Bloodwen
Je me trouvais à nouveau sur la route, grelottante dans mes guenilles, et effrayée, serrant dans ma main décharnée, une dague à manche rouge presque trop lourde pour moi, cadeau forcé dune jeune femme qui ma terrorisée avec cette arme et qui avait essayé de mexpliquer quil ne fallait pas que je montre ma peur.
La peur pourtant mhabite depuis que je me suis enfuie de la grange où jai grandie. Sur la route, ma première rencontre avec dautres êtres humains, des soldats, comme je les ai entendus sappeler, mavait fortement impressionnée, et je nétais cachée dans un fossé. Cest à peine si javais osé lever les yeux sur leurs formes bizarres dans le contre-jour. Fortement marquée par cette expérience qui ne mavait pourtant pas causé de mal, javais poursuivi mon chemin en me cachant de toute présence humaine, observant de loin, et répétant dans ma tête tout ce que jentendais, si bien que lorsque je parvenais devant les murs de Castelnaudary, je ne lévitais pas.
Je me suis glissées aux portes de cette grande ville à mes yeux, et me suis vite sentie écrasée par le poids des bâtisses et terrorisée par la foule. Le froid ma bien vite poussée à entrer dans une taverne, timidement, et à découvrir une chose merveilleuse : le feu. Attirée par cette source de chaleur mystérieuse, je retournais autant que possible à ses pieds. Et se faisant, je devais constituer avec les autres hommes et femmes qui fréquentaient cet endroit. Au début, javais très peur, et je prenais garde de bien me cacher sous ma capuche, pour ne pas quils se rendent compte que je suis un monstre et quils ne me chassent pas. Courageusement cependant, je me risquais à prononcer les quelques mots de politesses que mavaient appris ma mère et les autres mots que javais entendu au cours de mon voyage.
Bien sûr, je gardais mes distances, ne laissant personne napprocher, surtout quand ils évoquaient ma capuche. Plusieurs fois, je crus que lon allait mobliger à la retirer et me faire du mal. Mais ce nest jamais arrivé. Mieux, certains dentre eux mont même donné à manger. Comme de tout temps à jamais lon mavait enseigné que la nourriture ne venait que lorsque javais assez travaillé, je me mis à la tâche, dans la mine et dans la forêt, pour faire ce que mes maigres forces me permettaient, et revenait, exténuée et gelée, auprès du feu pour recueillir le fruit de mon ouvrage. Parfois, on me donnait des gâteaux, parfois des épis de maïs. Butch, un soldat, comme je lavais reconnu comme tel à cause de son bouclier, ma même appris à en faire cuire sur le feu. Il était gentil avec moi, et même sil a essayé de me retirer ma capuche une fois, il est celui qui ma fait le moins peur. Il ma dit un jour de ne pas travailler et de chasser les papillons et « faire la sieste » pour « mamuser ». Je nai pas compris ce mot mais jai bien aimé la journée que jai passée grâce à son idée.
Mais il a dit quil devait partir et quil reviendrait plus tard me voir, comme un couple, Rubiroso et Belladone qui mavaient donné du lait chaud avec du miel et qui voulaient me mettre dans un bain et dans un lit. Cela avait lair agréable, mais jaurais dû alors enlever ma capuche et ça, ce nétait pas possible. Alors jai refusé de les suivre, et de venir avec eux en voyage. Jai remarqué que les gens veulent souvent memmener avec eux, sur la route ou dans leur maison. Mais même si je suis curieuse de voir à quoi cela ressemble de lintérieur, je ne comprends pas pourquoi ils le veulent et je refuse en secouant la tête sous ma capuche.
Ce soir, alors que tout le monde était parti et que le feu sétait éteint, je métais mise en quête dun autre feu. Je me glissais donc à lextérieur, bien emmitouflée dans ma cape trouée, ma capuche bien enfoncée sur mon visage, et cheminait, la tête baissée, mes pieds emmaillotés de bandes sales glissants dans les rues boueuses. Je prenais bien garde à ne pas attirer lattention, et dailleurs, personne ne prêtait attention à moi. Je réfléchissais à la proposition de Butch de laccompagner lorsquil reviendrait, quand soudain, une lumière vive surgit dune ruelle transversale. Surprise, je tournais mon visage vers sa source, et poussait un cri aigüe avant de me mettre à courir à en perdre haleine, chutant plusieurs fois, jusquà la sortie de la ville, hantée par la vision dun homme à large carrure, portant un tablier ensanglanté et tenant à la main ce qui ressemblait à une hache.
Plusieurs heures plus tard, perdue dans la nuit, à la seule lueur des étoiles, jerrais sur la route, dans je ne sais quelle direction, trainant au bout de mon bras la dague, ivre de fatigue et de frayeur. Et jespérais trouver devant moi un autre village avec du feu et des gâteaux, car grâce aux individus que javais rencontrée à Castelnaudary, je savais que je serais moins apeurée par ce qui mattendait à lavenir.
