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[RP ouvert]L'hôtel de Culan.

--Bacchus
Bacchus s'est acquitté de sa tâche. Il a ramené Antoine à l'hostel de Culan. Les enfants s'amusent dans l'écurie. La gazoute veut apprendre à monter, grand bien lui fasse !

J'li aurais ben montré de même, si qu'elle m'en aurait quéri.

Bacchus a un petit pincement de cœur. Non que ça le dérange qu'Anne ait demandé l'aide du petit Antoine plutôt que la sienne : ça, c'est normal, les bousous, ça aime à traîner ensemble. Mais il se dit qu'il aurait dû le faire bien avant. Ça grandit toujours trop vite, les petiots. Hier, ils tétaient leur nourrice, et ce matin, ils vous en remontrent sur tous les sujets.
Bacchus a préféré s'éloigner de l'écurie. Il balaie furieusement le passage pavé qui, derrière la porte cochère, mène de la rue à la cour intérieure et aux jardins.


Grmbl grmbl grmbl... Fichus bousous... C'est eux qui nous fichent des coups de pied au cul ! Au trou, les vieux !

Le heurtoir qui par trois fois s'abat sur son sabot de bronze lui fait poser dans un coin son balai de bouleau. Puisqu'il est là, autant répondre. Il tire sur les pans de son bliaud, son index s'assure du bon pli de sa moustache, il redresse le buste, et ouvre noblement la petite porte taillée dans la grande.
La rafale qui s'engouffre et éparpille ses balayures lui tire un formidable froncement de l'unique sourcil qui lui barre le front.


Le bonjour, Maître Philippe.

Introduire le mentor de la demoiselle ? Elle semblait tenir au mystère, quant à son activité du jour. Quant à Dame Maryan, elle n'est point visible à cette heure. Bacchus balance un instant.


Demoiselle Anne aurait été enchantée de vous voir, mais je croyons ben qu'elle est trop occupée, pour l'heure.
Philipe_de_massilia
La porte s’ouvrit à demi et Phil vit Bacchus passer la tête.

Citation:
Demoiselle Anne aurait été enchantée de vous voir, mais je croyons ben qu'elle est trop occupée, pour l'heure.


Le soldat fut un peu déçu de ne pas voir sa filleule, mais n’en fit pas cas.
Il prit le paquet entre ses deux mains et le présenta à Bacchus.


Tenez mon brave, c’est un petit cadeau pour ma jeune filleule. Ce n’est pas grand-chose, mais je pense que cela lui fera plaisir.

Phil regarda le valet qui semblait fort curieux ou peut-être même suspicieux.
Le soldat eut un petit sourire et dévoila de suite la teneur du présent fait à sa filleule.


Je vais partir très bientôt et je voulais faire un cadeau utile.
J’ai donc fait confectionner une coiffe par l’une des meilleures tisserandes de Vienne. Par la chaleur qu’il fait en ce moment, je pense que cela ne sera pas de trop pour la jeune demoiselle.


Phil fut content de sa petite boutade et se demanda si Bacchus avait tout compris.
Sentant ses pieds commencer à geler dans ses bottes, Phil sautilla sur place.


Vous lui direz donc que son parrain est passé et qu’il gardera un œil bienveillant sur elle, même loin de cette ville. Au revoir Bacchus, et prenez soin d’elle.

Phil s’emmitoufla dans sa cape, riva son chapeau sur sa tête et parti en direction de sa demeure, quelque peu triste et déçu de n’avoir pu parler une dernière fois à sa filleule.
_________________
pnj
Toujours posté à côté de la jument, Antoine se décida d'y monter. Le fichu chat d'Anne fit un bon au travers des poutres qui effraya la monture prête pour un cours. Le jeune futur soldat faille de tomber vers l'arrière sous la pression du cheval qui se mit a sortir de l'écurie au galop. Heureusement qu'Antoine montait régulièrement avec sa maman, Draguione.

Il pu ainsi calmer la jument et la stopper dans la rue ou il aperçu une silhouette capé... Cette cape il l'a connaissait bien et pour cause...


Pa...Papa!

Une légère pression sur les flancs, la monture s'avança encore un peu au pas jusqu'à l'homme qui se trouvait être le père du petit.

Papa! que fais tu dans cette rue? Il s'arrêta un instant et tourna son regard vers la bâtisse..

