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[RP ouvert]L'hôtel de Culan.

Lavoyageuse
Voya vit arriver Bacchus à la porte, elle le regarda, elle n'avait jamais vraiment aimé cet homme, lui et la Matheline, elle ne les appréciait pas énormément, pourquoi? elle ne le savait pas elle-même, juste un ressenti, une maladresse de sa part puisqu'elle ne les connaissait pas.

Voya avait fait beaucoup d'erreurs de jugements dernièrement alors peut être qu'il était temps pour elle d'arrêter de se protéger des autres en les jugeant. Peut-être était-il dans de donner sa confiance aux bonnes personnes. Elle posa ses yeux sur Bacchus et l'écouta, il est vrai que cet homme et la matheline avait toujours été là pour Anne, quand elle avait perdue sa mère et son frère plus récemment, ils ne l'avaient pas abandonné. Voya se souvenait de ce qu'elle avait ressenti quand sa mère était morte dans ses bras, elle aurait voulu avoir un Bacchus ou une matheline près d'elle et ensuite même chose quand elle avait appris la mort de son frère.

Voya réalisa que son histoire et celle d'Anne finalement n'était pas si éloignées, et au lieu de la comprendre, Voya l'avait jugée et mal qui plus est. Voya avait été obligée de grandir trop vite et de devenir adulte rapidement, mais au fond d'elle, il y avait une petite fille qui avait refusée de grandir, une petite fille qui réclamait sans cesse attention et affection, une petite fille qu'elle protégeait tant bien que mal et qui faisait d'elle une femme gentille mais qui se faisait souvent avoir. Voya savait tout ça parfaitement et en voyant Bacchus elle se demande si Anne avait au fond d'elle cette même petite fille qui souffrait en permanence d'un terrible sentiment de solitude et de doute. Elle avait beau se battre contre ça, quand on a grandi sans maman et sans personne pour vous guider ce n'est pas facile. Ce que Anne devait souffrir!

Voya revint d'un coup à elle, combien de temps était-elle restée pensive devant Bacchus? Elle bafouilla et se reprit:


Euh... euh... Et bien oui je souhaiterais l'attendre si c'est possible.
Anne_blanche
C'est à pied qu'Anne franchit la courte distance qui séparait le couvent, sis hors les murs, de l'hôtel de Culan. La mère supérieure, avant de la laisser aller, l'avait longuement regardée, comme pour s'assurer que la jeune fille était prête à revenir au monde. Anne avait soutenu son regard, par-dessous ses longs cils sombres, avec le sérieux que l'on attendait d'elle.
Elle ignorait elle-même si elle était vraiment prête. Le chagrin la torturait toujours. La nuit, quand le couvent endormi reposait dans l'attente de matines, elle se laissait aller à des sanglots secs, qui la secouaient toute entière. Mais le jour, en suivant les offices, en partageant avec les moniales les repas silencieux, en mélangeant pour les copistes et les enlumineuses les pigments et l'or - on ne la laissait pas copier elle-même, elle était bien trop maladroite - elle donnait le change.
Les tout premiers jours, la fièvre l'avait tenue clouée au lit, incapable de se lever ; les nonnes avaient pris soin d'elle, en toute charité, mais d'une façon suffisamment froide et impersonnelle pour qu'elle pût cuver sa rancœur en toute quiétude.
Puis elle avait recouvré la santé... Et, peu à peu, la résignation devant l'inéluctable avait remplacé colère et révolte. Gabriel lui manquait, terriblement. Mais, au contact des nonnes, elle avait acquis l'absolue certitude qu'elle le reverrait, dans le Paradis Solaire. Mère Wilgeforte avait raison : elle avait confirmé l'intuition que sa vie ne lui appartenait que dans la mesure où le Très-haut en décidait.

Le Conseil Ducal lui manquait, l'ambiance calme et laborieuse du Conseil Municipal aussi. Mercurol ? Pas vraiment. Elle n'avait eu que fort peu de temps pour se couler dans sa peau de chancelière, et se souvenait avec des frissons de la fronde muette provoquée là-bas par sa nomination. Le temps viendrait à bout de tout cela.
Sous ses talons, le pavé viennois sonnait agréablement. Anne délaissa la grande porte de la rue, contourna l'hôtel, et poussa l'huis de la ruelle, qui donnait sur le jardin. Elle prit plaisir à musarder quelques minutes dans les allées humides, à passer sous la tonnelle menant à la cour pavée de galets ronds, à humer au passage l'odeur des écuries, puis celle de la cuisine où s'activait Flamenque. Ce fut par là qu'elle entra dans la maison, profitant d'une incursion de la cuisinière dans la réserve. Par l'escalier de service, elle rallia la grand-salle, passage obligé pour accéder aux étages et à sa chambre, qu'elle avait hâte de retrouver.

Elle pensait y trouver Matheline. Ce fut Dame Voya qu'elle vit, sitôt entrée.
Dans un premier temps, elle fut contrariée d'avoir à accueillir, dès son arrivée, une visite à laquelle elle ne s'attendait absolument pas.

Mais très vite, elle retrouva le sourire. Dame Voya semblait soucieuse. Depuis combien de temps attendait-elle là ? Et Matheline qui ne lui avait même pas porté de quoi se restaurer pour patienter !


