Gray.
- Jétais prêt à tourner la page mais cest la page qui ne veut pas se tourner.
- Grey's Anatomy, Mark Sloan
*J'assume parfaitement ce titre et cette citation tirés (et légèrement modifié pour le titre) de cette série à succès qu'est Grey's Anatomy ainsi que le jeu de mots avec le nom de la marionnette.
- Vingt et une heure.
À l'horizon se dessine la fin d'une journée qui fut radieuse. D'un ciel s'assombrissant et laissant s'éclore les lumières d'une vie nocturne brassées par le vent léger telle une brise douce d'un été indien virant à l'automnal en amenant son lot de couleurs chatoyantes et ternes à la fois. Si les torches illuminent les routes menant en un centre ville encore vivant, le reste des cloaques riches sonnent la lente agonie d'un endormissement passager. Il est des endroits dans lesquels la vie s'éteint pour quelques heures et reprend son cour au lever de l'astre brillant. D'autres où la luxure mène à une véritable conscience de ce qu'est la vie et ce qui lui vaut d'être vécue. C'est pourtant dans le premier exemple qu'un certain tumulte règne encore malgré les contradictions et les ordres impérieux de rejoindre une couche chaude et sécuritaire.
La demeure des Gray, sur une assez haute colline, reconnaissait les auras lumineux des bougies en son intérieur ainsi que du feu dans l'âtre qui brûlait ses dernières buches pendant que la valse des cliquetis de couverts s'actionnait en direction des cuisines pour le lavage puis la remise avant d'être ressortis au lendemain pour les mêmes fonctions de sustentations. Une jeune et charmante brune actionnait les pas des domestiques maugréant que les temps se faisaient longs avant de poursuivre satisfaire ses petites envies personnelles. Elle se rendait de pièce à une autre, suivie d'un valet qui aurait l'âge de terminer ses jours dans un hospice, au calme, plutôt que de vivre les perpétuelles tempêtes occasionnée par cette jeune femme. Cette dernière faisait de grands gestes en sa direction et ses lèvres semblaient vociférer quelques cris bien audible à l'extérieur. Des oiseaux prirent bien la peine de quitter les alentours de ce domaine plutôt que de vivre encore ce triste spectacle strident. Enfin, elle prit son manteau, plaça une capuche de tissu sur ses bouches sombres et se dirigea vers la sortie.
- -Si vous voulez me suivre, et bien soit! Suivez-moi! Mais ne me ralentissez pas, j'ai d'autres projets que celui de vous materner, Hector.
La porte resta entrebâillée le temps de laisser passer les deux corps et se referma à la suite dans un vacarme assourdissant faisant fi des convenances et du calme qui devrait régner à cette heure tardive. Elle prit la tête de cette marche hâtive amenée à braver les ténèbres de la nuit tombée sans se soucier réellement de l'homme qui l'accompagnait. Celui-ci arborait des vêtements de soumission, bien riches néanmoins, tandis qu'elle était apprêtée comme une grande dame, d'une belle robe bleue foncée surmontée d'une riche cape de soie sombre. Brillaient à son cou, ses oreilles ainsi qu'à ses doigts et poignets quelques bijoux plutôt luxueux qui dénoteraient entièrement avec l'apocalypse que pouvait apporter une nuit banale dans des contrées qui ne connaissent pas le plaisir de s'offrir des objets inutiles comme ceux-là.
C'est, d'ailleurs, une des raisons pour laquelle le valet avait décidé de l'escorter. D'autres raisons pourront suivre tant il a craindre avec sa maîtresse. Elle, d'une mine boudeuse, continuait à frapper les cailloux de ses bottes de cuir filant ses bas par ces gestes disproportionnées vis-à-vis de son éducation. Elle a toujours été quelque peu casanière, hors norme, un tempérament de feu à la limite de celui d'un garçon. Ses sourcils froncés, elle continua à pester contre son suivant, puis, vint le calme. Elle retrouva un visage plus serein, plus délicat, plus avenant, ayant ce qu'elle voulait, après tout. Plus aucune raison de bouderie quelconque. Elle laissa s'installer un léger sourire et communiqua enfin d'une voix vive et emprunte de plaisir ainsi que d'ironie mêlée.
