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[RP ouvert]L'hôtel de Culan.

Anne_blanche
Dans le corridor qui menait à la chambre de son frère, Anne croisa Matheline, qui grommelait on ne savait quoi au sujet de marauds et de verrats chauves. Elle en conclut que la camérière avait encore dû se faire rabrouer par la vicomtesse, ce qui n'était pas vraiment pour lui déplaire. Pour rien au monde elle ne l'eût avoué à sa mère, mais les années passées à subir les remontrances infondées et stupides de Matheline lui avaient pesé, et elle se disait que ce n'était qu'un juste retour des choses.
Emportée par son élan, et par l'impatience de parler à son frère, elle poussa la porte sans frapper. Elle regretta aussitôt son geste. Le temps de l'enfance s'éloignait, Gabriel et elle-même avaient de plus en plus besoin d'intimité, et elle savait qu'elle aurait lancé à son frère un regard noir s'il s'était comporté de la sorte. Mais c'était trop tard.
Elle chercha Gabriel à la table de travail, mais il n'y était pas. Quand elle le découvrit étendu sur les dalles, elle regretta encore plus fort de n'avoir point frappé.


Oh ! Et puis après tout ...

Elle referma soigneusement l'huis, se laissa tomber à côté de son frère, en tailleur, sans prendre garde à sa jupe qu'elle allait encore froisser, malgré les fréquentes remarques de Mère.

Gabriel, je regrette si le moment est mal choisi, mais il fallait que je vous parle.

Par Aristote, quelle piètre entrée en matière ! Que les mots étaient plats et sans saveur, comparés à ce besoin absolu qu'elle ressentait de s'épancher auprès de son frère. Et lui qui restait étendu sur le sol, comme un gisant ! Cette posture lui faisait d'ailleurs un visage lisse, reposé, serein. Ses boucles blondes, si semblables à celles de leur mère, avait foncé ces dernières années, mais pas au point d'atteindre le brun chaud des cheveux d'Anne. Il avait grandi, aussi, bien plus vite que sa sœur. Ainsi allongé, c'était encore plus frappant.
Soudain, une image se superposa, dans l'esprit de la fillette, à celle de son frère. Elle n'y était pas préparée, et elle la frappa de plein fouet. Elle se sentit pâlir.
C'était l'image d'un moine, prosterné bras en croix devant un autel, le jour de son entrée dans les ordres.


Gabriel...
Gabriel_de_culan
Tout entier pris dans sa rêverie, Gabriel fut extrêmement dérangé par l'entrée d'Anne. Depuis qu'il était majeur, il tenait à présenter à tous - y compris sa soeur, une allure noble. Être étendu sur le sol de sa chambre est bon pour l'intimité, mais pas pour l'allure. Depuis quelques semaines, c'était même un mauvais travers qui occupait l'esprit et les manières de Gabriel: en tant qu'aîné, il se sentait comme un devoir d'éducation sur sa sœur. Aussi, quant elle entra, il ne bougea pas, et fit comme s'il ne l'avait même pas remarquée. Elle s'assit à côté de lui, et engagea la conversation.

Gabriel, je regrette si le moment est mal choisi, mais il fallait que je vous parle.

Il ne répondit pas.

Gabriel...

Enfin, il ouvrit la bouche, mais sans même tourner la tête.

Anne, il vous faut comprendre enfin comment marche le monde. Il est une chose à ne point faire en cet hôtel et vous la savez aussi bien que je la sais, c'est d'entrer en cette chambre quand j'y suis, sans y signaler d'abord votre venue par des coups à la porte ou l'appel d'un valet. Je vous demande, ma soeur, de sortir de cette pièce, et d'y entrer quand et seulement quand j'aurai dit "Entrez".

Toujours sans bouger ni la tête ni le corps, il garda un visage impassible, espérant de tout cœur une réaction de sa sœur. Il la provoquait, comment réagirait-elle?
Anne_blanche
Anne, il vous faut comprendre enfin comment marche le monde. Il est une chose à ne point faire en cet hôtel et vous la savez aussi bien que je la sais, c'est d'entrer en cette chambre quand j'y suis, sans y signaler d'abord votre venue par des coups à la porte ou l'appel d'un valet. Je vous demande, ma soeur, de sortir de cette pièce, et d'y entrer quand et seulement quand j'aurai dit "Entrez".

Et voilà ! Ca recommençait ... Gabriel ne la regardait pas, et Anne en profita pour lever les yeux au ciel, prenant à témoins les poutres.