Le bonjour, Dame. Bienvenue à l'hôtel de Culan. Je suis ravie de vous y accueillir enfin !
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Lavoyageuse
Voya entra derrière Bacchus et le suivit jusqu'à la grande salle. Elle s'inquiétait pour Anne et espérait aussi rencontrer sa tante, elle l'avait vu à l'inauguration de St Priest mais n'avait pas eu l'occasion de discuter avec elle, comme elle aimerait pouvoir mieux connaître cette femme.

Alors qu'elle pensait à tout un tas de choses, Voya vit arriver Anne, a priori elle avait l'air d'aller bien, mais Voya connaissait la jeune femme et sa grande capacité à cacher tout au fond d'elle ce qui n'allait pas et offrir un joli sourire pour ne pas avoir à répondre aux questions des autres.

Voya lui sourit et prit la parole:


Bonjour Anne, je suis ravie de te voir, je suis désolée de venir à l'improviste, je ne savais pas que tu étais chez les nonnes et ne rentrait que ce soir, tu dois être fatiguée et je ne voulais point te déranger, mais je voulais absolument savoir comment tu allais parce que j'ai ouie dire que tu n'étais pas très en forme dernièrement.


Voya préférait être honnête avec elle même si elle n'était pas décidé à laisser la demoiselle la mettre à la porte si facilement comme elle faisait avec les gens qui essayait de s'approcher d'elle.
Anne_blanche
Au fond, ce n'était pas si désagréable de trouver quelqu'un à l'hôtel dès les premiers instants. Anne n'était probablement pas très présentable. Elle était partie si vite pour le couvent, après son entretien avec Mère Wilgerforte, qu'elle n'avait rien emporté. Les moniales avaient pourvu à tout. Dès son lever, on lui avait prêté une robe stricte, droite, grise, dont le col blessait la nuque et qui lui laissait les poignets rougis. Sa propre robe avait été nettoyée, et on la lui avait remise pour sa sortie. Mais, comme il arrive souvent à cet âge quand on est malade, Anne avait grandi. La robe flottait sur son corps amaigri, mais laissait à découvert un peu plus de ses bottes que ce qu'il aurait fallu. Avec un peu de chance, Dame Voya ne s'en formaliserait pas.

La visiteuse prononça quelques excuses d'usage, puis s'enquit discrètement de sa santé.


...je voulais absolument savoir comment tu allais parce que j'ai ouie dire que tu n'étais pas très en forme dernièrement.

Je vais très bien, ne vous faites pas de souci pour moi, Dame.

C'était un mensonge, et Anne le savait. Mais elle n'avait nulle envie de se répandre sur sa fièvre, encore moins sur son chagrin. Le temps seul ferait son œuvre, les drogues de Dame Voya ne changeraient rien.


Comment se porte Saint-Priest ? Y prendrez-vous vos quartiers d'hiver, ou préférez-vous rester en ville ?

Tout en parlant, elle adressait par signes à Matheline l'ordre d'apporter à boire, et prenait place non sur le coussiège où elle aimait à se tenir, mais dans le faudesteuil près de la cheminée.


Je suppose qu'il s'est passé bien des choses, pendant mon absence. Il va me falloir rattraper au plus vite mon retard. Prenez place, je vous prie.

Sa propre voix lui semblait moins fluette qu'avant son départ. Le long silence du couvent, sans doute... Si seulement Blanche avait pu se décider à faire retour au monde, au moins pour quelques jours !
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--Bacchus
Je te dis que c'est vrai !

Pourquoi faut-il toujours que Matheline remette en question tous ses dires ? Bacchus ne le comprendra jamais.


Tu dis ren qu'des menteries, le Bacchus ! Je sais ben que le Poilu, l'est mauvais comme la gale, mais l'aurait point fait ça à son propre neveu.


Ben tu sais ce que tu sais, la Matheline. Et moi je sais ce que je sais. Et je te dis que je l'ai entendue, la dame de l'hérauderie, vu qu'j'étais à la porte à attendre Demoiselle Anne. Elle a même déchiré la patente qu'elle venait de signer.


Matheline, l'air pincé, renifle plus que jamais. Toujours la goutte au nez, celle-là. A croire que sa mère l'a conçue dans une fontaine.

Tu fais ren qu'à écouter aux portes. Un jour, ça te jouera des tours, je te dis qu'ça !

Norf de norf !

Ses gros bras lui en tombent. Ecouter aux portes, lui ! Lui !!! Il en perd ses mots.
Et puis après tout, puisqu'elle ne veut rien savoir, tant pis pour elle. Il va s'en aller conter son histoire à ses chevaux. Eux, au moins, ils ne le contredisent jamais.


Ça fait quelques jours que la vie a repris son cours, à l'hôtel de Culan. Dame Voya est partie sans que Bacchus s'en aperçoive. Anne a fait rallonger sa robe par Matheline. Elle devient jolie, la petite demoiselle. L'autre jour, à Paris, elle est sortie toute chose de l'Académie ; Bacchus a vu tout de suite qu'elle était changée. Il se demande si le jeune homme qu'il a vu lui tenir la porte y est pour quelque chose. A moins que ce ne soit son séjour au couvent ? Ça fait du bien aux filles, le couvent. Ca les rend plus sages. Matheline ferait bien d'y faire un tour, tiens.

