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[RP] Mon Royaume pour un bain.

Anaon


      Le sourire reste épinglé au coin des lèvres, tandis que les mains s'assurent autour du petit corps confié. Le dialogue n'est bien qu'un jeu de cartes, surtout avec Alphonse, où l'on passe, suit et surenchère. Et dans ses mots, l'Anaon choisit l'éventail surprenant de sa main, même la plus taquine.

    _ Si vous saviez ce qu'on peut y faire et entendre dans un confessionnal. Des plus étonnants !

    L'Anaon n'est jamais allée en confession, non. Mais dire qu'elle ne s'est jamais rendue dans cette boîte à aveu serait mentir. Si elle ne joue pas de la génuflexion, elle préfère allégrement se vautrer sur le banc du dévot, calice dérobé à la main et vin de messe grassement piller. C'est fou, ce que le monde a à avouer de l'autre côté du pan de bois. Du plus banal à l’inimaginable. Et c'est dans le hasard de l'une de ses situations que la sicaire a décroché son plus attrayant contrat. « Pardonnez-moi puisque je m'apprête à pécher... ». Cette phrase restera à jamais gravée dans sa mémoire, tout comme la voix féminine qui l'a prononcé avec tant de douceur, en mal de vengeance. En mal de souffrance.

    Si Alphonse se rhabille sous l’apanage de la pudeur, la balafrée n'en marque pas moins un léger demi-tour, livrant la vue d'un presque dos, prunelles toutes concentrées sur la petite chenille lovée au creux d'un bras. Si le sourire s'est effacé du dessin des lippes, c'est pour mieux se couler sous le moindre de ses traits et envahir, comme une nappe vaporeuse, ce visage aux apparats si austères. Tête posée au coin du coude, dextre s'est mise en coupe contre la petite joue qu'un pouce vient tendrement caresser. L'Aînée se permet là où elle n'aurait oser, un instant plutôt, sous le regard de la mère. Par respect évident, par soin aussi de ne pas se faire plus intrusive qu'elle ne l'était déjà. Apprivoisée elle-même par ses sensations si longtemps étouffées et si peu assouvies, la mercenaire se laisse aller aux réflexes de répondre à cette mine endormie, et d'animer en une lente cadence le berceau de ses bras.

    Un léger bâillement vient froisser le soudain silence, et les azurites se tournent immédiatement vers l'entrée. A y voir apparaître le visage du garde, la femme ne peut s'empêcher d'exprimer une mine étonnée, saluant grandement qu'il ne soit pas arrivé quelques minutes plutôt quand elle se baladait avec une relative transparence en guise d'unique habillement. Si la sicaire concède quelque rare entorse à sa pudeur, elle ne le fait qu'à titre bien exceptionnel, et sa pudibonderie ne se chasse pas jamais bien longtemps.

    « Voulez-vous bien être mes mains quelques instants encore ? »

    _ Vous avez de la chance. Personne ne les loue aujourd'hui.

    La sicaire suit docilement, tanguant lentement à chaque pas pour bercer l'enfant contre son sein. Un dernier regard se plonge au cœur de la salle, emportant avec elle la vision de ses inestimables mosaïques avant que la porte ne se referme sur elle. Le nez se pose sur ses pieds déchaussés, n'ayant pourtant que le temps de marquer une hésitation sur le pas de la porte avant de voir l'adonis s'enfoncer sans attendre dans l'escalier et sans avoir cure de ses propres pieds nus. Le corps se met alors en branle à sa suite. Et à ressentir le léger froid qui serpente dans la gueule de pierre, les bras se ressert autour du petit Antoine, pour le garder dans sa chaleur.

    « Prenez vos aises, je vous rejoins dans quelques minutes »

    Un simple hochement de tête. Et l'Anaon pousse la porte du bureau. Une œillade vague... qui revient immédiatement se figer sur les coutures qui emplissent la pièce. Diable ! Mais... Elle s'est trompée de pièce ?!Mais à y voir... Non il s'agit bel et bien du bureau du comptable. Les azurites partent en quête du paravent qui abriterait la donzelle en plein essayage. Mais il n'y a personne... Intriguée, la mercenaire joue de l'équilibre et de l'agilité pour enfiler ses bottes d'une seule main, sans brasser le poupin bien calme et sans que ses pupilles ne se décrochent une seconde des robes étalées à sa vue. Berçant à nouveau Antoine, la sicaire reste sagement figée... Avant que l'envie de s'approcher ne devienne trop prégnante. Et comme l'artiste se fait indéniablement attirer par le tableau, l'Anaon s'approche des œuvres de tissus, l’œil écorché du vif éclat de la connaissance.