- -Seriez-vous à m'accompagner de par la volonté de faire gentilhomme en mettant en oeuvre l'escorte d'une gente Damoiselle égarée dans la folie lunaire et ainsi avoir conscience tranquille et petite marche de mise en forme avant d'aller rejoindre les bras de Morphée ou bien avez-vous quelconques craintes à mon égard qui justifierai, peut-être, une suite de ma personne pour m'empêcher de faire la moindre bévue qui infligerait alors à vous, ainsi qu'à vos compagnons, de bien mauvaises surprises?
-Madame. Sans vouloir vous manquer de respect, dit-il d'une voix faiblarde et tremblante marquant ainsi une peine retentissante, c'est que votre dernière... trouvaille nous a tous apeurés et nous craignons, effectivement, que vous vous en alliez retrouver votre ami Croque-Mort afin de faire affaires et nous ramener de nouveau une chose... puante dans l'enceinte de votre demeure, Madame.
-Oh! C'est donc cela! Répondit-elle accompagnée d'un gloussement bien innocent. Vous savez bien les concessions qu'il faut faire pour l'avancée de la science, mon cher Hector. Vous me parlez de la mort comme étant puante, et je vous parle de la vie comme étant resplendissante. N'auriez-vous donc aucun tact à me laisser tenter de résoudre le plus grand fléau que la Terre ait jamais connue? Voudriez-vous, peut-être, placer quelconques bâtons dans mes roues pour m'empêcher seulement de résoudre un problème majeur? Ce n'est pas une odeur qui pourra vous indisposer. Vous êtes un homme, non?
-Joséphine, Madame. Elle s'est évanouie en passant devant la porte de votre chambrée.
-Il faut avouer qu'elle et ses manies d'entrer sans frapper afin de changer les draperies de mon lit, conclut-elle simplement en haussant les épaules et faisant tourner ses yeux dans ses orbites. Elle m'a d'ailleurs empêché de mettre le doigt sur la solution. Je l'avais pourtant placé sur un nerf reliant le coeur aux poumons. Je touchais au but jusqu'à ce qu'un faux pas occasionné par elle ne déclenche une éruption sanguine. Elle a finalement eut une raison de changer la draperie. Et ce n'était pas là la cause d'une émulsion périodique, comme le laissait envisager Roland. Vous mettez tous du vôtre pour gâcher mes espoirs?
-Vos rêves... Madame...
Ils continuèrent à marcher d'un pas beaucoup plus lent tout en tenant cette conversation qui laissa filer le temps. Les deux compères avaient déjà quitté depuis de longues minutes le domaine familial et se tenaient presque à portée du centre-ville. Bien qu'il était là question du but de ce voyage, elle bifurqua à l'embranchement d'une ruelle pour se rendre plutôt aux alentours des bas fonds, des environs les plus abrupts de cette ville avec ces hommes répugnants aux convenances déloyales et brutales. La brune prenait un malin plaisir à continuer de converser pour tenir éloignées les idées de son valet. Le temps qu'il ne comprenne quoique ce soit à ce qui lui arrivait, la conclusion de cette marche nocturne arriverait à terme. Néanmoins, elle ne pouvait s'empêcher de se retourner vers lui, levant le doigt en se rapprochant très rapidement et proche de sa tête. Elle plaça son index tout contre ses lèvres, un air mauvais se lisant dans son regard.
- -Et cessez de m'appeler Madame! C'est ma mère, Madame. Je ne suis pas ma mère. Ai-je l'air d'être ma mère? Seriez-vous capable de me comparer à cette ignominie hypocrite et égoïste qui a mené à bien ses envies décadentes pour me faire arriver ici même afin de me permettre de vous faire vivre convenablement malgré l'Enfer que vous semblez décrire de ma compagnie? Ayez un peu de compassion pour cette pauvre Madame qui a souffert le martyr en se faisant déchirer l'entrejambe pour nous laisser respirer et, je vous prierais, de m'appeler Anne. Ce n'est qu'une centaine de fois que je vous le dis, Hector. Faites attention, vous pourriez le regretter!
-Mais Ma...Anne... déglutit-il, paniqué par cette injonction.
-Je ne suis pas vôtre, Hector. Ce n'est pas parce que j'aime à batifoler dans mon bain pendant que vous me grattez le dos que je puis être... Oh mon Dieu! Fouttredieu de merde!