Tu sais, mon vieux Pialus, que j'ai raison, moi. Hein ?

Il murmure à l'oreille d'un cheval. L'animal pose la tête sur son épaule, heureux.


Le pauvre Messire Gabriel était à peine froid que le Poilu l'a fait destituer. L'a dit qu'il avait refusé de répondre au ban. Comme si les morts pouvaient répondre au ban.

Pialus gratte du sabot le pavé de l'écurie.

Comme tu dis, Pialus. S'il avait pu, il l'aurait tiré de la tombe pour lui cracher à la face. Mais ne t'en fais pas, va ! La demoiselle a écrit au Roy d'Armes. Pour sûr qu'il laissera pas faire une vilénie pareille.

Pialus encense, gratte une nouvelle fois le sol.

Ah ? Tu crois que c'est possible ? Remarque ... Va savoir... Ils sont bizarres, à Paris. Il s'en passe, des choses, là-bas. On est bien mieux à Vienne, va !
Anne_blanche
C'est au retour de Paris, où elle passait de plus en plus de temps, qu'Anne reçut une réponse du Roy d'Armes. Avant de l'ouvrir, elle relut attentivement le courrier qu'elle lui avait adressé deux semaines plus tôt.

Citation:
A Vienne,
Ce onziesme de novembre MCDLVII

Montjoie, Votre Grandeur,

J’ai eu hier soir par Sylvestre l’annonce de la destitution de mon frère Gabriel, évêque de Genève, de sa vicomté de Culan, en Berry. Il semble que le motif en ait été un refus de se rendre au ban levé par Messire d’Aigurande, alors Duc de Berry.

Il ne peut s’agir que d’un malentendu. Mon frère est tombé malade, à Genève, le 11 septembre au soir, d’après une missive que m’avait écrite son diacre, et que je n’ai point conservée. Dès le lendemain matin, il se faisait transporter au couvent le plus proche pour y être soigné.

Le 27 ou 28 septembre, sentant sa fin prochaine, il a demandé qu’on le ramène en sa cathédrale de Genève. Je suppose que c’est à ce moment qu’il a découvert l’ordre de se rendre au ban.

Dans sa demande de destitution, Messire d’Aigurande dit : « Alors qu'il n'était pas en retraite, il a clairement refusé par missive privée, et ce sans même proposer de compensation financière au Duché ou de se faire remplacer par un proche. »
J’ai la copie de cette missive, trouvée dans les papiers personnels de feu mon frère. Je ne sais si Votre Grandeur en a eu connaissance, aussi la recopié-je ci-dessous :

Citation:
Monseigneur,

Par cette missive, je vous prie de recevoir tous mes voeux pour que le Berry sorte au mieux de cette crise dont je ne suis pas même au courant. J'ai prononcé des voeux cléricaux il y a fort longtemps qui m'interdisent formellement toute opération militaire. Cependant, je prierai pour le Berry depuis ma cathédrale lointaine. L'état de santé qui est le mien, et qui, je n'en doute pas, ne manquera pas de vous réjouir, vous et votre maître, ne me permet pas même de sortir de la cathédrale. J'y dors, prie, mange, prie, et prie encore. Je ne sais combien de temps Dieu m'accordera de vivre, mais en tout cas, il ne me laisse pas l'occasion de voyager jusqu'à Bourges. Mes prières le feront pour moi, soyez-en sûrs.

Que Dieu vous garde,

Gabriel de Culan


Je ne vois là nul « refus » de se rendre au ban, seulement l’exposé par un mourant de sa situation. Qui plus est, mon frère était clerc, et ne pouvait porter les armes, conformément à ses vœux. La loi berrichonne sur la levée de ban stipule bien que « Les Nobles exerçant une charge religieuse leur interdisant de porter les armes sont mobilisés uniquement pour des missions humanitaires ou si ce n'est pas contraire à leurs voeux, la défense des villages. » Mon frère n’avait pas de vassal qui aurait pu le remplacer.

Le lendemain, 29 septembre, mon frère rédige son testament, qu’il fait parvenir, d’après son diacre, à Dame Kirah.
Le 30, au petit jour, il rend le dernier soupir.

Je me permets de rappeler à Votre Grandeur qu’à plusieurs reprises mon grand-oncle d’Aigurande a tenté de faire destituer feue ma mère, Maryan, vicomtesse douairière de Culan en l’enfance de mon frère, au motif que son allégeance comportait une mention à l’égard de Sa Majesté Levan le Troisième. Il a agi de même envers Messire Hugo, vicomte de La Chapelle-Angillon, dict Hugoruth, pour le même motif. Il se trouve que Messire Hugo était cousin de feu mon père.

Je crains fort de ne voir dans cette nouvelle demande le reflet de la haine du félon d’Aigurande à l’égard de notre famille, et prie Votre Grandeur de bien vouloir reconsidérer les pièces du jugement.

Daigne Votre Grandeur, Montjoie recevoir la supplique de

Anne-Blanche Cornedrue de Culan















Tout y était. Il était impossible que la réponse fût négative. Elle n'avait omis que ce courrier, reçu de Gabriel peu après sa mort, par lequel il lui enjoignait de veiller en ses lieu et place à l'indemnisation du Berry, si lui-même n'y pouvait pourvoir. Elle n'avait pas voulu comprendre, en le lisant, que Gabriel était mourant. Elle l'avait relégué au fond d'un coffre, et n'aimait pas l'idée de l'en ressortir.
Les doigts un peu tremblants malgré sa certitude, elle décacheta la missive du Roy d'Armes.