Anne!! Anne!! vite papa est là!! avant de reposer son regard sur Philipe...

Papa, tu n'a pas l'air bien...ça ne va pas? tu as eu discorde avec Maman?

Un triste regard s'échappa du visage du petit. Antoine se laissa glisser doucement de la monture, il était fier. Si son père savait pourquoi il était là, s'il savait qu'il était venu apprendre à Anne a monter à cheval, il aurait été encore plus fier. Mais il n'en dit mot...
Anne_blanche
Je vous serais reconnaissant de ne pas laisser la bête qui m'a agressé gâcher votre si ingénieux plan, ma sœur.

Pauvre Vignol ! On le battait, on le transformait en boulet de canon, et on le traitait de "bête" ! N'eût été la joie de revoir son frère, Anne eût trouvé sans peine quelque cinglante répartie. Mais l'urgence n'était pas là.

Je suis bien certaine que Vignol n'a pas la moindre envie de tâter de nouveau de vos chausses, mon frère. Prêt, Antoine ?

Son compagnon de jeux n'hésita guère. Un rétablissement, et il se retrouva en selle. Allait-il traverser la cuisine à cheval ? Anne riait d'avance à l'idée de Flamenque levant les bras au ciel. C'était bien plus risqué d'encourir les foudres de la cuisinière que celles de Matheline, ou même de Mère. Anne puisa son courage dans le regard de Gabriel, où elle lisait une affection semblable à celle qu'elle éprouvait.

Savez-vous où se trouve Blanche?

Oui, Gabriel. Blanche est toujours en son couvent de Bourgogne. Mère vous contera cela. Préparez-vous à me suivre !

Ce fut l'instant que choisit Vignol, décidément de fort mauvaise humeur, pour se laisser tomber, depuis les poutres où il avait trouvé refuge, sur la croupe de la jument montée par Antoine. Elle partit au galop, avec un long hennissement effrayé. Les yeux agrandis d'effroi, Anne porta les mains à ses joues, et fit un bond en arrière pour éviter monture et cavalier. Elle les vit se précipiter sous le porche, passer au ras de la bedaine d'un Bacchus éberlué, s'engouffrer par la porte piétonne grande ouverte.

Restez là !

Sans se soucier de savoir si Gabriel obéissait à son injonction, la fillette se précipita à la suite d'Antoine. S'il allait tomber !
Mais non. Antoine réussissait même à maîtriser sa monture, et rejoignait dans la rue une silhouette un peu voûtée.


Anne!! Anne!! vite papa est là!!
--Bacchus
Je vais partir très bientôt et je voulais faire un cadeau utile.
J’ai donc fait confectionner une coiffe par l’une des meilleures tisserandes de Vienne. Par la chaleur qu’il fait en ce moment, je pense que cela ne sera pas de trop pour la jeune demoiselle.


Bacchus hausse le sourcil. La chaleur ? Il en a de bonnes, Maître Philippe. Tout juste si l'eau ne gèle point dans le puits. Faut dire qu'il a une bonne cape, toute fourrée, une belle comme Bacchus aimerait bien en posséder une. Et puis le v'là qui se met à rebondir sur place comme guernazelle en printemps.
Bacchus prend le paquet. On lui a dit que Maître Philippe allait se mettre bientôt en route pour le sud, en laissant à Vienne femme et enfant. Les gens de la haute ont parfois de ces idées ! Il sait bien, Bacchus, que le jour où il aura une femme à lui, il ne la laissera point en arrière. C'est d'entendement léger, une femme épousée. Ça se fait tourner autour par n'importe quel matou qui passe, et si l'homme est au loin, ça se laisse prendre aux roucoulades.


Vous lui direz donc que son parrain est passé et qu’il gardera un œil bienveillant sur elle, même loin de cette ville. Au revoir Bacchus, et prenez soin d’elle.

Bacchus s'incline dignement, vaguement offusqué. Pas besoin de lui dire de prendre soin de la gazoute. Il le fait depuis qu'elle a poussé son premier cri. Et c'est pas près de s'arrêter. Parce que s'il fallait compter sur Dame Maryan pour s'occuper de sa fille, p't'être qu'on serait encore là au jour du Jugement.
Le soldat s'éloigne dans la rue, suivi des yeux par un Bacchus un peu rêveur.


