Cuamantzingo, premier jour de bataille
Tout se mélangeait dans la tête de la Peste angélique.
La Rose qui partait, son Homme qui pue introuvable, les Pas-beaux tenaces et les Faux-coeurs vicieux la faisaient sautiller de travers.
M'enfin, pas idée de donner un environnement aussi malsain à une gosse ?
Un messager l'avait attrapée le matin, alors qu'elle tressait sa natte. Un message de la Rose, qui l'avertissait d'un danger pour la clan. Ni une ni deux, elle rejoignit sa lance, et était prête à défendre ce clan, armée de son couteau ridicule. Elles étaient trois, elle, la Rose, et la Bleue. Elle n'arrivait pas à apprécier pleinement cette dernière, se demandant comment la Rose la préférait au géant.
Elle a entendu des cris, elle a vu les armes sorties, pourtant elle ne s'est pas vraiment battue. Le couteau fermement campé dans sa menotte, elle a parcourut le clan d'un pas souple inhabituel, imitant de son mieux mieux la Rose qui les guidaient. Devant le calpullec, les ennemis étaient là. Les armes s'entrechoquent, les souffles s'accélèrent, et dans ce brouhaha de râles, la Vérole est pétrifiée, à demi accroupie et les dents sorties.
Elle ne sait pas se battre, elle n'ose pas attaquer. Ce n'est pas la peur de mourir, mais la peur de perdre et à cause d'elle de perdre le clan qui la saisit. Personne ne fit attention à cette gamine maigrelette sur le champ de combat.
Ce fut la Bleue à son côté qui la décida. Celle-ci, environnée d'ennemis, se battait comme elle pouvait, utilisant tous les moyens à sa portée. Et lorsqu'un vulgaire occidental à longs cheveux arrive face à la femme, la gamine lui attrapa la chevelure par derrière, posa un pied sur le bas du dos du guerrier, et s'arc-boutant tira de toutes ses forces. L'homme hurle, la peste lâche, et fait face à un nouveau mâle armé d'un long bâton, au bout duquel est attaché une pique en os. Paniquée, elle se souvient qu'elle tient toujours son couteau, et utilise sa seule défense : les mots. Elle brandit son arme, espérant que le guerrier ne s'écroule pas de rire, d'un mouvement de tête fait passer sa natte devant elle, les jambes écartées se met sur la pointe des pieds, et relève le menton. Une réplique, vite !
Elle plissa les yeux, détailla l'homme qui lui faisait face.
Bougre de lama grillé ! Ta cervelle a donc tellement ramolli que tu n'es plus capable de distinguer un ennemi d'une soeur ?
Son ton est dur, sa voix ne faiblit pas, mais intérieurement elle espère que dans la nuit il ne cherchera pas à la reconnaître. L'homme s'éloigne après une excuse, la gamine sourit, et avant de se rendre compte de la lâcheté de son acte, une guerrière aux lèvres pleine fait un joli bond jusqu'à elle. Elle se met à pleurer, réveillant l'instinct de mère chez la femme, qui finit assommée sous un coup de manche de couteau, administré de toutes les forces de la gosse.
Que ça finisse, et vite...
Quand les orientaux se sont repliés, elle s'est détendue. Un coup d'il à gauche et à droite la rassura. Personne n'avait vu tout ce qu'elle avait pu inventer pour arriver à ses fins. Et celui qui en parlerait devait s'attendre à une réplique juteuse.
A croire qu'ils aiment tant perdre qu'ils essaient encore...
Aujourd'hui encore, le clan est en ébullition. Deuxième nuit de bataille à prévoir, et la nattée essaie de ne pas y penser. Elle rejoindra ses frères, mais pour ce qui est de se battre, devra-t-elle encore improviser ? Ne pas y penser.
En tous les cas, cette guerre rapprochait le clan d'une étrange façon. Elle avait vu en taverne Mandragon, homme qu'elle avait pendant plus d'une heure persuadé -ou du moins essayé- qu'elle n'était pas coyote, car sinon il refusait de lui parler. Et il parlait avec la Féline ! Effarement difficilement caché de la petite. La prochaine fois, elle demanderait aux orientaux d'organiser une petite virée par ici, cela mettrait moins de temps à convaincre quelqu'un...