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[RP] Le Carnet.

Gray.


October MCDLXII, II.




Ça recommence.
Les douces spirales aux effluves douces et sucrées se sont imprégnées en moins comme cette encre qui tâche de nouveau ce Carnet maudit.
De la création, rien ne pouvait arriver de pire, selon les paroles des prophètes. Ce qui découle purement de la folie, selon certain, amène aux pires affres de l'humanité.
Si l'on en croit quelques philosophes qui expérimentent à chaque instant l'essence même de nos misérables vies, je devrais prendre conscience que mon “Moi” profond n'est qu'apocalypse et oeuvre de la bestialité corrompue.
Hors, entrant en contradiction avec ces mêmes savants, je suis en droit de chercher et trouver le bonheur n'importe où. N'importe comment. Si mon bonheur est de faire ce que je fais, ne saurais-je être heureuse si je le fais? Ou malheureuse car je le fais? Ne pourrait-on être clair, une bonne fois pour toute sur les circonstances de notre malêtre et joie?

Hier, encore, j'y ai goûté de nouveau.
J'y suis allée, comme j'y allais il y a de nombreuses années déjà. Sans songer aux douces paroles des évangélistes et des corrompus des asiles d'aliénés. Sans songer, même, aux paroles d'un médicastre rencontré quelques années plus tôt. Il semblait choqué de mes attirances désastreuses et non naturelles. Par le secret qui me lie à lui, comme on lie un spiritueux à l'ecclésiastique, je me suis confiée. Sans trop de peine. Mes mots coulent avec une aisance indescriptible. Je me souviendrais toujours de ses mots à mon encontre.

    “Pauvre fille que tu es. Devrais-je pratiquer l'internement à ton encontre ou laisser filer le temps qui devrait alors pouvoir soigner ton hérésie?”


Comment peut-on être hérétique alors même que l'on s'amuse à disséquer des êtres vivants. Certes, morts. Mais la foi ne reconnaît pas l'errance dans les infimes parcelles de notre intimité. Ce n'est pas langue perdue à travers les dédales de son corps qui pourrait m'être reprochée. Je ne change en rien l'intérieur de cette personne. Si ce n'est sa couleur extérieure. Son mental exacerbé. Ses sens agréables à l'ouïe ainsi qu'à la vue. J'aime pavoiser sur la douce pivoine tout en maintenant une pression fine sur un cou qui manque déjà d'une respiration suffisante à l'étalement de quelques gémissements.
Où est le mal dans cette recherche de bonheur?

    “C'est tout bonnement de l'inceste. Doublé d'une attirance mesquine pour le sexe équivalent au tiens. Le Démon t'habite, pauvre fille.”


        Pauvre fille.
        Pauvre fille.
        Pauvre fille.


Il n'y a pas de contenance dans ses propos. Comme il n'y en aura jamais dans ceux des autres. Je ne peux pas certifier aimer. J'aime comme j'aime ma soeur. Un amour fraternel qui dépasse toutes les barrières procréées par ces inaptes bonnes âmes pudibondes et incontrôlables. Je ne suis juste atteinte que de cet amour fraternel. Avec elle. Ma chère soeur.
Elle détient un corps, un esprit, tout différent du moins. Nous ne partageons que le même sang, en plus de caresses et de paroles romancées exagérément. Quid de plus normal? Nous avons une relation, selon moi, bien plus pieuse que toutes celles qui nous entourent.
Est-ce normal pour deux engeances d'un même couple de cohabiter ensemble en ne s'agitant que pour piquer quelques jouets et vêtements aguichants? Non. Je n'y crois guère.

Couple. Il ne suffit que d'une lettre pour faire copuler.
Couple de soeurs. Nous copulons.
J'ai recommencé, hier. La laissons sur sa faim, sans aucun doute. Ou me laissant sur ma faim. Je ne sais que trop.

    “Tu es une carnassière prédatrice névrosée.”


Lorsque tu auras goûté sa croupe resplendissante, nous en reparlerons.
Et puis, Docteur, n'avez-vous pas goûté la mienne par la même occasion? Si nous devions en découler une suite logique, vous avez goûté celle de ma soeur, aussi, puisque nous sommes pareilles. Non?
Si vous pensez au négatif, cela gangrène vos phrases et vous fout honteusement sur la paille de vos propos scabreux. J'ai raison, Docteur, et vous le savez.

Elle qui est si belle. Elle avec qui je partage beaucoup. Une couche, un baiser, des mots, un entrelacement et quelques rapprochements en toute promiscuité. C'est un délice incommensurable de la voir sourire et rire béatement en ma compagnie, tout comme je le fais à son égard. Lorsque je vois ses yeux s'illuminer de tant de grâce et volupté, je m'épanouis pleinement et je sombre dans ce que vous nommez “folie”. Injustement.
Je ne soulève, avec elle, qu'un peu plus que ce dont les autres laissent par pudeur conventionnelle. Je ne suis responsable que d'oublier, l'espace d'un instant, que nous avons partagé le même ventre. Mettons cela de côté pour ne partager qu'un bas ventre. Tant de franchise s'émanant de moi par ces actes qualifiés de bestiales. Je suis sans aucun doute la personne la plus humaine, avec elle, et la plus naturelle qui soit.
Cessez donc de me jeter la pierre.

J'ai recommencé, hier, à la toucher.
Et je recommencerais.
Gray.


October MCDLXII, III.
Expérience I, séance III.





L'esprit.
Ce mot représentant là l'état de toutes choses concernant l'Être Humain dans sa globalité et nous différenciant de l'Espèce Animale. L'esprit, qu'il soit Saint, Sain, ou Malsain, reste ce qui qualifie nos personnalités, nos actes et nos dépendances en toutes choses.
Pour ces idiots Aristotéliciens à l'esprit perforé, il s'agit là d'une oeuvre divine, une Création du Divin pour nous forcer à apprécier l'acte donné comme étant le seul acte bienfondé de cette Création: l'Amour. Si l'Amour était bien le sens de la vie, encore faudrait-il en avoir conscience. Comment avoir conscience si ce n'est pas l'agitation de nos neurones à l'intérieur de notre boîte crânienne? Cette sensation qui irradie tout notre corps et commande ainsi des réactions toutes particulières. Le sens de la vie n'est donc en aucun cas l'Amour. C'est l'Esprit. Et ce que nous en faisons. Lui qui nous commande et décide de nos vies.
D'autres savants, qui ne devraient pas être qualifiés comme tels, se complaisent à songer que l'esprit, ou l'intellect, n'interfère que dans nos mouvements, paroles et autres forces psychomotrices. Notre esprit serait alors cette chose insignifiante qui nous permet les mouvements les plus élémentaires, sans autres conséquences. Ils songent, de ce fait, que le seul actionnaire de nos pensées ainsi que du bien fondé de nos croyances et caractères ne sont que l'effet de notre coeur. Ainsi, ils rejoignent la voluptueuse décision de l'Église Aristotélicienne en nous forniquant d'aisance le cervelet de paroles chastes et fabuleuses. Qui pourrait alors croire que ce nous avons dans notre tête est réellement utile et agréable? Pas étonnant, alors, que ces savants puissent écouter les Dogmes et croire que le sens de la vie est aussi l'Amour. Indirectement, puisque venant du coeur. Le coeur ne nous parle pas. Il n'y a que la raison qui nous cause.

J'en viens donc à telle conclusion par la force des choses et je puis étayer ma thèse par quelques expériences. J'en arrive à ma troisième.
Après avoir étudié le corps d'un chat errant, puis d'un chien, je me rôde à l'expérimentation sur le simple appareil le plus complexe et le plus palpitant qui soit. L'être humain. Je suis parvenue à soudoyer un Croque-Mort afin d'obtenir un exemplaire de cette coque vide de vie pour la placer sur ma tablée à l'abris des regards indiscrets. Ces actes qualifiés de barbares par l'Église Aristotélicienne et les Lois de nos pays ne sont en fait que des actes d'intelligence qui effraient les grandes institutions gouvernementales qui nous forgent à devenir des hommes vertueux, simples et complètement naïfs. Le prix d'une telle discrétion fut de quelques centaines d'écus.
Je vais donc décrire pas à pas le mécanisme de mes découvertes et des conclusions que je pourrais en tirer au fur et à mesure de mes avancées.