Norf de norf de norf de norf !!! S'pèce de @"~}gr>°))))

Le cocher n'a eu que le temps de se plaquer au ras de la muraille, ce qui n'est pas chose aisée quand on porte bedaine bien nourrie en étendard de ses deux cent livres. Grisonne, écume au mors, se rue dehors, le petit Massilia sur le dos.
Et vlan ! C'est la demoiselle qui le bouscule presque au passage, maintenant !


Heulà, les bousous !

Anne!! Anne!! vite papa est là!!

M'enfin ! C'est-y une façon de courir après son père ? Bacchus reprend ses esprits, et le bras d'Anne par la même occasion.

Pardon, Demoiselle, faites excuse, mais j'suis pas ben sûr qu' c'est votre place d'couri coum ça dans la rue.

Anne lui décoche un de ses regards en carreau d'arbalète qui clouent sur place toute la maisonnée. Bacchus soutient le regard, ne lâche le bras de sa jeune maîtresse que lorsqu'il est sûr qu'elle va obéir. Mais il faut lui trouver une raison, un moyen de garder la face.

Ils sont en train de converser tête à tête, Demoiselle, voyez. P't'êt' ben que l'Antoine va tâcher d'retenir son père.

La fillette hésite, regarde alternativement la rue et Bacchus.

Pi Maître Philippe l'a porté ceci pour vous, en cadeau d'adieu. J'suis point sûr qu'il aimerait ben des questions.

Anne a compris. Elle prend le paquet, jette un dernier regard à Antoine et Philippe, et s'en retourne vers l'écurie.


Merci, Bacchus. Ramenez Grisonne dès qu'ils en auront terminé, je vous prie.
Philipe_de_massilia
Phil vit arriver à lui des cavaliers miniatures qu’il reconnu rapidement.
Il laissa le temps à son fils de descendre de sa monture, d'une façon toute personnelle.
Il lui sourit et l'écouta attentivement, se demandant si c’était un interrogatoire.
Visiblement amusé par la scène, Phil répondit tranquillement à son fils.


Bien le bonjour cavalier émérite ! Je suis ravi de voir que tu as fait d’énormes progrès. Sans doute tes entrainements avec ta maman qui est bien meilleure cavalière que moi!

Phil serra son fils contre lui, regardant du coin de l’œil sa filleule disparaître vers l’écurie.

Sache mon fils que non je ne me suis pas disputé avec maman et je viens tout simplement de la demeure de la famille d’Anne_Blanche. Je leur avais promis de passer, ce que j’ai donc fait.
Bien, si tu veux bien nous allons rentrer chez nous. Nous en profiterons pour nous occuper de nos chevaux à nous, parce que ce n’est pas le tout de gambader avec une bête, mais il faut aussi s’en occuper !


Phil fit faussement les gros yeux à son fils et sourit volontiers.

Il prit par l’épaule son fils et partit en direction de leur « chez-eux ».
_________________
Gabriel_de_culan
Mais qu'est ce que c'est que ça, encore?

Avant même que le plan passe à exécution, que Lusignan partit dans un galop innommable, bientôt suivi à pieds par Anne.

Ça n'a rien à voir avec ce qu'on a prévu!

C'était donc ainsi que les choses se passaient, ici? On faisait un plan pour s'entraider, et puis on s'en allait.

Gabriel jeta un coup d'œil dans la rue, et ce qu'il vit ne lui plaisait pas du tout. Anne discutait avec un domestique, tandis que Lusignan partait avec un homme, sans doute le "papa" qui l'avait fait hurler. Puisqu'il fallait qu'il s'en sorte seul, il allait le faire. Anne n'avait-elle donc pas supporté la culpabilité, et s'était confessée à un domestique? Il y avait fort à parier que celui-ci, pour quelques écus supplémentaires, se vanterait auprès de Madame, de savoir avant tout le monde que Gabriel était arrivé.

Avec ses vêtements sales, il paraissait un vagabond. Il fouilla rapidement dans l'écurie et l'entrepôt la jouxtant, et trouva une toque légèrement trop grande pour lui. Il la mis sur sa tête tant bien que mal, et s'en alla comme il était venu, par la rue où se trouvait Anne. Une inquiétude terrifiante le poussait à repartir. A coup sûr, Mère ne voudrait pas de lui, alors pour ne pas vivre cette tristesse et cette honte, autant rejoindre Blanche, en Bourgogne, où il trouverait de nouveaux vêtements et pourrait mieux préparer son arrivée.

