Gray.
October MCDLXII, II.
Ça recommence.
Les douces spirales aux effluves douces et sucrées se sont imprégnées en moins comme cette encre qui tâche de nouveau ce Carnet maudit.
De la création, rien ne pouvait arriver de pire, selon les paroles des prophètes. Ce qui découle purement de la folie, selon certain, amène aux pires affres de l'humanité.
Si l'on en croit quelques philosophes qui expérimentent à chaque instant l'essence même de nos misérables vies, je devrais prendre conscience que mon Moi profond n'est qu'apocalypse et oeuvre de la bestialité corrompue.
Hors, entrant en contradiction avec ces mêmes savants, je suis en droit de chercher et trouver le bonheur n'importe où. N'importe comment. Si mon bonheur est de faire ce que je fais, ne saurais-je être heureuse si je le fais? Ou malheureuse car je le fais? Ne pourrait-on être clair, une bonne fois pour toute sur les circonstances de notre malêtre et joie?
Hier, encore, j'y ai goûté de nouveau.
J'y suis allée, comme j'y allais il y a de nombreuses années déjà. Sans songer aux douces paroles des évangélistes et des corrompus des asiles d'aliénés. Sans songer, même, aux paroles d'un médicastre rencontré quelques années plus tôt. Il semblait choqué de mes attirances désastreuses et non naturelles. Par le secret qui me lie à lui, comme on lie un spiritueux à l'ecclésiastique, je me suis confiée. Sans trop de peine. Mes mots coulent avec une aisance indescriptible. Je me souviendrais toujours de ses mots à mon encontre.
- Pauvre fille que tu es. Devrais-je pratiquer l'internement à ton encontre ou laisser filer le temps qui devrait alors pouvoir soigner ton hérésie?
Comment peut-on être hérétique alors même que l'on s'amuse à disséquer des êtres vivants. Certes, morts. Mais la foi ne reconnaît pas l'errance dans les infimes parcelles de notre intimité. Ce n'est pas langue perdue à travers les dédales de son corps qui pourrait m'être reprochée. Je ne change en rien l'intérieur de cette personne. Si ce n'est sa couleur extérieure. Son mental exacerbé. Ses sens agréables à l'ouïe ainsi qu'à la vue. J'aime pavoiser sur la douce pivoine tout en maintenant une pression fine sur un cou qui manque déjà d'une respiration suffisante à l'étalement de quelques gémissements.
Où est le mal dans cette recherche de bonheur?
- C'est tout bonnement de l'inceste. Doublé d'une attirance mesquine pour le sexe équivalent au tiens. Le Démon t'habite, pauvre fille.
- Pauvre fille.
Pauvre fille.
Pauvre fille.
Il n'y a pas de contenance dans ses propos. Comme il n'y en aura jamais dans ceux des autres. Je ne peux pas certifier aimer. J'aime comme j'aime ma soeur. Un amour fraternel qui dépasse toutes les barrières procréées par ces inaptes bonnes âmes pudibondes et incontrôlables. Je ne suis juste atteinte que de cet amour fraternel. Avec elle. Ma chère soeur.
Elle détient un corps, un esprit, tout différent du moins. Nous ne partageons que le même sang, en plus de caresses et de paroles romancées exagérément. Quid de plus normal? Nous avons une relation, selon moi, bien plus pieuse que toutes celles qui nous entourent.
Est-ce normal pour deux engeances d'un même couple de cohabiter ensemble en ne s'agitant que pour piquer quelques jouets et vêtements aguichants? Non. Je n'y crois guère.
Couple. Il ne suffit que d'une lettre pour faire copuler.
Couple de soeurs. Nous copulons.
J'ai recommencé, hier. La laissons sur sa faim, sans aucun doute. Ou me laissant sur ma faim. Je ne sais que trop.
- Tu es une carnassière prédatrice névrosée.
Lorsque tu auras goûté sa croupe resplendissante, nous en reparlerons.
Et puis, Docteur, n'avez-vous pas goûté la mienne par la même occasion? Si nous devions en découler une suite logique, vous avez goûté celle de ma soeur, aussi, puisque nous sommes pareilles. Non?
Si vous pensez au négatif, cela gangrène vos phrases et vous fout honteusement sur la paille de vos propos scabreux. J'ai raison, Docteur, et vous le savez.
Elle qui est si belle. Elle avec qui je partage beaucoup. Une couche, un baiser, des mots, un entrelacement et quelques rapprochements en toute promiscuité. C'est un délice incommensurable de la voir sourire et rire béatement en ma compagnie, tout comme je le fais à son égard. Lorsque je vois ses yeux s'illuminer de tant de grâce et volupté, je m'épanouis pleinement et je sombre dans ce que vous nommez folie. Injustement.
Je ne soulève, avec elle, qu'un peu plus que ce dont les autres laissent par pudeur conventionnelle. Je ne suis responsable que d'oublier, l'espace d'un instant, que nous avons partagé le même ventre. Mettons cela de côté pour ne partager qu'un bas ventre. Tant de franchise s'émanant de moi par ces actes qualifiés de bestiales. Je suis sans aucun doute la personne la plus humaine, avec elle, et la plus naturelle qui soit.
Cessez donc de me jeter la pierre.
J'ai recommencé, hier, à la toucher.
Et je recommencerais.