    Étape I :


Le corps sur axe longitudinal.
Allongé sur la table, complètement nu. Je vérifie, par bonne conscience, la bonne mort de ce spécimen. Plus aucun souffle s'émanant d'entre ses lèvres. Le regard vitreux. Les membres raides et difficiles à placer. Après avoir posé mon oreille sur la poitrine, je puis être véridique en stipulant la mort de ce cas. Visuellement, après rapide examen, je puis là reconnaître une mort par strangulation. Les marques d'une corde serrée autour du cou ne peut amener à aucune autre conclusion.
Première hypothèse se vérifiant alors par cette conclusion: le corps privé de son air, de sa respiration, ne peut plus alimenter son esprit et lui permettre de vivre convenablement. La suffocation altère les sens et fait perdre toute couleur à la chair. Lorsque j'ouvre la bouche, je vois langue sèche. Lorsque le corps est privé d'air, il est privé de tout son fonctionnement. L'air est donc l'élément moteur à la vie.
Je viens d'essayer sur moi-même cette hypothèse. Lorsque j'avale cet air, je le sens glisser à l'intérieur de ma gorge, gonfler ma cage thoracique et alimenter tout le réseau de mon corps. Je soupçonne donc ce mécanisme de descendre puis remonter. D'ou l'inspiration et l'expiration. Après avoir tenté de m'étrangler en plaçant mes mains autour de mon cou, je puis stipuler que ma conscience s'est relativement troublée. Je ne peux réitérer l'expérience plus longuement.


    Étape II :


À l'aide d'un ustensile de boucher, je trace un segment le long du thorax, au milieu de la poitrine, jusqu'au bas ventre. Le sang sort légèrement, comme pâteux. Différent de celui que l'on distingue lors d'une estafilade à la main après s'être déchiré avec du papier. Il est beaucoup plus sombre. Il sombre mort, lui aussi. Je me demande s'il s'agit du fait même de l'extraction de l'air, qui a causé la dite mort, ou si cela répond à un autre fonctionnement encore inconnu.
Je connais quelques difficultés à rompre les os qui joignent la poitrine. Encore experte dans le domaine, je ne connais pas beaucoup de procédés pour arriver à mes fins. Je dois reconnaître que lorsque je ne parviens à mes fins, je connais quelques montées d'agacement. C'est là que je découvre qu'un maillet est très pertinent pour détruire la barrière et accéder au coeur. Mettant un peu de force à l'ouvrage, j'agite les côtes vers les extrémités. À noter que si l'extérieur de notre enveloppe corporel est plutôt clair, l'intérieur est rouge vif parsemé de blancs. Les os ressemblent à ces pierres ponces que l'on trouve dans les régions calcaires. Comme ces blocs utilisés par les Égyptiens pour construire quelques oeuvres mémorables comme l'Antique Bibliothèque d'Alexandrie.
Le son distinct qu'ils font, cependant, lorsque l'on les déloge de leur prime place est assez particulier et peut rompre la bonne volonté de certains. Je ne me sens pas dérangé par cela. Seulement l'odeur qui me titille légèrement et fait quelque peu remonter l'acidité de mon tube gastrique.
Si, donc, le sang devient pâteux après la mort et que la peau devient claire comme l'albâtre, je puis en déduire une causalité fracassante. Le corps ne s'alimente plus aisément de ce liquide mystérieux et devient terne. Sombre. Pourrissant. Je doute, d'ailleurs, à l'instant, que ce corps soit mort depuis quelques heures.
Est-ce donc, encore une fois, l'air manquant qui cause le mutisme du sanguin et fait perdre la lueur à sa couleur ainsi que celle de la peau?


    Étape III :


J'arrive au coeur.
Je vois qu'il est rattaché au reste du corps par diverses tuyaux. Où mènent-ils? Qu'apportent-ils? Quels sont les intérêts et particularités de ces veines à la taille grandiose?
Après plusieurs heures à regarder cet organe toujours attaché au corps, je ne parviens réellement à comprendre ce mécanisme merveilleux.
C'est ainsi là que l'on peut douter de mes propres conclusions et donner raisons aux savants ainsi qu'aux ecclésiastiques. S'il y'a tant d'attachements à cet organe, il peut être effectivement probable qu'il est seul décisionnaire de nos pensées.
Nous pouvons aisément concevoir qu'un coup de lame en plein coeur peut causer la mort et donc l'incapacité à prendre des décisions ainsi qu'à faire quelques gestes que ce soit. Bien que ma supputation propre reste là un mécanisme important menant à l'impulsion du sang mêlé à l'air. Le point central d'un contrôle purement mécanique, rien de plus. Ce serait assez logique, finalement, puisque nous sentons notre air aller droit à cet endroit pour remonter ensuite. Serait-ce le point d'orgue à notre respiration? S'il bat, ne serait-ce pour nous renvoyer l'air? Comme une de ces pompes que l'on utilise pour raviver les flammes dans un fourneau ou une forge. Je pense qu'il s'agirait du même principe.
Par précaution, je n'étayerais pas cette thèse et y reviendrais plus tard dans une prochaine expérimentation.


    Étape IV :


J'ai les mains rouges et la vue obstruées par cette couleur. Je ne parviens pas à descendre plus bas dans le corps et fouiller son contenu. L'odeur devient pestilentielle.
Je prend conscience que je me dois à continuer ces expérimentations avant que le corps ne pourrisse et ne redevienne que poussière. Sans doute faut-il beaucoup plus de temps à cela que je ne le pense, mais deux précautions valent mieux qu'une.
J'abandonne ce circuit respiratoire et sanguin pour étudier le crâne et son intérieur. Plus éloignée de cette odeur, mieux je me porterai.
Jadis homme, il n'était pas si vulgaire à regarder. Penchée si proche de son regard vitreux ainsi que des poils qui ornent son visage viril, je me sens presque attardée, un instant. Comme aspirée vers un tourbillon d'émotions et de surprise. Je ne saurais l'expliquer, et certainement n'aurait-il point de rapport avec cette thèse, ou peut-être que si. Je me sens seulement envahie à la couche, et pleine de palpitation lorsque mon regard se pose sur ses lèvres ternes. Je pourrais aisément passer sur le fait que je n'ai pu résister à l'embrasser. Je pourrais aisément décrire cet acte comme étant simplement la cause d'un besoin essentiel de savoir, de connaissance, d'être certaine qu'il n'est plus en vie. Malgré son ventre ouvert sur cette table.
Je viens à l'instant de perdre l'esprit, et je sens bien que mes tempes s'agitent. Donc, ma tête. Contrôle irrévérencieux de mon corps, de ma débauche et luxure. Certainement la folie dont parlait mon docteur. Cependant, mon coeur battait à rompre ma propre cage thoracique. Il y a cette dualité pertinente qui m'excite toujours et attise ma curiosité.


    Étape V :


Je frappe le crâne de quelques coups de machette. Il est dur, si dur. Difficile d'accès. Je parviens à le fracturer et insérer quelques doigts à l'intérieur puis à retirer ce dôme chevelu pour percevoir son merveilleux intérieur.
C'est là que je me prend d'une quelconque stupeur en pouvant comparer ce qui s'y trouve à l'intérieur de la boîte crânienne d'un chat ou d'un chien. En beaucoup plus volumineux, cela va de soit. Mais si les animaux ont le même fonctionnement que nous, ils seraient alors doués de raison, d'esprit et pourraient anticiper les émotions. Peut-être est-ce la raison pour laquelle un chien battu s'en va la queue entre les jambes avec une gueule malheureuse tandis que l'Homme peut faire de même tout en couinant sévèrement.
J'englobe le cerveau de mes mains, coupe tout ce qui peut le relier au coeur.
Je le scrutes des heures durant, mais je ne perçois là qu'un filandreux mélanges de tripes, de tuyaux, des choses grises et suintantes, dégoulinantes d'un liquide visqueux et désagréable au toucher. Je ne parviens pas à déposer la moindre hypothèse sur ce que je tiens là. Seulement qu'il semble y avoir deux parties distinctes. Même trois. Une symétrie presque parfaite.
Sans doute ne parviendrai-je à me concentrer pleinement en compagnie de cette odeur et de ce rouge qui inonde la pièce. Je préfère donc m'arrêter ici et mettre le cerveau dans un pot emplit d'alcool, le temps de m'y pencher à nouveau et de le dessiner convenablement.
Tout mettre au propre est essentiel.