    Les bottes se figent. Le regard parcoure. L'étalage éclatant du carmin dans la lumière du jour attire les petits yeux enfantins qui sortent un brin de leur somnolence. La mollesse est cependant bien trop présente pour qu'il ait la foi d'extirper un bras afin de jouer des broderies clinquants à sa portée. Sous les bercements anaons, il se contente d'un intérêt vague et endormi. La balafrée elle, se fait bien plus animée. Bien qu'elle s'en défende, elle ne peut s'empêcher de porter le bout de ses doigts sur la texture des étoffes. La main pince une couture, retrace le délié des broderies. Palpe, frôle, décortique et critique au fleur de sa peau. Toucher. Il est assez étrange de constater la valeur que cet être peut mettre dans ce sens, alors qu'il ne supporte pas lui-même que l'on puisse poser une main sur son corps. Elle est pourtant ce genre de donzelle que l'on claquerait de ne pouvoir s'empêcher de poser ses doigts sur un tableau pour en apprécier pleinement la peinture. Elle ne peut admirer la pleine mesure des choses sans les avoir touché. Sans avoir pu constater leur douceur, leur rudesse. Leur galbes et leur creux. Leur texture, la chaleur ou le froid. Il est aisé de voir. De se souvenir d'un son. Mais n'est-il pas plus enivrant de se remémorer un toucher ? Du velours sur son épaule, d'une peau contre sa peau. Ses doigts ont une mémoire, et l'Anaon, boulimique du souvenir n'en fera jamais taire la passion vorace de tout vouloir retenir par le biais de leur peau.

    Alors, regard plissé sous la concentration et l'admiration, la pulpe redessine le moindre détail, dans de mouvements éthérés, et pourtant ô combien critiques. Mais quand Alphonse entrera dans son bureau, elle ne manquera pas de retirer son audace derechef comme une gamine prise avec la main dans le sac à bonbon.

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    | © Image Avatar : Eve Ventrue | © Image Signature : Cristina Otero | Anaon se prononce "Anaonne" |
Alphonse_tabouret
Si le rouge attirait sans mal toute l‘attention dès lors que l’on passait la porte du bureau comptable, ce fut pourtant la mercenaire qui cueillit sans mal la sienne, l’enfant juché au creux d’un bras certain qui ne s’embarrassait d’aucune hésitation quand le regard et la main valide se dédiaient tout entier à l’inspection d’une manche carmine. Ne s’étant pas attendu à troubler ni la mère, ni la femme, le chat regretta un instant de ne pas avoir attardé l’usuelle prudence qu’il observait de coutume en mesurant chacun des gestes pour surprendre au mieux l’expression nouvelle d’une douce fièvre sur le visage de l’Ainée, et y lire avec avidité une passion qu’il n’aurait jamais soupçonné.
Une chemise passée sur ses épaules et boutonnée à la va vite sitôt la signature apposée au bas du parchemin en guise de dépôt de garantie, l’animal referma la porte derrière lui sans quitter Anaon des yeux, un sourire étrangement victorieux ourlant ses traits d’une malice habituellement réservée à d’autres intimités, mais amenée, irrémédiablement, par le lien immuable qui scellait les chemins de celui qui surprenait l’autre la main dans le sac. Si elle n’avait aucune raison de se cacher d’un tel intérêt ou même d’un geste pour éprouver les tissus à portée de pulpe, il restait sur le visage de la sicaire, la délicieuse lueur d’une culpabilité juvénile ne pouvant qu’exciter l’appétit d’une bourreau charmé se réservant le droit de délayer de son savoir à n’importe quel autre instant que maintenant, taisant pour mieux en user plus tard, toute remarque sur le sujet, se contentant, enfant terrible , d’apposer un regard doucement goguenard sur les robes en avançant vers elle.