La peur pourtant mhabite depuis que je me suis enfuie de la grange où jai grandie. Sur la route, ma première rencontre avec dautres êtres humains, des soldats, comme je les ai entendus sappeler, mavait fortement impressionnée, et je nétais cachée dans un fossé. Cest à peine si javais osé lever les yeux sur leurs formes bizarres dans le contre-jour. Fortement marquée par cette expérience qui ne mavait pourtant pas causé de mal, javais poursuivi mon chemin en me cachant de toute présence humaine, observant de loin, et répétant dans ma tête tout ce que jentendais, si bien que lorsque je parvenais devant les murs de Castelnaudary, je ne lévitais pas.
Je me suis glissées aux portes de cette grande ville à mes yeux, et me suis vite sentie écrasée par le poids des bâtisses et terrorisée par la foule. Le froid ma bien vite poussée à entrer dans une taverne, timidement, et à découvrir une chose merveilleuse : le feu. Attirée par cette source de chaleur mystérieuse, je retournais autant que possible à ses pieds. Et se faisant, je devais constituer avec les autres hommes et femmes qui fréquentaient cet endroit. Au début, javais très peur, et je prenais garde de bien me cacher sous ma capuche, pour ne pas quils se rendent compte que je suis un monstre et quils ne me chassent pas. Courageusement cependant, je me risquais à prononcer les quelques mots de politesses que mavaient appris ma mère et les autres mots que javais entendu au cours de mon voyage.
Bien sûr, je gardais mes distances, ne laissant personne napprocher, surtout quand ils évoquaient ma capuche. Plusieurs fois, je crus que lon allait mobliger à la retirer et me faire du mal. Mais ce nest jamais arrivé. Mieux, certains dentre eux mont même donné à manger. Comme de tout temps à jamais lon mavait enseigné que la nourriture ne venait que lorsque javais assez travaillé, je me mis à la tâche, dans la mine et dans la forêt, pour faire ce que mes maigres forces me permettaient, et revenait, exténuée et gelée, auprès du feu pour recueillir le fruit de mon ouvrage. Parfois, on me donnait des gâteaux, parfois des épis de maïs. Butch, un soldat, comme je lavais reconnu comme tel à cause de son bouclier, ma même appris à en faire cuire sur le feu. Il était gentil avec moi, et même sil a essayé de me retirer ma capuche une fois, il est celui qui ma fait le moins peur. Il ma dit un jour de ne pas travailler et de chasser les papillons et « faire la sieste » pour « mamuser ». Je nai pas compris ce mot mais jai bien aimé la journée que jai passée grâce à son idée.
Mais il a dit quil devait partir et quil reviendrait plus tard me voir, comme un couple, Rubiroso et Belladone qui mavaient donné du lait chaud avec du miel et qui voulaient me mettre dans un bain et dans un lit. Cela avait lair agréable, mais jaurais dû alors enlever ma capuche et ça, ce nétait pas possible. Alors jai refusé de les suivre, et de venir avec eux en voyage. Jai remarqué que les gens veulent souvent memmener avec eux, sur la route ou dans leur maison. Mais même si je suis curieuse de voir à quoi cela ressemble de lintérieur, je ne comprends pas pourquoi ils le veulent et je refuse en secouant la tête sous ma capuche.
Ce soir, alors que tout le monde était parti et que le feu sétait éteint, je métais mise en quête dun autre feu. Je me glissais donc à lextérieur, bien emmitouflée dans ma cape trouée, ma capuche bien enfoncée sur mon visage, et cheminait, la tête baissée, mes pieds emmaillotés de bandes sales glissants dans les rues boueuses. Je prenais bien garde à ne pas attirer lattention, et dailleurs, personne ne prêtait attention à moi. Je réfléchissais à la proposition de Butch de laccompagner lorsquil reviendrait, quand soudain, une lumière vive surgit dune ruelle transversale. Surprise, je tournais mon visage vers sa source, et poussait un cri aigüe avant de me mettre à courir à en perdre haleine, chutant plusieurs fois, jusquà la sortie de la ville, hantée par la vision dun homme à large carrure, portant un tablier ensanglanté et tenant à la main ce qui ressemblait à une hache.
Plusieurs heures plus tard, perdue dans la nuit, à la seule lueur des étoiles, jerrais sur la route, dans je ne sais quelle direction, trainant au bout de mon bras la dague, ivre de fatigue et de frayeur. Et jespérais trouver devant moi un autre village avec du feu et des gâteaux, car grâce aux individus que javais rencontrée à Castelnaudary, je savais que je serais moins apeurée par ce qui mattendait à lavenir.