Lorsque je regarde ce corps dépourvu de vie, je sens vraiment comme une excitation personnelle. Je ne doute pas détenir la clé de la vie ainsi que de la mort. Certainement qu'avec un peu de travail, je pourrai alors guérir les maux de cette Terre. Sans doute pourrai-je devenir la célèbre femme parvenue à rompre les maladies ainsi que la Mort. La seule femme qui peut se targuer d'avoir mit fin à la secte aristotélicienne ainsi qu'aux autres religions par la simple preuve que notre esprit se trouve en notre cerveau et qu'il contrôle tout ce que nous faisons et pensons, disons et exécutons.
Lorsque je me perd dans les yeux de ma soeur, je perçois son âme, à l'intérieur de ces globes. Si l'âme est l'esprit, alors il se trouve dans la tête et je saurais le prouver.

Quant au corps, je pense que je pourrai le mettre à brûler dans la cheminée. Si je laisse traîner cela dans la maison familiale, ma soeur pourrait se montrer insolente à mon égard et me priver de quelques preuves d'amour fraternel. Ces petites choses qui viennent de l'esprit, et non du coeur.
Je me procurerais un nouveau corps.
Gray.


October MCDLXII, VI.




Trois jours durants, je me suis évadée.
Trois jours durants, je me suis cachée dans un coin connu de moi seule. Un recoin de la demeure qui ressemblerait presque à un morceau de fromage troué tant il y a des espaces inconnus. Des histoires de passes histoire de s'évader, ou de se recueillir chastement. C'est le genre d'endroit où je me sens bien, dans lequel je puis me sentir vivante, moi-même et m'apprécier à ma juste valeur sans que le regard des autres ne puissent m'obséder d'une quelconque façon.
D'ailleurs, je crains que mon absence ne fut remarquée. En sortant de là et suite au croisement avec un des serviteurs, j'ai perçu dans ses yeux un grand étonnement puis soulagement. Ma soeur a du alerter lorsque sa pensée, s'étant dirigée vers moi, s'est obscurcie en ne me trouvant nul part.
Que me ficherais. J'étais bien heureux dans mon trou à rat aménagé par mes soins et mon expérience. Un simple miroir sur pied de deux mètres de haut ainsi qu'un banc. Sans oublier la présence de quelques victuailles afin de survivre et de joyeux godets emplis d'un liquide verdâtre. Une sorte d'eau de vie locale aux herbes qui fait quelque peu tournoyer le crâne lorsque l'on en abuse. J'aime en abuser et avoir cette sensation toute spécifique.

Je me suis donc retrouvée avec moi-même, dans la presque obscurité. Un seul trou servant de persienne éclaira directement le miroir. Je me vis à l'intérieur et me contempla durant ces trois jours, goûtant cette sorte d'infusion de plantes en tournoyant gaiement sur la chaise dans l'attente d'une sorte d'illumination.
À la suite de mes expériences qualifiées de folles par le commun des mortels, je me suis prise d'affection avec l'idée que la Vie peut être absente de la Mort et inversement. D'un côté comme de l'autre, l'un faisait toujours parti de l'autre. De façon prépondérante. On a toujours parlé de la Vie après la Mort et de la Mort après la Vie. Cette idée d'indifférenciation m'a toujours esquintée, en quelques sortes, l'esprit.
Lorsque je me regarde, je ne vois pas simplement qu'un amas de chair et de muscles recouverts de cette peau si blanche, si douce et délicate. Je ne vois pas seulement deux globes colorés s'enjoindre à des sourcils et des paupières qui partent en amandes. Je ne perçois pas simplement les lèvres se retrouver en des commissures si frêles, si douces qu'un simple sourire en coin peut cacher bien des choses.
Je vois juste la perfection.

Insolente perfection de la jeunesse dont la vie a gâté les sens et l'émerveillement.
En me délectant de la sorte, je perçois poindre sur mes joues un filet de pourpre. Comme la couleur d'un bon vin, lui aussi se vivifiant avec l'âge. Point trop n'en faut, s'il devient trop vieux, il sera bon pour piquette et jeté en pâture à qui apprécie la dégueulasserie. Si je vieillis, moi, je deviendrais comme ce vin trop gâté. Je serais cette vieille peau ridée et indésirable que tous renieront au mieux pour passer à l'excellence de la jeunesse vivifiante.
Je vis cet excellence.
Ce goût actuel de la beauté et de la resplendissante joyeuseté. Peut-être pourrai-je un jour lutter contre la Mort comme on lutte contre la Vie dans les guerres qui se font de plus en plus étendues et importantes. Seulement, je crains m'égarer en ne cherchant que cela.
Le secret de la Vie Éternelle n'est autre que la Jeunesse Éternelle.
Si on se flétrie, si on perd l'usage de la parole, de l'ouïe, de l'odorat, du goût. Que l'on est incapable de se déplacer par soit même par la simple fonction des jambes ainsi que des bras. Si on ne peut même plus songer à se déplacer convenablement pour aller s'extraire les pulsions bien animales et psychomotrices, alors rien ne vaut d'être vécu. C'est bien là ce que je crains d'une vie éternelle sans une quelconque jeunesse équivoque.

Je regarde mes fesses.
Elles sont rebondies, fortes, fermes, bien rondes comme il plaît aux hommes ainsi qu'aux femmes désireuses de s'aventurer dans l'interdit religieux d'un inceste intracommunautaire d'un sexe équivalent. Je vois ma poitrine qui n'a rien d'une friperie ou d'un modeste torchon comme l'étaient ceux de ma nourrisse qui, jadis, m'abreuvait à son sein. Il ne ressemble qu'à un morceau de barbaque décomposé. Surtout qu'à présent, il nourrit les vers, ce morceau. Je n'ai nulle envie de ressembler à un écureuil séché, une momie ou un morceau d'harang saur.
C'est de même pour mes flancs qui sont épurés et généreusement courbés. D'aucuns diront que je n'ai là prestance que d'une paysanne aigrie en manque de nourriture. J'aime à croire que l'apparence est d'autant plus agréable lorsque l'on parvient à se déplacer délicatement, doucement et que l'on parvient à s'envoler au gré du vent ou d'une bise bienséante.
Je me refuse de perdre tout cela. De perdre ce que je suis. De perdre cette image éternelle que je scrute dans le miroir et qui restera gravée en mon esprit. À moins que je ne dusse subir cette maladie incurable qui nous fait oublier le temps de la jeunesse ainsi que notre immortalité. Cette maladie incurable que l'on nomme vieillesse.

Je me souviens encore de ma tête qui tournait tout en me regardant et m'appréciant dans ce doux reflet. Ce moi-ci et si réel qu'il me fait pâlir d'une envie distincte. Je fus peut-être trop éméchée mais j'ai apprécié faire l'amour à ce portrait resplendissant et enivrant. Laisser glisser la perle de ma langue contre le froid bouillonnant de cette vivre au teint éclatant. J'ai aimé me satisfaire au simple gré de mes propres envies, tout comme je connais les recoins de cette demeure et ses secrets, je connais parfaitement les recoins de mon corps et de mes propres envies.
Je crois que j'ai hurlé un peu trop fort. Si personne ne m'aura entendu, c'est que Dieu pensera que tout cela n'est que pure comédie qui ne mérite aucune louange et bonne interprétation. Je me souviens avoir craché sur lui et sa folie pour me vendre corps et âmes au Diable et son indiscrétion divine.
Puis, j'ai pleuré.
Toutes les larmes de mon corps à la recherche de réconfort supplémentaire. Jusqu'à ce que ce moi-réel daigne me parler, me sourire, m'enjouer d'un doux chant lyrique. J'ai demandé au Diable de me laisser arborer ce visage merveilleux jusqu'au restant de mes jours. Sans jamais subir les courroux du temps et d'un Dieu bien trop vicelard.

Je crois bien qu'il m'a écouté.
D'une certaine façon.
Grey.


J'ai passé de nombreuses nuit à concocter cette petite potion brunâtre, semblable à une pâte au visuel peu ragoûtant, jusqu'à obtenir la perfection, et bien que l'idée elle-même me déçoive, elle est absolument nécessaire à l'assouvissement de mes désirs et à mon objectif, car j'ai beau être incroyablement musclé, il est évident que face à un colosse, je ne fais point le poids. Ce soir, j'ai revêtu des bottes de cuir de bonne facture accordées à de simples braies noires, la chemise de lin blanc bien rangée dans ces dernières, et j'ai noué mes cheveux chocolat en catogan, je n'apprécie pas outre mesure avoir des mèches n'importe où autour de mon visage. Ces traits, si empreints d'une féminité que j’exècre, ces lèvres vermeilles que je m'applique précautionneusement à pincer lors des diverses soirées mondaines et autres sorties peu affriolantes. Si peu aguichantes en comparaison à ce soir.

