--Stradivarius..
Pas ce soir.
Voici ces mots qui résonnèrent fortement en mon esprit durant toute une nuit. Je m'étais endormi, bercé par les douceurs octroyées par la Princesse. Cette âme si pure qui s'en était retournée, alors qu'elle aurait pu fuir depuis longtemps, vers moi. Elle m'a recouvert d'une couverture afin que je n'attrape froid. M'a bercé d'une mélodie douce, m'ordonnant, comme un de ces ordres royaux, de ne pas mourir ce soir. C'est idiot, dans un sens, qu'elle me fasse pareille réclamation alors que je lui ai fait le plus terrible des mal. Mais voici que cela me va, cela me fait du bien, cela me réchauffe le coeur et m'apaise. Je suis ce doux malade qui s'adonne au bon vouloir de Morphée. Ce doux apôtre de la souffrance qui ne saurait plus tousser pour ce soir, ne plus cracher le sang et se contenir pour continuer à émettre ces petits battements du coeur. Si elle savait, que plus tard, je retournerais dans mon état de bête ignoble, lui retirant sa chétive filleul pour quémander d'autres entrevues avec elle. Si elle savait la douleur que j'occasionnerai, plus tard, à cette Alisa. Peut-être ne m'aurait-elle pas sortie des griffes de la Mort pour ce soir. J'aurai alors sombré, et l'histoire aurait prit fin dès à présent. Nous ne parlerions plus de rien. Pour cet acte d'amour et de respect pour ma personne, je répondrais tout de même à mes promesses en laissant Anne en paix, dès demain, en lice. Je perdrais volontairement, et tout sera terminé jusqu'à la prochaine fois. Pour le moment, je dors paisiblement. Comme un loire. Comme un enfant. "Pas ce soir". Non, pas ce soir.
Les jours on passé.
Des semaines et des mois. Je m'en suis retourné à Limoges, par simple nostalgie du passé. Malheureusement, je ne passe plus inaperçu. Mon visage est connu et je ne suis plus anonyme comme je l'étais autrefois. Malgré mes atours particuliers, tous me dévisagent et comprennent à qui ils ont à faire. Certains s'écartent volontairement lorsqu'ils me croisent. Certains ont une peur visible et angoissent que je leur torde le coup. D'autres me font barrage et m'insultent ouvertement alors que je les ignore complètement en poursuivant ma route vers une auberge dans laquelle bien des choses se sont déroulées. Le retour aux sources, comme on peut bien le dire. Peut-être le départ d'une renaissance de mon âme maculée de bien des perfidies. Je m'arrête un instant devant cette bâtisse. De là, je peux voir la chambre que j'avais loué, ce soir là. Je me demande, d'ailleurs, si je peux toujours en avoir les accès. Si personne d'autre ne s'est accaparé cet antre. S'il y a toujours ces traces de sang. Ou si même l'aubergiste daignera me faire quelques faveurs d'une nuit au chaud en découvrant ce qui avait bien pu se dérouler sous son toit. Fameuse chambre sept. Je ne t'oublierais pas de si tôt. À moins d'emporter cela rapidement dans ma tombe. Je suis en territoire ennemi. Je suis dans ma propre fange, dans mon stupre, prêt à en découdre sans même tenter de me défendre. Passant de bête vorace à bête chétive et stupide, s'il en est. Je souris doucement, mettant en avant ces canines qui font tâche avec mon paraître de l'instant. Douces illusions. Douces désillusions.
La porte de bois est poussée.
J'entre lentement dans ce taudis et jète des oeillades vers le tenancier. Mes yeux rouges ne peuvent être camouflés et je lis dans son regard qu'il se souvient fermement de moi. N'oubliant pas que je sois bon client malgré ce que j'aurai pu lui faire endurer, il se permet d'être commerçant et m'accueillir comme si de rien n'était. Je ne peux que me montrer sympathique, à son invitation à venir m'assoir à une table et prendre quelques prunes délicates pour mon gosier fatigué. Je m'exécute. Et je sombre petit à petit dans mes déboires d'alcooliques, alimentant tout de même continuellement ma folie outrancière. L'alcool amène le piquant dans ma gorge qui brûle constamment à chaque gorgée. Et pourtant, je continue. Cette douleur me fait vivre et me fait comprendre ces choses malsaines que je peux faire. Mais l'alcool enivre et me rapproche doucement de la mauvaise côte. Je tombe encore. Je sens que je suis bien seul. Que personne ici n'a d'intérêt réel pour moi, si ce n'est l'envie de me tordre le cou ou d'en avoir pour mon argent. Pour calmer les langues qui se délient aisément, j'offre quelques tournées. Je n'ai que faire de ces petits bouts de métaux qui alimentent mes bourses. Ces objets de valeur pour lesquels j'ai combattu bien des années. J'ai couru après. À présent, je suis assez riche pour me payer le luxe d'être chaleureux et distingué auprès de tous. De toute façon, je ne suis pas éternel. Tant que je garde assez de pièces pour payer le passeur, qu'il m'emmène sur le Styx rencontrer Hadès, en personne, une seconde fois.
