Kateline
- [Oublier le passé, ou renouer ?]
- Voilà quelques jours que Kateline est de retour sur ses terres, après presque huit mois quelle a passé à vagabonder à travers lest du royaume sans remettre les pieds en Berry. Entre deux poutrages darmées dictes croisées aux abords de la cité genevoise, elle était même allée jusquà emménager dans un coin paumé du Lyonnais, y avait ouvert un second cabinet médical, fermement décidée à ne plus jamais revenir en arrière.
Et puis lamour, lamour quelle a rencontré au détour dune taverne, rencontre inopinée quelle na forcément pas prévu, elle qui voulait se consacrer à la médecine pour oublier les douleurs, les deuils et léloignement de sa famille. Cet amour lui a permis de se détourner de ses démons qui la hantent, finis ces instants de torpeur, dhorreur où elle revivait les moments les plus terribles qui lavaient vu fuir son pays dadoption. Visions et voix qui simposaient à ses yeux comme à ses oreilles à toutes heures du jour et de la nuit. Son cauchemar sest terminé à cette époque, et la main de son écorché-vif dans la sienne, elle sétait offert le luxe dun nouveau départ dans la vie.
Elle laurait suivit sur tous les chemins, sur toute une vie si le Très-Haut lui avait donné cette chance. Mais comme toujours dans la vie de LEbène, ce quil y a de meilleur lui est sans cesse arraché de force. Son nouvel amour disparu, cest donc accompagné de son seul frère quelle décide de rejoindre leur sur Sandrine. Et comme la rouquine est rentrée en Berry avec le reste de la famille, cest à la capitale quils se rejoignent.
Bourges la Belle, et ses armées royalistes à ses portes. Kateline était prévenue, mais cela nen reste pas moins choquant à ses yeux, en tout cas un premier temps. Son duché envahit et déserté de toute âme berrichonne la rend perplexe. Mais où sont-ils tous donc passés ? Ont-ils tous fuit ? Sont-ils morts ? Des questions qui ne trouvent pas de réponse, il ny a que Sandrine et Sebastian qui sont là à lui rappeler quelle a un héritage à récupérer. Cest surtout la Rousse qui insiste, lui assenant quelle trouverait des réponses à ses questions. LEbène a beau répéter sans arrêt quelle nen a plus à son sujet, rien ny fait, sa zum persiste et signe sur le fait que le Dément a forcément laissé quelque chose derrière lui. Pour elle.
Déjà cette arbalète ! La fameuse arbalète que lui avait laissé Zelgius de son vivant, dans cette arme était caché un parchemin, une lettre
Kateline, ma filleule,
Si tu lis cette lettre, c'est certainement que j'aurai succombé à mon esprit. Depuis aussi loin que je me souvienne, je n'ai jamais véritablement été seul malgré l'abandon de ceux de mon sang. Note que même à l'écrit, je ne peux les considérer comme une "famille".
Une famille. C'est ce que j'ai toujours recherché, surement que ces voix dans ma tête sont nées de ce besoin, peut-être est-ce un cadeau empoisonné de ce sang que j'ignore. Toujours est-il qu'elles m'ont permis de survivre lorsqu'un autre aurait lâché prise. Ce que j'ai dû faire pour rester en vie n'était pas "humain". Je ressemblais bien plus à un animal qu'à autre chose, je tuais, je torturais, je mangeais, pas nécessairement dans cet ordre... J'étais ce que beaucoup nomme "Cannibale", moi je nomme ce que je faisais "survivre". J'étais un survivant !
Et alors, le Berry. Un air de "chez soi" qu'on ne peut ignorer, je suis resté. Un groupe de personne a alors décidé de me prendre sous son aile, ça n'a pas duré. Tu connais l'histoire des Baranowski, je n'ai pas besoin d'en faire un résumé...
Mais c'est à ce moment là que tu es arrivée. Sans chercher à savoir ce que j'avais pu faire par le passé, qui j'avais pu être, tu es devenue mon amie. Je n'avais jamais eu d'amis avant toi. Je n'en ai aucun autre aujourd'hui. Peut-être que Nathan s'en approche, à sa manière. Le temps nous le dira, à toi en tout cas.
En aussi peu de temps qu'il m'avait fallu pour tuer la première fois, tu as réussi à me faire découvrir ce que j'ignorais jusqu'alors : ce n'était pas une famille que je cherchais, c'était ma famille. Et tu en étais la première pierre ou l'unique, à dire vrai je m'en contrefiche, tu étais là.
J'ai désormais une raison de rester, une raison de ne plus seulement survivre mais bien de vivre.
Je vais rendre notre famille heureuse, tout ce que je ferai à partir de ce jour sera destiné à ce simple résultat.
J'espère que quand tu liras cette lettre, j'y serai parvenu. Et même si ce n'est pas le cas, aies une vie heureuse, Kateline. Loin des fous de mon espèce.
Avec tout ce que je peux t'apporter en amour,
Ton parrain,
Zelgius.
Cette lettre, elle le sait, il lavait écrite alors quil était encore plus ou moins sain desprit, en tout cas la folie ne lavait pas encore porté si loin. A ce moment là, il était encore si loin de ses projets dassassinat sur Nathan, de ses jeux manipulateurs et de la paranoïa qui avait forcé Kat à mettre fin aux jours du Dément. Non pas quelle ait choisit de le faire, ce coup quelle avait porté nétait que létincelle qui avait fait exploser la bombe qui se trouvait dans la tête de Zelgius. Mais ça elle ne le sait pas, et elle vit chaque jour avec cette mort sur sa conscience.
- [Germigny, raconte-moi tes secrets
]
- En ce cinquième jour de novembre, lair est piqué par le froid alors que lEbène quitte sa maison aux premières heures de laube. Elle a décidé de lexpédition en solitaire pendant la nuit. Un coup de tête en somme. Normalement Sebastian et Sand auraient du laccompagner, mais elle préfère affronter ça seule.
La clé du castel dans sa besace, elle chevauche en direction du sud-est de Bourges, quelques lieues où elle prend le temps de se réapproprier les paysages environnants. Les forêts, autrement verdoyantes en été, sont lugubres sans leur manteau de feuilles, mais un étrange sentiment de « chez soi » se fait ressentir en traversant plaines et prairies.
Enfin Germigny se dessine sous le regard de lEbène, un dernier coup de talons dans les flancs de sa monture pour la faire se hâter. Une fois devant les grilles laissées ouvertes, elle fait stopper lanimal.
Elle prend alors un instant pour juger de létat des lieux, se demandant quand langevine a décidé de déserter la vicomté en emportant la bâtarde avec elle. Il lui semble évident que cela fait fort longtemps que plus personne ne vit ici en voyant la végétation ayant repris peu à peu ses aises.
Kat descend de sa monture, ramenant la bride à elle pour guider son étalon et pénétrer à lintérieur du domaine. Elle prend alors soin de lattacher aux écuries partiellement délabrées.
Elle sapproche enfin de la grande porte en chêne qui la sépare des secrets de son parrain. Sa main se glisse dans sa besace et en ressort une grosse clé, celle que Sebastian lui avait confiée en la rejoignant à Genève en janvier.
Dun geste lent dans lequel on peut ressentir lhésitation de lEbène, celle-ci tourne la clé puis pousse la porte dun geste fort.
A nous deux Zel
Et dentrer dans le château.
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