Ainsi vêtu donc, j'ai lissé le tissu couvrant mon torse pour en faire disparaître les plis et je suis sorti au crépuscule, à cet instant où le jour se mêle à la nuit, mon heure favorite, j'ai traversé les rues, me permettant quelques clins d’œils aux peu nombreuses dames croisées, ce qui m'a valu quelques regards désapprobateurs, voir menaçant, de la part de leurs époux, qui ne m'ont guère semblé partageurs, ce qui est bien dommage, à mon humble avis. Nous aurions tous à gagner dans cette affaire, je me fais ta femme, tu te fais ma soeur, tout irait bien dans le meilleur des mondes, mais le peuple a, comme qui dirait, une préférence certaine pour le compliqué. Au moins, cet homme que ma soeur nomme si bêtement "Docteur" a-t-il une femme qui partage mes convictions, et qui est incroyablement merveilleuse, soit dit en passant.

Ce soir donc, je me suis aventuré dans les ruelles sombres, offrant quelques coups aux mécréants venus importuner mon incommensurable virilité en tentant de m'agresser à coups de vulgaires couteaux de cuisine, jusqu'à appliquer massivement mon poing contre la lourde porte en bois, trois fois, qui, en s'ouvrant, allait m'amener directement au deuxième point menant à la réalisation de mon but. Les effluves d'alcools et de drogues de la pièce principale masquaient difficilement celles qui descendaient les escaliers du lieu, ce mélange âcre et infiniment agréable de sueurs, de sucs masculins, de râles féminins, de cuisses écartées et débauches en peaux contre peaux. En choisissant l'homme qui allait m'accompagner pour la nuit, j'ai humé l'air ambiant, pour ne pas dire reniflé, laissant mes yeux parcourir les membres des personnes qui m'entouraient, leurs peaux, pour la plupart de lait, constituant un attrait indéniable, et j'ai mordillé l'intérieur de ma joue en me glissant dans la chambre, arrachant quelques morceaux de ma propre chair, en contrôlant assez difficilement, j'en convins, mon désir de goûter à celles qui m'entouraient de leurs différentes odeurs.

Mon compagnon du soir a évidemment été choqué de la taille du membre qui ornait mon entrejambe, et je l'ai laissé s'amuser avec, réfléchissant à la manière de procéder tandis qu'il me besognait. L'aube a finit par approcher, le pauvre bougre était épuisé, mais nous approchions justement de l'heure fatidique, et l'endormissement qui prenait l'intérieur de l'établissement allait être bientôt propice au second point menant à l'accomplissement de mes recherches. Je me suis levé pour préparer du thé, et j'ai glissé quelques morceaux de ma pâte informe, remuant le liquide à l'aide d'une cuillère d'argent que j'avais emporté avec moi jusqu'à ce que tout ce soit dissous, je suis retourné auprès de mon congénère, je l'ai réveillé pour lui offrir mon thé, puis j'ai attendu qu'il fasse effet. Ce ne fut pas long, je suis assez doué de mes doigts, ma soeur en conviendra, et à l'aide de la puissance de mes muscles entretenus à l'excès, j'ai tiré la putain masculine du lit à la fenêtre, que j'ai ouverte, j'ai jeté un coup d’œil en bas - il aurait été idiot d'avoir un témoin n'est-ce pas? - puis j'ai balancé mon ami nocturne par l'ouverture. Penché au dessus du vide, j'ai observé le corps endormit tomber, plus rapidement que je ne le croyais, du troisième étage, et s'écraser au sol. Le craquement qui retentit dans la ruelle m'a donné un fou rire que j'ai du contenir en sortant de la chambre et en descendant les escaliers. La pièce principale était vide, et je suis sorti sans encombre. Ramener mon cobaye jusque la maison sans croiser personne alors que l'aube se levait fut difficile, heureusement, par l'aide de Dieu, les malfrats avaient disparus des ruelles, et j'en suis rapidement venu à déposer le corps endormit sur la table de ma cave personnelle, cave où je suis actuellement.

La chute ne l'a pas tué, ce qui aurait été un inconvénient fort peu appréciable, mais les os de son dos ont accusé le coup, ce qui est un avantage indiscutable, puisqu'il ne pourrait pas faire le moindre mouvement à son éveil, réveil qui survint relativement rapidement. Il m'a reconnu et à tenté de me parler, je ne l'ai pas écouté, cela ne présente aucun intérêt. J'ai avancé le miroir à pied près de la table, et je me suis appliqué, déboutonnant ma chemise, je l'ai posée sur les pieds masculins, puis j'ai, lentement, précautionneusement, afin qu'il ne rate rien du spectacle que je lui offrait, attrapé les bords du bandage qui couvrait mon torse, le déroulant peu à peu, jusqu'à l'abandonner au sol. D'une main, j'ai libéré ma chevelure auburn afin qu'elle chatouille mes omoplates, et je me suis tournée vers ma victime, armée d'un gigantesque sourire, et de ma paire de sein opulente. Mon objectif est toujours bien plus intéressant à satisfaire lorsque ma victime masculine peut observer que je suis une femme alors que je la torture.

Je me suis fabriquée ce membre masculin qui manquait à ma physionomie, mais les diverses conquêtes que je me fait rapidement dans les ruelles mal-famées n'apprécient guère le contact froid du métal, cette peau masculine si sensible était donc infiniment nécessaire n'est-ce pas? Et j'ai hâte de montrer ma création à ma soeur, je suis certaine qu'elle adorera l'idée, ma Gray ne restera pas de marbre en voyant ma trouvaille! Attrapant les lames affûtées que j'ai volé au docteur habitant la rue voisine la veille, je me suis approchée du membre dont la nature m'a dépourvue, et qui me faisait face, minuscule et si peu attrayant. L'homme transpirait la peur, tu te rends compte? Aucune décence! Mais je lui pardonne ce manque absolu d'éducation, son humour n'a pas arrêté de me faire rire, je t'assures, ses hurlements ont retentit dans la pièce jusqu'à ce qu'il meure du sang perdu.

Je t'aime Gray. Et maintenant j'ai faim.
Gray.


October MCDLXII, VII.




Leopoldine.
Je me suis demandée ce qu'elle pouvait bien faire ces derniers temps. J'ai remarqué, sans qu'elle ne daigne le savoir, ce pourquoi elle quittait la demeure familiale au beau milieu de la nuit pour ne revenir qu'à l'aurore. Depuis un temps certain, j'ai remarqué en elle un changement assez conséquent. Autant dans son attitude que son caractère. Et son physique aussi. Beaucoup de changements qui n'annoncent jamais rien de bon.
J'ai essayé de la surveiller lorsqu'elle partait. Je ne sais si c'est parce que, contrairement à moi, elle porte des braies et que les robes sont trop encombrantes pour anticiper les faits et gestes d'une poursuites rapides. Toujours est-il que je la perd toujours dans la brume des ténèbres. Je rentre donc, bredouille, allant rejoindre ma couche froide en toute solitude. Je dois admettre que je me trouve quelque peu désappointée et légèrement aigrie ces derniers temps. De la frustration, sans nul doute. Peut-être n'est-elle plus attirée par moi ou ne ressent-elle pas le besoin d'assouvir ses fantasmes avec moi. Peut-être pense t'elle qu'un homme est plus apte à répondre à ses bons désirs que mes quelques doigts délicats. Je sais pourtant arborer le caractère sauvage et bestial d'un homme, tout comme la chaleureuse douceur d'une femme. Tout dépend des humeurs et des volontés. Là, ce n'est que solitude et dépérissement à mon entrejambe. Il y a quelques temps que cela n'eut point été visité par des expertes serpentines.