Avez-vous déjà essayé de commander une robe pour une femme qu’un couturier n’a jamais vu ?, lui demanda-t-il en s’arrêtant à côté d’elle, délaissant encore quelques instants son fils dont la mine rêveuse n’appelait pas à l’inquiétude la plus immédiate quant à son éventuel bien-être, pour examiner l’une des toilettes amenée par l’atelier de couture. J’ai dans l’idée d’offrir une robe à Axelle pour notre mariage…, commença-t-il en saisissant entre ses doigts une manche longue pour l’étirer doucement et juger des reflets orchestrés par le mouvement … et j’ai choisi de me compliquer la tâche en en faisant une surprise… Son regard glissa brièvement sur la silhouette voisine, jouant d’une fatalité à la fois actée tout autant qu’en prise sur la réalité de son souhait, abandonnant la première œuvre pour aborder la seconde. Voilà bien une chose que je ne conseille à personne, lui confia-t-il au sourire d’un air entendu, et je me rends compte à quel point il est difficile pour un artiste, quel qu’il soit, de proposer sans avoir sa propre vision du sujet… Un air étonné s’empara de ses traits en découvrant le dernier ouvrage et son décolleté marqué, poursuivant, un instant absorbé par l’incongruité de la proposition couturière, avant de retrouver pleinement le fil de sa phrase : C’est comme si je leur avais décrit une autre femme, admit il en délaissant les ouvrages dont aucun n’avait su retenir son attention sans plus leur jeter un seul regard, fiancé radical qui savait ce qu’il cherchait sans réussir à en vouloir aux artisans incapables de comprendre la feu et la douceur lovés dans chaque geste de la gitane, pas plus que la sensualité toujours délicate qu’elle drapait à volonté le long de son corps menu, créateurs privés de l’essentiel lorsqu’il s’agissait d’Axelle, à savoir de la lueur vibrante de sa prunelle noire, livre ouvert à même l’âme sauvageonne.
La senestre empoigna le dossier du fauteuil pour le reculer et lui offrir l’assise tandis qu’il poursuivait, attrapant d’une dextre tendue, un vélin vierge rangé à droite de la surface patiné du cabinet ouvragé pour rédiger les bases du contrat dont les termes avait été évoqué à l’écho ouaté de la salle d’eau, sans pouvoir empêcher la rondeur d’un sourire badin de venir ourler sa question :

Vous qui semblez avoir quelques attraits pour le sujet, auriez-vous une adresse à me conseiller ?

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Anaon


      Se ployant au naturel, la main curieuse revient l'air de rien se remettre en berceau sous le corps de l'enfant. Lèvres closent, les prunelles suivent la démarche du comptable, sans plus oser bouger, attendant la remarque qu'elle imagine bien fuser.

    Avez-vous déjà essayé de commander une robe pour une femme qu’un couturier n’a jamais vu ?

    Les azurites détaillent le visage éphèbe. Puis elles glissent à nouveau du côté des atours. Elle ne répond pas, devinant que la question d'Alphonse n'attend pas tellement de réponse. Écoutant, observant discrètement ses gestes, la sicaire imprime à nouveau son lancinant bercement. Si le regard ne s'y pose pas, tout son être veille au confort de cette progéniture qui n'est pas sienne, dans le réflexe des mères, qui les deux yeux fermés ont encore la conscience grande ouverte. Docilement attentive, elle capte sans mal la déconvenue pourtant discrète du comptable, et à nouveau, elle le guète du coin de l'œil. Même dans la sincérité d'une déception, il demeure d'un immuable calme. Une retenue incontestable. Des états d'âme maîtrisés sur le bout des doigts, sans faille, et qui adoucissent du moindre rire au plus infime soupire. Il donne là l'image d'une sérénité immuable, qui, puisque qu'elle l'a déjà vu une nuit à noyer ses tourments, sait cacher des gouffres bien violents. Le regard reste pensif sur ce simple constat avant que le comptable n'attire à nouveau son attention sur les robes qui ne convainquent pas.

    Il se détourne, lui tire un siège... et pourtant, la mercenaire ne bouge pas. Le nez est toujours tourné vers le cardinal. Les paupières se plissent au trait de malice qui la met face à son intérêt indiscret qu'elle espérait passé inaperçu. Et puis enfin une inspiration.

    _ A vrai dire... Je connais très peu d'adresse... et encore moins dont j'ai pu constater moi-même le savoir faire.

    Un pas... Deux pas. Elle s'arrête à nouveau et une main quitte la coupole de ses bras pour suivre la ligne d'un passement.

    _ L'artiste crée. L'artisan applique. Il est des artistes très mauvais comme des artisans plus que talentueux. L'un est censé être capable de vous sortir une œuvre du néant, et l'autre d'appliquer à la perfection la moindre de vos exigences. Une robe reflète le caractère de celle qui la revêt, et s'il est plus aisé d'avoir le modèle sous les yeux, un bon couturier devrait être fort bien capable de se débrouiller sans cela... Après tout, le caractère ne se lit pas forcément sur une figure.