Legueux a écrit:
Citation:

De Nous, LeGueux d'Alanha, Roy d'Armes et Pair de France,

A vous, Donà Anne-Blanche Cornedrue de Culan,

Adissiatz.

Par la présente faisons savoir :

Que le vingt sixième de septembre MCDLVII, le duc légitime de Berry a levé le Ban et donc fait appel à ses vassaux afin de défendre ses vassaux.

Que la loi berrichone prévoit, outre possibilité de compensation pécuniaire, des dispenses notamment celles ci :


Citation:
Les nobles berrichons, vassaux du duc de Berry, quel que soient leurs autres titres doivent assistance militaire au Berry.
[...]
Le noble ayant sa résidence principale hors Berry est dispensé de prester les jours de disponibilités (absence de guerre en Berry). Si cependant un de ses vassaux vit au Berry, il remplacera le noble pour les missions de police ou militaire, le nombre de jours de disponibilité étant divisés selon le nombre de vassaux.
[...]
Les Nobles exerçant une charge religieuse leur interdisant de porter les armes sont mobilisés uniquement pour des missions humanitaires ou si ce n'est pas contraire à leurs voeux, la défense des villages.


Que ces informations ont été transmises à tous les nobles par le héraut du Berry lors de la levée de ban.

Qu'il est concevable a posteriori que l'état de santé de l'ex vicomte de Culan n'ait pu lui permettre de faire le voyage pour des missions humanitaires.

Que la réponse de Gabriel de Culan, dont vous m'avez vous aussi fournie copie, ne fait aucunement mention de solution de substitution quand à l'aide qu'il doit à son duché lors d'une levée de ban.

Qu'en ne répondant pas à la levée de Ban d'un suzerain, un vassal rompt son serment vassalique.

Qu'effectivement, le vingt neuvième de septembre avons reçu en notre office, par la main de Normandie un testament.

Que l'émission d'un testament n'est pas de nature à changer les devoirs d'un vassal envers son suzerain, et notamment ne dispense pas du respect du lien vassalique celui qui émet le testament.

Que le trentième de septembre avons reçu en note une demande de destitution du duc légitime de Berry pour refus de réponse à la levée de Ban.

Qu'après étude de la dite demande, et débat au sein du collège héraldique, avons acté le douzième d'octobre la demande comme fondée, pour les raisons précitées.

Que nous avons appris le décès de Gabriel de Culan, paix à son âme, puisse t'il accéder au paradis solaire, seulement le dix neuvième d'octobre MCDLVII.

Qu'en conséquence, aucun élément que vous m'avez apporté dans votre requête ne permet de revenir sur la décision du douzième d'octobre MCDLVII, prise sur la demande du Duc de Berry du trentième de septembre MCDLVII.

Qu'afin que nul ne puisse contester la vigueur et l'autorité de la présente dictée par nos soins, apposons notre scel.

Siaga atal.

Fach lo vint e cinquen de novembre de l'an MCDLVII en la gleisòla de sant Antòni lo pichòt
Fait le vingt cinquième de novembre de l'an MCDLVII en la chapelle de Saint Antoine le Petit.
Citation:


































Il est stupide...

Ce fut la première réflexion qui lui vint à l'esprit. Qui, sinon un être particulièrement stupide, pouvait imaginer qu'un mort pût prendre la route pour répondre au ban ? Elle lut et relut la missive, et parvint à une seconde conclusion.

Il a répondu sans lire.

"et donc fait appel à ses vassaux afin de défendre ses vassaux." Oui, c'était cela : il avait répondu à la va-vite, sans même se relire.
Blême, elle abandonna la missive sur la table. Le Roy d'Armes, garant de l'hérauderie, membre de la Curia Regis, terrifié par les rodomontades du Duc d'Aigurande, avait joué avec l'honneur de son frère sur un coup de dés.

Anne se leva. Il lui semblait que la grand-salle tournoyait autour d'elle. Elle passa sans un mot devant Matheline, qui s'escrimait à broder quelque linge d'autel, et se réfugia dans sa chambre. L'âtre était froid. Sans prendre la peine de se dévêtir, Anne, en proie à la fièvre, se glissa dans les draps, et se roula en boule autour de la chaleur de Vignol. Le chat ronronnait, à mille lieues des préoccupations humaines.
Il ne restait plus qu'à attendre la fin.

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Terwagne_mericourt
Revenue à Vienne depuis plusieurs jours à présent, la Dame de Thauvenay n'avait pas encore eu le temps de venir rendre visite à sa nièce.

Pas eu le temps, mais aussi pas trouvé le courage, pour être totalement franche. De l'incident qui l'avait laissée en pleine brume concernant une bonne partie de son passé, elle était ressortie avec la certitude que Anne était bien sa nièce, mais elle ne savait plus comment ce lien entre elles deux existait, et cela la laissait quelques fois bien ennuyée.