Je me suis réveillée.
Tout aussi seule et énervée, frustrée, décharnée par l'absence de ma soeur. Je me suis dirigée directement vers la salle d'eau dans laquelle un serviteur m'a fait couler un bain chaud. Trop chaud. Je m'y suis installée avec du mal. Le plus dur étant de faire pénétrer la taille, puis la poitrine. Le reste sait venir malgré la douleur d'une eau bouillonnante. Je suis impatiente. J'aurai pu attendre que cela refroidisse, ou bien même mander un peu d'eau fraîche dans ce baquet. Je suis têtue. Tout le monde pourra en convenir avec aisance.
J'aime me retrouver en compagnie de mon intimité dévoilée dans cet endroit chaud, agréable, qui décomplexe royalement. J'aime à parcourir, sans pudeur, la chaleur de mon corps tout en me faisant gratter le dos par un valet. Le mâle est toujours gêné par cette attendrissement de ma part. Il daignerait bien vouloir participer s'il n'eut peur que je le congédie sur le champs. Ou pire. Que je l'utilise pour mes expériences extra-ordinaires. Je peux comprendre cette impression de peur ainsi que d'envie qui découle de son regard. Cette frustration qu'il a de m'entendre gémir alors qu'il aimerait réellement se boucher les oreilles. Ne pas subir ça. Je ne sais même pas s'il a une femme, ou une quelconque famille. Peu m'importe. Je ressens le besoin oppressant d'agir de la sorte et je le fais sans aucune gêne.
Tandis que je vois mes pieds se crisper, puis se détendre, suite une montée impressionnante de ma respiration et d'une sensation de bien-être m'envahissante, mon regard se porte, béat, vers une chaise. J'y perçois un ustensile argenté. Ressemblant à s'y méprendre à un phallus. Ou quelque chose dans le même genre. Une sorte d'armement à courtisanes lorsqu'elles ont passé l'âge d'obtenir des courtisans. Je laisse un moment mon esprit vagabonder jusqu'à comprendre l'incompréhensible. Voilà par quoi ma soeur m'aura remplacé. Ouvertement. Devant moi. Mettant en scène ce phallus d'argent afin que je le trouve et me torture l'esprit de songes malsains. Mon sang ne fait qu'un tour et je quitte le baquet, nue, sans chercher une quelconque serviette et croisant le regard détourné de mon valet pour m'en aller chercher Leopoldine.

J'avais la ferme intention qu'elle me le paie, cette garce. Me jeter pour une vulgaire reproduction d'un membre acerbe de l'homme. Je suis une experte dans le domaine du plaisir! Je l'ai déjà envoyé au septième ciel et plus haut encore. J'ai atteint les sommets avec elle. Je ne laisserais pas cette ignominie s'installer au coeur de notre relation. Jamais. Je parcours les longs couloirs, croisant les âmes qui font le ménage et embellissent notre demeure. Je marche d'un pas vif et insolent en regardant dans chacune des pièces.
Jusqu'à atteindre la cave.
Je descend. Que dis-je. Je dévale l'escalier pouilleux menant à l'antre humide de ce corps insolent. Je défonce la porte qui me sépare de mon épanouissement pour retrouver ma soeur.
Elle me regardait, je la regardais. Elle pouvait voir mon air frustré, mais aussi ahurie. Je la vois là, nue, dévoilant sa poitrine à un homme sur la table. Je comprend alors que le coup du sort a encore frappé. Je connais sa soif de corps. Mais c'est la première fois que je la vois entreprendre de tels actes dans notre demeure. À la vue de tous. Sans réellement se cacher. Et puis, nue!
J'en perd mes sens. Je scrute ses longs cheveux tombant, sa douce poitrine qui éveille en moi une envie toute particulière. Même en serrant les poings, je rêve de me jeter sur elle et de l'embrasser furieusement tout en la laissant choir contre le sol et m'émerveiller avec elle, en elle, sur elle. Jouer comme des enfants malpropres au Docteur et à la Patiente.
Je me devais de tenir le coup et de résister à ces pulsions. Je regarde l'homme sur la table. Je plisse les yeux.
J'embrasse Leo.

Je suis repartie, la laissant à ses affaires sans oublier de lui stipuler que j'ai besoin de ce cadavre. Que j'ai besoin de ce corps pour mes expériences. Qu'elle aura ce qu'elle veut à la suite. Mais je veux une nouvelle dépouille ou, sinon, elle fera face à une magnifique bouderie en règle.
Elle reste, néanmoins, dans mon esprit. Je me pose mille questions sur elle. Sur ce qu'elle devient. Je me pose les questions sur l'argenterie trouvée sur une chaise dans la salle d'eau. Je me dis, alors, qu'elle cherche à revêtir une apparence qui n'est plus la sienne. Elle veut changer, devenir plus forte. Ce pourquoi elle détient une musculature à couper le souffle, et pourquoi elle porte souvent des bandes qui coupent le souffle et cachent ses courbes fabuleuses. Je crois que, finalement, Leopoldine est Leopold. Je crois que je suis tombée amoureuse d'un homme, et non d'une femme, encore moins d'une soeur. Comment agir alors à ce changement brusque de personnalité et d'attitude? Devrais-je la laisser faire et lui permettre d'insérer cette chose malsaine en moi pendant que je tente de la satisfaire en apposant quelques coups de langue le long de sa majestueuse fausse verge? Devrais-je rester vierge à son égard et à toutes tentatives inopinées de nous satisfaire? Je pense que je devais l'accepter. Telle qu'elle est. Ne pas chercher à la changer. Si tel est son désir, nous serons frère et soeur. Je l'aimerais toujours, quoiqu'il advienne à l'avenir. Néanmoins, elle devra me laisser une part de ses trouvailles, de ses trésors, pour mes propres besoins. Ainsi le monde continuera de tourner rond et son secret sera gardé de tous, en moi. Juste entre lui et moi.

Je t'aime Grey. Qu'importe ce que tu es.
Grey.


Je ne supporte pas les claquements de porte, elle le sait pourtant, mais peu lui importe, comme à son habitude. Ce plissement des paupières, ce baiser échangé, cet ordre donné, et elle a disparu, comme à son habitude. Méprisante, supérieure, sans gêne. Agacée, je suis retournée à mes occupations, les yeux gris posés sur le membre dépecé, les doigts jouant avec la peau fine que je venais d'ôter, tentant d'éloigner ma soeur de mon esprit. Elle se montre parfois tellement insupportable! Si peu préoccupée par mes faits et gestes, si peu intéressée par mon être! Qui est-elle? Gray, comme le roc, la pierre, solide, forte, dure. Qui suis-je? Grey comme Gray. L'amour que je ressens à son égard n'a d'égal que la haine qu'elle me procure.

La matinée est déjà bien entamée alors que j'écris ces quelques lignes, mes mains écarlates tremblent encore de la folie qui s'est emparée de mon esprit suite à cette visite indésirable. Je t'aime Gray. Et maintenant j'ai faim. Faim de toi Gray. Ta peau si douce, tes membres si fins, ta chair si savoureuse, si pleine, si...toi. Je te hais Gray. Et j'ai toujours faim. Ton air si hautain, tes sourires si moqueurs, tes gestes si possessifs. Elle désire mon corps, je désire sa chair, ne pourrions-nous donc pas trouver un simple compromis, agréable pour chacune, quoi que légèrement plus douloureux pour son corps? Non, il n'y en a toujours que pour elle, toujours elle.

Je claque des dents, parfaitement consciemment et sensiblement bestiale, glissant ma langue rosée le long de mes lèvres affamées, observant du coin de l'oeil l'homme allongé sur la table, le miroir qui me fait face, me renvoyant mon propre reflet. Je me serait occupée depuis longtemps de cette poitrine si elle n'était pas aussi attrayante aux yeux de ma soeur, cette stupide inconsciente, qui se fiche éperdument de ce qui pourrait nous arriver, si notre relation incestueuse parvenait à des oreilles mauvaises. J'ai accomplis mes changements physiques durant de longues années, lentement, sans que jamais elle ne les remarque.

Je suis toujours la même, je suis toujours Leopoldine, Gray, tout ce qu'elle désire que je sois, mais je suis également celle qui sauve les apparences, celle qui n'est qu'artifices face à ce monde, face à ces mœurs contre qui nous sommes, avec qui elle s'amuse à jouer continuellement, jouissant des risques et dangers encourus, je m'en-foutiste des conséquences de ce jeu perpétuel. Je ne nie pas qu'il s'agit également d'un défi qui m'est propre, dont elle ignore l'existence. Puisqu'elle aime les femmes, je désire être un homme. Puisqu'elle jouis de la copulation, j'accuse les orgasmes, bouchées après bouchées, de cette chair que je prélève sur mes congénères, directement à la source. Puisque je fantasme sur sa chair, elle devra fantasmer mon corps. Ce corps qu'elle n'aime certainement que par narcissisme pur, ce corps que je me vois obligée, bien que très désireuse de ces intimités partagées, de lui offrir, sans quoi j’encoure des bouderies tant désagréables que j'en frissonne.

Et pourtant, malgré cet agacement, cette haine dont tu m'enveloppes, je suis toujours envahie de ces battements frénétiques sous ma cage thoracique, et quand j'imagine ta curiosité, l'excitation m'envahie, quand je te visualise découper mes pores, arracher mes os, pour découvrir l'organe pulsateur. Finalement, peu importe les autres chérie, c'est toi, et moi, nous. Nous. Je ne trouve magnifique. Ce soir je suis à toi.

