Magda.
[Amitié : Seul sentiment que lâge renforce.]
- Philippe Bouvard
Enroulée dans un châle jaune mimosa, une plume à la main, Magdalena observe par la fenêtre une alouette qui sautille sur lherbe gelée. Le spectacle, pourtant des plus simples, la ravie. Savoyarde de coeur et de sang, elle navait jamais vécu sur la terre de ses ancêtres auparavant et découvrir ses racines emplit son coeur de marguerite dune joie sans mesure commune. Dune joie quelle ressent le besoin impérieux de partager.
Citation:
Fait à Annecy, le neuf novembre de lan de grâce mil-quatre-cent-soixante-deux,
De moi, Magdalena dAcoma, à toi, Théréza Vitalis da Roma,
Il est sûrement idiot de ma part de técrire alors que depuis le début de ton voyage, il y a une éternité de ça, mes lettres restent sans réponse et pourtant je ne puis mettre fin à cette communication à sens unique : lespoir quun jour lun de mes messagers te trouve et quune réponse me parvienne est bien trop grand pour que jabandonne. Et puis, quimporte que tu lises ou non ces mots puisque tu es et seras toujours celle à qui jai envie de raconter ma vie, mes pensées et mes émotions.
Dans ma dernière lettre, je te disais préparer mon départ et tu seras heureuse de savoir que je suis bien arrivée en Savoie. Contrairement à toi, je nai guère lhabitude de voyager et les deux semaines de route mont fatiguée, aussi bien à cause de linconfort des longs voyages en coche et des lits de certaines auberges quà cause de lennui qui très vite cest installé. De plus, nous sommes passés par des terres occupées par la peste de la Réforme et je dois avouer avoir eu - sans raison semble-t-il, puisque nous navons croisé aucunes de ces personnes - très peur. On dit que ces barbares, prétendant défendre la foi véritable commettent des atrocités et nhésitent pas à voler et même tuer les pauvres voyageurs qui ont le malheur de croiser leur route. Jaimerais pouvoir me montrer compréhensive à leur égard, pouvoir excuser leurs actes, mais il me semble que cest là chose impossible : leurs blasphèmes et leur cruauté sont autant de barrières que je ne saurais franchir.
Toutefois, ne crois pas que le pessimisme cest emparé de moi : ma joie de vivre et mon amour du monde sont toujours bien présents et si mon voyage na pas été idéal, ma bonne a comme toujours su prendre grand soin de moi et le plaisir de découvrir de nouveaux paysages a largement compensé linquiétude qui étreignait mon coeur par ailleurs.
Voilà donc quelques jours maintenant, que je suis à Annecy. En attendant de trouver une agréable demeure à louer ou acquérir, je loge dans une charmante petite pension et, sans être luxueuse, je la trouve très confortable dautant plus que les fenêtres de ma chambre donnent sur le jardin ainsi que, plus loin, sur le lac qui borde la ville. On ne saurait imaginer vue plus jolie.
Je nai guère eu loccasion de sortir pour linstant, toutefois jai eu lheur de croiser quelques locaux qui mont fait un accueil des plus agréables. Les gens dici, chère Théréza, ont lart et la manière pour faire en sorte que chacun puisse se sentir chez lui en cette bonne ville et j'espère être un jour une aussi bonne hôte qu'eux. Parmi les personnes rencontrées, il me semble avoir trouvé une potentielle amie. Elle se nomme Rose, est tribun de la ville et dispose dun sourire et dune vivacité desprit qui ne sont pas sans te rappeler à moi.
De plus, elle a été porteuse de la plus heureuse des nouvelles. Mon cher Maelh, après dix années passées loin de nous pour faire son apprentissage en Angleterre, est de retour. Eh oui ! Dici quelques jours seulement je pourrai le serrer entre mes bras ! Comme tu peux limaginer, mon coeur est gonflé de joie à cette idée et mon seul regret est que ma soeur, ce double si tendrement aimé, ne sera pas des nôtres à cette occasion. Ceci dit, je ne doute pas quelle aussi nous rejoigne bientôt.
Et avec un peu de chance, toi aussi tu pourrais nous retrouver et ce peut-être plus tôt quon ne le croit. Je lespère en tout cas et ne doute pas que je prie pour que ça arrive.