Je suis mort une fois.
Il est vrai, je me souviens, en haut de cet escalier menant à un sanctuaire divin dans lequel je souhaitais me retrancher. Certainement pour trouver repentance à mes pêchés avant de perdre mon dernier souffle. Mais cette montée au "Paradis" ne m'aura entraîné que dans une chute incessante des Enfers. De là, j'ai pu croiser mon passé, mes pêchés, mes vilenies, toutes les âmes que j'ai tué. Tout cela pour en arriver qu'à une finalité. Un drame psychologique joué par les Moires qui se seront trompés de fil et coupé le mauvais. Le miens. Le fil de ma vie, de ma destinée. Comme quoi, tout se joue à un fil près, et ils ont compris leur erreur, se sont même excusées. Je dois être un chat, finalement, de mes sept vies. Une vie par pêché capital. Je suis cet affreux qui ne peut crever, rejeté par la Mort. Et je l'ai vu, elle, en personne. J'ai pu mettre un visage sur ce nom affreux qui m'habite. Cette voix enivrante qui me transmet mes pulsions diaboliques. C'est Elle. Juste Elle. Et, sur le coup, elle m'a foutu une peur bleue. Au détour d'une rivière enflammée par les âmes malsaines. Cette rivière dans laquelle je me trouverais, de toute façon, dans quelques années. J'étais paralysé, devant Elle. Elle qui me regardait de ses yeux étranges, sans vie, sans forme réelle. Elle se voulait rassurante. Elle se voulait reconnaissante. Elle m'a transmis ce livre qui contenait toutes les vérités sur nôtre vie, nos conditions, nos réelles vocations sur terre. Sourire en coin, malgré ses lèvres mal dessinées, elle cherchait à s'excuser de l'erreur commise en me donnant un titre terrifiant. Je l'ai prit. Je suis retourné sur Terre. Je me suis exécuté. Je suis le Roi des Fous, Gardien des Enfers, Chevalier Lyre. Rien que cela, pour un mortel affreux. Trop de responsabilités. Trop de souffrances. Trop de délires morbides.
Je me morfond dans l'alcool.
Et là, une femme entre. Dans cette tenue peu singulière. Dans cette robe qui fait remonter en moins des souvenirs malsains, plein d'extases et de douleurs. Cette robe m'interpelle et me fait quelque peu rêver. Elle se veut alléchante. Les courbes qui se trouvent camouflées par le tissu ne sont nullement les mêmes qu'à l'origine, pourtant. Ce pourquoi je laisse mon regard percuter cette main qui allonge le comptoir de bois de façon nonchalante. Je lève la tête, pour mieux percevoir et affronter ce regard. Je prend note et connaissance de ce qui se présente, luxueuse, dans un repère du Mal. J'admire la prestance et la féminité. Elle a tout d'une Princesse, sans en être une. Et je souris. Je ne sais pourquoi le sourire vient à mon faciès détruit. Ça me plaît. Je la reconnais. Anne. Celle qui m'a vaincu et a emporté ma couronne avec elle pour se vanter de sa victoire à mon encontre. Anne Mary Gray. Cette jeune fille qui s'épanouissait pour la première fois dans mon lit, avec moi, en ma compagnie. Je lui ai offert le même présent, au même âge, que pour Mélissandre. De la voir ainsi vêtue, comme un acte de provocation malsain à mon encontre, je trouve cela magnifique. Elle veut encore me défier et avoir raison de moi. Voici que je lui ai offert toute sa prestance, sa superbe. Par une victoire pourtant non méritée, elle me tient à nouveau tête. Je suis curieux et sombre dans le piège ouvertement fourni à mon égard.
Je ne sais pourquoi elle affronte de nouveau la bête.