Tiens, une toile d'araignée...

L'architecte de ladite toile étirait ses longues pattes, si habiles et si fragiles à la fois en direction de quelque insecte particulièrement délectable. Peu de semaines auparavant, le frère et la soeur auraient contemplé ensemble le drame qui se nouait au-dessus de leur tête. Mais voilà... Gabriel avait changé. Ou plutôt, - Anne en était persuadée - il faisait semblant d'avoir changé. Il se donnait des airs... Le lui dire ? La fillette en éprouva la tentation, de façon un peu perverse. Elle sentait une grande envie d'éclater de rire lui chatouiller l'épigastre, et une envie encore plus grande d'y céder.
Mais, de toutes ses activités d'enfance, tant au sein du Conseil Municipal qu'à l'Académie, elle avait retenu une chose essentielle : mieux vaut faire croire aux messires, surtout aux jeunes messires, qu'ils sont à vos yeux aussi importants qu'ils voudraient en avoir l'air.
Elle évita donc de rire, et préféra opter pour un ton vaguement excédé.


Gabriel, Aristote sait à quel point vous êtes occupé, et si vous voulez des excuses pour mon intrusion, vous les attendrez un certain temps. Je vous dis que j'ai besoin de vous parler, tout de suite. Le monde marche comme il veut, moi, ce n'est point du monde, dont j'ai besoin. C'est de vous, mon frère, mon aîné. M'écouterez-vous, à la parfin ? Je vous promets d'écouter la suite de la leçon, si vous désirez encore la donner, quand je vous aurai exposé ce qui m'amène.


A mesure qu'elle parlait, l'image du moine s'imposait à elle, de façon de plus en plus prégnante. Des bouts de conversations des mois précédents, des impressions partagées au sujet d'une lecture, d'un fait divers, des attitudes de Gabriel, tout lui revenait. Les éléments d'un tableau se mettaient en place, alors qu'elle aurait voulu ne jamais voir ce tableau. Elle était venue pour parler d'elle. Mais elle se rendait compte que le sujet serait plus vaste.


Il s'agit ... de notre Maison, Gabriel !
Gabriel_de_culan
D'apparence toujours aussi sereine, Gabriel ferma les yeux l'espace d'une seconde. Depuis une semaine ou deux, l'ambiance générale entre sa soeur et lui était mauvaise. Lui rêvait de paix universelle, et elle, elle... elle semblait suspicieuse de chacun de ses faits et gestes. Il était presque sûr qu'elle avait plus ou moins deviné son projet. Bien sûr, il y avait ce problème de lignage. Mais qu'est ce qu'une lignée de moyenne noblesse face au service du Très-Haut? Et puis, si vraiment Mère insistait, il accepterait sans doute le compromis honteux d'un mariage rapide, annulé sitôt après l'enfantement, pour pouvoir se consacrer aux choses du Soleil.

Anne...

Les yeux ouverts, mais toujours sans la regarder, et avec un ton calme qui tranchait nettement avec l'agitation qui semblait régner chez sa sœur, il dit:

Anne, je ne puis m'entretenir calmement avec une personne qui fait preuve de la rudesse que vous me portez. S'il n'y a pas danger de mort immédiate, je refuse de vous écouter tant que vous n'avez pas eu mon accord pour entrer ici. Je vous rappelle, Anne, que je suis votre aîné, et qu'en ceci, vous vous devez de m'écouter. Si vous avez entendu l'histoire des enfants de Charlemagne, vous comprendrez que l'aînesse n'est pas une règle arbitraire, mais indispensable. Aussi, merci de sortir de cette pièce, et de vous annoncer. Je serai alors disposé à deviser de notre Maison, et de tout ce qui vous préoccupe, jeune enfant.

Ce "jeune enfant" n'était là que pour la blesser. Déjà lorsqu'elle était vraiment une jeune enfant, elle détestait cette condition, et Gabriel savait que sa majorité représentait pour elle l'espoir d'être reconnue comme adulte. Aussi avait-il prononcé ces deux mots de façon claire, et bien séparés du reste de la phrase, non sans une certaine délectation, il faut dire.
Anne_blanche
Si elle avait espéré ramener Gabriel au sens des réalités en évoquant la Maison de Culan, - mais l'espérait-elle vraiment ? - Anne aurait été déçue. Gabriel daigna ouvrir les yeux, mais c'était le plafond qu'il fixait.