L'homme est mort. Il est loin d'être excellent tu sais, chérie? Je viens de goûter sa cuisse et son bras, tu verras aisément les deux traces de morsures acharnées et brutales que mes canines et molaires ont infligées à la peau fine, à la chair tendre, je me suis amusée avec son ventre et son contenu, je me suis fait une parure de ces intestins encore brûlants. Et j'ai hâte de t'apporter le corps, que tu comprennes ce que je désire tant et que tu ne pourras me refuser puisqu'une promesse est une promesse, d'observer ton visage quand tu découvrirsa mes traits ensanglantés, cette teinte rougeâtre qui recouvre mes mains jusqu'aux coudes, qui a éclaboussé ma poitrine que tu aimes tant parcourir de tes doigts et de ta langue, cette folie qui danse encore dans mes iris. J'ai hâte.

Déos, que je t'aime Gray. Surtout quand tu me dis que j'aurais ce que je désire après t'avoir offert ce cadavre.
Gray.


October MCDLXII, IX.





L'atmosphère se dégradait.
Tout était beaucoup plus lugubre à la maison. Je ne ressentais plus réellement l'envie d'y être pour les vingt-quatre heures à venir. Comme l'impression nauséeuse qu'y rester plus amplement me conduirait à l'asphyxie. À une sorte de paralysie catatonique qui m'empêcherait alors de pouvoir continuer à vivre ma vie comme je le devrais. Je suis obligée, depuis quelques temps, d'enfiler quelques tuniques plus conséquentes afin de cacher les parcelles de ma peau. Surtout au niveau de mes épaules. Moi qui aime par dessus tout me faire voir, me faire admirer, laisser les caresses des oeillades glisser le long des courbes de ma poitrine. Moi qui apprécie chatoyer les sens des convives et des âmes rencontrées au détour d'une ruelle. Je suis obligée de refuser cela le temps que toutes ces douleurs cicatrises.
Lorsque je suis avec ma soeur et que nos sens s'ébouillantes, que nous virons à un feu bouillonnant pour lequel nous savons pertinemment le danger et que nous ne pouvons réellement nous empêcher d'y apposer la main et sentir le roussi dans toute la pièce, que nous nous adonnons à nos plaisirs qui n'amènent qu'à la bêtise humaine à proprement parlé, je suis toute autre, une toute autre personne. Elle aussi. Néanmoins, je connais ses vices, et je sais qu'elle me trouve littéralement à croquer. J'ai déduis cela depuis quelques mois, déjà. Cela s'avère véritable lorsqu'on la retrouve à refuser le dîner à la tablée, jusqu'à la suivre à la cave dans laquelle elle se délecte d'un festin autre que celui que nous préparons avec amour. Malgré cette peur qui pourrait terroriser la plupart des gens, je ne m'en soucie guère. Elle me goûte et semble m'apprécier, mais ne va jamais plus loin que quelques marques laissées dans la chair. Bien qu'embêtant pour mon physique, mon apparence, je ne vois pas de mal à cela.

Je refuse, néanmoins, l'utilisation de son appareil génital d'argent.

J'avais donc besoin de me ressourcer un peu. Me retrouver avec moi-même afin de respirer et faire le point. Je ne pouvais décemment me retrouver à nouveau seule enfermée dans ma pièce tenue secrète dans le seul but de me contempler. L'on aurait encore fouillé toute la maisonnée et terminé par me retrouver et me faire perdre mon droit de solitude. Je tiens à ce droit divin des plus important pour ma santé mentale. Je ne souhaite devenir aussi tarée que ma chère soeur et belle amie.
Aussi ai-je prit rendez-vous avec un artiste-peintre dans la région de Limoges. Ce n'est aucunement la porte d'à côté, mais les voyages forment la jeunesse et ne m'ont jamais posé aucune crainte. Peut-être n'ai-je jamais eu la chance de rencontrer quelconques brigands de grands chemins, ou même quelques minables lépreux réclamant quelques piécettes et le confort d'une croute de pain qu'ils ne sauraient ingurgiter sans perdre quelques dents ou bien l'usage de leur gorge. Maladie amusante, s'il en est. Rien en comparaison avec celle de la mort, mais je trouve hilarant de les voir perdre leurs membres les uns après les autres. Voir cette chair se décoller, cette peau tomber comme des morceaux de fripes, de loques. Je m'amuserais bien à en garder un ou deux sous la main pour les contempler continuellement jusqu'à ce qu'il ne reste plus rien à manger sur ces sacs d'os remuants.
Je n'ai jamais connu d'aventures palpitantes, à dire vrai. Seul l'ennui ferme. Les broutilles que l'on aimerait tous connaître dans nos périples. Moi, mon destrier qui pourrait me faire perdre virginité par les frottements tout contre son dos.
Si je ne l'avais pas déjà perdu avec Elle.
Je me suis contentée de quelques rencontres pour rompre l'ennui. Dont cette femme élevée par un Ours. Une famille d'Ours. Qui semble copuler avec l'un d'eux sans jamais trouver cela étrange d'une quelconque façon. Une Berrichonne. Dans une taverne. Je me suis dit qu'elle pouvait être complètement folle et bonne à interner, certainement. Elle n'a jamais voulu me faire voir son compagnon Ours. Il ne doit surement pas exister.
Ce serait pourtant excitant.

Le peintre.
Dans son atelier, je me suis autant ennuyée que sur la route. Il ne parlait pas, ou peu, seulement pour me faire quelques remontrances sur mon attitude et insister pour que je ne bouge pas. Et pourtant, au départ, il semblait chaleureux, m'avait proposé quelques boissons fraiches pour dénoter mon gosier sec de la chaleur de l'environnement. Il m'avait lancé des sourires et de douces paroles, me trouvant très belle, parfaite pour ce qu'il avait à faire, que ce serait un plaisir d'immortaliser ma jeunesse. Une toute autre façon que j'aurais pu trouver afin de contrer mon besoin organique de me contempler dans le miroir. Sans aucun doute que ce portrait saurait être compensation à cela et que je saurais l'afficher sur le montant de l'âtre. Me poser dans un fauteuil pour regarder à tel point je suis magnifique, intéressante, parfaite.
L'attente était longue. Plusieurs heures pour parfaire son oeuvre sans que je ne bouge, sans qu'il ne me parle. J'avais pourtant tenté quelques approches, je n'ai eu que des “chut” pour seules réponses. Alors ma pensée fut mon seul refuge. Je me suis imaginé me promener dans un bois, un parc, en compagnie d'un charmant homme. Plutôt bien bâti, son visage surmonté d'une chevelure brune soulevée par le vent. Puis, nous nous retrouvions ensemble, allongés sur un lit d'épines de pin. C'était confortable, malgré les apparences. Et il se frottait tout contre moi, mon intimité, faisant grimper l'élan de mes gémissements. Le peinte étant trop occupé pour m'écouter, je ne me gênais à soupirer langoureusement suite à ces ébats imaginaires.
Vint le moment fatidique, ou après quelques index chaleureux, je le déshabillais. Complètement, prenant mon temps avant de découvrir sa force de caractère. Je jubilais, intérieurement à ce moment qui viendrait enfin. Qu'il puisse prendre possession de mon corps, de mon âme, qu'il me susurre des mots d'amour comme à toutes les femmes qui le désirent. J'avais chaud, mon corps bouillonnait, et je tremblais horriblement.

Il n'avait rien.
Le néant.
Strictement rien.
Je rêvais encore de ma soeur. Et de son nouveau physique.
Horrifiant.

Heureusement, le peintre avait terminé son oeuvre. Enfin, je pouvais bougeais, lui, terminait seulement le fond en m'empêchant de venir voir avant qu'il ne daigne signer le final. Une fois fait, je suis allée me contempler. Ce que je vis me laissa littéralement pantoise. Bouche bée. Estomaquée. Je mis mes mains devant mes lèvres, je trépignais intérieurement, comme l'envie de me jeter tout contre lui et l'embrasser. Je ne pouvais seulement plus bouger, plus communiquer, obnubilée par le vrai reflet de moi-même. Cette oeuvre éternelle qui émet là mon charme éternel pour l'éternité. Ce charme que je n'aurai déjà plus dans un an ou deux. Lorsque les fripes viendront s'emparer de mon corps, de mon physique, de mon être.
Je préfèrerais en terminer dès aujourd'hui, plutôt que de vivre telle ignominie.

Ma soeur sera sans doute heureuse de voir cela.
Si tant est qu'elle daigne me regarder de nouveau en face.
Grey.


