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[Rp] Une suite logique à un passé tumultueux.

Stradivarius.
Suivez la Faucheuse.
Acclamez donc la Mort et daignez l'accepter comme elle vous vient, sans y avoir peur. En y goûtant, vous y prendrez un goût perfide. Comme moi. Moi qui l'accompagne, qui la suit, qui la devance. Moi qui ne suis qu'un de ses bras. Son bras droit que j'assène sur la moindre carotide passant par là. Durant des années, j'ai passé de nombreuses guerres, feignant de les gagner par la simple volonté de mon esprit. C'est assez ridicule de songer ainsi quand on sait que je suis un simple Monstre asservit à une volonté plus haute, plus grande et surtout beaucoup plus douloureuse pour moi et bien plus encore pour les autres. D'un côté, je n'ai jamais cherché à obtenir la profondeur de mon intérieur, à découvrir mes réelles motivations, sentiments, mes propres pensées, finalement. Je me laisse manipuler comme une petite marionnette guidées par des mains bien rouges et nauséeuses. Des mains d'un Démon. Tout simplement. La vie pourrait, sans doute, être belle pour moi. Mais je jurerais que cette putain de merde est pourrie jusqu'à la moelle. Elle ne m'a apporter, au final, que souffrance et hémorragie cérébrale qui me fait tourner la tête, qui me donne le tournis, qui me fait gerber à outrance. Je pensais avoir trouvé le calme, par la vieillesse et la sagesse que cela procure. Je pensais avoir fait le deuil d'un tel être. C'était bien avant de poser le premier pas à Limoges. Ce tas de purin en décomposition qui altère complètement mon esprit.

J'ai dépassé le portique.
Il est temps de faire ce grand virage et de suivre la perfide Grande Faucheuse jusqu'au point de non-retour. Tout un passé semble resurgir, cinglant passé qui me fait dérailler sévèrement. Limoges, Terre répugnante s'il en est place sur mon chemin la catin d'une vie passée. Et là, tout s'envole, tout dégringole. Sa Majesté plie le genoux un instant, trouvant le sang à terre pour s'en nourrir en l'apportant, de ses doigts, à ses lèvres, à sa langue. Je souris naïvement en retrouvant le goût sucré d'une conquête perdue. D'une Muse de l'Antiquité. Comme un doux air de Violon qui se joue de nouveau en ma tête. Anne Mary Gray. Ici. Moi qui n'agissait qu'en inconnu, qu'en ombre monstrueuse et démoniaque, me voici démasqué, sorti de mon anonymat, par la simple vision d'une femme et de son absurdité. D'un croisement, la Faucheuse indiqua qu'il était temps de relever ce gant. Un gant de soie, jeté d'un ton cynique par la Gray meurtrie par un acte d'une décennie en arrière. Elle fait chier, cette donzelle. Il y a prescription. Il y a toujours prescription. Mais dans l'esprit d'une femme, rien ne s'oublie, rien ne se meurt. C'est alors que vous me direz que la Faucheuse est, visiblement, une femme, elle aussi. Douce, capricieuse, caractérielle, terrible, emmerdante, foutrement belle. Une apocalypse pour un coeur léger comme le miens qui fond de mille goutelettes alléchantes. Je me surprend à songer de nouveau à ce délicieux moment.


    -"Quand ta Lame, Lueur de Mort, aveuglera et emportera les Peines et les Craintes, tu iras en Enfer, avec Elle. Sa Liberté sera Tienne."

    -"Elle ne causera de problèmes. Jamais."

    -"Quand ton corps sombrera dans l'océan des émotions coupées et que tu saisiras cette bouteille d'anti-douleurs, que tu avaleras en t'empressant, tu verras que tu ne peux t'en foutre royalement."

    -"Ce n'est qu'une femme."

    -"Tu as dépassé le portique, suivant la Faucheuse, jusqu'au point de non retour."


Cour des Miracles, 1449.
J'étais, jadis, un merveilleux assassin. Mon coeur était pleins d'émotions, de pulsions, contrôlé par mes démons. Je ne me montrais jamais que lorsque je tuais. Je naviguais, alors, parmi plusieurs cités, ayant l'intelligence de me faire payer pour mes meurtres. Je n'avais qu'un point de calme, de douceur. L'endroit où tout a débuté, depuis Sélène. Là où je me suis entraîne, perfectionné, où j'ai prit confiance en moi. Où j'ai contrôlé mon âme et mon démon. Je pouvais verser le sang par mes pulsions, sans craintes des représailles. Je le faisais pour une cause. Pour ma cause. Et là, à la Cour des Miracles, je pouvais me reposer en l'attente d'un nouveau contrat. J'allais souvent, avec une paire d'amis, retrouver les bordels et flâner dans les ruelles affreuses et nauséeuses de la Capitale de la Luxure. Ce qui m'amusait grandement, étant un homme, était d'aller culbuter quelques greluches en tentant souvent de ne verser aucun écu pour cela. Je n'aurai cru, un jour, que la facilité se présenterait d'elle même. Approchant, roulant du fessier vers moi, la flamme des yeux excités me tanant un instant. J'étais alors comme pantois devant une certaine merveille. C'est là que le premier portique fut traversé, d'une malsaine façon. Je n'ai pas peur de la Mort, j'en ai une certaine admiration. Tout comme celle que je portais à la jeune Anne Mary Gray. Paraissant plus grande qu'elle ne l'était, elle semblait intéressée par une chose venant de moi. Chose que je n'aurai jamais su mais que je prenais alors pour mon propre Coeur. Étrange sensation de se laisser emporter dans des histoires hors normes. Je l'ai emporté avec moi dans une chambrée close où nous passions la nuit à nous amuser entre adultes consentants. Du moins, c'était sans laisser paraître ses treize années. Mauvaise jouvencelles, pourquoi ne t'ai-je saigné au plus tôt?

Limoges, le 21 novembre 1462.
Je devais alors rester une journée à Limoges. Ne faire que passer, ne pas me laisser voir. Mais la Gray en a voulu autrement. Et d'un gant lancé je me suis lancé dans une autre aventure en sa compagnie. J'éconduis mon voyage, mon avancée, prenant l'aisance de l'instant afin de lui apprendre, une dernière fois, qui est le Maître. Son Maître. Elle a, sans doute, de la chance de respirer encore alors que, maintes fois, j'ai offert un présent de la Mort, un doux repos comparé à ce que nous fait mener cette vie. Je me suis levé aux aurores afin de la retrouver et de l'affronter. Non, en réalité, je n'ai pas dormi de la nuit, trop occupé à d'autres jeux bien plus savoureux. Je ne vis que la nuit, pourquoi cela changerait donc? Je suis donc allé, d'un pas savouré, vers ce destin qui m'amusait quelque peu. Affronter la Gray, de nouveau, sans la culbuter cette fois. Ce dernier point m'embêtait clairement, mais il suffit d'une erreur pour laisser sa vie vaciller comme les flammes de l'Enfer. Cette fois-ci, étrangement, je laissais la Faucheuse au placard. Elle ne ferait partie de la partie. Ne me demandez pas la raison de cela, vous le comprendrez prochainement par un détour du passé récent. Elle était donc là, fière et forte d'une pointe de colère amère. Les lames furent sorties, scintillantes par les lumières des torches éclairant cette fin de nuit fraîche.


    -"Anne.
    Faisons cela au plus vite, je n'ai pas que cela à foutre aujourd'hui."


Le sourire accompagna le premier coup.
Je n'ai, pour habitude, de ne laisser à l'autre le premier coup. Généralement, je fais mouche assez rapidement, ne laissant aucun répit aux agitateurs me faisant face. Je n'ai pas, non plus, pour habitude d'un duel. Je préfère frapper dans l'ombre, d'un coup bien prononcé. Là, j'ai volontairement flirté avec sa peau, son épaule, laissant la lame continuer son chemin dans le vent. Elle en aura profité pour sourire, certainement, me voyant ainsi lamentablement choir dans cette brutale action. C'est un fait, je souhaite jouer avec elle. Sauf si je ne prévois le coup qui vint rapidement me décoller un coup de garde sur ma mâchoire qui s'en retrouva, alors, démontées de quelques dents envolées au gré d'une direction convenues d'elles seules. Je me maudis un instant en me massant cette mâchoire endolorie. J'aurai pu, décemment, éviter cela et me convenir d'une simple parade m'évitant d'être défiguré. Bien qu'entre nous, je m'en balance convenablement de ma gueule cabossée. C'est ainsi les déboires d'une vie, nous en conviendrons. J'agite donc la lame vers son oeil que j'ai défoncé hier soir d'un coup de poing bien senti. Elle n'aura peut-être pas bien fait de me menacer d'un stylet, ô combien, terrifiant. C'est là qu'elle m'impressionna en parant mon coup et me lançant une droite, puis une pointe en mon flanc. Je préférais, alors, mettre fin à ce duel. Non par ma volonté, mais bien par promesse. Il est à noter que les pas de danse de cet adversaire furent impressionnants et que ses coups donnés ont fait mouche. Je suis terrassé, dans la vulgarité de l'instant, sans pouvoir me défendre nullement. Mais pourquoi cela? Et devrais-je crever lamentablement à présent?

Limoges, la veille du Duel.
La Veillée fut funeste pour certains. Amusante pour moi. Je me complaisais dans mon rôle majestueux de Grand Salopard arrogant. J'étais dans mon milieu, entouré de ces nobles et fidèles servants qui ne pouvaient alors comprendre mon intérêt de les torturer verbalement. Ce fut un extrême plaisir que de menacer en sortant de l'anonymat un instant. De menacer le Limousin tout entier et acquérir des choses que je n'avais nullement songé. C'est alors qu'une conversation se fit avec une Princesse téméraire qui eut bien peine à accéder à une requête afin que je laisse la douce Anne tranquille. Mais elle a fait une promesse, et je devais tenir ma parole. Même si cela risquait de compromettre mon rang, mon intégrité et mon honneur. Les échanges se firent, tranquillement, sans réelles menaces. Enfin, si. Des menaces il y eut, mais je ne pouvais décemment m'en empêcher. Je suis une crevure de la Cour, cela va de soit. Une fois un marché passé et la Princesse de détaler rapidement, sa nièce vint à son tour me proposer quelques ravissements qui me mirent en joie. J'acceptais alors sa proposition. Les promesses fusèrent à une vitesse arrogante sans que je ne m'y attende. Anne a beaucoup de chances d'avoir ces personnes autour d'elle. Bien qu'elle ne puisse s'en douter, vu son caractère de merde.

À cette Veillée, je terminais donc la soirée dans une chambrée.
Je ne devrais rester seul trop longtemps.

_________________
Gray.
    Il est toujours dans les plus grandes épreuves que l'on découvre ce dont on est capables de faire, d'agir, de créer. Pour chaque vie, il y a ces terreurs, ces peurs, ces chocs qui tétanisent, qui font souffrir et représentent alors un obstacle pour nôtre bien-être, pour nôtre puissance. Pour Anne, il n'y a de craintes que de voir, un jour, la Faucheuse la prendre avant qu'elle ne puisse défaire le mystère de cette Vie et de cette Mort. Sa seule crainte, avant même celle de vieillir, est d'être emportée à la fleur de l'âge. Cette “Fleur du Mal” disproportionnée pour elle. Et c'est, un jour, alors qu'elle se promenait dans Limoges qu'elle vit l'impossible se produire. Une de ses craintes amères accompagnées de son lot de colère par-dessus quelques représailles bien ancrées dans son esprit, c'est une de ces craintes qu'elle vit se faufiler devant elle. Elle fut tout d'abord choquée, surprise, puis résignée par la force des choses à aller quérir le Pardon de ce maudit goujat qui l'aura repoussé bien sciemment. Personne ne repousse une Gray. Pas même un Roi.
    La brune tempétueuse s'avança d'un pas vif vers l'Homme, ce barbu terrible à l'air bien hautain qu'elle. C'est d'un pas sûr, guidé par ses propres convictions et aveuglée par sa colère de le revoir, rien que de le savoir encore en vie après toutes ces années qui ont passé bien sagement. Ces années auront, au moins, creusé le visage sillonné de quelques cicatrices de l'horrible assassin démoniaque. Elle eut, rien qu'une fois, une admiration non dissimulées pour sa musculature, sa prestance, son charisme, sa beauté, ses charmes. Elle vouait un certain culte, comme encore actuellement, pour la beauté physique et ceux qui entretiennent cela afin d'en faire une force. Et c'est pour cette raison qu'elle eut décidé de l'aborder, dans une taverne de la Cour des Miracles. Et c'est dans cette optique qu'elle avait bien voulu lui offrir son corps rien que pour une nuit. Néanmoins, s'attachant telle une femme farouche, elle avait souhaité accélérer son pas, heurter les vies et les visions pour s'offrir complètement jusqu'à faire appel au mariage. Il l'avait souillé, il lui avait enlevé son innocence en cette nuit douce. Elle n'avait souhaité cela, mais s'était laissée emporter par des désirs, des rêves et des folies.
    Cette nuit la changea à tout jamais.

    L'homme l'avait repoussé, mais, ce jour, il avait accepté de ramasser un charmant gant de soie qu'elle avait déposé férocement devant lui. C'est un visage que l'on ne connaît pas à la charmante brune toujours fière et bien présentée, même lorsqu'elle consomme un peu trop de prune. Elle grimaçait, grognait, s'agitait tel un félin envenimé par un désir perfide de mort donnée et sonnante. Elle souhait ardemment le saigner et le mettre à trépas.
    Sans mots échangés, elle prit le départ et retrouva une compagnie plus chaleureuse en la personne de Victoire. Elles échangèrent longuement à propos de ce duel qui s'annonçait sanglant, un combat à mort. Une seule issue possible, point deux, comme le prétendent les combats normaux en lice et ces duels respectueux pour l'honneur. Victoire, se mettant toujours en grande amitié vis à vis d'Anne se montrait néanmoins soucieuse pour la santé de cette dernière. Elle communiqua ainsi une peur vive à la brune qui doutait à présent de sa force vis à vis du Colosse qu'elle devrait affronter. Situation rocambolesque s'il en est. Victoire est cette Crevette ayant duel contre Colosse. Anne prend sa place de la même façon. Se sentant bien pire qu'une crevette, ceci dit.
    Les heures passèrent sur cette veille de combat et les tensions montèrent. Elle eut connaissance du perfide souillant son nom, ses vertus bien minces et argumentant sur des choses qu'elle-même ne pourrait dévoiler sciemment qu'en Confesse et non autrement. La colère monta. Les poings furent serrés. Elle tenta même d'aller tuer ce Roi des Miracles dans une taverne par l'aide d'un stylet malheureusement trop long à parvenir jusqu'à crâne qui ne fut ouvert par la violence. Elle se prit, bien trop rapidement pour le voir, un coup dans l'oeil qui l'endommagea réellement. Son faciès était alors émacié, ainsi que sa volonté. Mais tout ce qui parvint à la suite de tout cela la mit en telle colère que la confiance gravit hautement en elle et elle s'en alla trouver une tenue convenable pour affronter ce monstre démoniaque.