Mais la voici. Et dans mon désir de changement, il me faut lui parler concrètement et le plus sérieusement du monde. Sans doute a t'elle été au courant de ma liaison avec la princesse. De comment tout cela s'est terminé. Dans un lit de sang. Ce pourquoi elle se présente ainsi, à présent, devant moi. Je ne suis même pas étonné. Tout le monde doit savoir que je suis de retour à Limoges. Elle ne fait pas exception, les langues se meuvent promptement pour apporter les rumeurs les plus folles et les plus infondées. Cette rumeur ci, cependant, est intacte et vraie. Pour une fois. Je lui souris, doucement, comme je le peux de ma stature maladive. Je me veux doux et distingué, pour une fois, malgré ma tête qui ne bouge sans cesse par cause d'un peu trop d'alcool. Anne, belle Anne, tu n'auras de cesse de m'étonner, toi aussi. À croire que Limoges est le nouvel Eldorado des femmes puissantes qui savent être courageuses et admirables. À croire que je suis tombé dans un piège incessant dans lequel je ne ressortirais jamais vivant. Je l'accueille donc à ma table. Commande une boisson au tavernier qui s'exécute assez vite. Et je la regarde dans ses yeux. Vairons. Cela me perturbe un peu, je dois l'avouer. Je tente de me souvenir, mais il ne me semblait pas qu'elle arborait un tel regard. Je ne me souviens de rien à ce niveau là. Est-ce possible que ce soit nullement elle? Je me trompe, sans doute. C'est peut-être la cause des lumières maladroites qui camouflent là mes souvenirs. Ce ne peut être qu'elle. Elle est superbe, belle, magnifique. Fière et hautaine. Douce Anne. Merveilleuse Anne. Que me veux-tu? Tu fais bien d'être là.
Je pointe du doigt sa robe.
Je souris, taquin.
Elle m'aura eu, ce jour ci.
Voici ces mots qui résonnèrent fortement en mon esprit durant toute une nuit. Je m'étais endormi, bercé par les douceurs octroyées par la Princesse. Cette âme si pure qui s'en était retournée, alors qu'elle aurait pu fuir depuis longtemps, vers moi. Elle m'a recouvert d'une couverture afin que je n'attrape froid. M'a bercé d'une mélodie douce, m'ordonnant, comme un de ces ordres royaux, de ne pas mourir ce soir. C'est idiot, dans un sens, qu'elle me fasse pareille réclamation alors que je lui ai fait le plus terrible des mal. Mais voici que cela me va, cela me fait du bien, cela me réchauffe le coeur et m'apaise. Je suis ce doux malade qui s'adonne au bon vouloir de Morphée. Ce doux apôtre de la souffrance qui ne saurait plus tousser pour ce soir, ne plus cracher le sang et se contenir pour continuer à émettre ces petits battements du coeur. Si elle savait, que plus tard, je retournerais dans mon état de bête ignoble, lui retirant sa chétive filleul pour quémander d'autres entrevues avec elle. Si elle savait la douleur que j'occasionnerai, plus tard, à cette Alisa. Peut-être ne m'aurait-elle pas sortie des griffes de la Mort pour ce soir. J'aurai alors sombré, et l'histoire aurait prit fin dès à présent. Nous ne parlerions plus de rien. Pour cet acte d'amour et de respect pour ma personne, je répondrais tout de même à mes promesses en laissant Anne en paix, dès demain, en lice. Je perdrais volontairement, et tout sera terminé jusqu'à la prochaine fois. Pour le moment, je dors paisiblement. Comme un loire. Comme un enfant. "Pas ce soir". Non, pas ce soir.
Les jours on passé.
Des semaines et des mois. Je m'en suis retourné à Limoges, par simple nostalgie du passé. Malheureusement, je ne passe plus inaperçu. Mon visage est connu et je ne suis plus anonyme comme je l'étais autrefois. Malgré mes atours particuliers, tous me dévisagent et comprennent à qui ils ont à faire. Certains s'écartent volontairement lorsqu'ils me croisent. Certains ont une peur visible et angoissent que je leur torde le coup. D'autres me font barrage et m'insultent ouvertement alors que je les ignore complètement en poursuivant ma route vers une auberge dans laquelle bien des choses se sont déroulées. Le retour aux sources, comme on peut bien le dire. Peut-être le départ d'une renaissance de mon âme maculée de bien des perfidies. Je m'arrête un instant devant cette bâtisse. De là, je peux voir la chambre que j'avais loué, ce soir là. Je me demande, d'ailleurs, si je peux toujours en avoir les accès. Si personne d'autre ne s'est accaparé cet antre. S'il y a toujours ces traces de sang. Ou si même l'aubergiste daignera me faire quelques faveurs d'une nuit au chaud en découvrant ce qui avait bien pu se dérouler sous son toit. Fameuse chambre sept. Je ne t'oublierais pas de si tôt. À moins d'emporter cela rapidement dans ma tombe. Je suis en territoire ennemi. Je suis dans ma propre fange, dans mon stupre, prêt à en découdre sans même tenter de me défendre. Passant de bête vorace à bête chétive et stupide, s'il en est. Je souris doucement, mettant en avant ces canines qui font tâche avec mon paraître de l'instant. Douces illusions. Douces désillusions.