J'ai goûté cette chair que je désirais depuis de nombreuses années, et je ne l'en aime que plus. Elle a ce goût fruité, ce goût que les mots peinent à décrire. Gray a disparu longtemps aujourd'hui, je ne sais où elle est allée, mais peu m'importe. Durant son absence, je me suis fait belle. Jolie pour elle. Ce qui est rare ces derniers temps, avouons-le. J'ai envoyé une servante emplir d'eau et de flagrances le grand bac qui repose au centre de notre chambrée, une fois seule je me suis déshabillée, avant de plonger mon corps dans le liquide brûlant. Ce dernier dégageait une chaleur telle que ma peau fut parcourue de frissons, avec cette sensation si agréable de picotements. J'ai laissé mes bras flotter dans l'eau, savourant l'engourdissement qui envahissait chacun de mes membres, mais elle allait bientôt rentrée, alors je suis sortie, je me suis séchée, et, abandonnant mes bandes sur le fauteuil, j'ai revêtu une chemise de soie fine, qui laisse mes épaules à découvert, puis j'ai coiffé ma chevelure, lentement, secouant la tête pour en sentir l’extrémité caresser mes omoplates.

C'est ainsi que j'ai attendu son retour, allongée sur nos draps. Elle fut surprise de me voir comme cela, si féminine, si Leopoldine. Nos doigts se sont enlacés, nos lèvres se sont rencontrées, nos corps se sont entrelacés. Comme avant, comme toujours. J'ai murmuré mon amour à son oreille. Gray & Grey. Magnifique, splendide, totalement mienne. Nous nous sommes séparées depuis quelques heures déjà, elle est partie je ne sais où, et je suis toujours sur notre lit, nue, expirant la fumée due à mes inspirations dans cette magnifique pipe de bois. Le vendeur ne se moquait pas, je sens déjà les effets de son produit agir sur ma personne. Le miroir me renvoi le reflet de mes traits androgynes, mes pupilles rétrécie par les drogues, mon coeur palpite si lentement, comme ralentit, j'ai cette impression de flottement, comme si je n'avais jamais quitté l'eau de mon bain, ma nuque me semble lourde, et je ressens encore ces petits tiraillements d'extases offerts par mon âme-soeur. Mes paupières s'abaissent et ma plume glisse peu à peu de mes doigts, je ne puis poursuivre....
Gray.


October MCDLXII, XVIII.





J'ai rencontré le Diable.
Il y a peu, lors d'une virée inconfortable dans les tumultes d'un voyage ayant un but tout à fait expérimental sur la découverte d'un monde et de quelques créatures qui le peuplent. Une optique tout à fait à vocation de trouver ce qui me manque, cette infime chose qui peut me mettre sur le départ d'une arrivée proche à mes fantasmes les plus ardus. Il est vrai, comme on le dit, les voyages forment la jeunesse et l'éveil. Je n'en manque point en rencontrer des personnes toutes différentes, aux caractères tranchants, délicieux, voluptueux, fantasques ou purement imbéciles. Cela fut bon pour le moral bien que celui-ci ne fluctuant pas énormément. Je me dois de toujours rester ce que je suis, et rien ne saurait changer ces moeurs en moi. Du moins, c'est ce que je pouvais croire jusqu'à cette soirée assez particulière.
Alors que je me tenais en douce compagnie d'un homme au parler intéressant, bien que cela ne soit que purement relatif puisque rien n'est plus intéressant que moi, une femme entra. Du moins, elle était déjà là, dans un coin, avec ce qui semblerait être sa fille, niaise, naïve et fortement à la hauteur de ses petites années. En somme, rien de bien prompt à l'énergie de réflexions diverses et variées. Jusqu'à ce que j'entende l'homme de bonne compagnie, malheureusement bien trop aristotélicien pour être pris au sérieux, parler d'un démon. D'une entité s'emparant de l'âme et du coeur forçant ainsi la dépouille énergique de succomber aux propres décisions du dit démon. Encore une fois, les croyants ont une perception de l'emprise du mal qui dépasse tous les raisonnements fondés sur l'intellect et le scientifique. Pour ma part, après une étude rapide du cas, je puis sans détours parler d'une personnalité multiple, dans ce cas double. Deux faces se cachant tour à tour mais ne se voilant aucunement la face sur l'existence de l'une comme de l'autre.

J'ai succombé, comme à mes habitudes, à ma curiosité, allant jusqu'à déborder d'énergie pour en apprendre plus. Souhaitant faire surgir la face la plus mauvaise, la plus dure de ces deux personnalités, je me suis rendue jusqu'à l'affronter d'un coup de poing plus ou moins léger en plein ventre. Sans que cela n'égrène la captive souriante. Je faisais face à Lowyn. La plus distinguée, la plus douce et peut-être, même, la plus craintive des deux. Elle n'était pas foncièrement intéressante. Du moins, elle serait passée inaperçue dans le lot des âmes errantes en ce monde si elle n'avait cette caractéristique merveilleuse. Mais pourquoi est-ce donc merveilleux à ce point jusqu'à me donner une excitation toute nouvelle? Je crois bien qu'elle pourrait offrir le terrible secret de la Vie Éternelle et de la Jeunesse. Je ne dis aucunement qu'elle pourra vivre plus longuement que nous autres. Effectivement, elle mourra probablement prochainement d'une altercation avec quiconque plus brutal qu'elle. Ou d'une autre maladie inconnue, que ne sais-je. Seulement, je cherche à prouver que l'intellect, le cerveau est le récipient de l'âme, que cette dernière ne se trouve dans le coeur. Que le sens de la vie n'est pas l'Amour. Et, donc, que la Vie n'est pas Amour, ainsi que la Mort, mais que la vie est Intelligence. Nous pouvons vivre continuellement si nôtre cerveau est en état. Nous mourrons principalement de Mort Cérébrale. Et quid de mieux qu'un cerveau doublement gonflé par l'énergie de deux personnalités pour vérifier ces dires?
J'ai demandé à mon compagnon du jour de bien vouloir me faire acquérir ce cervelet. Il a refusé, par couardise. J'ai insisté. Mes charmes ne semblaient faire effet en ce cas précis. Je me suis donc permise quelques droits sur le corps de Lowyn, ou de Sélène. Au moment de la piquer, il s'agissait de Sélène.

J'ai donc rencontré le Diable en personne, et j'y ai vendu mon âme.
Insistant sur le fait que j'aimerais étudier ce phénomène, en savoir plus par curiosité et intérêt purement scientifique, je lui ai presque supplié de me donner son cerveau. Du moins, de me laisser agir de sorte à en comprendre un peu plus sur elle. Sur elles. Je l'ai donc convié à rejoindre ma chambre d'auberge que je transformerais, pour l'occasion, en bureau d'expertise. Elle, me disant qu'elle n'irait dans une chambre seulement que pour consommer, moi totalement insouciante en l'instant et souhaite réellement avoir le dernier mot, je lui ai permis de croire un instant que je pourrai me laisser dompter par son évidente soif carnassière. Une légère crainte trouvant fondement dans mon esprit me laissa croire que, seule, elle saurait agir brutalement et endommager mon physique avantageux. Chose que je ne pourrais jamais permettre.
J'ai donc vendu ma soeur, par la même occasion. Elle saura me protéger des maux qui peuvent me gangréner dans cette chambrée.

Le soir venu, je me suis donc préparée à l'évidence. Accompagnée de ma soeur dans ma chambre, je me suis changée devant le miroir. Admirant la superbe de ma jeunesse, de mes charmes et de mes atouts diverses, je restais longuement pantoise sans émettre le seul mot. En réalité, je me posais diverses questionnements sur ce qui allait suivre. Je n'ai pas pour habitude de vendre mon corps ni même mon âme pour une chose telle que celle-ci. Je pensais, néanmoins, que cela en vaudrait vraiment le coup. Je tentais d'imiter ces courtisanes pudiques et impudiques en prenant des vêtements, ou plutôt des sous-vêtements, qui mettraient en évidence mes courbes sans pour autant trop en dévoiler. Songeant que, sans doute, ceux-là sauront disparaître sous l'impulsivité de la démone. Un corset, un sous-jupon convenable, des bas remontants par-dessus les genoux. J'étais prête.
Je scrutais ma soeur qui ne semblait pas foncièrement se faire du muron. Je ne lui ai peut-être pas expliqué la totalité de la cause pour laquelle nous devrions lutter. Elle s'en rendra compte le moment venu. Elle devait sentir que je n'allais pas au meilleur de ma forme lorsqu'elle vint s'approcher de moi et m'embrasser sensuelement, m'embrasant ainsi le bas ventre qui connurent à cet instant un tremblement furibond.
C'est là qu'elle pénétra.