Les yeux sombres de la ténébreuse s'étaient jetés en dehors du regard apeuré de sa proie de serviteur pour s'en aller vers d'autres dessins beaucoup plus avantageux et affriolants. Elle se sentit comme emportée vers une tierce personne qui dévalait la ruelle tout en toussotant fortement et crachant quelques petites gouttes de sanguin. Elle resta interloquée pendant plusieurs secondes, laissant son pauvre compagnon tenter de se reprendre et, surtout, reprendre le dessus sur la situation, en vain. Elle continua à dévisager l'inconnu plutôt attrayant avec sa barbe mal taillée et ses cheveux blonds étincelants dont reflétaient les flammes qu'arboraient la ruelle pour permettre aux âmes de ne point s'égarer. Sa musculature seyante la rendit pâle quelques instants tant, suivant les mouvements, les muscles bandaient et bravaient l'attraction terrestre avec une telle nonchalance qu'il en était alléchant. Elle se passa une langue le long de sa lèvre inférieure, dessinant tout le pourtour carmin et secoua lentement la tête pour s'en remettre enfin à couper les paroles inutiles du vieillard.
- -Hm? Oui, oui. Je sais, Hector, je sais. L'on m'a offert l'éducation adéquat pour ne point jurer sur Dieu et tout ce tralala fantasque et ces inepties dévastatrices pour le bien-fondé de notre cervelet en manque d'enthousiasme sur les questionnements d'une vie qui défilent et se meurt petit à petit. Je sais. Mon père ne cessait de me donner corrections à chaque fois que je parlais mal de ce pauvre Tout-Puissant qui a les oreilles si chastes qu'elles doivent gonfler dans d'atroces douleurs à chaque fois que je prononce la moindre interjection à son égard. Qu'il aille se faire voir, Dieu. Tout comme mon père, ce sac à foutre mêlant si bien la queue à la fente d'une bonne soeur en manque d'action dans sa vie si inutile et frétillante d'ennui pour lui permettre d'hurler au Bon Dieu que c'est si bon de grimper au rideau et d'aller lui faire coucou au septième ciel. Assez, Hector! Assez! Si je souhaite forniquer avec le Diable et cocufier Dieu par la même occasion en ébranlant ses dessins fantastiques concernant ma destinée et la sienne, et bien laissez-moi faire ce que je souhaite. Je sombrerais dans les limbes de la déchéances fantasmagorique en écoutant les cantiques démoniaques et me faisant fouetter continuellement avec une miche de pain sur laquelle pousserait quelques vers blancs répugnants. Ne me faites pas la leçon.
-Madame! Hurla-t'il en plein milieu de la ruelle tout en se signant.
-Là je vais commencer à réellement m'égosiller et m'énerver. Vous me faites quelque peu sortir de mes gonds et ce n'est aucunement la journée pour. Si vous voulez m'entendre vous le dire, vous avez bien fait de me suivre ce soir car j'ai une mission de la plus haute importance à vous confier. Vous allez, de ce pas, faire demi-tour et rejoindre ma demeure afin d'y trouver ma soeur. Enfin. Ce truc devenu répugnant à trois pattes qui me sert de soeur, ou quelque chose s'en approchant de près ou de loin. Vous lui direz de me retrouver ici-même, elle montra du doigt la taverne attenante, à La Chatte Mouillée. Elle doit sûrement dîner, à cette heure. Peut-être dans la cave, ou que sais-je encore. Sans doute pourrait-elle être dans sa chambre à forniquer avec son ami argenté. Bref. Vous lui dîtes que j'ai une affaire de la plus haute importance à lui confier. Que ça lui permettra, fort certainement, de lui aiguiser ses canines. Elle a une dentition quelconque ces derniers temps. Je compte sur vous, Hector. Ne me décevez aucunement!
Et le vieillard se dépêcha de partir exécuter cette mission non sans avoir avertie sa Dame des risques encourus à la laisser seule ici-même et de l'imbécilité de la demande. Devant le regard assassin de sa maîtresse, il n'eut le choix de faire au plus vite sans rechigner. Et Anne prit la porte de la taverne afin de prendre possession des lieux.