Anne était-elle la fille d'une de ses soeurs, ou d'un de ses frères? Non, ça elle en était quasiment certaine. Milyena qui bientôt arriverait avait pratiquement le même âge que Anne, donc impossible, et le reste de sa fratrie... Et bien il lui semblait ne plus jamais avoir eu de contact avec depuis des années et des années... Et puis, de toute façon, quelque chose ne collait pas... Terwagne était l'aînée chez les Méricourt, et la différence d'âge entre elle et Anne n'était pas assez importante pour qu'elle aie une nièce du côté de sa propre famille.

Mais alors... Comment?

Une nièce par alliance? Mais par quelle alliance?

Quoi qu'il en soit, toutes ces questions sans réponse la rendait quelque peu nerveuse à l'idée de se les poser encore plus quand elle serait en face d'elle, et c'est sans aucun doute en grande partie pour cela qu'elle n'avait pas tenté plus activement de trouver du temps pour venir la voir.

Ce jour-là, pourtant, elle se dit qu'il était grand temps de lui rendre visite, et sans plus chercher à retarder, elle prit la direction de l'Hôtel de Culan...

Après avoir frappé à la lourde porte, elle attendit patiemment qu'on lui ouvre, se demandant si elle y avait déjà mis les pieds par le passé. Cela ne lui disait rien, en tous cas...

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--Bacchus
Pialus ! Nom d'une pipe en bois, vas-tu te t'nir coi ?!

Bacchus bouchonne Pialus. Il frotte en rond, avec l'énergie du désespoir. Le cheval n'est pas habitué à pareil traitement. D'habitude, son ami a la main plus douce, le bouchon de paille glisse plus délicatement sur sa robe, en insistant juste ce qu'il faut, à l'ardennaise. Aujourd'hui, Bacchus bouchonne à la souabe, en lui prenant le poil à contre-sens, et Pialus n'aime pas ça.

Fichu bestiau !

Une gifle de crin vient de faire comprendre à Bacchus qu'il ferait bien de passer ses nerfs sur un autre que Pialus. Matheline, tiens, par exemple. Ça fait deux jours que cette morne bâsine étouffe la petite sous des monceaux d'édredons, et vas-y que je te rajoute une couverture de laine, et que je te change le linceul, et que je t'entonne deux pintes de tisane tiédasse ! Elle va finir par la tuer à force de lui faire suer la fièvre par tous les pores.

Ce qu'il lui faut, à la gazoute, mon Pialus, c'est l'air du dehors...

Plus bas, il ajoute :

Et l'épaule de sa mère... Mais s'agirait pas qu'elle s'avise de la r'joindre avant l'heure, ou j'm'en va lui en coller une, foi de Bacchus !

D'un geste rageur, il propulse au sol son bouchon de paille. Il se produit alors une explosion telle que Bacchus saute en arrière, et se rattrape de justesse à la crinière de Pialus.

M'enfin !

L'œil rond, Bacchus contemple le bouchon. C'est-y Dieu possible que ça tarbate (1) d'même, la paille ?! Pour sûr que le Très-haut voit pas tout ça d'un bon œil.

Boudiou ! V'là qu'ça remet ça ! Mais... mais... Pfffff !!!!

Bacchus secoue la tête d'un air las. Ce qu'il a pris pour une explosion due à la colère du Très-haut, ce n'est que le bruit du marteau qui cogne à la porte de la rue. Il s'empresse d'aller ouvrir.


Dame Terwagne !

Il en pleurerait d'aise, le Bacchus ! Son gros visage se plisse comme pomme en mai, son bonnet balaie le pavé devant la dame.

Dame Terwagne ! Pour sûr que vous allez y faire entendre raison, vous ! Mais où c'est-y donc que vous étiez passée ? Faites excuse si je vous demande pardon, mais ... m'enfin, Dame Terwagne ! Elle va nous la tuer, à force de l'abreuvager d'ces horreurs ! Faut y aller voir, Dame Terwagne !

(1)Tarbater = faire du bruit
Terwagne_mericourt
Et bien, pour un accueil c'est un accueil, se retint-elle de dire en souriant. De mémoire de troubadour amnésique, jamais encore elle ne se souvenait avoir été saluée aussi bas et avec autant de... De quoi, d'ailleurs?

Ce n'est pas de la joie, non, mais plutôt du soulagement dirait-on. Comme si enfin venait d'arriver quelqu'un qu'on n'attendait plus, ou qu'on espérait sans oser y croire.

Elle, elle a soudain envie de rire, tellement cette façon de la recevoir lui semble étrange et disproportionnée. Mais rapidement elle comprend que tout cela est du à quelque chose qu'elle ignore encore, une situation dont on espère qu'elle trouvera l'issue.

Les sourcils levés, son rire ravalé, elle regarde l'homme, idiotement d'abord, comme si lire sur son visage allait l'aider à comprendre de quoi il retourne. Ensuite, elle se fraie un passage à l'intérieur, tout en lui répondant, d'un ton quelque peu mordant et pour le moins surprenant chez elle.


Passée? Et bien, j'étais passée...

Peu importe, où j'étais passée!
Avions-nous rendez-vous et suis-je en retard?
Il ne me semble, pas, non.


Se reprenant, elle avise le couloir et l'escalier, qu'elle reconnait vaguement lui semble-t-il, et l'interroge sur ce qui le met dans cet état.