C'est le cœur battant et la tête baissée qu'il passa dans cette rue, espérant qu'Anne ne le verrait pas, frôlant le mur de son bras. Sous sa toque, une larme de déception coulait. Ses lèvres en mouvement trahissaient la prière qu'il récitait intérieurement.
Anne_blanche
Pardon, Demoiselle, faites excuse, mais j'suis pas ben sûr qu' c'est votre place d'couri coum ça dans la rue.

Il fallut toute l'affection qu'Anne portait à Bacchus pour retenir l'expression cinglante qui lui venait aux lèvres. Comment osait-il ?
Le cocher lui tenait le bras, et elle sentait monter une folle envie de le remettre méchamment à sa place.


Ils sont en train de converser tête à tête, Demoiselle, voyez. P't'êt' ben que l'Antoine va tâcher d'retenir son père.

Anne regarda en direction des Massilia, et dut se rendre à l'évidence. Bacchus avait raison. Ce n'était pas à elle de se mêler des histoires familiales de son ami.

Pi Maître Philippe l'a porté ceci pour vous, en cadeau d'adieu. J'suis point sûr qu'il aimerait ben des questions.


"En cadeau d'adieu"... L'expression fit mal à la fillette. Oui, son mentor allait quitter Vienne. Tout le monde le savait, désormais. Tout le monde savait aussi que Dame Draguione et Antoine ne l'accompagneraient pas. La fillette accepta le paquet des mains de Bacchus, se réservant de l'ouvrir plus tard, quand elle aurait trouvé de quoi vêtir décemment Gabriel.

Merci, Bacchus. Ramenez Grisonne dès qu'ils en auront terminé, je vous prie.


Il fallait faire vite, et sortir Gabriel de l'écurie. Anne fit le chemin en sens inverse. Personne.
Où donc son frère s'était-il caché ? Elle n'osait appeler, de peur d'être entendue des domestiques. Elle eut beau visiter toutes les stalles, Gabriel demeura introuvable.
La fillette sentit l'angoisse la gagner. Elle avait laissé son frère seul, alors qu'il était affaibli, qu'il se sentait sale, humilié, et il avait disparu. Elle plaqua les mains sur ses lèvres pour ne pas crier son nom. Terrifiée à l'idée qu'elle ne le reverrait plus, elle repartit vers la rue.


Aristote, ayez pitié ! Il faut que je le retrouve ! Christos, aidez-moi !

Les Massilia avaient disparu, ainsi que Bacchus et Grisonne. Mais tout au bout de la rue, à l'angle, une silhouette disparut soudain. Ce fut si furtif qu'Anne ne fut pas sûre d'avoir bien vu. Une ombre, peut-être ? Tant pis. Elle se précipita, elle n'avait que cela, comme espoir. Sans se soucier de son bonnet qui lui tombait dans le dos, au bout de ses rubans, ni du froid mordant qui lui rougissait les joues, elle courut à perdre haleine.


Arrêtez !

Fort heureusement, l'hôtel de Culan ne se trouvait point dans une rue trop passante. La frayeur de ne pas revoir Gabriel se mua en peur d'être surprise à courir ainsi après un jouvenceau.

Je vous en supplie, arrêtez !
Gabriel_de_culan
Je vous en supplie, arrêtez !

Gabriel s'arrêta net, mais sans se retourner. Si Anne était derrière lui, il fallait qu'il trouve un moyen de sécher ses larmes sans qu'elle s'en aperçoive. Il était hors de question qu'elle le voie ainsi. Il demeura le dos tourné quelques instants, comme s'il refusait de la regarder. Le bruit de ses pas était arrêté, et à entendre sa respiration, c'est une petite fille haletante et émue qui se tenait à quelques pas de lui.

Il mis la main à sa toque, et se découvrit. Au passage, il frotta discrètement la toque sur ses joues pour ne pas laisser voir ses larmes. Il se retourna doucement, et voyant sa soeur rouge d'avoir couru et crié en pleine rue, il s'approcha d'elle. En aucun cas, il ne devait montrer son émotion.


