Eliance
À trop tirer sur une corde, elle se rompt. Oh, pas de suite, non. Tout un processus se met en place. On tire, on tire, les mains s'égratignent, les muscles se crispent, les tendons s'échauffent, puis la corde se met elle aussi à souffrir. Elle s'use. Elle s'effiloche, pour peu à peu devenir moins coriace, moins résistante. Et c'est sans s'en rendre compte qu'elle cède brusquement. Eliance a trop tiré, trop abusé du temps d'effilochage. Elle est entrée dans la phase où elle peut rompre à tout moment. La phase critique qui hurle qu'elle doit s'arrêter maintenant.
L'aube s'est levée sur une Ménudière incapable de se lever de sa paillasse. Incapable de s'enquérir de l'état de santé de son Italien. Incapable d'aller préparer un déjeuner aux jumeaux. Incapable ne serait-ce que de battre des cils convenablement. Elle est allongée. Elle est seule. Elle a pris une autre chambre, avec les jumeaux, pour ne pas troubler Diego et son repos. Les jumeaux sont sortis seuls, d'ailleurs. Elle ne les entend pas jouer. Depuis que ces montres-là savent marcher, la course-poursuite est devenue le quotidien des Corellio. Aujourd'hui, personne ne leur courra après. Personne les ramènera par les oreilles, lil pétillant de colère (c'est bien Eliance qui fait ça, Diego étant toujours du côté admiratif de ses merveilles, quoiqu'elles fassent).
Elle est allongée et n'est plus elle-même. Sa tête s'est transformée en un fouilli de pensées fourmillant trop densément pour que son cervelas suive le choc. Tout son être est souffrance. Ses rêves, ses membres et surtout ce bras qu'elle préfèrerait ne plus sentir du tout. L'eau s'évapore de son corps à une allure fulgurante, trempant son front, collant les petites mèches sauvages à sa peau. Rester éveiller est un combat à chaque clignement de paupière. Et pourtant, elle sent qu'elle va sombrer si elle ne combat pas. Alors elle lutte avec elle même.
Dans un ultime effort, elle s'est levée et est allé s'installer devant la table où trônent les papiers et le crayon qui lui permettent de s'évader auprès de ses amis. Dans un ultime effort elle doit écrire, appeler à l'aide. Il le faut. Ils ne tiendront pas tous seuls, dans cet état-là, avec tous ces enfants.
La main est tremblante, mal assurée. Le crayon glisse sur la moiteur de la peau. Mais elle s'obstine à tracer les mots. Un à un. Des mots pas droits, pas beaux. Des mots qui appellent à l'aide.
L'aube s'est levée sur une Ménudière incapable de se lever de sa paillasse. Incapable de s'enquérir de l'état de santé de son Italien. Incapable d'aller préparer un déjeuner aux jumeaux. Incapable ne serait-ce que de battre des cils convenablement. Elle est allongée. Elle est seule. Elle a pris une autre chambre, avec les jumeaux, pour ne pas troubler Diego et son repos. Les jumeaux sont sortis seuls, d'ailleurs. Elle ne les entend pas jouer. Depuis que ces montres-là savent marcher, la course-poursuite est devenue le quotidien des Corellio. Aujourd'hui, personne ne leur courra après. Personne les ramènera par les oreilles, lil pétillant de colère (c'est bien Eliance qui fait ça, Diego étant toujours du côté admiratif de ses merveilles, quoiqu'elles fassent).
Elle est allongée et n'est plus elle-même. Sa tête s'est transformée en un fouilli de pensées fourmillant trop densément pour que son cervelas suive le choc. Tout son être est souffrance. Ses rêves, ses membres et surtout ce bras qu'elle préfèrerait ne plus sentir du tout. L'eau s'évapore de son corps à une allure fulgurante, trempant son front, collant les petites mèches sauvages à sa peau. Rester éveiller est un combat à chaque clignement de paupière. Et pourtant, elle sent qu'elle va sombrer si elle ne combat pas. Alors elle lutte avec elle même.
Dans un ultime effort, elle s'est levée et est allé s'installer devant la table où trônent les papiers et le crayon qui lui permettent de s'évader auprès de ses amis. Dans un ultime effort elle doit écrire, appeler à l'aide. Il le faut. Ils ne tiendront pas tous seuls, dans cet état-là, avec tous ces enfants.
La main est tremblante, mal assurée. Le crayon glisse sur la moiteur de la peau. Mais elle s'obstine à tracer les mots. Un à un. Des mots pas droits, pas beaux. Des mots qui appellent à l'aide.
Citation:
- Mary...
Viens. S'il te plaît.
Ça va pas.
Je peux plus m'occup... des jumea...
El...
Les mots se finissent pour la plupart par des traits qui mangent les dernières lettres, transformant la graphie habituelle de la Ménudière. De la chaise, elle peut se pencher pour ouvrir la porte et hèle un marmot qui passe dans le couloir.
Hé ! toi ! Amène ça à l'aubergiste. Dis-lui qu'il l'envoie pour moi. Il te fil'ra un quéque chose.
Le pli est confié et Eliance reste sur sa chaise, bien incapable de s'en retourner à sa paillasse. Elle s'endormira, assise, le bras douloureux. Et ce n'est que plus tard qu'elle aura le courage de traverser la sieste pour rejoindre sa couche.
À trop s'occuper des autres, elle a oublié ses plaies à elle. À trop s'occuper des autres, elle n'a pas refait ses bandages. À trop s'occuper des autres, elle ne s'est pas aperçu de l'infection qui gagne son bras. À trop s'occuper des autres, elle n'a pas pensé qu'elle aussi pourrait être terrassée.
* Thomas Fuller
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