    Le visage couturé bascule, offrant la ligne d'un léger sourire en coin.

    _ Ça n'en reste pas moins de beaux ouvrages. Pour de belles dames. Nobles. Où se « montrer » est un art et une nécessité...

    A nouveau, elle parcoure chaque robe, leurs extravagances et singularités puis elles s'arrêtent sur la dernière. L'index se glisse dans le décolleté.

    _ Elles sont toutes... « riches ».

    Elle en fait claquer l'échancrure, amusée, qui n'est pas sans lui rappeler les robes offertes par le Renard. Si elles n'étaient pas vulgaires, elles se targuaient tout de même d'un dégagé qui n'avait pas manqué d'arrondir les prunelles mercenaires. Le regard se plante dans les pupilles comptables, cherchant l'approbation qui lui confirmera qu'elle a visé juste. Car là est bien le point qui unit ces quatre robes si l'on en excepte la couleur. Elle en conclut alors que c'est ce faste qui ne convient pas.

    Replaçant avec précaution plus confortablement l'enfant contre son sein, la main désigne ensuite ce que les propos décrivent.

    _ Une femme qui se drape dans le cuir et sous les armes n'aime pas se faire voir. Pas de cols hauts qui sont souvent bien trop extravagants. Pas de col dirais-je tout court... A moins que cette dame n'ait quelque chose à cacher sur son cou...

    Elle suspend geste et phrase à ses propres mots, vaguement interdite, puis reprend comme si de rien n'était.

    _ Une échancrure... Carré peut-être. Si le col est en « v » on peut toujours y rajouter un tassel, mais... la ligne serait moins simple. Moins sobre. Un décolleté droit... met en valeur sans être outrancier.

    De quelques pas, elle recule pour admirer l'ensemble des robes.

    _Quand la femme est belle, la robe ne doit souligner que sa beauté, non la recréer ou l'alourdir. Draper et suggérer, c'est cela qu'elle doit faire... Si l'on ne voit que la tenue et non la femme qui se cache dessous, vous avez tout perdu. Oubliez les houppelandes et les cottes. Point de froufous. Faites une robe, d'un seul tenant. Une seule découpe. Dans un beau tissu lourd, mais souple. Assez dense, mais ample... Ce doit être comme une corolle qui s'épanouit à chaque pas...

    L'Anaon l'imagine déjà, la robe. Rodée, à une vieille mécanique qui se met en branle et qui anime bien rarement ses pauvres doigts qui s'enroulent désormais bien plus souvent autour d'une dague que sur le chat d'une aiguille. Silence se creuse un instant au gré de sa réflexion. Puis le visage se tourne pour se justifier.

    _ Enfin si j'avais à la faire, c'est comme ça que la ferais...

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    | © Image Avatar : Eve Ventrue | © Image Signature : Cristina Otero | Anaon se prononce "Anaonne" |
Alphonse_tabouret
S’il fut surpris, il n’en montra rien, sage félin pour qui l’immobilisme, qui plus est au confort du fauteuil qu’il avait rejoint, avait su gagner les faveurs après avoir démontré ses lettres de noblesses les plus salutaires, trouvant dans le statique, l’oxygène nécessaire à faire crépiter en une flamme pure, ces instants égarés par leurs propriétaires mêmes.
Étonné, non point qu’Anaon soit femme car il laissait aux autres la facilité de succomber au factice de l’enveloppe sobre pour abreuver ses curiosités premières à des parfums plus discrets ; l’Ainée ne portait ni parure voyante, ni couleurs vives pour éclairer le bleu ethéré de ses yeux, et si la coupe des vêtements s’ajustait à chaque courbe, il eut été sot de n’y voir qu’un patron flatteur quand c’était plus certainement l’ampleur permise aux mouvements qui avait primé en premier lieu dans le choix de la mise. Anaon était efficace, discrète, effilée et rien ne dépassait du costume à qui se contentait de la regarder, comédienne dont les traces du passé persistaient en guise de signature jusqu’à plier son visage à la perpétuité d’un sourire
L’écouter était une autre chose, mêlant l’harmonie de la voix à la cavalcade des mots, semant aux voyelles souples des intentions inédites, étirant les babines dissimulées de la créature en un coin de la gueule, spectateur inattendu d’une émotion qu’il n’aurait pas su discerner sans l’aide de ces essais ratés dévoilés devant eux, et, instinctivement, le velours sombre des yeux glissa sur les doigts qui soutenaient Antoine, regrettant de ne pas avoir pris le soin de les examiner plus attentivement lorsqu’il en avait eu l’occasion, curieux d’y lire une maitrise qui n’aurait point été celle des lames. À la suspension de quelques secondes au phrasé berçant en lui l’embryon d’une rêverie dissolue aux horizons de passés depuis longtemps délaissés, Alphonse remonta les yeux sur le visage tendrement absent, retrouvant dans l’attitude de la mercenaire quelque chose qu’il avait déjà eu l’occasion de discerner chez Axelle lors de ses escapades graphiques, mêlant l’étincelle de la création au cheminement évident de l’aboutissement, et ce fut précisément à cet instant là que le comptable accusa la douce chaleur d’une certitude jusqu’alors insoupçonnée.