    Voici le moment douloureuse venu pour ce combat à mort. Il faisait encore nuit. Les ténèbres enveloppaient toujours Limoges et le soleil n'était certainement pas à même de vouloir décemment se montrer pour le moment. Le Paradis Infernal pour un homme qui se plaît de la violence nocturne en compagnie de la Lune qui le scrute d'un sourire malfaisant.
    Elle n'était pas réveillée.
    Elle n'avait pas dormir de la nuit.
    Elle se sentait faible et laide.
    Beaucoup de sentiments, d'émotions entrèrent alors en jeu dans son esprit meurtri par tant de douleurs causées simplement par un passé bien trop sulfureux qu'il serait bon d'oublier. Elle enfila sa cotte de mailles, ses cuissardes et bottes. Le tout d'une couleur pourpre pour laisser le sang couler sans qu'il ne se voit en société. Elle mit une épée offerte par son doux frère à sa ceinture. Elle ne sentait pas prête et se maudit d'avoir jeté le gant contre lui.
    Dans le couloir menant au Hall d'Entrée, elle fit la rencontre de son frère. La brune avait momentanément oublié qu'il était, lui aussi, un enfant de la Nuit. Elle ne se démonta pas, malgré sa tenue étonnante qui changeait radicalement de ses robes usuelles. Elle fronça le nez en le regardant et parla peu pour ne point risquer de dévoiler l'authentique vérité.

      -“Bonjour, mon aimé. Va trouver le repos du valeureux que tu es. Laisse Morphée guider tes rêves. Je te retrouve ensuite. Je vais... de ce pas m'entraîner à l'art du combat en compagnie de Victoire. Je serais aussi forte que toi, et nous pourrons nous amuser ensemble. Bonne nuit.”


    Elle resta évasive, malgré ses paroles franches et s'approcha de lui afin de déposer un doux baiser sur ses lèvres. L'étonnement se devait d'être grand, pour lui s'il connaissait un tant soit peu sa soeur.
    Elle vit aussi Hector et se pencha à son oreille afin d'y murmurer.


      -“Si jamais je ne suis plus. Prenez soin de lui. Et de vous.”


    Sans attendre de réponses, aucunes, ni même risquer d'être retenue par des bras bien trop forts pour elle, elle se mit en marche vers son destin. Un combat qui ne devrait durer longtemps, selon elle. Elle trépassera sans nul doute dans les premières secondes en lice.
    Le teint rosé par la fraîcheur du matin, elle retrouva son adversaire, son fort adversaire et elle ravala difficilement sa salive pour que la crainte ne soit trop apparente et lui donner ainsi l'avantage psychologique sur la situation. Elle fit, au contraire, un grand et large sourire à destination de Robert. Suite à ses paroles plus que douteuses, elle ne trouva rien à redire. Elle était, intérieurement, en panique extrême et ne savait comment tout cela allait bien pouvoir se terminer.
    Étrangement, le premier coup ne suffit point à atteindre Anne. Elle aurait pu croire que cela avait été fait exprès, mais, bien entendu, elle n'en fit rien, préférant songer à son pas de danse incroyable pour éviter la salve mortelle de la Faucheuse. Se nourrissant ainsi d'espoir, elle lui donna un coup de pommeau dans la face, le soulageant d'une dentition disgracieuse, sans nul doute. Avec ce coup, malheureusement, elle se fit quelques douleurs à la main, par la même occasion. Mais rien ne l'empêcha de poursuivre sa tâche.
    Elle s'agita sur la lice, plaçant une fois le pied sur la droite, une fois sur la gauche, souhaitant déstabiliser son adversaire en paraissant être une proie intouchable. Elle qui pensait être cette proie, elle devient chasseresse en assénant un nouveau coup de lame au flanc, le trouant très succinctement, cependant bien assez pour que du sang ne s'écoule et fasse tomber le Grand Roi. Sa Majesté s'affaisse et la terre se transgresse de son carmin. Sourire satisfait sur le faciès endommagé de la brune qui porte là la pointe d'une lame vers le visage ennemi. L'air triomphant se lit aisément sur elle, cette fière et forte femme envahie d'un sentiment nouveau de puissance et d'apaisement. Toute la colère accumulée jusqu'alors se fit disparaître par le dernier coup de grâce qu'elle lui a octroyé.
    Le duel n'a nullement duré bien longtemps. Il s'est terminé, néanmoins, dans un sens qu'elle ne pouvait soupçonner. Sans même songer qu'il eut pu faire exprès de la laisser gagner, jamais. Son honneur est alors sauf et son nom lavé de tous les maux.


      -“Va. Et ne reviens plus sur les Terres Limousines ou prend garde. Je devrais, nul doute, te tuer sur le champ comme je te l'avais clairement stipulé hier. Je devrais jouer de tes boyaux sortis sur le sol et les revêtir telle une tenue d'Amazone. Mais je n'en ferais rien. Pars, sans te retourner ni causer le moindre maux avant que je ne revienne sur mes mots. Disparais à jamais, Roi Maudit.
      Va au Diable, perfide.”

    Et de se retourner, rangeant sa lame légère dans son fourreau, elle alla trouver la grâce de ses doux amis afin de fêter une bonne victoire accompagnée de prunes subtiles et chatoyantes au palais.
    Elle emmena, avec elle, un magnifique trophée. La couronne du Chevalier déchu.

_________________
Melissandre_malemort
[la veille du duel]



Mélissandre s'arrêta afin d'observer la façade qui s'offrait à elle, avec le sentiment de se rendre sur son propre échafaud. En pensant à l'entrevue qui l'attendait, elle sentit monter en elle une détresse que la Majesté sans âme de celui qui l'attendait ne faisait qu'accroître.

Quelque part dans les tréfonds de son esprit, une petite voix lui hurlait de tourner les talons et de prendre la fuite pour rejoindre le confort sécuritaire de l'Hostel des Malemort. Protéger par d'épais murs de pierre aussi loin que possible de ce qui l'attendait. Mais en dépit de sa terreur, son corps commençait déjà à se mouvoir presque contre sa volonté, et sous le couvert de l'anonymat et d'une bourse bien remplie, elle put se faufiler par une porte dérobée.


"Je serais délicieux".


Pour autant qu'on puisse l'être quand le Diable en personne vous attirait dans son Antre pour boire votre innocence, vous arracher votre honneur et vous recracher directement dans les flammes. La princesse baissa les yeux sur sa robe de brocard bleu nuit, la couleur qu'elle chérissait le plus au monde. Une toilette offerte par Blanche, pour fêter son fleurissement. Ses lourdes boucles châtaignes retenues en arrière par une tiare ornée d'une Émeraude, jumelle de celle qui ceignait le cou de sa Dame de Parage.

Comment les choses avaient elles pu prendre un tour aussi sombre en si peu de temps? la journée avait démarré sous les meilleurs auspices. Le ciel était dégagée en dépit de l'Hiver naissant, les tavernes ne désemplissaient pas, et elle avait reçue une missive de Kylian qui l'assurait de sa bonne santé. Mélissandre traversait son existence dans une torpeur confortable, quelque part entre l'ennuie et la frustration. Elle aspirait à autre chose, tout en se vautrant dans le confort d'un quotidien Royale, loin de tout.

C'était une chose de se croire courageuse. Une autre que de tenir tête à un homme qui ne semblait connaitre aucune limite dans la folie. Un être capable de passer du gueux insultant au gentilhomme méprisant avec maestria, mais surtout de menacer de mort les personnes qui avaient petit à petit creuser son nid dans son coeur. Anne et son frère Léopold étaient de ces gens qui lui donnaient le sentiment de pouvoir prendre sa destinée en main. Alors, lorsqu'elle avait eu vent du duel à venir, la Princesse avait elle commit l'erreur de s'interposer. A vouloir jouer les héros, elle avait excité la cruauté du Sans nom. La menace ne s'était plus limité à Anne. Cruellement, il avait inclue la ville dans ses plans. Le Comté. Diable. Aeglos. Alisa.

Avec la gourmandise d'un charognard, le Roy avait prit soin de la terrifier avant de lui susurrer son prix à l'oreille. Un prix qu'elle n'aurait jamais accepter de payer si elle n'avait pas su qui était Robert Haston Stranvolio di Varius. Dicte Stradivarius. Le genre de personnage qu'une femme de son rang ne devait jamais croiser. Dont même le nom était à proscrire. Mais Mélissandre de Malemort s'aventurait depuis longtemps hors des sentiers battus et ses recherches pour mettre la main sur son père de sang l'avait conduite à acheter des informations à certaines de ces créatures qui hantaient le cénacle des voleurs.

"Son" nom était revenu plusieurs fois. Le Roi de la cour des Miracles. Le Roi des fous, des voleurs et des putains. L'homme a fuir à tout prix. Celui même dont elle avait attisé le courroux. Celui qu'elle s’apprêtait à rejoindre dans une chambre au creux de la nuit, pour payer un prix trop élevé pour une gamine royale habituée à son luxe cotonneux.

A nouveau, l'envie lui vint de tourner les talons pour fuir. Se cacher sous son lit en attendant que tout soit fini et garder Alisa enfermée dans ses bras pour la protéger. La encore, ignorer à qui elle avait à faire aurait pu lui permettre de se bercer d'illusion. Son menton se redressa et elle releva la lourde capuche de velours noir qui camouflait sa silhouette gracieuse bien que tristement frèle, avant de fermer le poing pour frapper à la porte.


"Chambre numéro 7. Je vous attendrais."


En attendant que la porte s'ouvre sur un nouveau chapitre de son existence, la princesse posa ses yeux sombres sur ses mains tremblantes, doigts écartés avant de murmurer une prière au très haut, la gorge sèche.

_________________
Melisandre.
Pouah ! Deux bains d’affilé afin de détacher cette puanteur cadaveresque qui lui colle à la peau et aux frusques qu’elle a brûlées d’ailleurs. Elle le hait, le hait, le hait ! Foutu violoniste qui l’embarque avec promesses d’amusements, de combats et tout ça et tout ça. Mis à part avoir traversé le Royaume dans une sempiternelle boucle….Bourges, limousin, Guyenne, Béarn, Guyenne, Poitou, Anjou et on recommence ! Avec seulement cette fois-ci une petite dérive à la boucle qui s’ovalise car la mission est de prendre un paquet au point A et le déposer entier au point B obligeant donc la traversée du désert Bourguignon, dont un village de fous, rien que ça !

Mais le pire….C’est qu’il pue la mort ! Ouais non non pas le sapin, il a déjà dépassé ce stade ! Combien de fois elle a frappé son torse de ses petits poings rageurs alors que le palpitant s’éteignait lugubrement dans sa prison d’os ? Elle ne les compte plus, se contentant de le surveiller du coin de l’œil, de le forcer à avaler cette bouillie infâme assez consistante et nutritive afin de le tenir en vie. De le veiller quand ses délires provoquaient une nuit agitée, balbutiant des noms de femmes et hurlant au final un « maman ».

Bref.

Elle fait la gueule. Ouais la gueule ! Parce que voilà, faut pas pousser mémé dans les orties ! Qui se tape la préparation des chevaux et la charrette ? Bibi. Qui a du supporter l’arrogance du « paquet » pour n’avoir qu’en retour un mur de silence ? Bibi. Qui attend des plombes en taverne, dans l’espoir de voir pointer leur museau ? Bibi. Alors elle l’a fait exprès, arrêté tout contact.

Plus de petits mots glissés afin de s’assurer que tout va bien, plus de taverne accueillant son séant et un mutisme qui en dit long en conduisant la charrette. Le minimum syndical quoi. Nourrir le mort-vivant et tracer la route. Et ce soir alors qu’elle frottait le carreau embué d’une taverne Limougeaude histoire de mater le gratin siégeant à l’intérieur, grrr comme une envie de mordre sa chair putride et de lui lancer un « putain ! Tu te fous de ma gueule ou bien ? ». Voilà le Stradi tout beau, pimpant dans des fringues propres, ayant du passer la journée à se décrasser, à faire le paon au milieu de donzelles pétant dans la soie.

Bref.

Voilà pourquoi elle se retrouve dans son bain bouillant à s’acharner sur sa peau laiteuse, parce qu’il n’a même pas daigné l’inviter à le rejoindre et la laisse mariner dans sa bouderie. L’éponge est jetée dans l’eau avec violence, le corps s’extirpe de l’onde, le derme s’hérisse en dégageant de légères volutes vaporeuses dues au contraste de température. Les pieds rejoignent le parquet, impriment leurs empreintes humides et éphémères alors qu’elle se dirige vers le lit, en arrache un drap dans lequel elle emprisonne son corps puis attrape sa pipe qu’elle bourre soigneusement, bat du briquet et tire plusieurs bouffées laissant la fumée filtrer doucement entre ses lèvres en volutes délicieuses quand le moment d’apaisement de l’esprit est brisé par quelques coups presque timides à la lourde. Le nez se fronce, elle s’oblige à venir ouvrir à un mioche qui lui tend une bout de parchemin qu’elle prend sans dire mots et referme la porte au nez du gamin. Le sourcil s’arque à la lecture.




Mon amie,

Par l'ambiguïté de l'instant et les mœurs portées à controverses, j'ai faveur à te mander afin d'éviter de déséquilibrer cette situation fantasque.
Ce soir, cette nuit, garde la porte de ma chambrée et fais retourner la moindre personne mettant un pas dans ce couloir, à présent, de Libertad.

Je t'en serais reconnaissant.
Prend garde.
S.

La missive est froissée, brisée en une boule de papier qui roule sur le sol, les lippes échappent un grommellement alors qu’elle retourne se prélasser sur son lit en se délectant des effets du chanvre.

Va te faire foutre. T’attendras.
_________________
--Stradivarius..
Allez au Diable.
Tous. Sans exception. Vous qui ne manquez pas de vouloir rendre ce monde meilleur. Vous qui vous targuez d'être l'exception qui enjolivera nos vies décadentes. Vous qui mourrez d'envie d'octroyer le moindre petit plaisir à votre prochain après lui avoir tendu une main amicale et des plus joviales. Vous qui pensez que l'amour est la chose la plus humaine et authentique qui soit. Vous qui ne voyez pas le mal mais souffre des moindre maux qui vous arrive et parvient à s'en plaindre aux oreilles toujours attentives. Vous me faites considérablement chier. De cette mélasse de bonheur qui est toujours vôtre. De cette grandiose apocalypse des émotions qui vous anime. Vous sentez vôtre coeur battre à rompre la cage thoracique à la moindre vision d'un sourire qui vous est adressé. Et vous vous heurtez dans un monde de clair-obscur sans que vôtre âme ne puisse jamais s'en sortir. Vous me répugnez. Vous me donnez la gerbe. Ma tête ne cesse de tourner à s'en rompre totalement. En vôtre compagnie, je ne parviens à réfléchir, à prendre de douces décisions. En vôtre compagnie, le rêve devient cauchemar et je sombre alors dans une tourmente éternelle. Vous avez perdu grâce à mes yeux dès l'instant même où vous me parliez d'amour et de bonheur. Je peux rire à vos dires. Mais, dans le concret, j'en chie abondamment de dégoût et de rancoeurs. Je ne saurais supporter plus longuement les gens qui se complaisent dans une vie de merde avec tout ce qui s'en suit sous prétextes que les amis, la famille, les amours sont toujours là pour épauler. Rien n'y fera. La Vie est une puissante fange dans laquelle nous nageons tous.
Limoges ne saurait faire exception dans cette vaste connerie.


    -"Pourrai-je espérer quelques douceurs ce soir?"

    -"Je doute."

    -"Ne serait-ce alors qu'une goutte?"

    -"Je crains que ce ne soit impossible."

    -"Pourquoi donc, Robert?"

    -"Par respect."

    -"Tu vas te la taper par respect?"

    -"Ça te pose un problème?"

    -"Tu as changé, Robert. Auparavant, tu l'aurais éventré."

    -"J'ai sa filleul pour compensation!"

    -"Si tu respectes tes paroles"

    -"Les paroles ne sont que du vent, les actes changent la donne. Tu verras."