Pardonnez-moi, mais je suis un peu nerveuse en ce moment, raison de mes mots précédents.

Quoi qu'il en soit, puis-je savoir de qui vous parler au juste?
Qui va tuer qui en l'obligeant à boire quoi?
Je ne comprends absolument rien à ce que vous dites...


Une grimace et quelques explications plus tard, la voila qui monte l'escalier quatre à quatre, hésite devant les portes, ne sachant laquelle est celle de sa nièce, en ouvrant deux par erreur, et débouchant finalement dans la bonne chambre.

Ma nièce!

Etes-vous souffrante ou juste en grande lassitude de tout?

Si vous êtes souffrante, il serait temps de faire quérir un médecin.
Et si ce n'est pas de cela qu'il s'agit, je vous invite grandement à vous secouer et à me confier ce qui vous met dans cet état, avant de céder à la paralysie du corps et du coeur.


Cette façon de lui parler la surprit elle-même, pour être franche, mais elle avait décidé de prendre les choses en main, celles d'une autre à défaut d'être capable de le faire avec les siennes.
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_geoffroy_
Avoir eu vent de ce mal être de la damoiselle de Culan il y a peu, Geoffroy s'était entêté à venir voir ça de lui même. Il ne la connaissait que peu, ayant un peu travaillé avec elle, ayant échangé beaucoup de divergences d'opinion, mais elle restait quelqu'un qu'il avait appris à connaitre un minimum.. Elle n'allait donc pas bien, lui ne comprenant pas spécialement le pourquoi de la chose, entre les problèmes de noblesse, les problèmes familiaux, il était plus perdu qu'autre chose. Il mit déjà un certain moment à trouver le fameux hostel de Culan, finissant par s'y présenter, cherchant quelqu'un qui pourrait bien lui ouvrir les portes, comment s'annoncer déjà ? Pas sûr que le personnel des lieux le connaisse en plus... Il soupira légèrement puis finit par apercevoir une personne. Il l'interpela rapidement et se dirigea vers elle.

Bonjour ! Pouvez vous me dire où je puis trouver la Damoiselle de Culan ? Vous pourrez annoncer l'arrivée du Seigneur de Divajeu, Geoffroy dict de Boissieu ?

Il le regarda intrigué puis attendit patiemment d'être mené jusqu'à l'endroit où il devait aller.
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Anne_blanche
Deux jours déjà qu'Anne ne s'était pas levée. Elle fermait les yeux et les oreilles aux incessantes jérémiades de Matheline, supportait sans les sentir les innombrables couvertures qui pesaient sur elle, refusait toute nourriture.
La blessure de la mort de Gabriel s'était rouverte à la réception de la missive du Roy d'armes, et saignait abondamment. Le baume qu'y avait mis Mère Wilgeforte n'était même plus un souvenir.

Dans la moiteur des linceuls sitôt trempés de sueur que changés, sa pensée tournait en rond. Treize ans, orpheline, accablée d'une vie inutile. Envolées, la fierté de servir son Duché, le bonheur d'œuvrer pour la renommée du Royaume, le bonheur de voir grandir sous son toit l'enfant royal. Tout cela n'était rien, puisqu'elle n'avait pas été capable de s'inscrire dans une lignée.
Son père était mort pour avoir osé gagner Culan sans l'accord de son parrain, le tout-puissant potentat berrichon devant qui tout le monde se transformait en jonchée pourrissante, sa mère, puis son frère avaient su garder l'héritage familial à la barbe dudit potentat. Et elle, elle l'avait perdu, par son incapacité à faire comprendre cette chose si évidente : un mort ne peut se rendre au ban levé par son suzerain.
Pire : la mémoire de Gabriel était souillée. Peu importait à Anne, désormais, de se laisser gagner par l'acédie. Elle avait laissé souiller la mémoire de son frère. Ce péché, elle le percevait comme suffisant pour lui refuser l'entrée du Paradis solaire. Jamais elle ne reverrait Gabriel, ni sa mère. Jamais elle ne connaîtrait son père.
Le jeûne et les tisanes de Matheline commençaient à faire leur effet : les songes tournoyants d'Anne étaient peuplés depuis le matin de formes étranges, de longs doigts qui la prenaient à la gorge, d'enfants décharnés flottant dans les airs au-dessus de son lit. Elle se cachait sous les couvertures, visage enfoui dans la fourrure de Vignol, pour ne plus voir les yeux immenses qui fonçaient sur elle pour la toiser de toutes leurs veinules rutilantes. Mais ils étaient là, à toucher les siens, sous l'abri des paupières.


Ma nièce!

Une voix impérieuse... Qui lui parlait ? Le souffle court, Anne se recroquevilla.

Si vous êtes souffrante, il serait temps de faire quérir un médecin.
Et si ce n'est pas de cela qu'il s'agit, je vous invite grandement à vous secouer et à me confier ce qui vous met dans cet état, avant de céder à la paralysie du corps et du cœur.