Anne, croyez-vous vraiment qu'il faut que je revienne maintenant? Voilà ce que je vous propose. Ce jour et cette nuit, faites comme si vous ne m'aviez pas vu. Préparez Mère en lui disant que je vous manque, et trouvez un moyen d'accéder au grenier. Trouvez-moi des vêtements dignes, et nous nous retrouverons demain. Je vous rejoindrai à l'écurie dans le début d'après-midi.

Puis, d'une voix autrement plus froide que celle qu'il avait à peine dix minutes plus tôt, il dit simplement

A demain, Anne.

Remettant maladroitement sa toque trop grande, il inclina la tête en guise de salut, et repartit lentement, sans savoir où, et sans même laisser à sa sœur le temps de lui répondre.
Anne_blanche
Je vous en supplie, arrêtez !

Surprise ? Pitié ? Gabriel obéit à la prière de sa sœur. C'était bien lui, dans ses vêtements sales et fripés, droit dans ses chausses maculées. Le dos du garçon, raide et immobile, parut à Anne l'image même de la réprobation. Il lui en voulait, c'était certain. La preuve, il ne se retournait même pas. Il ne souhaitait pas sa présence !
Anne eu l'impression de recevoir en plein ventre un coup de poing qui lui coupa le souffle, comme à cet homme qu'elle avait vu un soir, en taverne, stoppé net dans son élan par la victime qu'il s'apprêtait à assommer. Allait-elle, comme lui, tomber à deux genoux ? La seule perspective lui amena un sourire sans joie. Anne de Culan, à genoux dans la rue, devant un garçon inconnu... Les commères s'en donneraient à cœur joie.


Où donc avait-il déniché cette toque immonde qui cachait ses cheveux blonds ? Il s'en défit, et se retourna, lentement, vint vers Anne, qui s'empressa de remettre son bonnet, fourrant maladroitement ses mèches folles sous l'étoffe. Les joues de jeune vicomte étaient plus sales qu'auparavant dans l'écurie. Anne fit comme si elle n'avait pas vu.

Anne, croyez-vous vraiment qu'il faut que je revienne maintenant? Voilà ce que je vous propose. Ce jour et cette nuit, faites comme si vous ne m'aviez pas vu. Préparez Mère en lui disant que je vous manque, et trouvez un moyen d'accéder au grenier. Trouvez-moi des vêtements dignes, et nous nous retrouverons demain. Je vous rejoindrai à l'écurie dans le début d'après-midi.

Non !

A demain, Anne.

Non et non !


Le talon frappa sèchement le pavé, les poings se serrèrent. Non ! Le fils de Valatar de Culan et de Maryan d'Ambroise, dans les rues d'une ville inconnue, à deux pas de la maison familiale, voilà une idée qui avait de quoi retourner les sangs de la fille desdits Valatar et Maryan.
Gabriel s'éloignait déjà, son ridicule chiffon sur la tête, après un froid salut débité d'une voix glaciale.


Il suffit, Messire mon frère !


Était-ce bien lui, l'aîné, le chef de nom et de titre ? A peine dite, la phrase fut regrettée. Mais Anne ne pouvait la retirer. Il ne lui restait plus qu'à parler, parler, pour la faire oublier.
Elle dépassa son frère, se planta devant lui, si bien qu'il ne pouvait avancer sans la bousculer.
Sa voix se fit raisonnable, calme. Il fallait convaincre. Elle se fit chuchotante. Il ne s'agissait pas d'être entendue par un tiers. Les éventuels badauds ne verraient là que deux enfants mettant au point leur prochain jeu.


Gabriel, vous ne pouvez pas passer la nuit dehors. Il fait trop froid.

Elle arrêta du geste la protestation qu'elle sentait monter.

Oh ! Je sais que vous l'avez déjà fait. Mais ici, c'est différent. Imaginez qu'on reconnaisse, demain, le vicomte de Culan dans le vagabond croisé la veille sous un porche. Imaginez que cela vienne aux oreilles du bourgmestre, du gouverneur, de nos pairs... Pire ! Imaginez que cela vienne aux oreilles de Mère !

Mais il ne suffisait pas de dire "non". Il fallait proposer quelque chose. Pas plus que Gabriel ne pouvait passer la nuit dehors, il ne pouvait se présenter à sa mère dans cet état.