C'est assez amusant.
Il est toujours amusant de jouer avec les sentiments des autres. De manipuler ces êtres si fragiles qui ne connaissent rien de la vie réelle et du concret. Ils se perdent dans des rêves idiots et je parviens à m'immiscer dans ces bas instincts pour y mettre mes opinions. Contrôler. Manipuler. Asservir. C'est en jouant des mots que je parviens à mes fins. C'est en jouer avec ces idiots là, que j'arrive à accéder à ce dont j'ai besoin. Ce dont j'ai besoin? Foutre le bordel à outrance et vivre dans la délicatesse d'un instant de doute. C'est ce que je fais ici et ailleurs. D'une taverne pleine, il suffisait de prendre à partie une personne faible. Puis, une autre de venir s'en mêler, faisant la forte, quelques mots et plus rien n'y paraît. Une tierce personne souhaite toujours jouer au chevalier blanc pour ensuite chouiner. Tout cela cause un joyeux bordel inextricable pour les acteurs qui s'y trouvent. Ainsi, en quelques heures, je me suis placé en hauteur vis à vis des autres. Une grande Majesté dans toute sa prestance. Deux Princesses piquées au vif dans leurs illusions. Une Comtesse meurtrie par quelques remontrances et paroles lancées en vain. Un gueux preux qui souhaitait bien finalement s'agenouiller devant moi pour éviter les moindre douleurs à ses proches. L'extase qui me fait jouir salement. Jamais un orgasme ne saurait être plus fort que celui-ci. Je prend mon pied de la douleur de ces faibles. Et j'organise ma petite stratégie pour avoir ce que je souhaite. Tout fonctionne à la perfection.

    -"Je crois que je vais me foutre de leurs gueules."

    -"Tu ferais mieux de les tuer tous."

    -"J'aime ces gueules dépitées."


"Toc toc toc".
La voici. Elle est là. Derrière cette porte. Peut-être pourra t'elle entendre tout ce que je peux dire à moi-même. Peut-être même entendra t'elle ce rire qui monte, quittant mon gosier machiavélique pour jaillir dans cette pièce close de quatre murs rapprochés. Je sens cette peur qui grimpe par sa présence. Je la sens déjà tressaillir vis à vis de ce qui l'attend, ce soir, en ma compagnie. Elle a tout de même le mérite d'être forte, puisque là. Je ne peux lui dénigrer cette franche qualité. Elle se bat de façon stupide pour préserver son amie. Anne. Elle se bat pour que je laisse sa vie en paix, toutes les vies qui l'entourent alors. C'est dans cette optique qu'une petite femme deviendra grande. C'est ce que l'on exige véritablement d'une femme de pouvoir. Elle a alors prit la décision d'affronter la bête, de se risquer à perdre bien plus que de raison. Sans savoir que j'ai déjà élaboré un plan afin de la faire souffrir un peu plus. La faire sombrer dans le néant chaotique. Après ce que je lui prépare, elle ne sera plus jamais la même. Ne se relèvera sûrement jamais. Je vais la broyer. "Toc, toc, toc". C'est le son que fait mon poing contre ma tête. Contre ta tête. "Toc, toc, toc". Prête à entrer dans l'esprit d'un dégénéré? Prête à affronter le démon psychopathe qui rôde aux alentours? Le son d'une cloche n'a pas la même symphonie qu'une coeur détruit et que cela peut créer dans les auras des plus nigauds. Tu vas payer de toute ta gentillesse et de ton amabilité. Tu sauras ce qu'est la vie, ensuite. Tu pourras toujours me remercier. Si tu survis.

Je me lève péniblement.
L'épuisement d'une longue maladie engourdie mes membres, mais j'ai toujours un peu de force pour ces choses de la vie. C'est cet engouement pour la folie qui m'anime alors. Et je ricane, encore, tentant de reprendre un minimum de sérieux pour voir cette beauté de jeunesse qui m'attend impatiemment devant la porte de ma chambrée. La poignée se meut. Doucement. Lentement. Frénétiquement. Les gonds s'agitent. La porte coulisse. L'air souffreteux de cette cage sombre sort maladroitement de cette pièce dans un sifflement strident. Le couinement de la porte rend les ténèbres encore bien moins attrayantes. Douleurs. Souffrances. Folie. Morbide. Mes yeux rougeâtres se rivent sur mon adversaire. Si jeune. Si jolie. Mon souffle se coupe un instant. Sans jamais ne plus devenir amoureux, la beauté des femmes m'est toujours fatale. Je succombe un instant. Mon coeur reprend ses pulsations. Je la regarde. Je lui souris. Elle semble trembloter bêtement. D'un coup, d'un seul, le mythe tombe. Entourée, elle est forte et courageuse. Mais seule, elle ressemble à ces autres filles chétives qui ne peuvent que se résigner à assouvir les besoins des plus forts. Une pointe de déception se dessine alors. Puis, je me dis qu'elle aura certainement quelques ressources particulières. Elle me fait languir. Elle tente de faire monter la pression. De m'exciter. Nul doute.


    -"Je ne vous pensais guère aussi Noble pour réellement rendre visite à un pauvre homme, Altesse. Visite de courtoisie? Ou simple peur qui guide vos sens? N'ayez crainte. Je sais être doux."


Sourire carnassier.
Rien de plus brutal qu'un homme n'ayant aucune foi. Qu'une bête acculée que la maladie mène à une mort certaine. Rien de plus affreux que le Sans-Espoir guidé par le Sans-Nom qui se veut être le Malin incarné. Volontairement, je reste quelques secondes, qui peuvent paraître éternité, à la regarder. De haut en bas. Sans placer le moindre mot. Je la dévisage. J'admire son corps encore si peu formé. Je la devine sans ces fripes qui l'animent. J'en ai envie. Fortement envie. Je la désire fortement. Je la veux. C'est ainsi que mes narines viennent à portée de son cou afin de la sentir, de l'humer, d'avoir son goût à mes papilles. C'est ainsi qu'une main fut approchée pour m'emparer de son poignet et de la tirer complètement dans l'antre de la Bête. La porte des Enfers se referment brutalement. Rien ne saurait empêcher une nuit de luxure et de pêchés dans cet endroit dénué de tout charme. Je la contrôle. Je l'ai en mon pouvoir. Je suis alors son maître. Moi, simple Roi de quelques tarés de cambrousses et de Paris. Moi, simple esprit vagabond qui mériterait quintuple mort. Moi, Stradivarius, j'ai le dessus sur une fille de Reine. Je ne compte pas me dérober à ce délice. Je laisse jaillir une dague de ma ceinture, bien prise dans une main. Lentement, je me dirige vers elle. Doucement, je coupe le tissu qui fait barrage entre elle et moi. L'autre main s'aiguise contre la peau, retirant ce qui reste pour ne voir que la tenue d'Eve. Devant lui. Main graveleuse contre peau chaste et délicieuse. Beauté d'une enfant que l'on tient en joug. Esclave pernicieuse des sens de l'exaltation. Je te tiens, Princesse. Et tu es mienne, sans que je ne te laisse d'autres choix.


    -"Vous êtes ainsi à l'aise. Peut-être souhaiteriez-vous que nous parlions."

Quelques instants d'un blanc pervers.

    -"Avant que nous ne commencions."

Et je laisse alors jaillir un rire fort et féroce.
Une nouvelle fois, sans pouvoir me contrôler.
Après tout, je ne suis qu'un Monstre.
Une Bête sans nom.
Melissandre_malemort
Durant une fraction de seconde, un moment d'éternité, Mélissandre croit sa dernière heure arrivée. La lame du poignard capture un rayon de lune en se levant avant de s'abattre.

L'arme semble presque avoir une vie propre.

Ainsi donc, il est temps de mourir. Étrangement, la princesse n’éprouve aucune peur. La douleur passé, la nuit l'emportera pour rejoindre sa mère, pourquoi craindre cela? Elle ne ferme pas les yeux. Si le Roi des fous veut l'assassiner, il lui faudra soutenir son regard jusqu'au bout, une Malemort jamais ne faibli. Elle prend même le temps de le détailler. De s'attarder sur son visage. Il parait figé dans le temps, sans âge. Il pourrait avoir vingt ans comme quarante. Quel genre d'homme était il, avant de basculer dans la folie? Avait il aimé, détesté, désiré?

Le couteau s'enfonce, déchire très légèrement sa peau diaphane et descend le long de ses courbes pour abîmer l’étoffe et la faire glisser jusqu'à ses chevilles dans un léger froufroutement. Sa toilette préférée, sa robe favorite... Un cadeau de sa chère Blanche... Sa soeur qu'elle devrait écouter plus souvent, qui jamais ne serait tomber dans un piège assez grossier pour donner au Roi des Fous un moyen de pression.

Les opales de Mélissandre ne vacillent pas. Elle est nue, mais c'est le prix à payer. On aurait presque pu la croire à son aise, si ses mains ne tremblaient pas. La princesse les croise sur son ventre pour que Stradivarius ne le voit pas. Il n'est pas homme à se soucier des tords qu'il cause.


- Et bien parlons.

Elle s'assoit dignement. Qu'importe sa nudité qui, au fond, la mortifie. Qu'importe que la nuit à venir soit promesse d'un sort pire que la mort, finalement. Le sang bleu ne se laisse pas dominer. Jamais.

- Je m'appelle Mélissandre de Malemort-Armantia. Je suis née durant le règne de ma mère, sa Majesté Nebisa de Malemort. Mon père était Cerberos d'Armantia. Prince concort et Duc de Chalon. J'ai une soeur jumelle qui a une santé fragile, elle s'appelle Mélusine. Je suis la dernière née de la fratrie et je viens d'avoir quatorze ans J'ai grandie dans notre château de Ségur, non loin d'ici.

Le Roi se fout de tout cela, bien sur. Mais la Princesse éprouvait un malin plaisir à le saouler de paroles. A lui détailler qui elle est, et pourquoi elle ne lui fera plus l'honneur d'avoir peur.

- Il y a quelques mois, j'ai eu vent de rumeurs. Certains disaient que mon père avait perdu la raison après la mort de son épouse, et qu'il errait dans la cour des Miracles. Je suis montée à Paris et j'ai distribuée les écus. Et savez vous ce qu'on m'a dit?

Un court silence et un léger sourire qui étire les lèvres pleines.

- Que le Sans Nom en personne régnait sur les lieux. Qu'il dévorait les enfants et les vierges. Sur ce point au moins, j'imagine que j'aurais une réponse ce soir.

Sa gorge se serre légèrement sur ces dernières paroles. C'est une chose de vouloir paraître brave, une autre que d'évoquer ses propres tourments à venir. Il lui reste l'espoir infime qu'il se contente de regarder et d'effleurer. Qu'il ne la salisse que de ses yeux. Qu'il s'endorme ou mieux, qu'il crève devant elle. Tout en lui semble hurler sa faiblesse, après tout. La peau de son visage est tendue sur ses pommettes, ses prunelles sont voilés par le miasme de la mort, ses cheveux retombent tristement sur son front. Il avait du être fort beau, autrefois. Il lui en reste quelque chose, un magnétisme qui en dépit de sa haine et sa peur, l'attire presque. Lui donne l'envie stupide et irraisonné de s'approcher de lui pour lisser les plis amers de ses lèvres.

Mélissandre baisse enfin les yeux. Elle ne s'autorise pas à éprouver de la compassion pour son bourreau. Il ne mérite que sa haine, son souverain mépris.

Ses chevilles se croisent pour rapprocher ses genoux et ne rien lui laisser voir. Ses boucles, toujours retenues par son diadème, retombent sur son visage. Elle pense à tous ces gens qu'elle protège et songe qu'ils ne sont finalement en danger qu'à cause d'elle. A cause de sa stupidité.


- Me permettez vous une question, Robert Haston Stranvolio di Varius? Qu'attendez vous de moi?

Sa voix est douce et chaude, héritage de sa mère bien aimé. Elle s'exprime sur le ton monocorde et détaché propre aux gens de son rang. Mélissandre se croit courageuse. Elle l'est probablement, mais c'est surtout l'ignorance qui la guide. Élevée dans une tour d'ivoire, elle n'a pas la moindre idée des facettes que peuvent cacher l'âme humaine. De la noirceur, elle ne connait que la première couche, celle des quelques brigands qui l'ont chahuté à l'occasion. Son visage ne se détourne pas, ses lèvres s'entrouvrent, son nez se pince sous le coup de l'appréhension. Que peut il lui faire de pire que lui voler son innocence, après tout?
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--Stradivarius..
Ce que j'attend d'elle.
Je n'en sais foutrement rien, en réalité. Si ce n'est les infimes désirs de sa chair et de sa royale convenance qui a bien quelque chose d'érotique qui m'émoustille fortement. Ce ne sont là que les désirs d'un homme. Un homme parmi tant d'autres. Manipulé par de bas instincts vivifiants et un plaisir bestial qui n'a de cesse que de tâcher la symbiose de deux êtres qui ne sont, visiblement, pas fait l'un pour l'autre. Je la prend peut-être pour une catin, à l'instant. Sans doute de sa physionomie mise à nue qui a ce petit goût satisfaisant aux papilles qui s'agitent de façon frénétiques avec la possibilité, peut-être, d'y amener ces reins de même façon frénétiques. Bien que je sois affaiblis par les années qui sont passées sur ma peau et me percutent de la façon la plus folle qui soit, je ne suis jamais en manque de m'épanouir et d'exposer une certaine puissance bien masculine. À quoi servirait donc ces veines fortes et seyantes si ce n'est à exhiber une position extrême et alléchante pour quiconque à un intérêt pour ces choses là. Alors oui, ce que j'attend de toi, ce n'est peut-être pas grand chose en soit, ce n'est pas si important pour moi, mais ça l'est pour toi. Et dans ma volonté de te faire rompre de ton confort certain de cette Tour d'Ivoire dans laquelle tu t'es épanouie, je serais prêt à tout. À tout pour te faire entendre la vérité et la raison sur ce qu'est le monde. Sur ce que tu ne comprend pas. Sur ce que tu devrais être et que tu ne devines même pas. La raison est étouffée en toi. Laisse-moi t'en libérer. Même si je dois, pour cela, soulever les barrières de ta chair et te démolir, te souiller, t'anéantir. Ce que je veux de toi, c'est de te transformer. Comme je me suis transformé, à ton âge. C'est une offrande. Peut-être mon dernier cadeau à l'humanité. Laisse-moi en profiter.

Ton discour ne parvient guère à mon esprit.
Je suis trop occupé à vagabonder sur tes courbes, de mes yeux rivés contre ta chair qui semble soudainement frétiller. Certainement la cause aux soubresauts de tes mains qui tremblent contre ton ventre. Peut-être pense-tu que je ne vois guère ces faits. Je sais très bien lorsque je terrifie. Sous ta carapace, tu es effrayée. Et tu ramènes tes genoux pour que je n'aille plus loin dans la visite de ton corps chaste. Je suis à bonne distance de toi, mais je peux encore me rapprocher et avoir ce que je souhaite. C'est alors qu'une main peu farouche s'avance vers ces jambes, dans l'espoir de les écarter et admirer ce que tu as donc à cacher. Ne jamais camoufler ces petites merveilles de la vie qui font pâlir ces adolescents putrides en manque de donzelles et autres plaisirs charnels. Ne cache pas ce que tu es, au risque que je m'en empare encore plus brutalement que possible. Et tu verras, à ce moment là, tu regretteras amèrement de t'amuser avec moi de la sorte. Ce que je veux, je l'obtiens. Par la force ou la douceur. Je suis bien trop épuisé pour daigner m'acquitter d'une quelconque douceur à ton égard. Alors je prendrais la force, la fougue, quitte à me fatiguer un peu plus. Seulement, ma main cesse son avancée vers toi lorsque tu parles de la Cour des Miracles. Lorsque tu parles de ta vie, de ton père, du Sans-Nom et des quelques catins éventrées pendant l'acte. C'est fou ce que quelques mots peuvent faire sur mon être. C'est fou ce qu'un sourire peut naître naïvement sur un faciès aussi démoniaque soit-il. Mes iris rouges se plongent aux tiens. Je te regarde, lascivement. Profondément. Je sonde ton âme meurtrie par des années d'errance et de quêtes. Tu es comme moi, au fond. Tu seras comme moi, bientôt.


