Lanceline
- Elle a fait un bébé toute seule
C'était dans ces années un peu folles
Où les papas n'étaient plus à la mode
Elle a fait un bébé toute seule
[...]
Elle défait son grand lit toute seule
Et elle court toute la journée
Elle court de décembre en été
Elle a fait un bébé toute seule, Goldman.
Le ciel allait lui tomber sur la tête. C'était l'impression qu'elle avait.
À Bazas, elle avait attendu une partie de la nuit que le médecin ou Augustius se montre. Finalement, lassée, elle était partie. D'autant plus qu'elle pressentait que son enfant -sa fille !- ne tarderait plus à arriver.
Tonnerre.
La Balafrée leva les yeux vers le ciel, vaguement inquiète. Le mauvais temps était là, pour bientôt. Elle accéléra le pas, pressant ses doigts contre son ventre comme pour enjoindre le bébé de ne pas venir de suite, d'attendre encore un peu. Sainte Illinda se dresserait bientôt devant elle. Ne restait qu'une ou deux semaines. Oh, bon sang... Elle secoua un peu la tête, s'arrêta le temps de s'étirer. La douleur au dos était insupportable.
Un peu plus tôt, elle s'était arrêtée pour aller se délester dans un buisson. Pas bien. Elle n'était vraiment pas bien.
La Blonde se remit en marche, frappant le sol sablonneux de son bâton.
Éclair.
Elle releva la tête, prit une grande inspiration. Elle ne pouvait pas courir. Courir, c'était prendre le risque d'accélérer le processus. Ou de perdre l'enfant. Un mauvais mouvement et... Surtout pas, malheureuse ! C'était là le moyen de s'assurer définitivement le rejet d'Arnaut. Arnaut qui... était... malade ? Absent.
- ... OH !
Pliée en deux. Elle venait de se plier en deux. Ses fins doigts blancs se crispèrent sur le bâton. Elle réalisa que... ce serait aujourd'hui.
- L'enfant... du lundi... est beau du visage...
Sainte Illinda, protégez-moi de moi !
- ... L'enfant du mardi est... Hmpff... plein de grâce... L'enfant du mercredi... est... est plein de chagrin ... Oh... Aristote, gardez-moi ! L'enfant du jeudi... va aller.. loin...
Si c'était aujourd'hui... Une fille... ou un garçon... Elle survivrait. Gabrielle...
- Gabrielle... Attends un peu, veux-tu ?
Le vieux Tobie l'avait dit, Arnaut l'ignorait : ce serait une fille.
Et soudain ce fut le déchaînement des eaux. En un instant la Valdesti se retrouva trempée. Trébuchant, tombant contre la grande porte, elle cria son désespoir :
- Oh... Ellya... ELLYA ! ELLYA !
Il... J'ai besoin d'aide ! L'enfant arrive !
À bout de souffle, à bout de nerfs, elle se mit à pleurer tandis que le ciel faisait de même.
Une nouvelle contraction lui coupa le souffle.
- Ouvrez-moi, je vous en supplie...
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