Gabriel, je vais vous mener auprès du Père Comis. C'est mon précepteur. Il est gentil, je l'aime bien. Il vous hébergera cette nuit, dans la petite maison que Dame Vive avait mise à sa disposition pour y tenir école. C'est un homme d'honneur.


Devait-elle dire explicitement à son frère qu'elle comprenait son désir d'être le plus beau possible pour faire son entrée à l'hôtel de Culan ? Non, décidément non.


Le Père Comis ... connaît les exigences de notre rang. Et puis, il est prêtre.
Après, nous ferons comme vous avez dit. Je vais parler à Mère, et trouver des vêtements.
--Bacchus
Le jeune maître est arrivé depuis quelques semaines, peu après sa mère. Bacchus partage désormais sa tâche de cocher avec Jannequin, bâsin s'il en est. C'est bien, d'avoir sous la main un bâsin pareil. Bacchus en profite, à force de flatteries dont la bassesse n'alerte même pas son collègue, pour lui faire faire toutes les tâches qui le rebutent.
Et il reste des heures sur son banc de pierre, devant l'écurie, quand il fait beau, ou dans la chaleur odorante des stalles, quand le temps est à la neige, à fourbir encore et encore ses harnais, les selles, les malles que l'on attache à l'arrière du coche. Il joue de l'alêne, répare les couvertures, recloue ici une mangeoire, là une planche de porte. Il récupère soigneusement tout le crin échappé à ses bêtes, le lave, le peigne, le roule en écheveaux qui vont grossir un tas tout au fond de l'écurie, dans la stalle qui lui sert de chambrette. Il le mêlera cet été à la laine des moutons de Dame Maryan, pour renouveler les matelas.

Bacchus se traîne. Demoiselle Anne n'a plus guère besoin de lui, depuis que Messire son frère est là. Elle passe des heures avec le petit vicomte, à des jeux dont sont exclues toutes les grandes personnes de la maison. C'est aussi bien, d'ailleurs. Bacchus fuit le jeune Gabriel.
Anne ressemble à son père, feu le Vicomte Valatar, homme que d'aucuns jugeaient dur, mais que Bacchus a vu, au manoir de Baugy, travailler et travailler encore même au plus fort de l'épidémie de peste qui avait failli l'emporter. Il était brun, lui aussi, avec des yeux d'un bleu tout semblable à ceux d'Anne. Bacchus aime contempler la fillette, qui grandit, se transforme, devient jolie, sinon belle. Ce petit menton volontaire, cette façon de couler des regards qui vous transpercent jusqu'à l'âme, sous ses longs cils sombres, ces sourires soudains, c'est tout Messire Valatar qui revit.
Avec Gabriel, il en va tout autrement. Dans les traits qui s'affirment du petit garçon, il retrouve, plus douloureusement chaque jour, ceux du bousou qu'il était, à Baugy, quand Dame Mentaïg le gardait près d'elle. Ah ! Dame Mentaïg... Bacchus lui a porté, du jour où il l'a connue, au castel des ambassades de Bourges, une vénération proche de celle que lui inspire Marie, la sainte mère de Christos. Elle est morte, et Bacchus s'est senti à la fois veuf et orphelin. Dame Mentaïg ne souriait pas, ou presque pas. Sauf quand elle regardait le petit Gabriel. Elle devenait alors si belle que Bacchus en avait le cœur chaviré.
Que penserait-elle, Dame Mentaïg, si elle pouvait voir l'arrogance du petit vicomte envers les domestiques ? Sûr qu'elle l'aurait tancé. Si Bacchus osait, il le ferait. Mais il n'osera jamais. Messire Gabriel est le maître, il n'est plus que le valet.
C'est normal, bien sûr, que Demoiselle Anne recherche la compagnie de son frère. Ils sont de même sang, d'âges tout proches, de même rang. Ils ont tous les deux une intelligence qui ne demande qu'à croître encore, et ce n'est pas Bacchus qui peut les y aider. Lui, il ne sait pas écrire. Il lit, parce que Dame Mentaïg lui a appris, sans en avoir l'air, en faisant comme s'il savait déjà.