    -"Je connais la Cour des Miracles comme le fond de mes bourses. Je connais chaque recoin de ces courcelles vives dans lesquelles s'épanouissent un tas de personnes plus enthousiasmantes les unes que les autres. Je connais le moindre maraud. Le moindre mendiant qui se cache sous sa complaise pour avoir la pitié des autres, puis se relever béatement à la fin d'une journée de travail avec salaire à peine mérité. Je les connais, ces mendiants, car c'est moi qui cisaille les membres pour les faire passer badauds périmés. Je saisi aussi les quelques catin qui règnent en maîtresse dans les bas quartiers et m'amènent quelques informations utiles ainsi que quelques écus sonnants et trébuchants. Je sais aussi que certains nobles se perdent dans l'aisance de quelques grammes d'Opium. Se perdant spirituellement dans la folie que peuvent procurer ces opiacées sévères. Ils sont là, sur quelques lits, des esclaves tenant les pipes chargées à bloc de ces herbes délicieuses. Les gourgandines se joignent à eux, parfois. C'est un vrai monde, à part, disloqué, perturbé, tourmenté. Je connais aussi l'époux Royal. Je connaissais le Cerbère et l'ombre de sa Mort. C'est ainsi que le Sans-Nom règne en maître sur ces étals de débauches et de folie."


En réalité, non.
Je ne connais pas son père, je ne l'ai certainement jamais vu. Mais j'ai appris une chose durant toutes ces années. Toujours écouter les mots qui se projètent contre nous. Mêmes les paroles les plus insensées, les plus inutiles, ces mots chargés à nous rendre fou dans un élan de stupidité futile. En tenant compte de sa tendresse pour son père perdu, et la douleur qu'elle aura à tenter de remuer ciel et terre pour le retrouver, je puis jouer de la sorte un nouvel atout dans mon jeu. Lui laisser croire que je détiens une vérité qui lui échappe. La laisser espérer ce qu'il y a de plus bon à croire. Tout lui donner jusqu'à ce qu'elle puisse avoir la sensation de pouvoir s'abandonner à l'extase. Et tout lui retirer brutalement en lui crachant à la gueule que tout ces mots n'étaient que conneries sans fin. Donner pour mieux reprendre. La torture psychologique à l'état pure, comme on en fait plus. Comme je n'en fais plus, depuis des années. Comme je me plaisais à faire dans ma jeunesse fougueuse. J'ai toujours eu ce talent pour la rhétorique, charisme aidant, je suis toujours parvenu à mes fins par les mots, sans trop de violences, jusqu'au jour où les dagues furent de secondes mains pour moi. On déchire beaucoup plus violemment les esprits lorsque le sang est en jeu dans l'affaire. Et le sang, je peux te le faire couler d'une autre façon. La façon que tu as en tête depuis le début de cette entrevue. Finalement, la main vient se glisser entre les cuisses pour les entrouvrir, ne pas laisser la farouche se cacher derrière l'aisance de quelques ronds de jambe. Toujours avoir la maîtrise de l'affaire. La maîtrise de la situation. La maîtrise de sa maîtresse.

    -"Mais la gentillesse me fait quelque peu défaut. Je suis un peu aigri et renfrogné. Peut-être sauras-tu être douce pour me combler d'amour. Et, sans doute, te dirais-je tout cela."


Je m'approche un peu plus de toi.
Mélissandre, petite princesse alors dévergondée. Tu es si forte de premier abord. Mais ta carapace ne tient pas longtemps le coup face à mes frappes répétées. Tu me regardes dans les yeux, tu me tiens tête. Sûrement qu'au premier coup contre toi, tu perdras ces moyens précieux. Peut-être que je te laisserais cette tête sonnant les trois coups de l'Enfer. Goûte donc un peu de mes lèvres, ces portes des Ténèbres desquelles peuvent surgir l'Hydre de ces mythes antiques. Un baiser, si l'on peut le nommer ainsi, dans sa sauvagerie la plus pure et la plus sincère. Pas de celui qui aurait pu être échangé plus tôt dans une taverne bondée de quelques badauds impuissants. Ces canines qui lacèrent la lèvre inférieure, doucement, ronronnant de plaisir et laissant jaillir un sanglot sanglant que j'absorde de toute ma grâce. D'une main tenant en laisse ta tête qui voudra certainement s'extirper d'une emprise royale. Jamais personne ne daigne t'embrasser de la sorte. Par respect et impuissance, ils seront toujours à tes genoux à te complaire de cantiques miraculeuses sur le beau et le bon. Aucun de ces quetards résolut à une vie chaste et bienfaitrice ne saura te rendre comme tu es. Belle et féminine. Qui mérite que l'on s'y accroche quelques instants. Délicieux goût de ces lippes lacérées, carmins broyés allègrement. Serpentine qui efface les traces de ces effractions. Tête contre tête. À la même hauteur sous la même force. T'ai-je dit que j'aimais déjà t'embrasser de la sorte? Je suis certain que tu aimes aussi. Et si je dois me retirer, c'est sans doute pour te regarder avec mes yeux humains et véritablement sincères. Car oui, je peux être doux et romantique, malgré mes allures bâtardes.

    -"Ce que je veux. Je l'obtiens.
    Je ne veux rien de toi."


Je force un peu à ta nuque pour te laisser t'approcher de nouveau à moi.

    -"Mais ce que tu peux faire, si tu le souhaites, c'est de t'abandonner à moi."


Et mes lèvres de s'approcher doucement de ton oreille droite, ma barbe se frottant délicatement à ta joue si douce pour, qu'après un lobe croqué, je puisse te susurrer ces quelques mots.

    -"Car il n'y a rien de plus beaux que deux êtres en parfaite harmonie, l'un contre l'autre, l'un dans l'autre, dans une fusion qui ferait rêver les plus Grands de ce monde. Comme le paroxysme au romantisme que, jamais plus, tu ne goûteras de ta vie. Oublie ta condition, un instant. Oublie ce pourquoi tu es là. Oublie ce qu'est ta vie et ce pourquoi tu vis. Oublie le mal et le bien pour t'abandonner au mâle qui te tient bien. Car je ne te lâcherais pas avant que tu ne comprennes et que tu sois cette femme que tu te dois d'être."


Ce que je veux n'est pas ce que tu veux.
Mais l'envie que ce que tu veux se transforme en ce que je veux est si grand que je ne peux que me complaire de la situation qui est toute en ma faveur. Les mots se taisent à jamais jusqu'à ce que mes lèvres explorent d'autres contrées de ton corps ravissant et ne demandant qu'à éclore sous l'impétuosité de cette situation. Je goûte à ton cou, un long instant. Jusqu'à tes épaules découvertes alors que mes mains empoignent ce qui n'est pas si développé par ton âge si jeune. C'est quelque chose qui saurait être vulgaire dans les Cours Royales. Mais qui se font dans la Cour Royale d'un Roi des Fous. Je ne saurais prendre la peine de patienter plus amplement alors que je sens que tu t'attends au pire. Et que mes papilles se complaisent à ton odeur si particulière. Ta carapace tombera avec moi ou ne tombera pas. Tout ce que tu peux dire, tout ce que tu peux faire, jamais ne me fera renoncer à ce que je te ferais ce soir. Tu es mienne, tu m'appartiens, jamais plus je ne te lâcherais. Et, un jour, nous nous retrouverons une nouvelle fois, sous d'autres auspices. L'avenir sera glorieux et magnifique. C'est ce en quoi je pense. Même si je ne crois guère à l'amour, me voici parti à rêver, de nouveau, à ce que tout cela peut amener. Je suis ce perfide chevalier blanc qui se meurt dans le romantisme d'une situation qui ne l'admet nullement. Je suis cet homme qui ne peut jamais oublier qu'il détient un coeur, même si celui-ci est naturellement de pierre, il est présent. Et c'est alors que le passé ressurgit et me fait cesser mon avancée un instant pour me poser à côté de toi. Lâchant l'emprise que j'ai sur toi quelques instants pour tenter d'oublier ces choses qui me tourmentent. Le visage dans mes mains, je m'écarte dans mes tourments.


-"Tu étais si bien parti."

-"Je n'y arrive pas."

-"Pourquoi?"

-"C'est... douloureux."

-"Fais, je te promet que tu en sortiras mieux et épanouis."


Je retire mes mains pour te regarder.
Nous sommes deux dans une pièce sombre et mes projets peuvent t'anéantir à tout jamais. Je suis en perpétuelles contradictions avec moi-même. C'est là toute la définition de ma folie.


    -"Qu'attends-tu de moi? Que je te laisse en paix dans cette vie médiocre d'Amour et de futilités grossières dans ton rôle de Grande Princesse magnifique que tout le monde idolâtre? Que je parte sans plus jamais revenir et sans causer le moindre mal à ceux que tu aimes? Je ne peux faire cela, Mélissandre. Je ne le puis."
Melissandre_malemort
Je connais aussi l'époux Royal. Je connaissais le Cerbère et l'ombre de sa Mort.

Et c'est un espoir stupide qui lui fait supporter la suite. Les mains de Robert qui se glissent entre ses jambes pour l'offrir à sa vue, telle les deux serres d'un oiseau de proie décider à lui déchirer les chaires pour se repaître tant de ses viscères que de son âme. La princesse ne ferme pas les yeux, mais son regard se vide de toute substance. Elle est déjà loin, noyé dans ses souvenirs.

Le visage de son père qui lui revient. Des traits délicats détrompés par une expression indéfectiblement maussade. Des prunelles azurs qui savaient lire au fond de vous. Ce père qui la terrifiait et l'attirait à la fois.

Quelle fille au monde n'espère point être aimé par l'homme qui lui a donné la vie? Ne disait on pas qu'on cherchait toujours un époux qui en soit le miroir? Mélissandre est prète à le croire fou, amer, brisé. Pour justifier son abandon. Pour espérer qu'il aurait pu l'aimer, si les choses avaient été différente. Tout sauf l'indifférence. Elle s'était même cru la bâtarde de Julien Giffard, dans sa ridicule quète de reconnaissance. C'était supportable d'être rejeté. Bien plus que de n'être rien pour celui qui vous avait transmit son sang et ses chaires.


- Est il vivant?

Bien sur, Mélissandre n'est pas dupe. La Majestueuse folie qui la dévore des yeux ne lui répondra pas. Il se fera une joie de la faire ployer à genoux avant, de la salir jusqu'aux tréfonds de son âme pour la détruire. Une fois de plus, le prix à payé ne lui semble pas si élevé. Ce n'était qu'un mauvais moment à passer, un instant d'éternité. A nouveau, l'oubli l'englouti quand les doigts du fou remonte jusqu'à sa nuque pour attirer son visage contre le sien.

Les cavalcades de Beau-Minon dans les couloirs de Segur. Les bras de Nebisa qui la maintiennent contre sa poitrine douillette. L'odeur de la tarte aux prunes de Martha qui cuit lentement dans le four. Le gout des citrons confis sur sa langue. La voix de Blanche qui raisonnait comme une douce musique quand les nuits ne semblaient jamais vouloir finir.

Les bras de l'homme qu'elle aime autour de sa taille...

C'est une intolérable douleur qui la ramène brusquement à la réalité, comme si quelqu'un lui avait saisi les chevilles de ses doigts griffus pour la plaquer contre le sol puant de cette chambre miteuse. Les dents de Stradivarius sont plantés dans sa lèvre inférieur, sa poigne la retient par les cheveux pour mieux la torturer en la privant de mouvement. Elle se noie dans la douleur, dans le sang qui s'échappe des plaies et lui emplie la bouche. Dans un sursaut d'ironie, Mélissandre songe que le fluide de sa vie n'est pas si bleu, après tout.

Il a un gout salé. Lorsque la bouche du Roi des Fous s'attarde une dernière fois, elle se prend à songer qu'il a des lèvres étonnement douce, avant d'essuyer d'un geste rageur les larmes que la douleur a fait jaillir de ses yeux. Hors de question de lui faire le plaisir de les voir, ou de les cueillir du pouce comme il le ferait sans doute, dans une parodie d'étreinte amoureuse. Sa langue glisse sur sa lèvre inférieur pour capturer le sang qui affleure. Salé, la aussi. Cuivré. Comme un écus que l'on glisserait contre les muqueuses de ses joues.

Les ongles du Fou glissent, ses lèvres suivent pour cueillir la chaire tendre de son cou. Mélissandre rejette le visage en arrière et tente de se remémorer la voix de sa mère pour replonger dans une torpeur salvatrice. Sans succès. Sa lèvre inférieur tuméfiée lui envoie des signaux régulier. Chacun de ses muscles se tend sous le coup de la répulsion quand Robert la touche, l'empaume, la goûte. Dans une brume de semi conscience, elle l'entend murmurer à son oreille. Des mots en parfaite contradiction avec ce qu'il lui fait subir. Des paroles tendres, presque suppliantes. Il semble attendre quelque chose d'elle, mais Mélissandre est incapable de comprendre quoi. D'envisager quel tourment déchire cette âme qui la torture.

Lorsqu'il s'arrache à elle pour se laisser tomber à ses cotés, le visage caché dans ses mains, Mélissandre le suit des yeux, quelque part entre la peur et la pitié. C'est un sentiment nouveau qui enfle dans sa poitrine, et qui parait sorti de nul part. Cet homme qui veut la briser, qui s'est délecté de son sang, attise quelque chose en elle. Il n'est plus le roi des Fou cruel et brutal qui l'attire irrémédiablement vers les méandres de la psychose. Juste un homme brisé. Fatigué. Perdu.

Le coeur trop pur de la jeune femme se sert. Et c'est nue, les cheveux retombant sur ses hanches, qu'elle se laisse aller a genoux entre ses jambes pour prendre ses poignets et l'attirer contre son épaule. Il n'est plus question de crainte ou de pudeur. La détresse qu'elle devine chez l'extravagant est plus qu'elle ne puis supporter. Comme une stupide enfant protéger du monde depuis trop longtemps, ses doigts glissent dans la chevelure de Robert dans une tentative pour l'apaiser.

C'est inhumain, stupide, irréfléchie.

Il s'agit de l'un de ces moments comme la vie n'en compte que bien peu. Le comble du stupide. Une page déchirée pour passer à la suivante. La biche effarouchée qui prend des allures maternelles pour consoler son propre bourreau. Une goutte de sang roule sur son menton et vient se perdre sur la chemise du Dément. Qu'importe.

Il reprend la parole. Déchiré.


- Je ne demande point qu'on m'idolâtre Robert. Je veux juste être... Médiocrement moi même. Protéger les gens que j'aime. Cela vous parait ridicule, mais je suis ainsi.