Vous savez coudre.
Nulle interrogation, pas même l’ombre d’une approximation pour border le verdict doucement jubilatoire qu’il venait de formuler, diluant dans ses prunelles noires la volute d’une satisfaction enfantine à découvrir cette facette féminine de la sicaire.
Interrompu dans l’élan premier, il poursuivit le geste entamé, balayant d’une écriture fine et exercée jusqu’au moindre tracé la surface jusqu’alors vierge du parchemin, reprenant la conversation comme s’il elle n’avait jamais eu d’incartade pensive, aimant trouver dans ses conversations d’avec Anaon l’art subtil de souligner un fait sans pour autant l’aborder aux secondes suivantes, aimant à laisser se dérouler dans leurs échanges, la vertu d’un chemin de badinages et d’ombres plus épaisses bordant chaque mot, même le plus léger.

Concernant sa toilette, Axelle a l’air de se moquer de tout… De ses bottes trop grandes à sa robe qui n’a d’importance que lorsqu’elle claque dans l’air pour danser... S’il ne faisait pas encore si frais, c’est nue, que je la mènerai à l’autel…, avoua-t-il dans un sourire en soufflant doucement sur l’encre noire en cueillant brièvement d’un regard, la silhouette emmaillotée de son bâtard, avant de reprendre sa rédaction…
Ne croyez pas à un caprice mâle de voir sa femme parfaitement vêtue pour quelques circonstances mondaines à venir… Ponctuant sa ligne d’un point final avec l’aisance indolente de ceux qui savent faire deux choses à la fois malgré la complexité de l’enjeu, il releva la tête vers elle pour poursuivre, les lippes étirées au fil d’une tendresse carnassière sincère : Il se trouve juste que j’aime aussi entendre claquer les pans de sa robe dans l’air quand elle danse… Quoi de mieux que quelque chose d’une seule pièce, une seule découpe, dans un tissu lourd, mais souple, dense, mais ample… comme une fleur s’épanouissant à chaque pas, paraphrasa-t-il sans la quitter des yeux quand la dextre retournait à son attention le contrat qu’il venait de rédiger pour le soumettre à son approbation avant d'attraper cire et sceau pour l’authentifier

Citation:
Contrat d’embauche
Passé entre le Sieur Alphonse Tabouret, Comptable de l’Aphrodite
Et Anaon

A compter du mois d'Octobre 1462, est proposé à la mercenaire sus nommée l’opportunité de se joindre selon ses disponibilités à diverses escortes du personnel de l’Aphrodite au travers de Paris.
Chaque excursion sera rémunérée sur une base de cent écus par sortie et se verra recevoir une prime à la fin de chaque trimestre selon les états de service.

L’Aphrodite s’engage à offrir un accès illimité aux bains de la Maison Haute à l’employée sus nommée en échange de ses services pleins, de son entière intégrité et d’une clause de confidentialité concernant ses activités en lien avec la Maison Basse.


Si ce contrat devait être rompu, l’Aphrodite se verrait alors en droit de réclamer une compensation à court ou long terme à l’employée fautive.

Fait à Paris le 07 Octobre 1462
Alphonse Tabouret


Dois-je vous en préparer un autre pour la préparation d’une robe ou la mise à disposition de mes économies personnelles sans aucune restriction suffira-t-elle à vous convaincre de la lui coudre selon votre inspiration ?, demanda-t-il sans tendre les bras pour récupérer l’enfant endormi, chat curieux de voir si l’aisance maternelle dont Anaon s’était nimbée depuis qu’elle tenait Antoine dans ses bras s’affirmerait au point qu’elle n’en oublie la gêne potentielle et ne signe le contrat en le gardant lové contre elle, à la façon de ses matrones dont la hanche sait accueillir le poids d’un enfant quelle que soit la tâche.
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Anaon


      «Vous savez coudre.»

