Lanceline
L'inspiration du titre.
La Balafrée avait accueilli chez elle Anna. Elle navait pas tout raconté, parce que même si elle sefforçait de traiter sa filleule en adulte -elle détestait, enfant, quon la prenne pour une imbécile-, il y avait des choses quelle ne pouvait pas lui dire. Peut-être que la blondinette sen était douté. Peut-être pas. Mais la Bazaumont ne léclairerait pas sur certains points.
Elle navait plus faim, jamais. Mais elle sévertuait en présence de la fillette. En partie pour lui faire plaisir. En partie pour ne pas dépérir tout à fait.
Que faisait-elle encore là désormais ? Existait-il encore un endroit où elle se trouvait à sa place ? Elle lignorait.
Ce matin elle sétait levée sans trop savoir quoi faire ; elle avait passé une robe rouge, avait cherché ses rubans, ne les trouvant pas sétait assise sur sa chaise, désespérée. On aurait dit une fillette à labandon. Ou plutôt, une personne âgée ayant trop vécu. Ce quelle était, dans le fond. Lanceline leva les yeux vers le plafond, scrutant un signe qui ne venait pas. Elle savança pieds nus hors de sa chambre, ignorant le regard paniqué de Suzane puis celui dAdalinde qui venait la voir pour son fils. Elle se dirigea vers la chambre dAnna. Il était encore tôt, mais jamais la Balafrée ne dormait beaucoup. Doucement, elle poussa la porte, trouvant évidemment la fillette encore endormie. Elle avait renvoyé le limier sans cérémonie aucune : elle était chez elle et lenfant était en sécurité. Ernst lui en voudrait certainement mais elle sen fichait bien.
Ladulte resta là à contempler la blondine assoupie, ne voulant faire aucun mouvement pour la tirer de son sommeil. Une personne qui dort semble si paisible et si loin des soucis du monde De surcroît quand cest une enfant. La Blonde se figea donc lentement, laissant la nuit disparaître peu à peu, immobile sur le sol froid, laissant une douce torpeur lenvahir. Peut-être quAnna sentit finalement sa présence, ou peut-être que Morphée la laissa finalement partir. Toujours est-il quelle ouvrit les yeux. Et si elle fut effrayée de voir sa marraine ainsi vêtue et non coiffée, elle nen montra rien.
La Blonde tenta de lui adresser un sourire mais cétait peine perdue : à peine plus dun rictus séchappa de ses lèvres. Elle observa, attendrie, la fillette se frotter les yeux, se contentant de la regarder. Un « bien dormi ? » séchappa finalement de ses lèvres séchées, sur lesquelles elle passa sa langue comme elle avait coutume de faire. Elle aida sa filleule à shabiller, pour lui tendre ensuite sa main blanche et fine afin de la glisser dans la sienne.
- Viens.
Elle la mena hors de la bâtisse, la guida en longeant les murs, se dirigea vers la chapelle de larchange Miguaël. Elle avait lu son hagiographie et son histoire lavait interpellée, aussi était-ce son nom quelle avait choisi pour baptiser le lieu désormais sacré. Lieu qui avait vu son union avec Arnaut, ainsi que son enterrement.
La Bazaumont glissait ses pieds sur le sol encore mouillé de la rosée ; et quand elles sarrêtèrent devant une simple pierre mentionnant simplement « À celui qui fut, et que jai aimé », le soleil se levait à peine, faisant jouer déjà ses rayons dans leurs cheveux dorés. La veuve resta là, relâchant la main dAnna, la posant sur son ventre plat, silencieuse. Plus un mot nétait prononcé. Les oiseaux chantaient et une légère brise rafraîchissait lair déjà lourd malgré lheure matinale.
Un ange passa, et puis Lanceline se tourna vers sa filleule.
- Cest ici quil est. Personne nest au courant excepté celui qui la enterré iceluec, Gabriel, toi et moi.
Elle savait que pour la pire manière de garder un secret était de le diffuser. Mais Anna faisait partie de ceux en qui elle avait encore confiance. Ses noisettes se reposèrent sur la pierre gravée et elle eut un fin sourire : Arnaut avait été enterré selon les lois de celui quils avaient combattus ensemble. Et alors ? Il était chez elle, comme il lavait toujours voulu. Cela devait bien lui suffire. De toutes manières, personne dautre que Kronembourg aurait accepté sa magouille. Et elle voulait que cela reste un secret de famille.
