettres pour lire les adresses au dos. Il dénoue le ruban rouge. Il passe en revue. Son attention se porte sur le nom de Xalta Exaltation Lablanche D'Abancourt-Diaconesse. Il tourne l'avant de l'enveloppe pour avoir l'adresse de cette maison où il séjourne. Il pose tout sur la table de chevet, il verra à son prochain réveil. Les minutes avant de s'endormir, seront pour se nettoyer les plaies, les protéger par des bandages serrés autour de son corps. Il n'a pas besoin de se donner du courage avec des gorgées de rhum ingurgitées. Le drap remonté, la couverture chaude pour recouvrir son corps. Il souffle sur la bougie. Sa tête s'enfonce dans les coussins. Allongé sur le dos, il ne bougera plus de la nuit jusqu'au lendemain. Une nuit entière réparatrice. Elle sera d'une traite, parfaite. Imperturbable. Respiration profonde et sourde. Lente.
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