      Les orbes cobalts s'accrochent aux noirs, et s'y rivent, dans une latence éloquente... Avant qu'ils ne bifurquent pour retrouver les robes. Dans le silence, l'Anaon consent. Aucun mot ne viendra étayer l'aveu muet. Il est des boues que la sicaire n'aime pas remuer.

    Quand le comptable reprend le fil de la conversation, la femme se détache mollement de la contemplation des robes, s'approchant d'un pas tout aussi languide du bureau où traine toute son attention. Les paupières ont versé sur le visage enfantin. La sicaire n'en amoindrit pas moins ses bercements légers, chaloupant doucement sur chaque pied pour prolonger la tendresse qui a mené Antoine jusqu'au bras de Morphée.

    «Quoi de mieux que quelque chose d’une seule pièce, une seule découpe, dans un tissu lourd, mais souple, dense, mais ample… comme une fleur s’épanouissant à chaque pas...»

    Un coin de lèvre se contracte, dans ces prémices de sourire qui s'achèvent bien peu. Elle prend place avec précaution, dodelinant toujours, avant de laisser le bambin reposer en partie sur sa cuisse. Oh non, elle ne sera pas gênée du petit poids pour signer un contrat. La femme a bien deux hanches et deux seins. Assez de place pour y mettre deux gamins. Et il lui restera encore les yeux, la bouche et les oreilles pour faire le reste. La dextre se tend, rapprochant plus encore sur le bois le contrat vers ses yeux.

    «Dois-je vous en préparer un autre pour la préparation d’une robe ou la mise à disposition de mes économies personnelles sans aucune restriction suffira-t-elle à vous convaincre de la lui coudre selon votre inspiration ?»

    Cette fois, ce sont les deux coins de lèvres qui se lèvent, comme on intime gracieusement la patience. Si Alphonse sait gérer deux choses à la fois, il est des choses que la sicaire aime traiter avec toute sa concentration. Les azurites parcourent les mots avec un sérieux absolu. Mais arrivées à la date, elles s'immobilisent un moment. Prise de conscience. Elle pouffe discrètement, brièvement, presque tendrement... d'auto-dérision. Le sept octobre... Aujourd'hui, elle a trente-sept ans.

    Le constat l'amuse... Puis la pare d'une brève nostalgie. Mais les rétines reviennent s'imprimer de chaque mot posé sur le vélin. Elle se redresse ensuite, faisant pivoter l'arrangement pour le mettre dans le sens d'Alphonse, et lentement, les doigts le poussent vers lui. Si c'est une signature qu'il attendait... l'Anaon ne signe rien.

    _ L'Aphrodite ne se réservera pas le droit de demander dédommagement s'il y a une simple rupture de contrat. Mais elle le fera seulement si je faute en transgressant mes engagements. En outre, la compensation demandée sera proportionnelle au préjudice... mais cela est évident, n'est-ce pas ?

    Regard lucide. Du chichis pour une simple formule ? Assurément. Mais l'Anaon connait le poids des mots. Leur étrange paradoxe à parvenir à nous enchaîner autant qu'ils soient aisé de les outrepasser. Et elle ne doute pas une seule seconde qu'il en est de même pour l'adonis. La valeur des lettres, n'a bien que celle qu'on leur accorde... Pour l'Anaon ? Il faut l'avouer... bien peu. Trop peu. Les mots ne sont que d'imparfaites parcelles pour véhiculer tous ce qui se cache derrière eux. Ils rassurent, autant qu'ils blessent... Et pourtant, ils ne sont jamais aussi doux et aussi cruels que lorsqu'ils ne sont que mimés. Que faits. Oui... Maître pantomime, la sicaire préfère les gestes muets. Il n'empêche que femme maniaque, elle aime la précision quand il s'agit du professionnel. Intraitable en affaire, l'aînée a bien pour habitude de ne rien laisser passer. Et elle ne tolère le vague, que lorsqu'il arrange ses propres intérêts. Si elle aime jouer sur les mots, elle n'aime pas que les autres puissent en faire autant...

    Alors puisqu'ils sont d'importance pour le reste du monde, autant ne pas les prendre à la légère. Mieux vaut savoir utiliser toutes les armes même si elles ne sont pas celles que l'on préfère...