Bacchus frotte rageusement, avec un peu de sel et de vinaigre, une boucle de harnais qui n'en a nul besoin. Il attrape au pied de la souche qui lui sert de siège, dans sa stalle qui fleure bon le foin et le cheval, un cruchon de mauvaise bière, dont il lampe quelques gorgées. Son bliaud se tache d'amertume.
Dans la maison, Anne et Gabriel sont probablement occupés à quelque discussion qui ne prendra fin qu'avec la cloche du souper. Dame Maryan doit surveiller le bouclage des malles. La famille va se rendre à Nevers, dès que l'état de siège sera levé, pour chercher Demoiselle Blanche. On n'a pas demandé à Bacchus de conduire le coche. C'est ce bâsin de Jannequin, qui a pourtant brisé une roue dans la Combe Bleue, qui a eu cet honneur. Le fond du cruchon atterrit dans le gosier de Bacchus, le contenant explose contre le mur de pierre.
Bacchus se lève. Les tavernes viennoises sont accueillantes. Il va s'y saouler, puisqu'on n'a plus besoin de sa vieille carcasse.
--Pere_comis
Mon père, est-ce mal, d'être une enfant ?

Le Père Comis éclate d'un bon rire. Sa jeune élève a décidément des questions qui ... Hum... L'heure n'est point au rire, dirait-on. Anne lève sur son précepteur un regard lourd de reproches, le bon moine voit le bleu des iris virer au gris mauve, signe annonciateur de larmes.

Pardonnez-moi, Anne. Je ne voulais pas vous blesser. Bien sûr, ce n'est pas mal, d'être une enfant ! Aristote, Maria, Christos lui-même ont été enfants, voyons !

La petite détourne le regard, s'absorbe dans ce qui, probablement, ressemble à s'y méprendre à des considérations bien peu conformes à son âge. Le Père Comis s'y est accoutumé. Anne a reçu du Très-haut le don de comprendre et d'apprendre bien plus vite que les autres enfants. Hélas, elle a aussi compris, bien avant d'être assez mûre pour accepter les réponses, que l'on n'est sur terre que de passage.
Il y a peu encore, elle posait question sur question, partout, à tout le monde. Pourquoi le ciel est-il bleu ? A quoi ça sert, de naître, puisqu'on meurt tous un jour ? Pourquoi ça sent mauvais, quand les gens sont morts ? A quoi ça sert, d'étudier, puisque les grands ne veulent pas admettre que j'en sais plus que la plupart d'entre eux ?
Oh ! Elle a toujours obtenu des réponses : "Ce n'est pas de ton âge !", "Pense plutôt à ne pas te salir", "Va donc jouer avec les enfants de ton âge au lieu de poser des questions idiotes", "Tu veux une oublie ?", "Prenez donc une pomme, c'est bon, les pommes !"...
Elle pose moins de questions, désormais. A quoi bon ? Le Père Comis sait qu'à force d'obtenir des réponses ou mensongères, ou peu adaptées, elle en est venue à considérer la plupart des adultes comme des incapables.

Le Père Comis a failli tomber dans le piège, lui aussi. Il frémit à l'idée qu'il aurait pu perdre la confiance d'Anne, à tout jamais.


Anne, pourquoi me posez-vous cette question ? Quelqu'un vous a dit que c'est mal, d'être une enfant ?


Elle secoue la tête, l'œil fixé sur la pointe de ses chausses.


On ne me le dit pas, mon père. On me le fait sentir chaque jour que le Très-haut fait. On m'a dit que ce n'est pas bien, d'être Conseillère à mon âge. On m'a dit que je vais faire le malheur de Vienne, et celui du Duché.


Elle est lancée, elle vide son cœur. Le Père Comis écoute, la gorge un peu serrée. C'était inévitable. La fulgurante ascension de son élève ne pouvait passer inaperçue pour le Sans-nom, qui en a profité pour inspirer rancœur et jalousie à quelque malheureux.

On m'a dit que je marche sur la tête de tout le monde qui veut s'investir à Vienne.


Elle relève la tête, tout le chagrin du monde sur son petit visage maigre.

Suis-je si mauvaise, mon père ? Mon baptême a lieu dimanche prochain. En suis-je digne ? Je ne veux pas aller sur la Lune !