Assise sur ses talons, les bras passés autour de Stradivarius pour le bercer contre son coeur, Mélissandre ne sait guère quoi répondre. Il veut la faire souffrir, intrinsèquement, mais quelque chose en lui, une lueur d'humanité, affleure. Oh non, elle ne cherche pas à l'attendrir pour échapper à la suite. Elle n'est point si naive. Mais un coeur comme celui de la Malemort est encore trop tendre pour laisser un individu s'étioler devant elle.
_________________
--Stradivarius..
Anticonstitutionnellement.
Un mot qui saurait me qualifier. Dans une encyclopédie, mon nom pourrait s'apparenter au plus long mot de la langue française. Nullement pour parler là d'une politique quelconque, d'un état de fait d'un pays qui s'épanouit sous une dictature démocrate, comme ces pays de l'Antique Grèce immaculée de la traversée subjuguante d'Hannibal et ses Éléphants de Guerre, ce merveilleux guerrier qui aura terrassé la Grandeur de Rome et de ses environs. Un peu comme moi, si ce n'est que je n'ai acquis de terres, je ne vis que de terreur. Je ne suis pas un homme bien constitué. Je suis un anti-conformiste. Une pourriture qui gangrène toute l'humanité. Je détruis toutes ces constitutions formées par les assemblées de toutes ces provinces, crachant à la gueule de ces magistrats qui ne trouvent rien de mieux que de me faire supporter l'errance dans les tribunaux fourbes. De les voir se lisser une moustache bien fournie dans l'attente de mon interrogatoire alors qu'ils savent pertinemment que la sentence va tomber et me laisser sur ma faim malgré une défense formidable. Je suis ce type, vulgaire, qui affronte une destinée faites de diverses myriades de faits qui font que je ne peux décemment être constitué comme tout un chacun. Je suis anticonstitutionnellement formé par l'humanité pour déchirer quiconque se dresse conformément à une posture sociale dictée par ces dictats intemporels. Je suis cet idiot d'anarchiste qui dresse un drapeau scellé d'une devise, d'un mot, "Libertad". Et par la force de mes convictions, j'ai construis un autre monde, une autre possibilité. J'ai dressé par ma verve et ma fougue un monde qui est magnifique que pour ceux qui conçoivent la possibilité d'une perfection non erronée de la vie. Une alternative satisfaisante pour tous les rejetons de l'humanité. Je suis la force vive et non tranquille qui terrassera cette Princesse qui m'est offerte, ce soir, cette nuit. Je suis celui que tu détesteras à jamais.

Je t'entend bien.
Toi qui me demande s'il est vivant. S'il existe toujours sur cette terre. Toi qui souhaite obtenir une réponse vive de ma part alors que tu sais pertinemment que je préférerais me taire que de te permettre d'entrevoir des possibilités grandiloquentes sur l'état de ton père. Il est amusant de constater qu'en cet instant, tu perds tes grands mots, tes belles phrases pour seulement s'arrêter sur l'état des choses. Oui, je t'entend bien. Non, je ne te répond pas pour le moment. Je réfléchis encore au moyen de te faire rompre, de te tordre comme un vulgaire bout d'acier porté à chaud. Tu sembles pleine de regret, avec cette douleur vive. Tu te confie à moi, mais sans doute ne le devrais-tu pas. Car ce que l'on me confie, tout comme on peut confesser à un prêtre qui promulgue alors de douces paroles rassurantes après un Ave Maria ou un quelconque Pater Nostrum, moi, je le détourne de son origine, je le moule à ma façon pour la foudre du Tenebriae retentisse fortement en tes oreilles si grandement ouvertes dans le besoin inéluctable d'acquérir la vérité. L'Amour que tu lui portes et les regrets de ne jamais le voir, le revoir, le perdre de ta vision romantique avec toute ton innocence bien à toi. Ces rêves que tu veux qui te laissent entrevoir ces choses qui te guident et qui laisse encore ton coeur battre, malheureusement en vain, moi je les prend et je pose mes entraves à tes plaisirs, à tes désirs, à tes espoirs. Tu sais, si je prend une voix consolatrice et douce, ce n'est pas forcément avec sincérité. C'est la voix du Diable qui se transmet par ma gorge et mes mots qui peuvent alors être salvateurs. Tu les prendras sûrement comme une étreinte magique à tes maux. Tu devrais oublier.


    -"Si tu restes avec moi, je pourrais te le faire voir de tes propres yeux."

La suite de l'histoire devient intéressante.
Quelque peu merveilleuse et fabuleuse car, dans un pur instant de faiblesse de ma part, je m'apitoie sur mon propre sort et toi, nue et dans un état lamentable de faiblesse qui ne devrait être confortable pour quiconque, tu te présentes sous ton meilleur jour à venir apporter la douce parole et le réconfort pour ma mauvaise personne. Encore une fois, tu te laisse bercer par les illusions et les papillons semblent voler tout autour de toi dans un monde féérique. Je te regarde, te placer entre mes jambes, prendre mes poignets et m'attirer tout contre toi. D'une voix douce me délier le cerveau pour que j'entende alors ta raison propre. Tu souhaites sans doute, par cet acte, te libérer de ce lourd fardeau qui est tiens et me faire goûter à un monde nouveau plein d'amour et d'espérance. Ton monde. Mais c'est là, encore une fois, que tu commet une erreur. Position de soumission. Devant un Roi. Le Roi des Fous. Tu t'agenouilles, faible comme une Reine battue. C'est un jeu d'échec, tu balances ton pion, et je prend ton Roi d'un Fou qui passe en diagonal. Échec et Mat. Tu me permet de laisser apparaître un sourire inéluctable sur mon faciès dépouillé d'humanité malgré ce regard que je me permet, sur toi, de poser. Un regard humain sous ses iris rouges par une guerre qui aura mal tourné. Mais ces états de fait ne semblent t'inquiéter plus que ce que ma raison peut faire. Mes cicatrices ne sont rien, pour toi. Rien du tout que la vie d'un misérable affreux qui n'a eu de chance.

Une chose est réelle.
Tu es si mignonne ainsi. Ces petits pas que tu as fait pour te retrouver là, avec moi. Ces mains presque tremblantes qui semblent trouver un état de grâce en me voyant m'affoler. Tu rayonnes comme jamais je n'ai vu quiconque être sublimé par une situation pareille. Tu n'as rien à voir avec les catins que l'on peut trouver ci et là au détour d'une ruelle grisâtre. Et les ténèbres ne parvient à camoufler tes iris intacts. Tu es réellement trop chaste, trop jeune, trop naïve sur les choses de la vie que tu ne peux te rendre compte qu'on ne change pas un loup. Que l'homme se doit de rester dans sa réelle condition, dans sa forme originelle. On naît ainsi, on ne change pas. Rien ne peut permettre de telles choses malgré ce que tu peux penser, ce que tu peux faire. Je suis foutu. Et toi, avec moi, tu l'es encore plus. Oui, tu es merveille et belle de la sorte. Je pourrais presque laisser jaillir une perle de larme. Cette larme naissante dans mes yeux, s'épanouissant pour grandir et passer une vie éphémère sur une joue bousillée par les années et les ravages des guerres et des contrats auquel je me suis acquitté. Mourant entre mes lèvres. Comme un baiser que je te donne à nouveau. Un baiser qui aspire toute ta vie, ta délicatesse et tes vertus les plus belles. J'aspire tout cela comme un poison, je me nourris de cette défaillance. Je me pourris de tout cela. Comme ces légendes sur les guerriers de l'Est qui marchent là où l'herbe ne saura jamais repousser après leur passage. Tu perdras, Mélissandre. Tu perdras.

Le mariage de deux êtres.
Cela me rend malade un instant alors que je retire mes lippes de ce doux baiser passionné l'espace d'un instant. Et je me grimace en te lorgnant. Je grimace férocement, laissant jaillir un grognement venant du fond de mon larynx. Il y a ce bruit qui me reprend, qui me surprend, au fond de moi, de mes tympans. Ce son strident qui me déchire l'acoustique et me replonge dans la folie momentanée. Le Démon reprend les rennes. Les démons reprend le dessus. La Bête Noire veut son contrôle absolu. Et ça bouillonne en moi. Ça me prend dans les tripes. Mon échine est parcourue d'un spasme affreux qui me convulse lentement, doucement, sûrement. Je sombre. Je lâche mon étreinte. Mes deux mains amenées à mes oreilles. Je continue d'agiter mes lèvres dans un soupire douloureux. Mes yeux sont clos, mes sourcils se froncent sévèrement. Je ne ressemble plus au moindre homme. Je ne suis plus. Je me laisse quitter tout doucement. Non pas de la vie. Mais de la raison elle-même. Je tombe un moment sur le lit, m'écroulant l'espace de quelques secondes en me tordant sur moi-même. Le son augmente. Une acouphène qui s'empare de moi. Mes poings se serrent contre mes oreilles. Je ne sais lutter. Je ne peux lutter. Je n'ai jamais pu combattre cette symphonie démoniaque. Je suis à sa merci. Je suis un animal acculé. Je me dois de me défendre comme il le faut. Et la seule défense qui vaille, c'est l'attaque. Je me relève. Je te regarde un moment. J'hurle d'une douleur puissante à ta face. Et je me calme. La larme venant enfin poindre le bout de sa vie de mes yeux bouleversés.

    -"Je suis désolé."


Tout s'enchaîne.
Férocement. Rapidement. Sauvagement. Je te prend par le cou. Je t'empoigne fortement, ne te laissant aucune marge de manœuvre, aucune défense que, peut-être, quelques bras balancés au gré du vent dans des mouvements saugrenue qui ne mèneront à rien par la logique de ma détermination. Je t'étouffe, certainement. Si je tend un peu l'oreille, je pourrais sûrement entendre ta respiration douloureuse, saccadée, diminuée, anéantie. Un filet de vent qui quitte tes lèvres pour te perdre à tout jamais. Si seulement je n'avais encore ce strident en moi qui me fait voir rouge. Je te relève le temps de te balancer sur le lit et me jeter sur toi. Ta gorge est lâchée de mon emprise. Tu peux respirer, peut-être, si je te laisse le temps de t'y retrouver. Tes poignets sont liés d'une main féroce au-dessus de ta tête, et ma dextre s'en va griffer tes flancs d'une rage folle qui s'accumule depuis bien des années. Je sais que très peu de personnes apprécient d'êtres lacérées par des griffes quelconques. Seule Alysson appréciait ces états là, et cette barbarie. Seule elle pouvait sublimer mes actes contre sa chair et concevoir un intérêt à cela par quelques couinements anarchiques de convoitise, d'envie, de désir et de plaisir. Mais toi, là, du haut de tes treize années, ou peut-être quatorze. Toi qui n'as connu que la douceur d'un doux lit surmonté de quelques draps de soie. Toi qui aime la douceur de l'hermine blanche et non souillée. Toi tu ne connais pas ces douleurs vives. Ce son des sillons creusés dans ta chair. Tu viens tout juste de comprendre que cela amenait quelques picotements désagréables. Mais peut-être, qu'au fond, tu t'en fous. Tu ne vois que l'acte qui pourrait accompagner ces gestes. Tu ne pourrais entendre que le bruit de ma ceinture qui se défait alors et de mes braies qui descendent sur mes genoux. Toi aussi tu connais alors cette symphonie toute particulière qui sait faire sombrer les Hommes bien constitués.

S'il te plaît.
Souffre avec moi. Partage ma rage et ma haine, en ma compagnie. Suffoque des pêchés que je lâche sur l'humanité depuis bien des années. Accède donc à mes pulsions vives et incontrôlées. Apprend à ne plus être maîtresses de tes instincts, de ton corps, de ton esprit. Accepte donc, avec sa rédemption, ce que je peux te faire endurer à l'instant pour qu'à jamais tu sois transformée. À jamais tu sois une autre. Comme un cadeau que je t'offre. Comme ceux que j'ai offert à d'autres. Ces compagnes que j'ai exécuté, un soir, après un dernier acte sincère. Ces paumées que j'ai ramené à la Mort pour qu'elles se sentent chez elles, en sureté, sans se soucier d'une vie de perdition. D'une vie affreuse et malmenée. Toi, là, je ne saurais te trancher la gorge. Du moins, pas encore. Peut-être jamais. Je préfère que tu portes cela au plus profond de toi. Je préfère que tu doives supporter ces choses et que tu t'épanouisses avec. Que tu gagnes en années morales et que tu ne portes plus ces douces paroles que tu peux avoir avec d'autres. Ou bien, ce sera peine perdue. Et je devrais, à jamais, te chasser de l'existence sur cette Terre maudite et raclée de ces rêves et espoirs entremêlés. Nous sommes tous dans une guerre perpétuelle. Tu es bien placée pour être cette guerrière Amazone. Forte. Farouche. Courageuse. Je t'offre les armes bien méritées pour arriver à tes fins et survivre bienheureuse. Tu seras une Sainte. Mais pas Vierge. Je peux te le jurer.

Le sang coule.
Ce liquide précieux. Tâche les draps. Coulant le long de tes flancs. Puis, de tes cuisses. Frappée d'une stupeur, sans doute. Tout inonde alors la fierté de l'immaculée. Tout est absorbé. Adieu pureté. D'un coup, d'un seul, le monde varie et change de sens. Le sillon se creuse toujours un peu plus. Un peu plus loin. Atteignant le coeur. Organe vital. Brutalisé. Souffreteux. Palpitant malmené. Cage thoracique qui se lève malgré la pression d'une main. Cris partagés en commun. D'une façon ou d'une autre. Apocalypse sonnant. On trébuche dans le malsain. Sans se contenir. Je suis plus puissant que toi. Je te tiens sous mon règne. Assène la magie d'un acte que tu devras diaboliser. Je regarde. Je te regarde. Tu te perds. Tu ne comprend pas. Tu ne peux comprendre. J'agis sans réelle volonté. Je me perd aussi. Qu'est-ce que je fais? Pourquoi est-ce que je le fais? Pourquoi suis-je là? Ici? Avec toi? Ne devrais-je être ailleurs? Pourquoi ne suis-je autrement? Un coup dur qui se répète à nouveau. Encore et toujours. Pourriture. Monstre. Affreux. Je suis exécrable. Détestable. Un damné qui effraie une Fée merveilleuse. Cette sublime. Cet écorché vif. Tout s'arrête. Le temps cesse. Il n'y a que "Tic tac" que dans ma tête. Et pourtant, rien n'avance. Rien ne dure. Seulement, tout cesse pour mieux recommencer. Je préfère fermer les yeux, un instant. Ne plus croiser ton regard. J'ai honte. Je souffre. Mais je suis fort. Plus fort que toi. Tu es faible. À présent. Tu n'es plus rien. Si ce n'est un pêché de plus en ce monde. Souviens-toi, encore, de ce moment quand tu iras en Confesse. Souviens-toi. Rapide. Brutal. Continuel. Je ne peux m'arrêter. Par en si bon chemin. Je trace ta destinée. Une voix Royale. Avec toi. Sur toi. En toi.

Alea Jacta Est.
Melissandre_malemort
Il l'embrasse.

Ses lèvres cherchent les siennes pour les mélanger, avec un rien de tendresse qui, l'espace d'un instant, lui lui donne envie d'y répondre. Qu'importe que le contact de Robert ravive la brulure des plaies qui lui déchirent les muqueuses. La douleur irradie jusque dans ses veines, lui crispe les muscles. Elle ne se dérobe pas, pourtant. Ce n'est pas un baiser : C'est un réconfort. La biche s'enfonce dans les méandres de sa naiveté et le laisse s'emparer de ce qu'il veut. Elle entrouvre même ses lippes pour s'offrir un peu plus. Ses yeux ne se ferment pas : Mélissandre veut le voir, dans cet instant suspendu dans le temps ou il ressemble presque à un homme normal. On devine légèrement l'humain sous le masque monstrueux, comme si il tendait le visage au travers d'une étoffe.

Les mains de la princesse quittent ses cheveux pour glisser sur sa nuque. Pour l'étreindre. Pour le retenir. Pour lui donner un tout petit plus que le prix initiale.

Pour Anne. Pour lui. Pour elle même.

Lorsqu'il s'écarte, les chaires de son faciès se modulent et l'humain n'est plus. C'est un démon qui la retient contre son mufle. La douceur éphémère disparait. La jeune fille n'a que le reflexe -primaire-de reculer et de tomber sur le sol pour lui échapper. Robert plaque ses mains sur ses oreilles et se tord comme si ses os n'étaient plus, son corps se desarticule, il se cambre en arrière avec une telle force qu'elle craint de le voir se briser. Assise à même le sol, nue comme au jour de sa naissance, Mélissandre continue à reculer, le regard fou, traumatisée.