Des mots étranges. Non... Une voix étrange... Non... des mots qui ne correspondaient pas à la voix. La voix de Terwagne, et les mots de Valatar. Non, impossible ! La respiration oppressée d'Anne se mua en sanglots. Impossible ! Je deviens folle ! Je ne veux pas devenir folle. Je veux mourir, vite. La faire taire. Avec Matheline, c'est facile. Il suffit de fermer les yeux, et elle se tait. Avec Tante Terwagne, je fais comment ? Je veux qu'elle me laisse. La lettre... Elle comprendra que je dois mourir. Les parchemins abandonnés sur la table de la grand-salle parleraient pour elle.

La lettre...

Le murmure étouffé par l'édredon parviendrait-il aux oreilles de Terwagne ? Mais était-ce bien Terwagne ? Jamais elle ne lui avait parlé ainsi. Les yeux maléfiques s'éloignaient. Les doigts crochus ne cherchaient plus à l'étrangler. La tentation était grande de sortir la tête des couvertures et de vérifier si c'était bien Terwagne qui se tenait là. Mais y céder, ç'aurait été un premier pas vers la curiosité, vers la vie.

La lettre.
_________________
--Bacchus
Bacchus a regardé la Dame de Thauvenay monter l'escalier, de la démarche de quelqu'un qui ne sait pas où il va, mais fait semblant.
Bonnet en main, il se gratte le scalp. Elle est vraiment bizarre, la dame. Le fol espoir qui a mis du baume au cœur du cocher quand elle a ouvert la porte fait place à l'inquiétude.


C'est-y qu'elle serait malade, elle aussi ? J'vas en parler à mon cheval.

Il se dirige, morne, vers l'écurie. Pialus sait répondre à ces questions-là. Seul Bacchus le sait. Il pose des questions, et le cheval répond. Pas avec des mots, bien sûr. Les chevaux, ça ne cause pas, ni françois ni berrichon, ni même arpitan, et pourtant Pialus est né en Dauphiné. Mais il encense, ou frappe du sabot, et Bacchus comprend ce qu'il veut dire. Évidemment, il n'en parle jamais à personne. S'agirait pas que l'Inquisition vienne fourrer son long nez là-dedans.
Il n'a pas le temps d'atteindre la cour intérieure. Le marteau de la grande porte retentit de nouveau. Bacchus hésite. Il lève la tête vers la chambre d'Anne, se tourne vers les écuries. Personne n'en saura rien, s'il ne va pas ouvrir.


Mouais! Personne, sauf toi, mon vieux Bacchus. Et tu me l'pardonnerais point.

Il fait machine arrière, en traînant de la botte sur le pavé. Bien lui en prend. Il a mal refermé la porte. Par l'entrebâillement, un jeune homme le regarde, puis s'adresse à lui.

Bonjour ! Pouvez vous me dire où je puis trouver la Damoiselle de Culan ? Vous pourrez annoncer l'arrivée du Seigneur de Divajeu, Geoffroy dict de Boissieu ?

Ah ben ouiche ! Qu'est-ce qu'il vient faire là, ce godelureau qui s'accrochait naguère à la portière du coche pour conter à la demoiselle on ne sait quelles sornettes point de son âge ? Il a beau être seigneur et tout ça, Bacchus ne le juge pas fréquentable. On raconte sur lui trop d'histoires d'alcôves pour qu'il n'y ait pas anguille sous roche.
Bacchus prend l'air le plus formidable possible, sa voix se fait aussi grave que curé en Carême.


La Dame de La Mure est souffrante, et ne reçoit point !

Va-t-il passer outre, le bellâtre ? Bacchus suppose que oui, à moins que tout ce qui se dit sur le bâtard de Boissieu, ça soye rien que des menteries de commères. Mais l'honneur du cocher est sauf : il aura essayé.
_geoffroy_
Geoffroy regarda l'homme de bas en haut, se demandant s'il était sourd ou boucher.. Il s'avança alors vers lui puis le toisa du regard sans hausser le ton.

Vous ai je demandé si la Damoiselle recevait ? Mais je vous remercie tout de même de m'avoir dit qu'elle était bien icelieu.

Il s'avança alors, jouant des épaules avec le laquais, puis une fois avoir fait quelques pas il lança sans se retourner.

Allez donc retrouver vostre gueuse et apprenez à garder votre langue, la prochaine fois je ne resterai pas aussi calme.

Il continua sa marche jusqu'au bâtiment principal, n'ayant que faire des appels de l'homme qui n'avait pas daigné répondre à sa question, le prenant de haut comme s'ils se connaissaient et ne s'appréciaient pas... C'était pourtant la première fois qu'il voyait ce bougre.. Il arriva alors devant une grande porte, la poussant pour se retrouver dans un large passage voûté, avançant alors d'un pas assurer jusqu'aux escaliers, jusqu'ici pas de piège il n'y avait qu'une seule voie.... En haut de cet escalier, il passa une petite pièce avant d'arriver dans la grand-salle, s'y arrêtant, cherchant du regard un gens pour lui indiquer la bonne porte.
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Terwagne_mericourt
Pour seule réponse, un léger mouvement d'édredon et un murmure inaudible... La Dame de Thauvenay se demande un instant si c'est une plainte de douleur ou un sanglot tant le son est faible.

Elle avance de quelques pas, et un second murmure se fait entendre, plus compréhensible celui-ci, à condition de tendre l'oreille, ce qu' heureusement elle fait.

La lettre? Mais quelle lettre?