Anne, je ne puis m'entretenir calmement avec une personne qui fait preuve de la rudesse que vous me portez. S'il n'y a pas danger de mort immédiate, je refuse de vous écouter tant que vous n'avez pas eu mon accord pour entrer ici. Je vous rappelle, Anne, que je suis votre aîné, et qu'en ceci, vous vous devez de m'écouter. Si vous avez entendu l'histoire des enfants de Charlemagne, vous comprendrez que l'aînesse n'est pas une règle arbitraire, mais indispensable. Aussi, merci de sortir de cette pièce, et de vous annoncer. Je serai alors disposé à deviser de notre Maison, et de tout ce qui vous préoccupe, jeune enfant.

Quinze ans ! Par Aristote ! Et il osait l'appeler "jeune enfant" ?! Lui, majeur depuis un an, qui se comportait comme un ...

Un enfant gâté.

Elle resta assise sur le sol, la diatribe de son frère lui ayant soudain ouvert les yeux. Avant de lui laisser le temps de réagir, elle enchaîna.

Vous vous comportez en enfant gâté, Gabriel. Qui croyiez-vous tromper ? Moi ? Vous-même ? Votre vocation saute aux yeux. Sauf aux vôtres, peut-être. Vous imaginiez-vous vraiment que je me fusse mise en travers des desseins du Très-Haut ? Et puisque Blanche et vous lui êtes destinés, me pensez-vous assez sotte, ou assez peu Culan pour comprendre ce qu'Il attend de moi ?

En un instant, elle fut sur pieds, toisant la longue silhouette toujours étendue sur les dalles. Un calme étrange l'envahissait, en même temps qu'un terrible sentiment de solitude. Gabriel ne pensait qu'à lui, elle ne reverrait probablement jamais sa jumelle, Mère préparait un bal... Les responsabilités assumées jusqu'à ce jour n'étaient rien au regard de ce qui l'attendait désormais.

Ne m'écoutez pas, Gabriel, puisque tel est votre bon plaisir. Vous êtes en accord avec vous-même, c'est l'essentiel, n'est-ce pas ? Je sors de cette pièce, en sœur cadette obéissante, puisque c'est tout ce que vous acceptez de voir en moi. Quand le Très-Haut vous aura ouvert les yeux sur la notion de charité, vous saurez bien où me trouver. Passez une bonne journée, Messire Vicomte.


Comprendrait-il, au moins, qu'elle n'était venue que pour lui dire qu'elle ferait tout, y compris ce dont elle avait toujours cru ne pas vouloir, pour l'aider à réaliser ses aspirations ? Rien n'était moins sûr. Il avait voulu la blesser, il avait réussi, bien au-delà de ce qu'il imaginait.
La porte avait encore joué sur ses gonds, le grincement qu'elle émit quand elle la tira lui mit les nerfs à vif.
Gabriel_de_culan
La porte claqua. L'espace d'un court instant, Gabriel se demanda s'il avait eu raison de la traiter ainsi. Il se leva, et se mit à tourner dans sa chambre comme un lion en cage. Indéniablement, oui, il avait bien fait. Si Anne n'était pas éduquée sur la place des femmes et des cadets, elle n'attirerait jamais un mari à la hauteur de son rang.

Non, vraiment, il avait eu raison de rester impassible. Quel aîné serait-il, s'il cédait aux moindres caprices d'une jeune fille qui, il fallait bien le dire, se comportait comme une enfant?

Comment avait-elle pu le traiter d'enfant gâté? Elle savait pourtant par quoi il était passé, dans son enfance. Il avait vu sa mère le rejeter le jour même de sa naissance, son père et sa tutrice partir au moment où il avait le plus besoin d'eux, il avait passé des années dans un couvent malsain où les scandales des méthodes pédagogiques de certains moines n'étaient pas prêts d'être révélés, il avait traversé entièrement la France à pieds pour rejoindre sa famille, dont un membre - encore un - devait être définitivement amputé par la vocation divine. Un enfant gâté? Non, vraiment, vraiment pas.

Par cette volonté de servir le Seigneur, il savait qu'il s'élevait vers une condition bien supérieure à celle d'un enfant gâté. Mais Anne le comprenait-elle? Elle ne semblait pas vraiment se soucier de ses problèmes. Que pouvait-elle avoir en tête de si important alors?