C'est un Diable lunaire qui se tord en proie à la folie, et pas une seule seconde elle ne songe à fuir. Elle ne l'envisage même pas, incapable de détourner les yeux, d'abaisser les paupières, de s'épargner ce spectacle impie.

Au hurlement que le Roi des Fous pousse quand il sort de sa torpeur, la Princesse de France ne réagit pas. Lorsqu'il marmonne des excuses, elle est dans un état second, mais sa main se lève pour essuyer les yeux du fou larmoyant. Quand il s'appoche pour se saisir de sa gorge, elle ne se débat pas. La poigne la soulève presque du sol.

Tout bascule. La psyché de Mélissandre, léthargique, la libère pour qu'elle lutte pour sa vie. Ses poumons brulent, son larynx écrasé laisse échapper une gerbe de sang qui lui macule le menton. Elle voudrait hurler, mais le maigre filet d'air qui lui gonfle la poitrine s'échappe dans un borborygme douloureux. Ses ongles déchirent les poignets et les bras de son bourreau, cherche son visage pour lui infliger le prix de sa vie. La douleur explose dans ses tempes, ses yeux vacillent, des points noirs dansent sous ses paupières. A cet instant, elle regrette qu'il ne l'ai pas lardé de son couteau dès son arrivé. Mourir étouffer est bien pire. Pire que tout ce qu'elle avait pu imaginer.

Le visage de Nebisa. Ses yeux d'acier qui se liquéfie en une lave chaleureuse quand elle regarde ses enfants. Son parfum de santal et de rose. Elle lui ouvre les bras, quelque part dans la brume de son agonie. Mélissandre se prend à abandonner la lutte, à se laisser aller à la consolation de la mort.

Stradivarius ne l'entend pas de ses oreilles. La poigne la libère, son corps bascule contre le tissu miteux du lit. L'air s'infiltre dans sa gorge broyé, se fraie un chemin jusqu'à ses poumons et lui insuffle la vie dans un cris sifflant qui la soulève. Les yeux noirs de la princesse ont prit des teintes cramoisies, ses veines ont explosées tout autour de ses prunelles et à cet instant, son regard devient le miroir de celui de son Démon. Elle ne lutte toujours pas quand elle le sens soulever ses poignets pour la clouer sous lui. Les plaies sur ses flancs l'indiffèrent. Le sang brûlant qui serpente sur sa peau trop blanche strie son corps.

Elle ne ferme toujours pas les yeux. Elle voudrait être morte. Ne pas le sentir se coucher sur elle et s'empaler pour lui voler tout ce qui lui reste. Robert exale un parfum de musque et de mort. De sueur et de peur. Alors Mélissandre capture son regard, l'oblige à le soutenir. Elle refuse de lui offrir son pardon, sa compréhension, sa défaite. Il la détruit mais elle ne vacille pas. Son corps brule mais son coeur pulse dans son sein et cela, il doit l'accepter. Un sanglot lui soulève la poitrine quand il la déchire, mais ses prunelles sont sèches. Elle ne pleurera pas. Une Malemort jamais ne faibilie. Omnia Vincit Malemort. Mélissandre a une dette : Elle payera jusqu'au bout, mais ne lui offrira pas sa rédemption.

La ridicule compassion qui avait guidé ses gestes précédents vacille, telle une flamme dans un courant d'air. Un souffle de plus, et le feu disparaitra. Les mouvements désordonnés de son bourreau la soulève presque du matelas. La flamme tremblotte. Mélissandre suffoque quand il s'écrase finalement sur elle. Une goutte de sa sueur tombe sur le bout de son nez. Il roule sur le coté. Elle fixe le plafond. Une partie d'elle voudrait fuir.

C'est terminé. La dette a été payé. Ils iront bien.

Alors c'est tout doucement que Mélissandre s'assoit. Le sang qui colle sur ses cuisses lui donne la nausée, et elle n'a que le temps de plaquer une main sur ses lèvres pour calmer son estomac. Comme un automate, elle se lève pour ramasser les vestiges de sa robe, réalise qu'elle n'a rien à se mettre pour rentrer et tombe à genoux. Mélissandre ne peut pas sortir toute nue. Ce serait inconvenant.

Ce n'est plus de la rédemption. De la pitié. De la peur. L'étoffe de sa robe préféré crispée entre ses doigts, et une goutte tombe sur le parquet. Un bruit déchire le silence, tel un cris de detresse. Mélissandre sursaute et regarde par dessus son épaule elle avant de réaliser que ce sont ses pleures qu'elle entend. Que ce sont ses larmes qui mouillent ses doigts, obsurcissent le bleu lavande de sa toilette. La couronne de guingoit, elle s'effondre, le corps prostrée sur le sol.

Sa si jolie robe.

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--Stradivarius..
C'est moi qui t'ai fait.
C'est moi qui t'ai construit dans cette douleur qui grimpe encore de tes cuisses déchirées par ma hargne et la toute faiblesse que j'ai à l'encontre d'un corps féminin. C'est moi qui t'ai crée, alors, pauvre monstre en devenir que j'aurai souillé d'une incommensurable peine décadente. Une épine que tu garderas à vie dans ta chair éventrées de mes griffes et de toute mon âme en peine. C'est alors que tu grandis, d'une façon un peu trop vive que tu ne l'aurais espéré. Plus tôt, tu ne pensais certainement pas terminer ainsi, en cette soirée. Plus tôt, tu préférais jacasser quelques idioties dans l'espoir d'anéantir mes tentatives pour m'immiscer en toi d'une toute autre façon que les paroles elles-même ne sauraient faire. Je t'ai prise, Mélissandre. Je t'ai prise tout comme une de ces gourgandines de la Cour. Sauvage, impétueuse, charnelle. Tu n'es devenue, alors, qu'un objet à mes yeux. De mes bas instincts, je t'ai mandé mon pardon, mais je le reprend vivement par les pressions que mon cerveau me fait subir. Je te vois comme une misérable. Comme un de ces déchets promptement remplaçable. Comme une femme que j'aurai déjà eu dans mon lit. Comme celle que je ne saurais ravoir une seconde fois. Bien que... Bien que j'ai apprécié cette rencontre rapide. Bien que j'ai toujours été attiré par les premières fois déchirantes et saccadées de quelques spasmes incontrôlées et nauséeux. Bien que... tu sois belle sous tes allures de pauvre jeune fille perdue dans un monde insolent qui ne saurait être tiens.

Minuit.
Des douze coups du zénith de la nuit. Des douces coups tonitruant et menaçant. Des douze coups de ta débâcle sanglante et de ta perte à ce jeu là. Remballe ton carrosse, ta douce robe et tes pantoufles de verre. Remballe ta suffisance et ta prestance. Remballe tes espérances et tes doux rêves d'une vie paisible. C'est moi qui t'ai crée, cette nuit. Je t'ai immolé sous mes râles puissants d'une bête en ébullition. Je t'ai contrôlé et vaincu comme jamais plus l'on ne te fera. Et je me suis plus à te sentir t'épanouir malgré ce que tu laisses rejaillir de cela. Des douze coup de minuit, je m'en repose d'un dernier menaçant, vulgaire et dégradant. Du côté adjacent de ta cuisse frémissante s'immisce le dernier solitaire d'une longue lignée dévastatrice. D'une puissance toute reposée de mon auto-suffisance. Je te regarde une dernière fois dans les yeux. Vois mes yeux rouges rivés sur toi tandis que je me prend d'une secousse toute particulière et si singulière pour certaines femmes de peu de foi. Vois comme les traits de mon faciès peuvent se crisper du bonheur que tu sais donner à un homme qui s'amuse de toi. Avec ou sans toi. C'est toujours quelque chose de puissant, dans lequel le meilleur gagne sous les coups hasardeux mais contrôlés. Ne crois point que de cette bataille tu as trouvé à me terrasser. Je me sens bien. Doux. Le son strident ne retentissant plus dans mes oreilles calmés par ta respiration. Le silence. Bonheur. Joie. Je me repose enfin. Je suis tranquille. Une bête saine dans un corps sain.

Je te quitte.
M'allongeant à tes côtés. Caressant mes muscles endoloris par ces efforts qui me blessent néanmoins dans ma faiblesse du moment. Maudite vieillesse. Maudites blessures du passé qui ressurgissent. Toujours plus tumultueux encore et toujours. Je suis las et pourtant si bien que je me laisserais partir à l'instant. Ce serait trop te rendre heureuse, Princesse. Que je te donne le loisir de me voir défaillir à ta vie, ce serait pour ta propre convenance. Tu sembles meurtrie. Tu sembles détruite. Mon dessin eut l'impact désiré. Je te voix fixer le plafond que je fixe à mon tour. Tu as le regard perdu. Comme le miens. Tu pourrais te contenter d'un sourire figé. Je n'ai peut-être pas été assez doux pour te l'offrir. Ne m'en veux pas. Je ne suis pas très doué dans ce jeu pour penser à l'autre. Je pense à moi-même. Si je pense à toi, je me ferais du mal. Je me causerais du tord. Comme lorsque je pensais à mon autre qui n'est, malheureusement, plus. Comme si je pensais à elle, pour elle, et en elle. Tu peux te contenter de cet instant pour lequel je n'ai eu d'yeux que pour toi. Mais tu n'est pas reconnaissante. Pourquoi? Serais-ce la gêne de ce sang qui coule de toi, contre toi? N'as-tu l'habitude de cotoyer cette déchéance? Cela te gêne? Te dérange? Pourtant, à présent que je goutte ce rouge suintant sur mes doigts, venant de toi. Maintenant que je me délecte de ce sanguin vivifiant, doux prestige de ton enfance perdu. À l'instant où ma langue se languit d'y goûter encore. Je prend toute la connaissance de cette éprouvante soirée pour toi. C'est si délicieux et onctueux que j'en rêverais plus. Fou que je suis.

Pourquoi veux-tu partir?
Je ne parviens à comprendre. Nous étions pourtant si bien, l'un contre l'autre, nous délectant de l'autre. Ne veux-tu réellement pas réitérer? Je ne te quitte pas des yeux alors que tu te relèves. Je vois bien la remontée de ton coeur au bord des lèvres. Ta peine lorsque tu perçois une robe détruite, déchirée par ma violence. Je perçois bien là ton chagrin. Tu devrais sans doute revenir à moi, te poser sur moi, me contrôler à ton tour que nous y repartions à deux. À moins que tu aies réellement détesté cela. Si tu as un tant soit peu de haine envers moi, tu devrais venir en profiter pour me tuer. Pour m'étrangler. Je ne mériterais que cela, tu ne devrais être inquiétée d'un quelconque problème judiciaire à ton égard. Le meurtre pour l'éradication des monstres et des hérétiques est toléré, non? Tu recevras une médaille, certainement. Un titre de distinction, ou une connerie de ce type là. Tu sais, j'ai causé tellement de maux sur cette Terre que beaucoup rêveraient de voir ma tête sur une pique. Et je suis là, à tes côtés, suffoquant dans mon plaisir, dans mon orgasme de t'avoir eu. Tu n'en profites pas. Tu chiales. Comme un enfant alors que tu es à présent une femme, une vraie, une belle sous toutes ces formes. Lorsque j'admire alors tes courbes ravissantes, je me sens rajeunir d'un coup d'un seul. Je me retiens de venir te rejoindre. Tes couinements me dérangent. Ce ne sont pas les mêmes. C'est tonitruant. Défaitiste. Morbide.

J'ai envie de t'étrangler.
J'ai envie de t'éventrer.
J'ai envie de te déchirer.
J'ai envie de t'égorger.

Tu es comme toutes celles là.
Tu es comme toutes ces femmes qui pleurent encore et toujours pour des conneries futiles et qui n'intéressent que toi même. Égoïste sans vergogne. Tu me fais de nouveau voir rouge. Tu me fais de nouveau sortir de mes gonds. Serais-je seulement un fou qui ne peut décemment se contenir? Je retombe de nouveau dans ma fureur alors que tu m'en avais fait sortir. Arrête de gémir. Arrête de pleurer. Deviens une femme, bordel. Que tu es chiante. Comme toutes celles-là. Mes mains pourraient venir saisir te pauvre cou qui sursaute de ces larmes qui ne cessent de couler. Je pourrais en terminer une bonne fois pour toute. Ne plus voir ta sale gueule détruite. Arrête de chialer pour cette putain de robe. Arrête de faire ce bruit strident. Arrête de me détruire de l'intérieur avec cette peine qui me donne la gerbe. Arrête de me montrer tel que je suis. Arrête de faire rejaillir ce monstre qui est en moi. Ce monstre que je suis. Arrête de me mettre en horreur. Arrête... je t'en supplie. Cesse. C'est comme ça que tout commence, que tout continue. C'est pour cela que j'ai tué tant de femmes qui n'avaient alors rien demandé. Je déteste lorsque tu pleures. Tu es grande, maintenant. Relève-toi. Vas voir le monde. Montre ta nouvelle richesse. Fais-toi plaisir à tenter des choses que tu t'interdisais auparavant. File avant que... fuis avant de te retrouver morte de mes mains alors que j'ai promis de ne point faire de mal à une Malemort.

    -"Promesse futile lorsque l'on voit à quel point tu t'es emparé d'elle"

    -"Ai-je menti? Ce n'est point le mal que je voulais."

    -"Tu t'es emparé de son innocence."

    -"Ce n'est qu'un fruit que l'on est amené à cueillir."

    -"Pour elle, c'était beaucoup. Tu sais, la pureté avant le mariage, les sentiments de l'amour, ces conneries là. Tu lui as causé du mal. Tes paroles ne tiennent plus."

    -"Elle regardait, pourtant. Elle me scrutait pendant que je la prenais! Elle aimait cela, je l'ai senti."

    -"Et maintenant, elle pleure. Ensanglantée et nue à tes pieds, tenant une robe que tu as déchiré."

    -"Serait-ce ma faute?"

    -"Ou la sienne. Tu devrais la délivrer à présent."


Je me lève.
Je me place derrière toi. Derrière ton corps peiné. Je file mes doigts sur ton cou. Serrant doucement. Serrant surement. Comme plus tôt, encore, ton souffle risque de se perdre. Cette fois, à tout jamais. Tu rejoindras cette myriade de personnes que j'ai pu délivrer. Ne t'en fais pas, je prendrais soin de ton coeur. Seulement. Seulement, tu n'es pas comme toutes les autres. Tu as ce quelque chose qui semble me vaincre et me brûler de l'intérieur. Cette assurance des Malemort. Cette suffisance qui te caractérise. Tu m'as affronté. Finalement, c'est toi qui m'as vaincu. Merveilleuse petite Mélissandre. C'est toi qui me laisse ce goût amer dans la bouche. De mon propre sang. À te voir ainsi, je faiblis. Je crache du sang par mes lèvres indélicates pour toi. Je t'en recouvre d'un peu. Saleté de maladie. Mes entrailles sont en putréfaction. Je perd mes sens. Mes forces. Je ne veux pas te faire de mal. J'ai donné ma parole. Je suis tant désolé, Altesse. Désolé d'avoir fait ce que je ne devais. Même si j'ai apprécié. Tu ne méritais pas tant. Excuse-moi. Pars avant qu'il ne soit trop tard. Tu n'entends pas ce que je dis? Pars. Si tu ne le peux pas, je te prendrais par le bras. Te relevant de force. Tu vois? C'est facile. Tu es debout. Tu te laisse tout de même tomber. Je te rattrape. J'ouvre la porte et te jète nue en dehors. Tu ne reviendras pas. Fuis avant que je ne te tue.


    -"Dégage."


