Anaon
Les azurites resculptent ces pommettes de bronze au fil de leur observation. Elle se laisse disséquer comme elle décortique de ses jugements muets. Exemptée de discrétion. Tout comme elle est dépossédée d'états d'âme face à ces regards qui s'attardent sur ses joues pourfendues. Il en avait fallu du temps pour s'en détacher, de ces illades qui causent la honte et mettent le doigt sur sa monstruosité. Elle y était parvenue... Aujourd'hui, ce n'est qu'un combat de billes, des perles pareilles à une nuée de corbeaux d'un côté, postées au diapason de deux iris d'un océan bien sombre de l'autre. Échange en chien de faïence, couvert par le regard goguenard du comptable. Il doit rire, le Nonchalant, de voir ces méfiances s'exacerber d'un rien juste sous son nez. Telle la main du chasseur qui se serait amusé à mettre deux chats sauvages dans le même enclos pour observer leurs réactions. Chats dubitatifs, qui préfèrent s'en référer au seul homme de petits glissements de regards pour savoir qu'en penser.
« Semblerait qu'ça se fasse, en effet. Mais rien n'vous y oblige »
La sicaire fait mine de réfléchir, inspirant alors en haussant les épaules.
_ Si rien ne m'y oblige alors... Je prends le risque de le faire de bon cur.
Y'en a quelques-uns dans l'assistance qui se seraient grassement gaussés au « bon cur ». Et pourtant, bien que sous-jacentes, les félicitions sont réellement là. Regard sincère lancé à Alphonse. La sicaire ne fait pas plus de vague sur le sujet, coupant nette la tête des épines qui commencent à poindre à la surface de son esprit. Anaon et les mariages. Une bien longue histoire...
La remarque suivante de la gitane est comme une pichenette qui a le don de briser l'immobilisme de la sicaire. Un nez critique se pose sur sa propre tenue. Se rhabiller l'aurait effectivement rendu moins antique.... Quant à se fondre dans le décor, là une est chose que ses instincts arachnéens auraient bien aimé faire.
Répondant pourtant à la voix rocailleuse, la femme s'ébranle de quelques pas précautionneux, se rapprochant du grand bassin. Une main glisse dans ses cheveux humides pour couvrir plus largement l'épaule laissée la plus à nue alors qu'elle arrête ses pas sur les derniers carreaux surplombant l'eau. Fil de quelques enjambées toujours laissé en guise de distance entre eux, l'Anaon n'en imite pas moins la jeune femme après quelques onces d'hésitation. L'aînée se pose, plongeant ses jambes dans l'onde chaude. Puis jugeant qu'il serait de bon ton d'arrêter de jauger la gitane comme une bête curieuse, les prunelles cobalts se posent à nouveau sur le bambin. L'échine ne s'en relâche pas pour autant, peu tranquille de voir cette autre pareillement affûtée et armée. C'est pourtant pour la même raison que cette même autre, que l'Anaon n'hérisse pas plus le poil. Moins légitimement que la jeune femme pourtant, la sicaire se fie à l'attitude paisible du comptable.
Mais un chien reste un chien.
_ Quel âge a t-il ?
Voix qui se nimbe toujours d'une latente douceur quand il s'agit d'enfant.
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| © Image Avatar : Eve Ventrue | © Image Signature : Cristina Otero | Anaon se prononce "Anaonne" |