- -"Pourquoi ici?"
-"Je ne cesse de revoir ces images. Je veux ne plus oublier."
-"Veux-tu te la refaire?"
-"Non. Je veux juste me refaire."
-"Il est trop tard, Robert. Tu es et resteras Stradivarius."
La porte de bois est poussée.
J'entre lentement dans ce taudis et jète des oeillades vers le tenancier. Mes yeux rouges ne peuvent être camouflés et je lis dans son regard qu'il se souvient fermement de moi. N'oubliant pas que je sois bon client malgré ce que j'aurai pu lui faire endurer, il se permet d'être commerçant et m'accueillir comme si de rien n'était. Je ne peux que me montrer sympathique, à son invitation à venir m'assoir à une table et prendre quelques prunes délicates pour mon gosier fatigué. Je m'exécute. Et je sombre petit à petit dans mes déboires d'alcooliques, alimentant tout de même continuellement ma folie outrancière. L'alcool amène le piquant dans ma gorge qui brûle constamment à chaque gorgée. Et pourtant, je continue. Cette douleur me fait vivre et me fait comprendre ces choses malsaines que je peux faire. Mais l'alcool enivre et me rapproche doucement de la mauvaise côte. Je tombe encore. Je sens que je suis bien seul. Que personne ici n'a d'intérêt réel pour moi, si ce n'est l'envie de me tordre le cou ou d'en avoir pour mon argent. Pour calmer les langues qui se délient aisément, j'offre quelques tournées. Je n'ai que faire de ces petits bouts de métaux qui alimentent mes bourses. Ces objets de valeur pour lesquels j'ai combattu bien des années. J'ai couru après. À présent, je suis assez riche pour me payer le luxe d'être chaleureux et distingué auprès de tous. De toute façon, je ne suis pas éternel. Tant que je garde assez de pièces pour payer le passeur, qu'il m'emmène sur le Styx rencontrer Hadès, en personne, une seconde fois.
- -"Tu abandonnes?"
-"Trop de mensonges. Je ne peux plus lutter."
-"Tu as pourtant une mission... divine."
-"Apporter le chaos et la destruction pour le bon plaisir des Démons?"
-"Tu es le Gardien des Enfers."
-"Va au Diable."
Je suis mort une fois.
Il est vrai, je me souviens, en haut de cet escalier menant à un sanctuaire divin dans lequel je souhaitais me retrancher. Certainement pour trouver repentance à mes pêchés avant de perdre mon dernier souffle. Mais cette montée au "Paradis" ne m'aura entraîné que dans une chute incessante des Enfers. De là, j'ai pu croiser mon passé, mes pêchés, mes vilenies, toutes les âmes que j'ai tué. Tout cela pour en arriver qu'à une finalité. Un drame psychologique joué par les Moires qui se seront trompés de fil et coupé le mauvais. Le miens. Le fil de ma vie, de ma destinée. Comme quoi, tout se joue à un fil près, et ils ont compris leur erreur, se sont même excusées. Je dois être un chat, finalement, de mes sept vies. Une vie par pêché capital. Je suis cet affreux qui ne peut crever, rejeté par la Mort. Et je l'ai vu, elle, en personne. J'ai pu mettre un visage sur ce nom affreux qui m'habite. Cette voix enivrante qui me transmet mes pulsions diaboliques. C'est Elle. Juste Elle. Et, sur le coup, elle m'a foutu une peur bleue. Au détour d'une rivière enflammée par les âmes malsaines. Cette rivière dans laquelle je me trouverais, de toute façon, dans quelques années. J'étais paralysé, devant Elle. Elle qui me regardait de ses yeux étranges, sans vie, sans forme réelle. Elle se voulait rassurante. Elle se voulait reconnaissante. Elle m'a transmis ce livre qui contenait toutes les vérités sur nôtre vie, nos conditions, nos réelles vocations sur terre. Sourire en coin, malgré ses lèvres mal dessinées, elle cherchait à s'excuser de l'erreur commise en me donnant un titre terrifiant. Je l'ai prit. Je suis retourné sur Terre. Je me suis exécuté. Je suis le Roi des Fous, Gardien des Enfers, Chevalier Lyre. Rien que cela, pour un mortel affreux. Trop de responsabilités. Trop de souffrances. Trop de délires morbides.