Malsain.
Dégueulasse. Trop masculin pour être véritable. Voici que je jète la compagne d'un soir, d'un lit partagé. Voilà que je la laisse à ce monde vorace qui pourra aussi cueillir le fruit interdit de sa chair, comme je l'ai fait. Alors que la porte se referme sur moi-même. Sur elle. Je fais les quatre cents pas dans cette chambre ténébreuses. Je marche à en rompre le plancher. Je tourne en rond. Je me dis que, peut-être, je devrais être clément. Plus doux. Peut-être devrais-je changer, en réalité. Mais le puis-je réellement? Est-ce qu'il est, du moins, possible pour un monstre de changer? Tu me feras chier jusqu'au bout. Vous me faites chier jusqu'au bout. J'ouvre de nouveau la porte. À te voir au sol, comme une épave blessée, quelques morceaux de tissu entre des griffes endommagées. Viens donc me revenir. Viens donc que je te laisse ma cape pour te couvrir. Viens dans mes bras, que je te réconforte. Que je te frotte le dos, doucement, délicatement, sensiblement. Viens te coller tout contre moi. Sens cette chaleur qui s'émane de moi comme pour indiquer une volonté de réconciliation. Tu vas mieux? As-tu suffisamment chaud pour éviter de trembler aussi bêtement encore et toujours? Veux-tu bien cesser de pleurer? Calme-toi. Ça va aller. Doucement.

    -"Chut. Calmez-vous. Ça va aller. Tout doucement. Chut."
Melissandre_malemort
Mélissandre voit trouble. Ses petits doigts sont crispés sur le tissu déchiré, étonnamment lourd en dépit de sa douceur. Elle crispe ses phalanges pour s’imprégner du contact ouaté et oublier la douleur qui lui déchire le corps. Sa gorge la brûle, la déchirure de ses flancs pulse inlassablement et pire que tout, son ventre se contracte comme pour lutter contre l'invasion subie quelques instants plus tôt. Ses chaires souffrent en vagues sourdes qui naissent dans son intimité et s'étendent dans l'ensemble de ses veines jusqu'à les enflammer plus surement qu'un brasier la dévorant de l'intérieur. Avachie sur le sol, elle n'est plus princesse de France. Mélissandre ne sait plus ce qu'elle est. Seule son tourment lui rappelle que la délivrance de la mort ne la pas emporté vers de meilleurs auspices.

Un pan de la robe tombe sur le plancher, glissant le long de son mollet trop mince pour terminer sur le plancher miteux. Les rides dans les planches de bois attirent son attention. Quel âge avait donc cet arbre avant qu'on l'arrache de sa terre nourricière pour le débiter en planche de salut dévoué à l'humanité? Combien de générations l'Arbre avait il contemplé placidement se déchirer et mourir pour un lopin de terre, un sourire charmeur, un regard échangé? A quoi bon vouer sa vie à tout ça? Cet éternel recommencement n'est que folie...

Plonger dans sa contemplation, la jeune fille n'entend pas Robert s'approcher dans son dos. Elle ne sent pas sa présence malfaisante qui se penche lentement pour la dominer de son ombre. L'effleurement de ses doigts la fait frisonner. Un instant, un seul, elle croit à une étreinte pour la consoler. Elle pense que le monstre est apaisé, qu'il s'est endormit, la gueule entre ses pattes après s’être repue.

Mais le buveur d'innocence n'a pas fini son oeuvre. Les doigts presque délicats se font menaçant. Ils serrent à nouveau son cou fragilisé. Les ongles s'insinuent dans sa peau comme pour la posséder à nouveau au travers de ses plaies sanglantes. Mélissandre suffoque, les mains battant l'air pour tenter de se libérer. Son cœur affaibli loupe un battement. Puis un autre. Puis un autre. Ses prunelles se voilent, ses lèvres se ferment, son corps devient de chiffes et de son. Ce n'était pas Robert, c'était le diable lunaire. C'était un menteur. Rien ne valait le poison qui découlait de ses paroles mielleuses. De ses baisers maladroits. De ses expressions éperdues. Son coeur se brise irrémédiablement, dans le secret de sa poitrine. Elle a perdue la foi. C'est terminé.

Satan n'en a point fini. Une fois de plus il s'amuse de son agonie. Il la soulève violemment, indifférent au hurlement que la douleur dans son ventre lui fait pousser. Il la traine vers la porte. Mélissandre ne comprend pas. Que veut il? Il la soulève comme une plume, ouvre la chambre à la volée et la jette dehors. La princesse n'a que le temps de trouver ses prunelles une dernière fois. Ce qu'elle lit dedans lui tord le ventre. Il la déteste. Il la méprise. Il la protège. Il la veut. Il la rejette. Il se hait lui même.

- Dégage.

La porte claque. Le vent qu'elle déplace lui fouette le visage. Ses jambes sont de cotons. La princesse s’effondre à nouveau. Au niveau du sol, l'air devient glacé. Il s'insinue comme un serpent autour de ses membres. Soulage la brûlure de son ventre, s'empare du sang qui sèche sur sa peau blanche et le saisi de ses doigts gelés. C'est le dieu de la mort qui est venu la délivrer. De son étreinte, il efface la souffrance pour l'endormir, peu à peu. Que lui importe que quiconque la découvre ainsi. Mélissandre n'est plus elle même. Elle n'est qu'une catin sans avenir. Une putain à la solde d'un roi despotique. Une moins que rien. Ses paupières s'abaissent. Son corps est agité d'un frisson paresseux. Même ses réflexes l'abandonnent. La princesse sent ses membres qui s'engourdissent. Elle ne bouge pas. C'est bientot fini.

La porte s'ouvre. Le Roy de la fange la regarde. Une fois de plus, il l'arrache à sa délicieuse torpeur. Il la prend contre son corps osseux. L'enlace maladroitement. La drape d'une cape puante. Lui tapote le dos comme à une enfant.

"Boum boum boum". Son coeur reprend doucement le tic tac de la vie. Le sang afflue dans ses membres gourds. Il l'attire à l'intérieur, marmonne des paroles dénuées de sens dans ses oreilles. C'est Robert. L'autre n'est plus là. Il se délecte du sang qu'il est venu chercher du bout de ses doigts. La biche lève ses larges yeux noirs. Robert est plus grand qu'elle l'aurait crue, quand il se tient ainsi. Il cherche son regard. Il parait presque aussi perdu qu'elle. "Boum. Boum. Boum."

Mélissandre songe qu'elle n'aurait aucun mal à le tuer. A cet instant, elle le souhaite sincèrement. Le pousser sur le lit et écraser l'oreiller crasseux qui fut le linceul de sa vertue sur son visage démoniaque. User de sa jeunesse pour l'envoyer de vie à trépas. Ses mains se lèvent pour l'envoyer valser, amorce le mouvement, se figent. Leurs prunelles se rencontrent. Mélissandre ouvre la bouche pour dire quelque chose. Elle ne pleure plus. Ses larmes sont taries. Elle ne ressent plus la douleur. Le froid l'a apaisé. Elle n'a plus honte. Sa virginité était depuis toujours vouée à etre vendu à quelque noble se prenant de fantaisie de l'épouser. Une bague au doigt ou la vie de tous ceux qu'elle aime. Le calcule est vite fait. Mélissandre ne regrettera jamais.

Les mains à mi chemin, les doigts avident de lui arracher le dernier souffle de sa vie, elle le dévisage et prend la parole, lentement.


- Je ne vous déteste pas. Je ne vous méprise pas. Je vous refuse cet honneur.

Tout en parlant, Méli réalise qu'elle dit vrai. Son joli visage s'anime.

- Vous attendez que je vous frappe; Que je réclame vengeance. Que j'aille pleurer dans les jupes d'Anne et de Blanche. Que je vous supplie de me laisser partir. Mais je n'ai plus peur de vous. J'ai pitié de vos peines. J'ai de la compassion pour l'homme qui affleure parfois dans les méandres de votre esprit. Je ne vous reconnaîtrais jamais ni comme cruel, ou comme fou. Ce serait légitimer ce que vous venez de me faire. Vous donner bonne conscience. Apaiser vos remords. Jamais je ne vous accorderais cela. Vous ne me briserez pas.

Le menton relevé, la princesse le regarde et comprend que le courage ne nait pas de l'amour. Il prend naissance quand on outrepasse la peur de la mort. Stradivarius ne peut rien lui prendre de plus, à cet instant. Il ne peut plus la blesser. Elle le domine du regard, ses prunelles de velours teintés de compassion. Sa main se pose sur la joue du fou, effleure sa peau parcheminée, glisse dans la chevelure épaisse et retombe doucement.

- Je ne serais jamais vôtre. Jamais.
_________________
--Stradivarius..
Les mains.
Ces mains suivent une trajectoire forcée, reconnues. Ces mains s'agitent seulement dans l'optique de donner la mort. Cette mort qui est tant méritée, je le conçois, est tout à leur contrôle. Elles pourraient alors me prendre sévèrement, sauvagement. Des phalanges se calfeutrants dans ma chair immonde. Abîmant ma plastique de cauchemar, s'il en est, et me sortir mes yeux déjà rouges de leurs orbites lorsque l'air ne parviendra plus à oxygéner ma cervelle délabrée. Je me vois déjà à sa merci, ne cherchant à clamer mon innocence pour le bordel que j'ai foutu dans sa vie. Ne cherchant même pas à plaider coupable. J'ai déjà signer dans ta chair, ma petite Princesse. Alors je laisse mes yeux rouges se coincer dans tes iris l'espace d'un instant. Comme une bête qui devrait être domptée par une maîtresse fougueuse et forte. Ma respiration chatouille ton visage, tes douces joues violacées par les actes que tu as subis. Tes lèvres tuméfiées ne semblent même pas trembler. Mais tu es agiter par les tremblements de la colère, de la haine, de la souffrance. Je le sens d'ici. Je l'hume comme j'hume ma propre mort. Seulement, je me dis parfois que la Mort ne veut pas de moi. Qu'elle me recrachera toujours. Je suis avarié. Et voici que, dans ce cas, rien ne saurait faire abstraction de cela. La petite Princesse me regarde toujours, je la regarde. Nous nous regardons un bref instant qui dure une éternité. Et voici que, d'un gosier gracieux, s'élancent les mots haineux et réfléchis. Comme un coup bas fatal de m'asséner ces coups désagréables et me renvoyer à ma face le fait que je suis un monstre avec les poings et les mains liés. Ne puis-je donc crever convenablement?


    -"Altesse. Je crois, à présent, vous avoir suffisamment brisé pour que vous soyez à même de penser, seule, que je ne peux vous briser. J'ai adjoins mon être à l'intérieur même de vôtre carapace puérile pour lâcher le lest de ma conscience et vous la transmettre. Ainsi, vous semblez libérer de vos turpitudes. De vos délires enfantins. Vous semblez avoir été abattue en plein vol de Colombes merveilleux. À terre, vous vous relevez. Comme si vous n'étiez que cendre, poussières balayées par le vent, et que vous vous reconstruisez encore plus fortement. J'ai vu vos mains s'intéresser à venir à mon cou. J'ai vu vôtre hargne et vôtre haine. Et j'ai perçu vôtre élégance démontée l'espace d'un instant. Je vous ai brisé. Et vous vous êtes reconstruite. Là est mon présent, pour vous."


Est-ce la vérité?
Ou simplement ce que je veux admettre pour moi-même, ma conscience. C'est tout moi, ça. J'ai toujours détruit et fait mine de reconstruire ensuite. D'offrir des présents, d'anéantir la totalité des âmes sur mon passage pour raviver la flamme d'une vie perdue à tout jamais. Je pense, sincèrement, qu'elle ne fait pas abstraction. Sauf que, comparé aux autres, je en l'ai pas tué, elle. Je pourrais toujours. J'en ai envie. Toujours envie. J'ai cette pulsion omniprésente qui tente de me contrôler encore à l'instant. Je pense que je peux reprendre mon calme, à présent. J'ai eu ce que je souhaitais. Une nuit de réconfort. Et, demain, Anne pourra me vaincre de façon peu loyale sur un champ de Lice. Je ne ferais plus barrage à cette ville, à cette famille. Ni même à Mélissandre. Si. Peut-être à elle, finalement. Ce n'est pas l'envie qui manque de vouloir un peu plus la pousser à bout, dans ses retranchements, dans sa folie naissante. Elle ne sera plus jamais la même, plus jamais. Et si elle savait que, jamais plus, elle ne reverra sa petite Alisa que j'emporterais avec moi dès la fin du combat en lice avec la Dame de Parage grotesque qui recherche là qu'une simple vengeance d'un passé totalement oublié, à présent, de mon être. J'ai d'autres chats à fouetter. Quelques motivations, autres, pour passer le temps. Ce temps qui me conduit inexorablement jusqu'à la mort.

Je relâche la pression.
Je m'éloigne d'elle pour faire quelques pas de réflexion dans cette chambre morbide. Regarder à travers les ténèbres les draps de sang qui se présentent devant moi. Appuyer un sourire satisfait d'un bras ventre rassasié. Que se dire, qu'au fond, je ne recherche qu'à entrer un peu plus en contact avec mon moi profond, pour en terminer avec l'incontrôle. Certainement que l'Antre tout féminin qu'il est serait alors pour moi une sorte de refuge. Que je recherche cette interaction brutale pour mieux me retrouver avec moi-même. Mais ces draps gâchés par l'humide sanguin en étape de coagulation. Ces draps là me rappellent un instant ce qui est arrivé. À la mort d'une mère qui était tout pour moi. Que j'ai abandonné de mon propre chef, à l'âge de treize ans. Presque à l'âge de cette Princesse. Tout cela pour la raison suffisante que je fus un monstre. Que je suis un monstre. Après lui avoir avoué que j'avais tranché la gorge d'un enfant. Après avoir perçu son regard. Me sentant coupable jusqu'à prendre la fuite. Des années plus tard, apprendre simplement que ma mère fut lynchée par quelques brigands. Des militaires, en fait. Suite à une guerre effroyable. Violée, violentée, tuée. Ces draps me font songer au jour même où j'ai retrouvé deux êtres forniquants ensemble. Dont le coupable impardonnable. À ce jour où j'ai empoigné son crâne férocement pour le claquer contre le mur alors que son membre était encore en contact avec la ferveur endiablée de sa compagne. Je me souviens comme j'ai joué avec eux deux, et leur tripe. Que les murs et les draps eurent le sang jusqu'au plus haut. Que je m'en délectais. Que je m'en délecte toujours. C'est ainsi que de simples draps peuvent me faire ressurgir un passé. Et que, peut-être, cette princesse me rappelle ma propre enfance. Gâchée. Torturée. Détruite. À tout jamais.

Je me retourne.
Je la regarde, d'une tête placée de biais. Une seconde. Deux secondes. Trois secondes. Tout s'entasse. Tout vole dans mon esprit. Comme un puzzle détruit qui se reconstruit petit à petit en moi. Je m'avance vers elle. Tentant d'être le plus doux possible pour ne point l'apeurer, encore. Bien qu'elle soit forte. Virulente. Spéciale. Je m'empare de ses mains. Je m'agenouille devant elle. Mes lèvres goûtent ses doigts en y versant quelques baisers calmes. La température de la pièce se met à chuter. J'ai froid. Je me sens faible. Gelé de l'intérieur, comme de l'extérieur. Je deviens alors sensible. De repenser à tout cela. De songer à ce que j'ai pu faire. De la vie que j'ai mené. Je ne suis que le Diable, en personne. Les reproches peuvent m'être faits à volonté. Et elle, elle est l'incarnation de ce que j'aurai du être. Sans doute ai-je détruis sa vie. Sans doute l'ai-je transformé en lui donnant un peu de moi. Sans doute suis-je fautif de tout son malêtre, de son instabilité à venir. À moins qu'elle ne soit assez forte, à présent, telle une Malemort grandissante pour me prouver le contraire. D'un côté, je l'espère ardemment. Ma folie est espiègle. Ma folie dénature. Ma folie entraîne ton déclin. Ne deviens pas comme moi. Affronte ta vie avec élégance, non pas dans le stupre à terminer malade, tout comme moi, en songeant encore à prendre une croupe grandiloquente. Tu ne termineras tes jours à la Cour des Miracles en espérant une mort misérable et chaotique.