Quimporte où tu es et ce que tu fais, mes pensées t'accompagnent, mon amie et comme toujours, jattendrai, le coeur patient, une réponse de toi.
PS : il fait affreusement froid ici et cette année encore ma broche florale mest bien utile. Quelle merveilleuse idée avaient eu nos parents en nous permettant déchanger ces jolis présents.
De moi, Magdalena dAcoma, à toi, Théréza Vitalis da Roma,
- Ma chère amie,
Il est sûrement idiot de ma part de técrire alors que depuis le début de ton voyage, il y a une éternité de ça, mes lettres restent sans réponse et pourtant je ne puis mettre fin à cette communication à sens unique : lespoir quun jour lun de mes messagers te trouve et quune réponse me parvienne est bien trop grand pour que jabandonne. Et puis, quimporte que tu lises ou non ces mots puisque tu es et seras toujours celle à qui jai envie de raconter ma vie, mes pensées et mes émotions.
Dans ma dernière lettre, je te disais préparer mon départ et tu seras heureuse de savoir que je suis bien arrivée en Savoie. Contrairement à toi, je nai guère lhabitude de voyager et les deux semaines de route mont fatiguée, aussi bien à cause de linconfort des longs voyages en coche et des lits de certaines auberges quà cause de lennui qui très vite cest installé. De plus, nous sommes passés par des terres occupées par la peste de la Réforme et je dois avouer avoir eu - sans raison semble-t-il, puisque nous navons croisé aucunes de ces personnes - très peur. On dit que ces barbares, prétendant défendre la foi véritable commettent des atrocités et nhésitent pas à voler et même tuer les pauvres voyageurs qui ont le malheur de croiser leur route. Jaimerais pouvoir me montrer compréhensive à leur égard, pouvoir excuser leurs actes, mais il me semble que cest là chose impossible : leurs blasphèmes et leur cruauté sont autant de barrières que je ne saurais franchir.
Toutefois, ne crois pas que le pessimisme cest emparé de moi : ma joie de vivre et mon amour du monde sont toujours bien présents et si mon voyage na pas été idéal, ma bonne a comme toujours su prendre grand soin de moi et le plaisir de découvrir de nouveaux paysages a largement compensé linquiétude qui étreignait mon coeur par ailleurs.
Voilà donc quelques jours maintenant, que je suis à Annecy. En attendant de trouver une agréable demeure à louer ou acquérir, je loge dans une charmante petite pension et, sans être luxueuse, je la trouve très confortable dautant plus que les fenêtres de ma chambre donnent sur le jardin ainsi que, plus loin, sur le lac qui borde la ville. On ne saurait imaginer vue plus jolie.
Je nai guère eu loccasion de sortir pour linstant, toutefois jai eu lheur de croiser quelques locaux qui mont fait un accueil des plus agréables. Les gens dici, chère Théréza, ont lart et la manière pour faire en sorte que chacun puisse se sentir chez lui en cette bonne ville et j'espère être un jour une aussi bonne hôte qu'eux. Parmi les personnes rencontrées, il me semble avoir trouvé une potentielle amie. Elle se nomme Rose, est tribun de la ville et dispose dun sourire et dune vivacité desprit qui ne sont pas sans te rappeler à moi.
De plus, elle a été porteuse de la plus heureuse des nouvelles. Mon cher Maelh, après dix années passées loin de nous pour faire son apprentissage en Angleterre, est de retour. Eh oui ! Dici quelques jours seulement je pourrai le serrer entre mes bras ! Comme tu peux limaginer, mon coeur est gonflé de joie à cette idée et mon seul regret est que ma soeur, ce double si tendrement aimé, ne sera pas des nôtres à cette occasion. Ceci dit, je ne doute pas quelle aussi nous rejoigne bientôt.
Et avec un peu de chance, toi aussi tu pourrais nous retrouver et ce peut-être plus tôt quon ne le croit. Je lespère en tout cas et ne doute pas que je prie pour que ça arrive.
Quimporte où tu es et ce que tu fais, mes pensées t'accompagnent, mon amie et comme toujours, jattendrai, le coeur patient, une réponse de toi.
- Tendrement,
- Magdalena
PS : il fait affreusement froid ici et cette année encore ma broche florale mest bien utile. Quelle merveilleuse idée avaient eu nos parents en nous permettant déchanger ces jolis présents.
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