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[RP] Tribulations d'une capuche (presque) sans intérêt.

Bloodwen


Errant sur la route tout au long de la nuit, j’avais fini par parvenir dans une ville. Les remparts étaient immenses, plus impressionnants encore que ceux de Castelnaudary. En passant les portes, j’ai entendu des gens l’appeler Carcassonne. Ma main saignait depuis que j’avais fait tomber la dague que je trainais avec moi et que je l’avais ramassée par la partie brillante. Elle m’a mordue, comme le méchant chat de la ferme, la fois ou je l’avais surpris sans faire exprès. J’avais une vilaine marque et il y avait beaucoup de sang. Mais je l’ai reprise par l’autre bout et j’ai continué mon chemin parce que j’avais trop froid et trop mal pour m’arrêter.

Finalement, j’avais réussie à trouver une taverne, dans laquelle je retrouvais le couple qui avait été si gentil avec moi les jours précédents. Ma blessure, qui avait séché avec le froid, fut soignée et je souffrais un peu moins. Une dame, gentille aussi, me débarrassa de cet objet encombrant en le posant sur le comptoir. Trop faible pour entreprendre quoi que ce soit, je me laissais bercer par la chaleur du feu et le flux des clients et de leurs discutions que je ne comprenais pas pour la plupart.

Certains me donnèrent à manger et d’autres à boire. Si durant les premiers jours, la bière me faisait mal au ventre et me faisait voir tout flou, elle me remplissait maintenant un peu l’estomac et me réchauffait davantage. Je commençais à me sentir rassurée dans cet environnement et à envisager de rester quelques temps, voir même d’accepter une invitation du maire à entrer dans une maison pour prendre un bain et dormir dans un lit. Seulement, j’étais vouée à fuir encore, puisque lorsque l’un des clients me fit dos pour quitter la taverne, je vis une hache dans son dos.

Cette fois je ne paniquais pas, car je n’étais pas seule, et qu’il ne me regardait pas, mais je décidais de ne pas rester dans un endroit aussi effrayant. Pourtant, je n’arrivais pas à quitter la douce chaleur du feu et passait une bonne partie de la journée à somnoler entre deux entrées durant lesquelles j’observais de loin les interactions des uns et des autres. Lentement le jour déclina et à une heure avancée de la nuit, je me décidais à partir. J’abandonnais là la dague, et, emmitouflée dans ma cape, je m’aventurais dehors en direction des portes de la ville. Très vite, le froid m’engourdit les doigts et réveilla la douleur dans ma blessure. Je ne renonçais pourtant pas à mon projet, fuyant toujours plus avant, à présent libérée de cette la présence effrayante que constituait la dague au bout de mon bras.
Bloodwen
La nuit me fut pénible. Le froid semblait s’intensifier, à moins que ce ne soit mon corps qui, affaiblit, ne parvienne plus à se défendre. Mes pieds, en particulier, me causaient des souffrances terribles. Seulement protégés par une fine couche de bandages crasseux, ils foulaient depuis plusieurs jours déjà les routes du sud de la France. Et, n’ayant connu qu’un espace restreint et couvert de paille, le choc fut rude. L’humidité et le froid avaient fini par me donner des engelures, et les pierres de la route avaient percés ma peau fragilisée si bien que je laissais des empreintes sanglantes derrière moi.

Epuisée, affamée et fortement endolorie, je peinais à avancer et déjà le jour se levait dans la campagne avant que je n’ai atteint une ville. Chaque nouveau pas m’était plus difficile que le précédent, et maintes fois j’envisageais de me blottir dans un fossé pour dormir. Pourtant, mû par une volonté que je ne me connaissais pas, je résistais à cette morbide tentation et poursuivait ma route, trébuchant à chaque pas. Et, le soleil se levant à l’horizon, l’air réchauffé, je gagnais un peu plus en énergie, d’autant plus que j’apercevais enfin une ville. Les derniers mètres furent les plus difficiles mais je parvins tout de même à entrer dans une taverne dans laquelle je m’écroulais presque, près d’un feu salvateur. Le sang suintait de mes bandages boueux et mes jambes courbaturées me faisaient beaucoup souffrir.