    _ En outre... Vous payerez le tissu en plus des fils, des passements, et en somme, tout ce qui attèle à la mercerie. Quant à la main d'œuvre...

    L'Anaon marque un silence. Réflexion... Puis une main se lève. Et chasse soudainement l'air comme on concède et fait l'impasse.

    _ Et bien... Considérez que c'est là mon cadeau de mariage...

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Alphonse_tabouret
Un sourire étira ses lèvres, amusé, indéniablement lorsque les termes d’un contrat se voyaient soumis aux aléatoires expériences des autres, discernant dans cette prudence méthodique, l’éclat d’habitudes visiblement ancrées jusqu’aux nerfs, préceptes inculqués par la force du temps ou de celle des autres, indélébiles reflexes qui couronnaient chaque décision, de la plus insignifiante à la plus majeure.

Ce serait là un cadeau d’importance, admit il en posant ses doigts sur le parchemin, le faisant glisser jusqu’à lui dans la lenteur d’un geste assuré que rien ne pressait, pas même la possible contrariété d’être repris, animal pour qui le terrain professionnel où il rejoindrait cette énigmatique Ainée se devait d’être joué selon des règles acceptées par eux deux.
Merci.
Était-ce l’instant à venir du cachet sur la cire scellant au nom de l’Aphrodite les chemins jusque-là entrecroisés qui ramenait le chat à ses manières les moins volubiles d’employeur, ou la défaite acceptée de ces mots trop édulcorés pour exprimer l’émotion lovée dans leurs parfums qui avait asservi le langage à son plus strict nécessaire chez l’homme? Alphonse lui-même n’aurait su démêler l’un de l’autre, partageant depuis trop longtemps le poids de son costume à son aphasie naturelle pour savoir démêler l’un de l’autre avec certitude, vacillant perpétuellement dans le doute dès lors qu’il s’agissait d’être, tandis que les yeux se posaient sur le papier que la main femelle avait tourné vers lui.

Soumis à un passé fait de chaines pesantes, le jeune Tabouret n’avait jamais eu la vocation paternelle à asservir les gens avec lesquels ils travaillaient et si cette fièvre possessive avait un temps fait les jours les plus sombres de son adolescence, elle ne portait plus désormais, que la teinte passée des souvenirs que l’on ne ressasse pas. La crainte, la soumission et la violence avaient tissé depuis longtemps les entrelacs étroits de leurs succès aux fronts de nombreuses victimes, sans pour autant parvenir à séduire le jeune homme, ni même l’hideuse créature en lui dont le museau frémissait pourtant, curieux, de chaque douleur entraperçue, cherchant au travers d’une effervescence désespérée à quantifier celle lui servant de terreau.


J’ai toujours préféré porter de l’estime au savoir et le louer plutôt que me l’approprier par la force…, commença-t-il, encrant sa plume avant de la reporter au-dessus du vélin retourné à son attention.Les yeux noirs s’accrochèrent l’espace d’une seconde, aux célestes azurs, sans se départir de la lueur bonhomme qu’elles abritaient, rajoutant avant d’annoter le parchemin : D’autant que je croirais volontiers que vous me mettriez une bonne correction avant que j’ai simplement eu le temps d’y songer.
Le parchemin fut à nouveau le jeu du mouvement, ramenant à la lecture des yeux de la mercenaire le contrat nouvellement annoté.
Je ne doute pas qu’il vous faille du temps pour vous en assurer par vous-même mais, Anaon, tenez pour acquis que j’ai toujours pensé que c’était un piètre calcul que de piéger ses collaborateurs…
Qu’en pensez-vous ainsi formulé ?


Citation:
Contrat d’embauche
Passé entre le Sieur Alphonse Tabouret, Comptable de l’Aphrodite
Et Anaon


A compter du mois d'Octobre 1462, est proposé à la mercenaire sus nommée l’opportunité de se joindre selon ses disponibilités à diverses escortes du personnel de l’Aphrodite au travers de Paris.
Chaque excursion sera rémunérée sur une base de cent écus par sortie et se verra recevoir une prime à la fin de chaque trimestre selon les états de service.

L’Aphrodite s’engage à offrir un accès illimité aux bains de la Maison Haute à l’employée sus nommée en échange de ses services pleins, de son entière intégrité et d’une clause de confidentialité concernant ses activités en lien avec la Maison Basse.

