Eunice.
- - Annecy - Savoie -
Il faisait froid au dehors, et de l'intérieur de la chambre où elle logeait, on pouvait entendre aisément les sifflements du vent qui tentaient de s'immiscer par la fenêtre derrière laquelle elle se trouvait. La Rosenthals y avait prit place depuis plusieurs minutes maintenant, son regard plongeant sur la ruelle en contrebas, guettant le retour de Friede et des enfants, tous trois partis en vue de se rendre sur le marché.
Observant les quelques passants dans l'attente de les voir revenir, son attention avait été attiré par un homme, à la mauvaise allure, qui, pour ne pas crever de faim sans doute, venait de plonger les mains dans un tas d'ordures abandonné là. Une vision qui l'amena, à force de le contempler, à songer à Torvald ; frère porté disparu depuis des lustres.
Le contact avait été soudainement rompu et pas même sa fille, Elvide, n'avait réussi à obtenir de sa part la moindre nouvelle. Et si elle avait, un temps durant, tenté de le retrouver, ses recherches n'avaient rien données, laissant place au désespoir.
Qui sait ce qu'il avait pu devenir avec le temps ? Était-il mort ? Toujours vivant ? Avait-il simplement eu l'envie d'être distant, allant jusqu'à s'isoler et se couper de la famille ? Avait-il ressenti l'envie de tirer un trait sur son vécu pour aller tout recommencer ailleurs ? Une dernière hypothèse vers laquelle Eunice avait tendance à se pencher en espérant, si tel était bien le cas, que cela lui ait réussi et qu'il n'ait pas, dans le pire des cas, fini comme cet homme qu'elle n'avait cessé de contempler jusqu'alors et qui venait tout juste de quitter son champs de vision.
Torvald. Y avait-il quelqu'un d'autre pour penser à lui, à sa fille, en ces heures où tous semblaient bien plus préoccupés par la Reniée ?
C'est en se posant cette question qu'elle prit conscience qu'il y avait bien longtemps qu'elle n'avait pas adressé de courrier à sa nièce et qu'une simple pensée ne saurait toujours suffire.
Elle avait alors quitté l'emplacement où elle s'était tenue, pour se diriger, avant d'aller s'attabler pour écrire, vers le foyer qui faisait un angle dans la pièce et où se mourait un feu qui ne réussissait plus à repousser le froid. Un feu qu'elle avait attisé vivement, avant de s'envelopper d'une courte-pointe de laine. Mais avant de prendre sa plume pour entamer la rédaction de sa missive, elle mit ses mains en cornet et souffla dans l'orifice près de ses pouces afin de réchauffer ses doigts engourdis. Chose étant faite, sentant à nouveau l'extrémité de ses doigts, elle se mit à coucher ses mots sur un parchemin.
Citation:
- Annecy - Au 10ème jour de décembre 1462.
- A toi, Elvide,
Ma très chère nièce.
- Voilà longtemps n'est ce pas ? J'aurai certes dû t'écrire plus tôt pour prendre de tes nouvelles, car il me semble, si mes souvenirs sont bons que tu fus la dernière à m'écrire. Acceptes alors mes excuses pour ma négligence. Pour autant, cela ne veut pas dire que je n'ai pas pris le temps de penser à toi. Bien au contraire et même si, mon esprit et mon quotidien ont tous deux étaient fortement occupés par les fils d'Amadheus que j'ai en garde et les recherches que nous menons sur Annecy, en Savoie, afin d'essayer de retrouver la plus jeune de nos soeurs.
Comme j'aurai aimé que ton père soit là. Face à ces recherches qui ne donnent aucun résultats satisfaisant, il aurait été à même, j'en suis certaine, de me communiquer toute cette énergie qui émanait de lui, son enthousiasme et l'optimisme dont il savait faire preuve.
N'aurais-tu pas, à tout hasard,ou parce qu'il aurait décidé de refaire surface, obtenu de ses nouvelles ? J'aimerai tant que se soit le cas et si jamais il n'en était rien, ne perds pas espoir d'en recevoir un jour. Moi non plus, je ne désespère pas.
Mais assez d'évoquer ce douloureux sujet et venons-en plutôt à toi.
Il me tarde de recevoir de tes nouvelles en retour. Que tu me dises où tu trouves, me racontes ce que tu fais et si tu es bien entourée.
J'ose espérer que tu vas bien et que ta missive ne sera porteuse que de bonnes choses.
Penses vite à m'écrire.
Je t'embrasse.
Ta Tante.
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