La chance ne m’avait pourtant pas abandonnée, puisque rapidement, une dame que j’avais déjà rencontrée à Castelnaudary pris soin de moi et me donna de l’eau chaude pour me nettoyer un peu. Je n’avais jamais été lavée qu’à l’eau froide, et la sensation que je découvrais me plut beaucoup. Je me débarrassais de mes bandes sales, dévoilant mes jambes grêles et couvertes d’ecchymoses. Rassurée par la gentillesse de la dame, je me laissais manipuler tandis qu’elle me baignait, posait de l’onguent et pansait mes plaies aux pieds et aux jambes, posant de nouvelles bandes propres. Je portais les miennes depuis fort longtemps et trouvait étrange la sensation que ce changement provoquait.

Elle me dit alors que je devais rester à Narbonne, où je me trouvais, afin de laisser mes pieds guérir, m’effrayant en me disant que si je ne le faisais pas, mes pieds pourriraient comme de la paille. Je ne voulais certes pas que cela arrive, aussi, je décidais de ne pas bouger du sol de la taverne, bien au chaud près du feu. C’est là que je rencontrais une autre bienfaitrice qui me fit don d’une paire de chausses après avoir que je lui ai raconté ma mésaventure. On m’avait déjà donné à manger et à boire, on avait pansé mes plaies, on m’avait proposé des lits et des bains chauds, mais jamais on ne m’avait donné quelque chose, à part des petits choses rondes et plates de couleurs différentes avec des signes bizarres dessus et dont je ne savais que faire. Je les avais gardés dans une petite poche de ma cape et n’y pensais à vrai dire plus.

Les chausses étaient jolies, de couleur claire, et quand je mis mes pieds dedans, je restais un moment surprise par cette sensation nouvelle, mes membres se réchauffant. Mes premiers pas sous les yeux amusés de ma donatrice furent bien hésitants et je chutais presque immédiatement, me prenant les pieds dans les lacets. J’avais beaucoup à apprendre sur la marche chaussée, mais, encore gênée par la douleur, je me rasseyais près du feu, remerciant la jeune femme qui m’avait fait un si beau cadeau.

Après une journée faite de chaleur et de rencontres, je m’endormais paisiblement devant la cheminée d’une taverne dans un lit gentiment proposé par les propriétaires, bien emmitouflée dans ma cape, la main serrée sur le fourreau de la dague que l’on m’avait offert, goutant au confort du matelas de paille, pensant rester un peu dans cette ville où les gens étaient si gentils avec moi, le ventre plein de biscuits et de bière. C’était la première fois de ma vie que je m’allongeais dans un lit et je dormais du sommeil du juste, plus légère que je ne l’avais jamais été.

Mais je ne devais pas être destinée à me trouver une place en ce monde. En effet, mon sommeil fut troublé par l’entrée terrifiante d’un homme à la peau rouge, chauve aux traits sans rides, qui tenait entre ses larges mains, une hache gigantesques. Sans un mot, il s’approcha de moi, et abattit sont terrible outil sur mes jambes qui se séparèrent net de mon corps dans une gerbe de sang épais et un gargouillis immonde. Bien sûr j’avais tenté de fuir, mais je semblais m’enfoncer dans le matelas, et malgré mes hurlements et mes efforts désespérés, je restais à la merci de l’homme qui se saisit de mes jambes et se mit à les dévorer sous mes yeux.

Au comble de l’horreur, le cœur tambourinant douloureusement dans ma frêle poitrine, je me levais en sueur et, la vision floue, la tête me tournant, je me jetais hors de la taverne en trébuchant, et saisie par le froid extérieur, les yeux dégoulinants de larmes, je chutais sur le sol glacé. Terrorisée, persuadée que l’homme rouge allait me poursuivre, je me relevais promptement, et me mis à courir, faisant presque choir ma capuche, quittant ce lieu maudit sans un regard en arrière pour me retrouver à nouveau sur la route.
Bloodwen
J’arrivais en milieu de matinée à Bézier, gelée et écorchée aux genoux et aux poignets après de nombreuses chutes dues à mes chausses neuves qui étaient à présent couvertes de boues. Les lacets s’en étaient défaits et elles étaient un peu trop grandes pour mes pieds squelettiques. De plus, elles n’étaient pas faites, et mes pieds blessés me faisaient souffrir, même s’ils étaient plus au chaud qu’auparavant.

