Arnault_d_azayes
- « - Éminence ? »
Le vieux scribe avait relevé la tête vers le cardinal. Si ce dernier n'était point aveugle, on aurait vu son regard perdu dans le vide devant lui. Habitué à dicter des dizaines de lettres par heure, l'Azayes était d'humeur particulièrement mélancolique ce matin-là.
« - Pardon », répondit-il d'une voix un peu blanche. « - Où en étions-nous ? »
Et il reprit sa dictée. Relisant la lettre terminée, le vieux scribe, sans en toucher un mot à son maître, la garda de côté au lieu de l'envoyer. Le niveau du texte était bien trop bas pour que le cardinal dans son état normal accepte qu'elle soit expédiée. Nulle doute que, sa mélancolie évaporée, il demandera de lui-même à la relire et qu'il recommencera de zéro. Arrivé en Bourgogne il y a quelques jours, l'aveugle était d'assez mauvaise humeur depuis le matin. Venait-il de réaliser le peu d'avenir qu'avait l'Église romaine dans le Grand-Duché d'Occident ? Toujours est-il que, quand on lui annonça que la personne qu'il attendait était là, il poussa un léger soupire avant d'ordonner qu'on la conduise dans la chapelle privée. Peu de temps après, il demanda à ce qu'on le conduise rejoindre l'impétrante. Le majordome de l'hôtel particulier d'Aaron de Nagan s'acquitta de sa tâche et, quelques instants plus tard, le volet en bois du confessionnal de la chapelle s'ouvrit.
« - Bonjour mon enfant. Je suis bien heureux de pouvoir entendre votre voix de nouveau. N'oubliez pas que c'est à Dieu et non à moi que vous vous adressez. Dieu est omnipotent ; Il sait exactement tout ce que vous avez pensé, dit ou fait. Mais Il est bon et nous pardonne si notre repentir est sincère. Je vous écoute. »
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