Le Père Comis attire la fillette dans l'embrasure de la fenêtre. Il parle, longuement. Il explique que le Très-haut lui a fait un si beau cadeau que le Sans-nom n'a pas voulu être en reste, et lui en a fait un autre, empoisonné, celui-là. Il apaise la petite âme tourmentée, avec des mots d'adulte, les seuls qu'Anne accepte et comprenne.
Elle finit par sourire, un peu rassérénée.
Le Père Comis se dit qu'il va devoir parler à Dame Maryan.
Anne_blanche
C'est le cœur encore peu lourd qu'Anne se dirigea, ce soir-là, vers la taverne. Et elle prit soin d'éviter celle où on l'avait si férocement attaquée. Mère était absente, Gabriel travaillait à son tout avec le Père Comis. La petite s'ennuyait. Elle n'avait pas envie de se mettre à sa version latine. Pas envie de passer à la Mairie vérifier si Messire Walan avait besoin de ses services. Pas envie de se plonger dans les parchemins qui lui étaient parvenus du Berry, et dont elle aurait dû tirer matière à un rapport pour l'ambassade. Pas envie de poursuivre la copie du manuscrit relatant la mort de son père. Même pas envie de lire les documents issus de la bibliothèque de sa tante, qu'elle compilait et classait soigneusement dans son archif.
La conversation de la veille l'avait abattue. Elle ne regrettait point de s'en être ouverte au Père Comis. Le bon moine l'avait un peu rassurée. Mais il était un point qu'il n'avait pas abordé, soit par oubli, soit par un effet de sa volonté : il n'avait pas expliqué pourquoi le Très-haut lui avait fait cadeau de cette facilité de compréhension qui lui valait tant d'avanies. Avait-il voulu compenser le fait de lui avoir retiré son père avant même qu'elle n'eût ouvert les yeux ? Ou éprouver sa foi, très tôt ? La préparer à quelque grand destin ?

Au moins, en taverne, elle trouverait des sourires, des rires. A moins qu'il ne s'y trouve une de ces personnes, dont Messire Paeins disait qu'elles étaient fort nombreuses, censées la détester à cause de ce qu'elle était ?
Elle faillit faire demi-tour.
Mais il faisait grand froid, et elle était déjà presque arrivée. Elle poussa la porte.
Dame Pénélope trônait derrière le comptoir, son nez plus plissé que jamais. Messire Balian et Dame Giemsa devisaient gaiment.
Anne était à peine installée qu'un voyageur entra. La petite le salua poliment, puis le regarda curieusement, attendant qu'il se présente. Il émanait de l'homme un je-ne-sais quoi qui lui parut immédiatement sympathique.
Homme_des_bois
La route avait été longue, mais il touchait enfin au but. Après avoir parcouru des centaines de lieues, il franchit les murs de Vienne.

La ville lui paru plus vivante que nombre de celles qu'il avait traversé jusqu'alors, il s'en réjouissait. L'heure avançait et il manquait cruellement d'un hébergement pour la nuit. Il eu été impoli de se présenter aussi tard à la demeure de Dame Maryan et de ses enfants, sans en plus y être attendu.
Aussi prit il le chemin d'une taverne visiblement animée afin d'y trouver un peu de chaleur et quelques renseignements.

La porte poussée, il salua les personnes qui fréquentaient l'endroit, surpris d'y trouver une enfant manifestement bien jeune. Il pensa voir là la fille des propriétaires, attardée dans la salle commune.

A peine s'était il présenté que l'enfant se montra quelque peu surprise.

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Homme_des_bois, dit HDB, Baron d'Aupic
Veuf de Mentaig et du Berry
"Pour le bien de tous et non la gloire d'un seul."
Anne_blanche
Je suis Homme_des_bois, du Berry.

Anne en resta bouche bée. Ce nom, elle le connaissait ! C'était celui de l'homme qui avait été, jusqu'à ses derniers instants, le compagnon de sa tante.
Que faisait-il à Vienne ? Savait-il seulement que les Culan y résidaient désormais ? Oui... oui, certainement. Mère n'avait pas pu ne pas le lui dire.
La petite hésitait. Devait-elle se présenter ? Annoncer tout de go qu'elle était la nièce de cette Mentaïg dont on disait dans la famille qu'elle avait aimé Homme_des_bois plus que la vie même ?
Les autres disaient leur nom, et elle se décida à son tour.


Je ... je suis ... Anne de Culan.

Elle s'était attendue à une réaction, mais pas à celle qui vint.
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