Si ce contrat devait être rompu, et il ne sera estimé rompu qu’à l’occasion seule d’une faute transgressant les engagements cités ci-dessus, l’Aphrodite se verrait alors en droit de réclamer une compensation proportionnelle au préjudice, à court ou long terme selon un arrangement entre les deux parties, à l’employée fautive.

Fait à Paris le 07 Octobre 1462
Alphonse Tabouret

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Anaon


      Les prunelles cobaltes ont retrouvé la douceur du minois endormi dont elles restent captives un moment. Vision ô combien lénifiante et dont elle prend doucement la pleine mesure. Ces jours-ci s'imbibent pour elle de teintes bien trop sanguines. Son eau est un carmin emplissant toujours sa bassine. L'ichor : des gants, cueillis à même les entrailles des autres dont elle explore les arcanes. Son crâne s'est tapissé de tenture pourpre, suintant le rouge, poissant le sol de l'esprit de ces pensées visqueuses, engluées d'ignominies, de fiels et de crimes. Ses réflexions se tissent de chapelets de boyaux, et les paupières ne se closent plus la nuit, obnubilées par les odeurs qu'elle sent tapisser sa gorge et ses narines, lui maculer le crâne, fantasques souillures laissées par les morts qu'elle a elle-même provoqué. Et là, dans son tableau au camaïeu purpurin, perce le visage d'un bambin des plus sereins. Un coup de blanc lustral, qui chasse un instant le halo qui peint tout de rouge. Rassérénée, à contempler l'enfançon, elle en vient à se demander les Pourquoi de ses Comment. Elle ressent furtivement une prégnance dans ses entrailles... Elle n'a plus envie. Elle n'a plus envie de cela. De la crasse de Paris, de ses nuits d'immondices. Du sang et des déboires. Durant l'espace d'un instant, elle voudrait tout lâcher, abandonner, Tout. Se repentir, et revivre. Enfin. Pleinement. Tout ce qu'elle désire, se cache là, dans une petite bouche pincée en un cœur, dans ce souffle minuscule et ces mains recroquevillées pour mieux saisir ses rêves. Durant un battement, la poitrine se fait à la fois douloureuse et mainte fois plus légère.
    Mais la voix d'Alphonse la ramène dans un réel bien plus concret...

    Elle a acquiescé au remerciement, pas plus prolixe en mot que ne l'est le comptable et le nez se penche sur le contrat dès qu'il revient sous ses yeux. Un soupire qu'elle garde au cœur. Mercenaire. Le voilà, le pourquoi de ses comment. Parce qu'elle n'a pas le choix. Prise en tenaille par ses propres obligations.
    L'utopie à peine consommée est déjà refoulée quand le premier mot qui lui rappelle sa nature prend place dans son crâne.
    Sa vie n'est qu'un éternel contrat.

    _ Je veux bien croire votre parole et ce sont par ailleurs-là des propos forts censés, mais vous en conviendrez que l'on ne sait jamais vers quoi nous mèneront les circonstances, et si nous savions tout par avance, on n'userait pas de contrat. On ne sait déjà jamais vraiment avec qui l'on couche alors celui qui nous emploie... Mieux vaut deux bons mots qu'une mauvaise surprise.

    Les azurites se relèvent, un sourire franc venant rehausser un coin de ses lèvres.

    _ Et oui, il est vrai que j'aime bien être payée. Et que je sais fort bien obtenir mes dédommagements. Sinon en guise de représailles, je laisse les charmants jeunes hommes finir leur nuit ivre mort sur leur bureau.

    A nouveau les rétines se concentrent sur le contrat. Et l'Anaon scelle :

    _ C'est parfait.

    L'engagement est laissé aux bons soins de l'éphèbe. La sicaire est satisfaite. Professionnellement satisfaite. Voilà une affaire rondement menée. Il ne restera qu'à voir ce que Alphonse lui réservera. Le futur le lui dira.
    La voilà plus tranquille qu'à son arrivée. Délassée par les bains. Égayée de ses surprises. Le regard de la mercenaire couve à nouveau la progéniture dans ses bras.

    _ Je crois...

    Et de se lever avec précaution. Il est des bonnes choses dont il ne faut abuser. Et chaque journée possède sa fin. On ne peut pas empêcher la nuit de succéder au jour.
    Lentement, elle contourne le bureau pour s'approcher du père.

    _... que cela vous appartient.

    Une vague tendresse se fiche discrètement sur la ligne de ses lèvres. L'envie de repartir avec serait presque tentante... Mais voilà que la mercenaire concède enfin à rendre l'enfant à son paternel.

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