Au cours de la nuit, déjà fortement impressionnée par mon cauchemar, j’avais croisé une armée. Le bruit métallique que les soldats produisaient me parvint avant que je ne les vois, et, persuadée qu’ils me voulaient du mal, je m’étais précipitée hors de la route et faite toute petite pour les dépasser sans qu’ils ne me repèrent, serrant dans ma main la dague que je n’avais pas lâchée. Malgré la peur et la fatigue, l’obscurité et le froid, je parvins à retrouver mon chemin sans encombre. Cependant mes épreuves n’étaient pas terminées, puisque je trouvais une autre armée aux portes de la ville. C’est la faim et le froid qui me poussèrent à la dépasser pour entrer dans la cité, où je ne tardais pas à trouver une taverne et un feu pour me réconforter.

J’y rencontrais des voyageurs comme moi, qui se montrèrent très gentils avec moi. L’un deux me proposa même de m’offrir de la viande. Il me donna de ces objets ronds et plats pour que je me rende au marché en chercher. Je m’y rendais donc, mais au moment où le boucher me tendait les pièces de viande, un homme, qui était dans la taverne quand je partais, s’en empara et je me retrouvais les mains vides. Penaude et triste de ne pas avoir pu gouter pour la première fois cet aliment, je retournais voir mon bienfaiteur qui se mit dans une colère noire. Quelques minutes, je crus qu’il était fâché contre moi, et je me réfugiais derrière plusieurs tables. Mais ce n’était pas le cas, et il me renvoya même au marché.

Cette fois, je revins avec le précieux don, et, après que le tavernier me l’eut fait cuire, je mordais dans une côte de porc juteuse. Je vous laisse imaginer la sensation qui m’envahi alors. Je dégustais tranquillement mon providentiel repas, prêtant peu attention à ce qu’il se passait autour de moi. Après quelques minutes de digestion, je m’endormais sur place, le ventre plein.

Je m’éveillais plus tard, seule, devant un feu éteint. Et me mit donc en quête d’un autre, errant dans la ville, pour finalement revenir sur mes pas, mal à l’aise dans la foule constante des rues. Voyant que j’avais froid, puisque je grelotais effectivement, l’homme présent dans la taverne, compagnon de voyage de l’homme que j’avais déjà rencontré plus tôt, et qui m’avait donné de la viande, me fit don de son manteau, ciré pour que l’eau glisse dessus. Fascinée, et bien au chaud dans ses plis, je le remerciais, surprise de faire l’objet de tant de bonté.

Le reste de ma journée alterna entre bonnes et mauvaises rencontres. Si un homme en particulier me fis particulièrement peur, je reçus en contrepartie des légumes et des biscuits, ainsi que de précieux conseils et fis la connaissance d’un chien, Dolce, qui, s’il m’effraya de prime abord, me rappelant le féroce mâtin de la ferme, se montra très gentil. Rassurée et séduite par sa douceur et sa chaleur, je me laissais m’approcher et, finalement, me blotti contre lui et m’endormi le nez et les doigts enfouis dans sa fourrure. A mon réveil, sa maîtresse me fit don d’une poupée, et m’appris à « jouer » avec en l’habillant. Je l’adoptais immédiatement quand elle me dit qu’elle garderait tous mes secrets, et l’habillait chaudement pour ne pas qu’elle ait aussi froid que moi.

A la nuit tombée, j’envisageais véritablement de rester dans cet environnement rassurant, en suivant Lady-Eden à l’étage de la taverne, pour qu’elle me borde dans un bon lit, ma poupée posée sur l’oreiller près de moi. Et je goûtais pour la première fois de ma jeune vie au bonheur d’être en sécurité et choyée alors que je fermais les yeux pour m’endormir paisiblement
Bloodwen
Mon repos fut de courte durée. A nouveau, surgit l’homme rouge et à nouveau, je pris la fuite. L’esprit embrumé et torturé, je couru jusqu’à ce que mes forces m’abandonnent et que je m’écroule sur le bord de la route avant même que je ne me sois rendue compte que j’avais quitté la ville. J’avais trop peur pour retourner sur mes pas, et poursuivi donc, jusqu’à Montpellier sans faire de mauvaise rencontre.