Je me morfond dans l'alcool.
Et là, une femme entre. Dans cette tenue peu singulière. Dans cette robe qui fait remonter en moins des souvenirs malsains, plein d'extases et de douleurs. Cette robe m'interpelle et me fait quelque peu rêver. Elle se veut alléchante. Les courbes qui se trouvent camouflées par le tissu ne sont nullement les mêmes qu'à l'origine, pourtant. Ce pourquoi je laisse mon regard percuter cette main qui allonge le comptoir de bois de façon nonchalante. Je lève la tête, pour mieux percevoir et affronter ce regard. Je prend note et connaissance de ce qui se présente, luxueuse, dans un repère du Mal. J'admire la prestance et la féminité. Elle a tout d'une Princesse, sans en être une. Et je souris. Je ne sais pourquoi le sourire vient à mon faciès détruit. Ça me plaît. Je la reconnais. Anne. Celle qui m'a vaincu et a emporté ma couronne avec elle pour se vanter de sa victoire à mon encontre. Anne Mary Gray. Cette jeune fille qui s'épanouissait pour la première fois dans mon lit, avec moi, en ma compagnie. Je lui ai offert le même présent, au même âge, que pour Mélissandre. De la voir ainsi vêtue, comme un acte de provocation malsain à mon encontre, je trouve cela magnifique. Elle veut encore me défier et avoir raison de moi. Voici que je lui ai offert toute sa prestance, sa superbe. Par une victoire pourtant non méritée, elle me tient à nouveau tête. Je suis curieux et sombre dans le piège ouvertement fourni à mon égard.
- -"Anne. Viens te poser devant moi. J'ai à te parler, sans faux semblants."
Je ne sais pourquoi elle affronte de nouveau la bête.
Mais la voici. Et dans mon désir de changement, il me faut lui parler concrètement et le plus sérieusement du monde. Sans doute a t'elle été au courant de ma liaison avec la princesse. De comment tout cela s'est terminé. Dans un lit de sang. Ce pourquoi elle se présente ainsi, à présent, devant moi. Je ne suis même pas étonné. Tout le monde doit savoir que je suis de retour à Limoges. Elle ne fait pas exception, les langues se meuvent promptement pour apporter les rumeurs les plus folles et les plus infondées. Cette rumeur ci, cependant, est intacte et vraie. Pour une fois. Je lui souris, doucement, comme je le peux de ma stature maladive. Je me veux doux et distingué, pour une fois, malgré ma tête qui ne bouge sans cesse par cause d'un peu trop d'alcool. Anne, belle Anne, tu n'auras de cesse de m'étonner, toi aussi. À croire que Limoges est le nouvel Eldorado des femmes puissantes qui savent être courageuses et admirables. À croire que je suis tombé dans un piège incessant dans lequel je ne ressortirais jamais vivant. Je l'accueille donc à ma table. Commande une boisson au tavernier qui s'exécute assez vite. Et je la regarde dans ses yeux. Vairons. Cela me perturbe un peu, je dois l'avouer. Je tente de me souvenir, mais il ne me semblait pas qu'elle arborait un tel regard. Je ne me souviens de rien à ce niveau là. Est-ce possible que ce soit nullement elle? Je me trompe, sans doute. C'est peut-être la cause des lumières maladroites qui camouflent là mes souvenirs. Ce ne peut être qu'elle. Elle est superbe, belle, magnifique. Fière et hautaine. Douce Anne. Merveilleuse Anne. Que me veux-tu? Tu fais bien d'être là.
- -"Je ne savais que tu appréciais cette couleur, Anne."
Je pointe du doigt sa robe.
- -"Magnifique. Comme toujours. Du moins, comme depuis que je t'ai connu, du haut de tes treize ans. N'est-ce pas?"
Je souris, taquin.
Elle m'aura eu, ce jour ci.