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Le Moine à l'Infante, ou la Charité cruelle

Officier
L’air frais avait jà léché pendant des heures le visage de l’Autoproclamé. La route était longue et il lui restait du chemin à parcourir. Peut-être que parmi les villageois des villages traversés, il trouverait quelques fidèles généreux…


Cela faisait des mois qu’il se faisait appeler « Mon Père » ou « Mon Frère », au gré de ses envies, au fil des rencontres. Il avait dépossédé un cadavre gisant à la lisière d’une forêt, ce qui n’est plus utile à un mort ne pouvait être considéré comme voler. L’homme de Foi aurait été fort aise d’aider ainsi Onésim. Aussi cliché que cela paraisse, l’Imposteur avait trouvé dans la besace presque cassée au sol de la bière et du saucisson, qu’il s’empressait sans façons de ranger dans son sac personnel.

Peu de minutes après qu’il ait pénétré Montpellier, il se dirigea vers une taverne d’où assez peu de bruits s’échappait mais dont peu de chaises restaient disponibles. Les discussions étaient banales, et Onésim n’avait pas réellement le souhait d’y participer, alors il observait les lieux, le comptoir fait de bois était assez exceptionnel, les planches entortillées donnaient un effet de vie à la réalisation d’un charpentier génial. Le regard poursuivait sa route, croisant diverses babioles exposées ci et là, et dont une grande majorité était disposée sur la boursouflure de la cheminée. La pierre taillée fine donnait une géométrie parfaite, et malgré la taille de la cheminée, qui était assez peu large, la Capuche de l’Infante qui lui a dit bonjour paraissait éclater sous les lumières vives. L’Albinos s’était approchée fort près du feu, sans doute avait elle vraiment eu froid durant son voyage.. Qui étaient ses parents pour laisser faire une telle chose ? N’avaient ils pu lui donner leurs propres manteaux ? Et pourtant, le manteau porté par dessus laissait clairement penser à un manteau d’adulte, manteau d’homme, même.
Les interrogations se poursuivaient quand le silence se fit dans la pièce, les yeux du faux-Moine se relevèrent pour se poser sur tous les visages présents dans la pièce. Ils semblaient tous en méditation, fait étrange mais qui arriva plusieurs fois… Tous concentrés sur eux mêmes, leurs esprits ayant quitté les corps pourtant encore chauds. C’en aurait presque été assimilable à de la Sorcellerie, alors parmi tout ce silence il se tourna vers l’Infante pour lui poser les questions qui lui étaient passées par la tête.


« Alors l’Infante, comment te sens-tu ?

As tu besoin d’être si proche d’une flamme pour être réchauffée ?

Tes Parents, ils ne sont pas avec toi ? Tu voyages seule ?
… »


Les questions se suivaient, concises, il avait besoin de savoir… Les enfants sont la voie d’intégration. Promenez vous avec un petit ramoneur et vous verrez que tout le monde imaginera que vous êtes son employeur… Mais chose qu’il ignorait c’est qu’un Moine ou un Curé avec une pucelle Angélique, qui attire la générosité des plus vils guerriers… Et toutes les portes seront ouvertes.. Et ça il s’en rendra compte plus tard, lorsqu’il verra l’Angélique qu’il assignera à sa tâche, Démone pour lui.

« …
Veux tu me suivre ? Juste pour le dîner, j’ai de quoi te nourrir convenablement.. Tu aimes la viande et les soupes ? »


Parler et promettre nourriture à une Infante dans le besoin, y avait-il chose plus noble ? A cet instant, ni la Capuche ni l’Imposteur n’aurait souhaité dire l’inverse…

Rendez-vous était pris et il avait amené l’Encapuchonnée chez lui pour qu’elle puisse y revenir quand elle voudra manger. D’un sourire aimable et profondément sincère en apparence qu’il lui tint la porte pour qu’elle retourne en taverne y voir ce qui pourrait s’apparenter à des généreuses âmes que l’Infante avait découvert auparavant.