Je n’avais encore jamais vue de ville aussi grande et j’étais fortement impressionnée par la foule qui s’y ébattait. Comme j’en avais pris l’habitude, je trouvais rapidement une taverne, et tombait nez à nez avec ma bienfaitrice de la veille, qui fut fort surprise de me trouver là. J’eu peur un instant qu’elle ne me le reproche mais elle ne sembla pas m’en tenir rigueur. Sa poupée, Mary, ne m’avait pas quitté et, plus tard, une dame qui m’effrayait un peu me donna une petite cape pour l’habiller et lui donner chaud. Elle faisait partie du groupe de voyageur dont j’avais rencontré quelques membres la veille.

L’un deux était l’homme qui m’avait donné de la viande. Il s’appelait Eamon de Trévière et je me sentais rassurée auprès de lui. Au début j’avais encore un peu peur de lui mais peu à peu, je ressentais que la crainte me quittait et je laissais m’approcher de plus en plus. Il était très gentil avec moi, et m’apprenait beaucoup de choses. Je rencontrais ses amis et ils se montrèrent tous gentil avec moi, à tel point que lorsqu’il me proposa de rester avec eux, je pensais le faire, parce que je me sentais en sécurité avec lui. Et puis l’un d’eux, plus vieux que les autres, m’avait donné du ragout et un autre un petit cheval de bois.

Mon bien-être nouvellement acquis se trouva cependant perturbé par un événement traumatisant. En effet, mon ami, puisqu’il m’avait appris à le considérer comme tel, parvint à apercevoir la couleur de mes yeux. Terrorisé, je m’étais alors réfugiée dans un coin de la pièce, persuadée qu’il allait me battre maintenant qu’il savait que j’étais un monstre. Même si j’avais été maintes fois effrayée par beaucoup de choses et de gens, je ne l’avais jamais autant ressenti qu’à cet instant. Et si mes pupilles diaboliques tressautaient violemment à l’ombre de ma capuche, ils demeuraient toutefois secs, ma terreur se manifestant seulement par des tremblements incontrôlables dans tout mon frêle corps. Peut-être avais-je compris durant mon enfance que les larmes ne me seraient d’aucun secours, ou peut-être était-ce ma tare qui me donnait cette caractéristique, mais à vrai dire, je n’en avais pas conscience. J’étais obnubilé par le fait que mon secret avait été découvert et que mon protecteur allait m’abandonner.

Mais il n’en fut rien, et, plutôt que de me battre, il me rassurera, me parlant d’une licorne aux yeux rouges comme moi qui protégeait les faibles et portait chance. Il me parla aussi des fées qui m’avaient donné ce don, ce à quoi je me braquais, répondant qu’elles étaient méchantes de m’avoir fait comme cela. Compréhensif, il me prit dans ses bras et me promis qu’il ne me ferait pas de mal, et me protégerait même. Et comme preuve, il me donna une effigie de licorne, qui me porterait chance, dit-il.

Rassurée je passais le reste de la journée près de mes amis qui m’offrirent une chambre que je pu fermer à clef. Bien au chaud, toute habillée, je me touchais la joue, mainte fois caressée par Eamon et Kachina, et m’étonnais de la sensation agréable qui m’envahissait quand je repensais à leurs paroles. Ils m’avaient dit que j’avais une famille qui prendrait soin de moi, et même si je ne comprenais pas bien ce que cela impliquait, je savais du moins qu’avec eux je n’aurais plus froid ni faim, et que je ne serais plus esseulée et effrayée. Je n’en demandais pas plus et sombrais vite, mes jouets dans les bras, dans un sommeil pour une fois tranquille. Nul homme rouge, nulle fuite, je m’éveillais fort tard au matin, reposée de toutes les épreuves que j’avais traversé pour en arriver là.

Ce soir, à la nuit, je partirais avec mon protecteur et ami, et ma famille, sur les routes, nourrie et en sécurité, au chaud et entourée.
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