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La Balafrée avait accueilli chez elle Anna. Elle navait pas tout raconté, parce que même si elle sefforçait de traiter sa filleule en adulte -elle détestait, enfant, quon la prenne pour une imbécile-, il y avait des choses quelle ne pouvait pas lui dire. Peut-être que la blondinette sen était douté. Peut-être pas. Mais la Bazaumont ne léclairerait pas sur certains points.
Elle navait plus faim, jamais. Mais elle sévertuait en présence de la fillette. En partie pour lui faire plaisir. En partie pour ne pas dépérir tout à fait.
Que faisait-elle encore là désormais ? Existait-il encore un endroit où elle se trouvait à sa place ? Elle lignorait.
Ce matin elle sétait levée sans trop savoir quoi faire ; elle avait passé une robe rouge, avait cherché ses rubans, ne les trouvant pas sétait assise sur sa chaise, désespérée. On aurait dit une fillette à labandon. Ou plutôt, une personne âgée ayant trop vécu. Ce quelle était, dans le fond. Lanceline leva les yeux vers le plafond, scrutant un signe qui ne venait pas. Elle savança pieds nus hors de sa chambre, ignorant le regard paniqué de Suzane puis celui dAdalinde qui venait la voir pour son fils. Elle se dirigea vers la chambre dAnna. Il était encore tôt, mais jamais la Balafrée ne dormait beaucoup. Doucement, elle poussa la porte, trouvant évidemment la fillette encore endormie. Elle avait renvoyé le limier sans cérémonie aucune : elle était chez elle et lenfant était en sécurité. Ernst lui en voudrait certainement mais elle sen fichait bien.
Ladulte resta là à contempler la blondine assoupie, ne voulant faire aucun mouvement pour la tirer de son sommeil. Une personne qui dort semble si paisible et si loin des soucis du monde De surcroît quand cest une enfant. La Blonde se figea donc lentement, laissant la nuit disparaître peu à peu, immobile sur le sol froid, laissant une douce torpeur lenvahir. Peut-être quAnna sentit finalement sa présence, ou peut-être que Morphée la laissa finalement partir. Toujours est-il quelle ouvrit les yeux. Et si elle fut effrayée de voir sa marraine ainsi vêtue et non coiffée, elle nen montra rien.
La Blonde tenta de lui adresser un sourire mais cétait peine perdue : à peine plus dun rictus séchappa de ses lèvres. Elle observa, attendrie, la fillette se frotter les yeux, se contentant de la regarder. Un « bien dormi ? » séchappa finalement de ses lèvres séchées, sur lesquelles elle passa sa langue comme elle avait coutume de faire. Elle aida sa filleule à shabiller, pour lui tendre ensuite sa main blanche et fine afin de la glisser dans la sienne.
- Viens.
Elle la mena hors de la bâtisse, la guida en longeant les murs, se dirigea vers la chapelle de larchange Miguaël. Elle avait lu son hagiographie et son histoire lavait interpellée, aussi était-ce son nom quelle avait choisi pour baptiser le lieu désormais sacré. Lieu qui avait vu son union avec Arnaut, ainsi que son enterrement.
La Bazaumont glissait ses pieds sur le sol encore mouillé de la rosée ; et quand elles sarrêtèrent devant une simple pierre mentionnant simplement « À celui qui fut, et que jai aimé », le soleil se levait à peine, faisant jouer déjà ses rayons dans leurs cheveux dorés. La veuve resta là, relâchant la main dAnna, la posant sur son ventre plat, silencieuse. Plus un mot nétait prononcé. Les oiseaux chantaient et une légère brise rafraîchissait lair déjà lourd malgré lheure matinale.
Un ange passa, et puis Lanceline se tourna vers sa filleule.
- Cest ici quil est. Personne nest au courant excepté celui qui la enterré iceluec, Gabriel, toi et moi.
Elle savait que pour la pire manière de garder un secret était de le diffuser. Mais Anna faisait partie de ceux en qui elle avait encore confiance. Ses noisettes se reposèrent sur la pierre gravée et elle eut un fin sourire : Arnaut avait été enterré selon les lois de celui quils avaient combattus ensemble. Et alors ? Il était chez elle, comme il lavait toujours voulu. Cela devait bien lui suffire. De toutes manières, personne dautre que Kronembourg aurait accepté sa magouille. Et elle voulait que cela reste un secret de famille.
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