Brusquement, comme je le songeais alors, ne faisant cas des raisonnables discrétion qui doivent avoir lieu en ces cas. Le claquement de la porte me fit sursauter. Et elle vint se jeter sur moi, comme une sauvage, prenant mon cou entre une main forte sous le regard médusé de ma soeur qui ne semblait pas comprendre ce qui se passait sous ses yeux. Je contentais d'émettre un sourire forcé, soupirant en mon intérieur jusqu'à ce que ses lèvres entrent en contact avec les miennes et que la tension à mon cou fut relâché un instant. Nous y étions.
Mes yeux se tournèrent vers Leopoldine, cherchant à l'apaiser et l'invitant à se joindre à nous par la force des choses. Elle vint. Nous étions trois. Passant nos doigts sur la chair d'une autre, parcourant les courbes et les traits de l'une comme de l'autre jusqu'à ce qu'une sorte d'excitation vint titiller les sens et encourager la luxure de l'instant. J'étais profondément soulagée qu'elle soit là, ne me laissant à la merci de la Sélène irrévérencieuse qui commençait déjà à mettre à mort mon corset afin de libérer de ses chaînes ma poitrine tombante à cette libération. Il faut bien l'admettre, je commençais justement à suffoquer de la pression. Mon râle était empêché par ces entraves.
Les jupons se relevèrent, les bouts de tissus s'envolèrent. Il n'y avait donc pas de place pour l'amour véritable conté dans les diverses livres aux idées lubriques et désinvoltes. Ce ramassis d'idioties comblés par les envies libidineuses de leurs auteurs. Certains de ces livres ont terminé dans l'âtre, calciné par leurs envies de grandeurs mais à l'éloquence moyenne.
Je me suis surprise à rire pendant un instant, lorsque les caresses vinrent de suivre aux chatouilles. Lorsque mon incandescence fit trembler mon intérieur. Jusqu'à ce que je me retourne afin de faire face à mon reflet, dans ce miroir qui semble être toute ma vie, toute ma raison d'être. Trouver mon véritable amour pour parvenir à vivre ce moment de débauche qui ne me dérange pas plus que cela, à l'évidence. J'y ai comprimé ma poitrine, laissant serpenter une langue sur le carreau, embrassant mon moi de façon plus que lyrique. Il n'y eut aucune incompréhension de la part de mes deux hôtes. Elles trouvèrent tout cela modestement plausible lorsque l'on me connaît un minimum. Leopoldine vint même s'atteler à la même tâche que moi, tantôt s'embrasser elle-même, tantôt trouver mes lèvres délicates pendant que Sélène s'affairait à m'arracher quelques cris face à l'injustice de ma sensibilité.
Les reins furent empoignés. Tout comme le séant. Souriant à travers moi comme je pouvais moi-même soupirer à l'intérieur de chacune d'elle. Les longues complaintes des chants improvisés surgissaient dans cette chambrée, dérangeant au possible les locataires voisins qui ne trouvèrent, sans doute pas, la possibilité de fermer les yeux. Pourtant, il s'agissait d'une berceuse extasiante. J'y ai trouvé mon plaisir. C'était violent, et doux à la fois. Bien que je craignais quelques griffes qui passèrent effectivement en mon dos, mes cuisses et mon ventre. Je n'ai jamais connu pareille fougue contre ce miroir, contre ma soeur, contre une inconnue.
Mes yeux étaient rivés sur Grey. Criant que je l'aimais comme jamais.
Mes yeux lançaient des oeillades à Sélène. Gardant pour moi que j'aimerais l'avoir.
Je les ai eu toutes deux.

À la suite de cette entrevue, exténuée, je me suis endormie tout contre la poitrine de ma soeur. Nous étions toutes nues, mes jambes arpentant le ventre de Sélène jusqu'à ce qu'elle devienne, ou non, Lowyn.
J'ai vendu mon corps au Diable, et j'en ressens plus vivante que jamais.

_________________
Grey.


Extrait d'une missive envoyée ce jour à la patronne de la Boutique de Sourires:


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Je me suis éveillée alors que les rayons orangés de l'aube teintaient mes draps, et j'ai soupiré, prenant mes aises et étirant mon corps de manière à ne point apporter de dérangement à celle qui partage ma vie. Nous l'appelons G. Cette simple initiale lui conviendrait, elle apprécie être entourée d'une certaine aura mystérieuse. Vêtue uniquement de ma nudité, je me suis levée et je me suis installée sur notre chaise à bascule, sur laquelle je suis actuellement, en vous écrivant. J'ignore quelles sont mes motivations dans cette missive sans grand intérêt pour votre personne, chère patronne de la Boutique de Sourires, charmant nom, que cela soit exprimé clairement. Ce nom que vous avez choisit possède cette simple touche d’insouciance qui prête à ce léger pétillement de joie que vous désirant sans aucun doute créer au sein de vos clients, votre bon goût reste indéniable, en ce qui concerne votre raison, je ne saurais en être le juge, bien que si une réponse m'est octroyée, je serais certainement éclairée sur ce point également.

Est-ce néfaste, que je trouve G. d'une magnificence absolue, alors que nous partageons le même sang et cette apparence physique identique, si ce n'est la coloration de nos iris qui permet de nous différencier? L'éducation reçue m'impose cette vision de perversion alors que mes lippes soupirent contre les siennes et que mes doigts apposent des caresses sur sa peau d'une douceur infinie qui est mienne, cependant, je ne me sens guère pervertie, le Très-Haut, qui n'est sois disant qu'amour, ne saurait déplorer l'Amour qui est le notre, n'est-il point?

J'ignore quelles seront mes occupations dans cette journée, qui s'annonce splendide, peut être me promènerais-je dans notre campagne, et ferais-je un bouquet de ces lilas que les bordures des champs nous offrent si allègrement, elle serait surement ravie de recevoir pareille offrande, bien qu'elle préférasse toujours une belle parures à de simples fleurs, puisqu'elle est ainsi, G. Quelques simples lettres écrites sur ce parchemin de qualité, car vous remarquerez cette qualité, nous ne vivons que dans cette qualité, nous nous baignons dans cette qualité, nous sommes la qualité même!, une confession idiote à laquelle vous ne saurez sans doute point répondre, mais qu'importe, cela est apaisant, de confier ainsi mes états d'âmes subjectifs à une personne inconnue, dont le jugement m'importe guère.

Selon ses désirs, je me suis chargée de lui apporter ce corps qu'elle exigeait, et tandis que je me promènerais, elle s'appliquera à l'étudier, dans cette quête qui lui est propre de découvrir ce qui mêle la vie et la mort, et me cédera ensuite son fardeau, dont je goûterais la chair. Savez vous que nulle chair n'est identiques? Je suis certaine que je découvrirais qui est la porteuse (ou le porteur, certes, mais la féminité a ce raffinement que la masculinité ne possède guère, cela s'en ressent dans la viande), lorsque cela sera chose faite, je me ferais un devoir d'en éduquer la progéniture, afin que la viande n'en sois que meilleure au fil des générations, et toute la royauté se précipitera à mes portes afin d'apprécier les mets fins que je lui servirait. N'est-ce point un fantasme merveilleux et parfaitement raisonnable, que de désirer offrir au digne peuple une viande délicate à leurs palais, hm?

Quels sont donc vos rêves, chère patronne de la Boutique de Sourires? Peut être apporter le bonheur à vos concitoyens, chose bien humble et altruiste, vous devez être une personne de grande vertu, pour ainsi vous octroyer ce devoir. Je suis lasse, me semble-t-il, de tous ces artifices que je revêt afin que mon amour pour G. ne soit dénigré et calomnié, mais je ne puis cesser de revêtir cette apparence, bien heureusement pour ma personne, ces citoyens que vous semblez vouloir aider ont oublié ce viei adage, lequel est-il déjà, hm? Oh, oui! L'habit ne fait point le moine. Il s'applique parfaitement à ma personne, et vous, qu'en dites-vous? N'êtes vous qu'apparences face à vos clients, vos amis, vos connaissances, hm?

G. s'éveille peu à peu, je dois perturber son sommeil avec ma plume qui gratte ainsi ce parchemin, voilà que la culpabilité m'éprend. Il me faut donc retourner sous les draps, afin qu'elle n'ait point connaissance de cette missive.

Bien à vous, chère patronne de la Boutique de Sourires,


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