Elle ne met guère longtemps à comprendre qu'il doit s'agir d'une de celles qu'elle a aperçues sur la table devant laquelle elle est passée en cherchant la chambre de la jeune fille et retourne là-bas, s'avance vers le meuble, et parcours rapidement des yeux tout ce qu'elle peut, avant de s'interrompre brusquement sur un des parchemins, et de le prendre en mains, tremblante de colère, pour le lire dans son entièreté.

Ensuite, elle s'apprête à retourner dans la chambre où Anne se terre, mais est interrompue par l'arrivée de quelqu'un qu'elle ne s'attend absolument pas à voir débarquer en cet instant... Le jeune Geoffroy.

Elle le salue brièvement, et lui dit de patienter là, le temps qu'elle aille voir si sa nièce est disposée à le recevoir, puisque sans doute est-ce pour la rencontrer elle qu'il est venu.

Sans s'attarder plus, elle retourne dans la chambre et se poste devant le lit, semblant hésiter entre la douceur et un sentiment bien neuf chez elle, l'autorité affectueuse...

Finalement, elle s'assied sur un coin de la couche dans laquelle Anne se terre, et ne prononce tout d'abord qu'un simple mot, très bref.


Et ???

Aucune réponse, forcément... Elle attend, hésite à nouveau, se relève, et se campe devant ce qu'elle devine être la tête de sa nièce recouverte du duvet qu'elle tire immédiatement brusquement.

Depuis quand une DE CULAN se laisse-t-elle abattre comme vous êtes en train de le faire?

Le sang qui coule en vous ne vous autorise pas à subir sans rien faire, Anne. Vous le savez aussi bien que moi, même si en ce moment vous ne vous en sentez pas la force ni ne savez comment.


Elle avait bien du mal elle-même à comprendre pourquoi c'était cette attitude tellement opposée à toutes celles qu'on lui connaissait qu'elle venait de prendre, mais n'eut pas le temps de s'interroger plus avant sur le pourquoi du comment. Après tout, un étranger était seul dans la grande salle, et il n'était guère poli de la faire attendre trop longtemps.

De plus, je crois que vous avez de la visite.
Le jeune Geoffroy vient d'arriver dans la Grande Salle...

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Anne_blanche
Elle était sortie. Anne se retrouva seule, enfin. Le sommeil la gagnait. Ce n'était pas facile, de dormir ! Son estomac la faisait souffrir, sa tête était lourde, ses membres tremblaient. Il lui sembla cependant qu'elle s'assoupissait. Elle sombra en tout cas dans une bienveillante inconscience, quelques heures, ou quelques minutes, peut-être seulement quelques secondes.

Et ???

La voix était revenue. Un seul mot, proféré sèchement. Le matelas s'affaissa. Anne comprit que Terwagne s'était assise sur le lit. Mais était-ce bien Terwagne ?

Depuis quand une DE CULAN se laisse-t-elle abattre comme vous êtes en train de le faire?

Elle crispa les paupières. "De Culan"... La destitution de son frère lui avait arraché jusqu'à son nom. Elle n'y avait pas pensé, jusqu'à cet instant. Seul le déshonneur de Gabriel lui était apparu. Elle eut envie de rejeter les couvertures et de sauter à la gorge de celle qui lui rappelait si cruellement qu'elle n'était plus rien. Seule la faiblesse l'en empêcha.

Le sang qui coule en vous ne vous autorise pas à subir sans rien faire, Anne. Vous le savez aussi bien que moi, même si en ce moment vous ne vous en sentez pas la force ni ne savez comment.


Où et quand avait-elle déjà entendu cela ? Dame Marie-Alice ? C'est Dame Marie-Alice qui est là ? Non, non, c'est la voix de Tante Terwagne. Mais alors...
Oui ! C'est vrai ! Je suis moi, fille de Valatar de Culan de Maryan d'Ambroise.
Le jeune cerveau affaibli par la fièvre et le jeûne s'était remis à fonctionner avec une rapidité fulgurante. On n'aurait pas pu dire qu'Anne réfléchissait. Il n'y avait pas de mots, pas d'images. Seulement un maelström de sensations et de souvenirs, d'impressions et de voix du passé, qui l'emportait dans un tourbillon ascendant, la forçait à prendre le dessus, à émerger du vide. Les mots de Terwagne - car c'était bien Terwagne, elle en était certaine, maintenant - la raccrochaient à la vie, à sa lignée dont elle n'était qu'un maillon. Pour que la chaîne fût complète, il fallait d'autres maillons après elle.

Sa main chercha le haut de la couverture, s'en dégagea lentement.


De plus, je crois que vous avez de la visite.
Le jeune Geoffroy vient d'arriver dans la Grande Salle...


La couverture fut prestement rejetée. Messire Geoffroy ? Ici ?

Mon Dieu ! Mais je ne puis le recevoir ainsi !

Anne se battit un instant avec les monceaux de laine et de plume, le drap tirebouchonnée, la chemise qui lui collait à la peau. Elle s'assit dans son lit, porta les mains à ses tempes. La migraine y dansait une sarabande.

Ma tante, recevez-le, je vous prie. Les lettres... Elles sont restées là-bas. Il va les voir. Il va savoir que ...


La honte lui enflamma le visage. Elle lança un regard suppliant à Terwagne, tout en essayant de se lever.
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