Durant les longues minutes où la préparation du Moine chauffait, cuisait lentement dans la masure louée pour la nuit.. Il s’enquérait de faire ses affaires pour être prêt à partir, y ajoutant un petit surplus pour la proie qu’il attirait pour abuser et tromper le Monde entier. Tout le nécessaire était prêt. La route allait être délicieuse, il en était sûr.

Peu de temps après l’Infante revenait et faisait les premiers pas dans le piège qui commençait jà à se refermer…
Bloodwen
Je passais la porte de la demeure sans crainte, bien qu’encore impressionnée, malgré ma précédente visite. Je venais de quitter mon ami et protecteur qui m’avait rassuré en me disant que si mon hôte était un homme d’Eglise, il serait forcément gentil et c’est avec une courtine luxueuse et un tin whistle dans les bras que je me présentais chez mon nouvel ami afin de manger avec lui avant de partir sur la route avec ma nouvelle famille.

Les nombreuses rencontres amicales que j’avais faites au cours de mon voyage avaient émoussées ma méfiance naturelle et, sous ma capuche, mon regard se faisait moins craintif. Le moine m’avait attirée avec la promesse d’un bon repas et de chaleur. Mon corps mal nourrit et en pleine croissance me réclamant toujours plus de nourriture, je n’avais pas pu résister, d’autant que l’homme m’avait aussi donné l’assurance d’un feu, et parlé d’un Très-Haut qui m’intriguait beaucoup.

Toute à mon bonheur nouvellement acquis, je me laissais enivrée par l’odeur de cuisine qui embaumait l’air et m’approchait du feu, comme un papillon irrésistiblement attiré par la lumière. Je n’avais pourtant pas si froid, couverte que j’étais de ma vieille cape, et du large manteau qui me recouvrait lourdement. Mes pieds étaient également bien protégés par mes chausses trop grandes et la courtine parachevait ainsi que mon inséparable capuche. Si bien que je donnais l’impression d’être bien plus épaisse que je ne l’étais en réalité, quasi-squelettique sous ma chemise neuve offerte quelques jours plus tôt.

Sous ma cape, je me servais d’un bout de corde et des reste de la chemise sale que j’avais portée pendant des années pour stocker tous les dons que j’avais reçus, soit deux dagues, un cheval de bois, une effigie de licorne et bien sûr, mon jolie poupée Mary. J’avais beaucoup perdue de ma réserve depuis ma rencontre avec Eamon, et émerveillée par ma découverte de la musique, je déposais la courtine et montrait fièrement l’instrument à mon hôte.

Regardez, Eamon me l’a donné ça fait du joli bruit.


Et, joignant le geste à la parole, je me mis à souffler dans l’embout en bouchant les trous et en levant un doigt aléatoirement, faisant varier le son comme je l’avais appris un peu plus tôt dans la soirée. Je cessais rapidement cependant, craignant d’abimer mon si joli cadeaux.

Tandis que le moine me servait à manger, ma poupée placée sur mes genoux, je lui racontais que j’allais partir en voyage avec ma famille, et qu’ils avaient promis qu’ils prendraient soin de moi. Qu’ils m’apprendraient à lire, à écrire, à tirer à l’arc, à manier la dague, et que d’ailleurs, j’en avais deux, que je posais sur la table pour lui montrer. Je n’avais bien sûr aucune idée de ce à quoi cela pouvait servir, et n’avait pas confiance que je me mettais en danger. Après tout, ne m’avait-on pas promis que plus rien de mauvais ne m’arriverait ? Que je verrais la mer, et que je serais heureuse et à l’abri auprès d’Eamon ?

Bercée par ces douces illusions, je dévorais la soupe, les yeux brillants de bien-être sous ma capuche, insensible à la menace qui se dissimulait sous la bure.
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