    -"Altesse. Vous avez tenu vôtre parole. Ainsi, je vous délivre de mon misérable être. Je vous délivre du mal. Je vous délivre du fléau. Ainsi soit-il, je tiendrais ma promesse de ne plus faire le moindre mal à vôtre Dame. Ainsi qu'aux Malemort que je croiserais. Je me plierais alors aux envies de ces derniers, mêmes les plus absurdes. Je relâche la pression que j'ai exercé sur les Limousins croisés en leur promettant une mort affreuse le jour même de Noël. Il ne sera plus rien, et je partirais ainsi, sans causer le moindre tord."


Je suis apaisé.
D'un coup. C'est bien, aussi, de tenir ses promesses. De montrer que l'on peut changer un peu. De n'être pas si instable, ni même mauvais, au fond. C'est une tare qui s'est envahie de moi, voilà tout. C'est un démon qui a prit le contrôle de mon corps, de mon être. Je ne devrais être responsable des faits qui émanent de moi. Mais peut-on alors pardonner le visible lorsque l'invisible en prend le contrôle? J'en doute. Je suis lamentable. Une exagération de la nature. Et voici que l'envie me prend, à nouveau, de me lever et venir quérir tes douces lèvres qui n'ont plus le goût de la chasteté. De profiter de ta nudité pour lever une jambe et gravir les étapes d'une euphorie. Non. Je peux secouer tant bien que mal ma tête surchargée, mais je tiendrais mes mots et mes promesses sans causer le moindre tord à nouveau. Jamais. Non, jamais je n'aurai croisé, finalement, de femmes aussi fortes que toi, Mélissandre. Jamais l'on ne m'a tenu tête réellement. Si ce n'est Alysson, mais elle est aussi dérangée que moi. L'opium l'a tué. Tout comme elle pourrait tuer à petit feu Mélisandre. Par toi, Princesse, celle qui m'accompagne et prend soin du déchet que je suis alors que je perd petit à petit mes forces. Finalement, je me lève pour te faire à nouveau face. Te présenter un sourire charmant. Jusqu'à ce qu'une toux me prenne à nouveau. Une toux poignante et tordante qui me fait cracher du sang sur ton visage merveilleux. Je me tord un instant. Mon ventre me brûlant. Je ne résisterais plus longuement aux flammes éternelles de l'Enfer qui bouillonne en mon sein.


    -"Voyez comme je suis. Voyez ce qu'il me reste à vivre. Avec quoi je dois vivre encore ces quelques journées bonus qui s'offrent malheureusement à moi. Voyez quel lamentable être je parais. À vos yeux aussi. Je le suis profondément. Et je partirais d'une façon grotesque et méritée. Emporté par la maladie et la souffrance. J'ère seul. Je mourrais seul. Je ne mérite aucune compassion. Aucune tendresse. Aucune amitié."


Toujours tordu.
Mon geste lui indique la porte. L'index déployé. Je ne la regarde plus. Je veux filer tout contre le sol, m'évanouir et me laisser emporter par la faucheuse.


    -"Partez, avant que tout n'empire. Vous ne me verrez plus. Plus jamais."
Grey.
Comment avais-je pu ainsi ne pas réagir? Le mensonge avait fusé, écorchant mes tympans. Comment avais-je ainsi pu ne pas réagir, alors qu'elle disait sortir s’entraîner avec Victoire? Elle ne s’entraîne qu'avec moi, depuis notre enfance, quel que soit l'entrainement, je suis son Maître et elle mon élève, elle est mon Maitre et moi son élève. Comment avais-je pu ainsi ne pas réagir? Anne, ma douce Anne, comment as-tu pu ainsi me mentir, comment, sachant quelles souffrances m'envahiraient alors que je découvrirais la vérité? Comment as-tu pu ainsi me cacher l'existence d'un duel proche, comment as-tu pu ainsi me cacher la violence d'une rencontre passée? Anne, comment as-tu pu ainsi me trahir? Les lèvres se sont ouvertes, des dizaines de lèvres, des mots les ont franchis, des centaines de mots, retranscrivant ce que des dizaines d'yeux avaient observés, sous mes ordres, et l'aube colorait à peine l'horizon que les événements avaient déjà étés portés à mes oreilles. Un savoir que j'avais conservé, secret, attendant que tu te confies à la soeur que je suis, que tu avoues ta trahison, tandis qu'une sourde haine amenait la préparation d'une vengeance meurtrière dans les sombres recoins de mon imaginations. J'ai écouté en silence ces mots que les lèvres ont murmuré à mes oreilles, avalant dignement quelques gorgées de thé. Deux lames s'entrechoquant sous les étoiles, une altesse se faufilant, déterminée mais terrifiée, dans l'obscurité, jusqu'à apposer quelques coups délicats contre une porte inconnue.

Un sentiment d'impuissance jusque là inédit s'aventurait en mon être, alors que j'écoutais tout cela, découvrant les manigances détestables de mes deux adorées, et ma peau s'hérissait de cela, bien que je saches parfaitement que mon courroux ne devait point être dirigé vers ces femmes si chères à mon coeur, mais bien vers cet homme, ce lâche...cet innommable. J'avais gardé le silence, imaginant chaque détail de ma sentence, car nul ne reste impuni en ce bas monde, et ceux qui apposent leurs mains sur Melissandre de Malemort et sur Anne Mary Gray moins que tous les autres. Comment pouvez-vous ainsi conserver ce silence, mes mies, vous comporter ainsi comme si rien ne s'était passé face à ma personne, comment? Que s'est-il réellement passé, derrière cette porte, vers laquelle vous vous êtes dirigée, Altesse, avec tant de craintes? J'eut ouïe dire qu'il a obéit à Anne, qu'il a quitté la ville, sans se retourner, sans demander son reste. Reste qu'il aurait pu prendre, sans même le demander. Qu'avez-vous pu lui offrir, Altesse, pour qu'une pareille chose se produise? Je n'ose consciemment l'imaginer, bien que la réponse soit évidente. Un homme tel que ce Stradivarius, pseudonyme stupide s'il en est, ne désire des femmes qu'une seule et unique chose, et vous avez changé, Altesse, vous n'êtes plus la même, je le vois, votre regard, vos gestes, vos sourires empruntés. Voilà qui ne rends ma haine que plus virulente.

Anne avait disparu dans notre cave, tant absorbée par ses expérience qu'elle n'eut aucune conscience de mes fais et gestes, à l'étage, la soirée venait à peine de débuter. J'avais prévu d'être de retour à l'aube, me connaissant, elle ne se serait posé aucune question, je vague régulièrement à mes occupations la nuit tombée, mais cette nuit allait être différente de toutes les autres. J'avais fait couler un bain, déliant mes muscles, et j'avais parfumé ma peau d'eau de rose, puis j'avais revêtu ma plus belle robe, la plus seyante, la robe bleu nuit que ma soeur aimait tant, exactement la même couleur que celle de Melissandre, cette fameuse nuit, pure provocation. J'avais dénoué mes cheveux et coiffé délicatement mes mèches chocolat ondulées, de manière à ce qu'elles glissent délicatement sur mes épaules, et, enfin, j'avais poudré mon visage, le maquillant gracieusement. Ajoutant un fin collier d'argent, dont le pendentif en forme de perle repose contre le creux de ma gorge, j'avais ainsi quitté la demeure familiale, sans que personne n'ait pu me voir faire, et j'étais partie sur la route, glissant quelques pièces au cochet pour qu'il m'amène dans la direction indiquée par les dizaines de lèvres qui m'ont avoué ce secret qui m'étais caché.

J'ouvre la porte de l'auberge, ma paume appuyée contre le bois solide, et j'entre, pensant à elles, me traitresses tant aimées, mes yeux vairons faisant le tour de la pièce principale. Il est minuit passé depuis longtemps, les flammes des bougies se reflètent dans les divers verres et chopes, et il est assit, à une des tables du fond, observateur. Je me déplace, lentement, ma main droite au dessus du comptoir, mon index glissant sur le bois, et je me tourne, le dos droit, ignorant l'aubergiste qui me demande ce que je désire, hurlant à travers le brouhaha ambiant, vers les tables, il me fait face, assit, à quelques mètres de ma personne. Parée ainsi, je ressemble trait pour trait à ma soeur, et c'est elle qu'il croira voir, encore, mais ma tenue ramènera inévitablement le souvenir de mon Altesse à sa mémoire. Pure provocation, je l'admet, mais une vengeance ne se prépare guère à la dernière minute, et la mienne est prête. Tu me désireras, lâche, car je possède une telle part de sauvagerie que tu ne saurais m'éviter. Tu désireras une étreinte, un combat, un jeu avec moi, car tu sauras que je suis celle qui pourrait te faire sombrer. Joue avec moi. Je ne suis pas Anne. Je suis magnifique, tout autant qu'elle, je suis intelligente, tout autant qu'elle, cependant, je resterais à jamais plus féline, plus affamée, plus sévère, qu'elle. Je plonge, malgré la distance, mes vairons dans ces yeux dégouttant qui me font face, ils transpirent la haine, glacials, déterminés, mes mâchoires contractées dénotent sans nul doute de ce désir meurtrier qui parcoure mes veines dans l'instant, tandis que mes lèvres carmins, si désirables, laissent apparaître mon fameux sourire en coin. Je ne suis pas Anne. Je te dévorerais, Robert Haston Stranvolio di Varius.

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Melissandre_malemort
Stradivarius a écouté. Il répond, sur un ton monocorde qui lui évoque la pluie frappant les carreaux de sa fenêtre, quelque part dans son enfance à Segur. Elle l'entend dans une brume vacillante.

La fatigue l'enserre de ses bras apaisant. Les nerfs retombent doucement. L’appréhension et le regret s'invite dans sa jolie tête.


"Boum. Boum. Boum."

Les paupières s'abaissent. La douleur est bien là, toujours présente. Elle contracte ses muscles en mille impulsion qui lui vrillent les tempes et lui retournent l'estomac. Sa gorge la brûle. Le gout du sang se mêle à celui de sa salive. A celui de son bourreau qui persiste sur ses lèvres. Sur sa peau. Sur la chaire tendre de son cou qu'il a dévoré. Sur ses doigts qu'elle porte à sa bouche, machinalement.

Robert n'est plus ici. Son corps la domine, mais son âme est emporté dans les affres du passé. La Princesse peut le lire dans ses prunelles délavées par la fatigue et les années. Il est transporté. Son visage se trouble. Un muscle se crispe sur sa mâchoire. Ses mains trembles. Le corps de Mélissandre se tend comme celui d'une proie, tant la crainte de le voir l'attaquer à nouveau est présente. Elle fait un pas en arrière, puis un autre.

"Boum. Boum. Boum."

Le prédateur a été vaincu. Les paroles ont agis sur lui comme autant de coups d'épée qui s'enfoncent dans sa chaire pour les vriller et lui arracher des spasmes d'agonies. Mélissandre devrait savourer sa vengeance. Se délecter de voir son bourreau se saisir de ses petites mains blanches maculées de sang et tomber à ses genoux. La barbe drue est piquante sur la pulpe de ses doigts. Les lippes chaudes et douces. Il l'embrasse une fois. Dix fois. Mille fois. Les yeux de velours de l'Altesse s'abaissent vers lui. Plus de mots pour le blesser. Elle n'esquisse pas même un geste pour le repousser.

Étrange pouvoir que la rédition. Étrange faiblesse qu'un coeur pur. Le dégoût et la colère ne sont plus. Comme la peur et la douleur, les vagues sentimentales meurent en un ressac paresseux qui lèche son âme jusqu'à refluer tout à fait vers les tréfonds de son être. Les pans de la cape crasseuse retombent presque sur le dos courbé de Stradivarius. Elle peut voir l'épaisseur de ses cheveux, l'épis qui se dresse derrière l'une de ses oreilles et qui lui rappelle étrangement Aeglos et ses boucles folles. Lui prend l'envie de discipliner cette chevelure, comme à un enfant. De draper les épaules tremblantes d'une couverture et de le bercer contre son sein.

Mais telle une biche fascinée par un loup, la princesse hésite. Yeux fermés, elle accorderait presque sa confiance à la créature Lunaire qui vient de broyer sa vie et sa vertue. Pour apaiser ses mots, effacer la douleur, comprendre quel homme torturé affleure sous le monstrueux masque de celui qui par deux fois lui avait infligé l'agonie la plus douloureuse au monde. Un rien de rancune lui revient. Ses rêves d'amour. Sa vertue offerte sur des draps de soie à l'homme qu'elle aime. La fierté de rejoindre l'autel nimbé de la délicieuse virginité royale.


-"Altesse. Vous avez tenu vôtre parole. Ainsi, je vous délivre de mon misérable être. Je vous délivre du mal. Je vous délivre du fléau. Ainsi soit-il, je tiendrais ma promesse de ne plus faire le moindre mal à vôtre Dame. Ainsi qu'aux Malemort que je croiserais. Je me plierais alors aux envies de ces derniers, mêmes les plus absurdes. Je relâche la pression que j'ai exercé sur les Limousins croisés en leur promettant une mort affreuse le jour même de Noël. Il ne sera plus rien, et je partirais ainsi, sans causer le moindre tord."

Alors, elle le chasse. Elle se souvient des raisons de sa présence. Des menaces. Des humiliations. La peur, la douleur et la crainte. Le visage de ceux qu'elle aime et qu'il ambitionnait de lui arracher. Le regard triste de Diable. Les paroles rassurantes de Victoire. Le coquard qui cercle les beaux yeux d'Anne. La déchirure de sa vertu qu'il lui a arraché par caprice. Le mufle du Démon quand il lui a enserré le cou de ses doigts osseux.

Un mouvement de genoux brutal, méprisant, qui repousse Robert et le laisse prostré au sol. D'un geste rageur du poignet, elle balaie le sang qui lui macule le visage, directement projeté des chaires malades du Violoniste. Elle connait ce mal. Trop de ses gueux y ont succombé dans les affres de l'hiver. Tourment cruel ou le corps se dévore par lui même. En l'occurence, on pourrait penser que c'est le Satan qui le hante qui se délecte de lui même et le conduit à sa tombe en savourant la poitrine de l'humain tourmenté bouchée par bouchée Une mort lente, douloureuse, méritée. Un sourire étire ses lèvres roses. Elle rajuste la cape poisseuse sur ses épaules et lui tourne le dos pour se diriger vers la porte.

Mélissandre veut retrouver sa vie. Le rire de Léopold. Le superbe visage d'Anne. La douceur de Blanche. La poignée s'abaisse, s'ouvre sur le corridor glacé. Il ne lui fait pas peur. Le cacho a prit des airs de liberté.

Elle s'en va.

Elle hésite.

Elle s'arrête dans le noir.

Elle écoute les éclats de voix, en bas.

Elle ferme les yeux.


La clinche émet un grincement lugubre. Quelques pas, et Mélissandre se penche sur Robert pour l'aider à se relever. Elle l’entraîne sur le lit, l'aide à s'allonger. S'éloigne pour nourrir le feu d'une bûche appétissante qu'il dévore en crépitant dans une douce vague de chaleur. Revient. Pose une petite main froide sur le front brulant et remonte les couvertures jusqu'à son menton. L'Altesse se penche vers le visage cireux, ses lèvres glissent près de son oreille. Non, il ne mourra pas.


- Pas ce soir, Robert Haston Stranvolio di Varius... Pas ce soir.
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