Il voulut aller le lui demander, mais il se rendit compte à temps que ce serait perdre la face d'une façon qu'il ne pouvait pas se permettre. Il irait plus tard, quand elle serait calmée. Il se dirigea vers la large fenêtre qui donnait sur la cour de l'hôtel, et regarda le ciel. La lumière lui fit plisser les yeux. Un jour, sans doute, un jour, regarderait-il le Soleil en toute confiance.
Anne_blanche
Au sortir des appartements de son frère, Anne eut une brève hésitation. N'avait-elle point été trop dure avec le garçon ?
Elle faillit faire demi-tour. "Le garçon" ... Elle avait bien pensé "garçon", malgré l'âge de Gabriel. Ce fut ce qui l'arrêta. Haussant les épaules, elle parcourut à pas lents le corridor, tête baissée. Pas plus qu'elle-même, Gabriel n'avait eu de véritable enfance. Encore que ... Au moins, lui, il avait eu un père, et cette tante Mentaïg qui, le Livre de Raison en sa possession en faisait foi, l'avait aimé. Anne n'avait eu que ...


Bacchus.

Aussi loin que remontaient ses souvenirs, bien avant son arrivée à Vienne, Bacchus était toujours là. Elle avait appris à marcher entre les jambes des chevaux. Elle caressa, à sa ceinture, la boucle de harnais qu'il lui avait offerte pour porter ses clefs. Bacchus, et Matheline. Des serviteurs. Dévoués, certes, malgré l'ivrognerie de l'un et l'indécrottable bêtise paresseuse de l'autre. Aimants, très certainement. Mais des valets.
Ses pas l'avaient porté, sans qu'elle y eût pris garde, devant la porte de sa mère. Elle la contempla un instant, l'air absent.
Elle en avait voulu à Maryan, de longues années. Désormais, elle la plaignait. Elle savait aussi qu'aucun secours ne lui viendrait de sa mère. Maryan avait rêvé pour ses enfants d'autre chose que de couvent, de séminaire, de mariage arrangé. Et pourtant ! Blanche avait trouvé sa voie, Gabriel luttait encore plus ou moins contre la sienne, mais il y aspirait de toutes les fibres de son être.

La petite se sentait vieille, soudain. Sa majorité, elle l'avait attendue comme une libération, la certitude d'être enfin reconnue comme personne. Elle en était à la veille, et prenait conscience que ça ne changeait rien. Vers qui se tourner ?
Le baron d'Aupic ne sortait plus de ses appartements, elle n'osait le déranger. Sa marraine ? Le parrain de son frère ? Elle leur était très attachée, ils étaient à Vienne, mais ils n'étaient ni Cornedrue, ni d'Ambroise.
Le Père Comis était toujours là, près de l'écritoire qu'elle avait délaissé. Elle rougit à l'idée qu'elle avait pu l'oublier.


Mon Père, pardonnez-moi. Je sais que je n'aurais pas dû laisser mon travail en plan, surtout sans vous avertir, mais ...

Elle ne pouvait se résoudre à lui expliquer.

Je dois écrire un courrier urgent.

Sans plus barguigner, surtout avec elle-même, elle se mit à la tâche. Anne n'avait pas une jolie écriture, malgré ses efforts. Elle avait appris trop tôt, à un âge où ses doigts encore maladroits peinaient à tenir convenablement calame ou plume. Elle s'appliqua, néanmoins, parce que bien former les lettres la distrayait de pensées plus noires. Elle ne relut pas.

Citation:
A Sa Grandeur Hugo Cornedrue, baron d'Ainay-le-Vieil, vicomte de La Chapelle-Angillon

Mon cher Parrain,

C'est avec humilité, et confiante en votre conseil, que je vous fais tenir cette missive.
Votre pauvre filleule est plongée dans une insupportable inquiétude, et ne sait plus à quel saint se vouer. Plaise à Aristote, mon Parrain, que vous saurez lui venir en aide.

Mon frère Gabriel, depuis quelques temps, sent l'appel du Très-Haut. Je le subodorais, j'en ai eu la preuve ce jour. Un concours de circonstances a fait que j'ai appris, de la bouche-même de Son Eminence Meleagant, son désir de suivre l'enseignement du séminaire.
Ma sœur Blanche ne donnait plus de nouvelles depuis fort longtemps. Nous avons sur récemment qu'elle souhaite prendre le voile.
Il ne reste plus, pour relever le nom et assurer la transmission des biens que mon père nous a laissés, que moi-même.
Vous me direz, Parrain, de m'ouvrir à Mère de tout cela. Je ne le puis.

J'atteindrai demain ma majorité. Ma vie, je l'imaginais toute tracée, au service de mon Duché et du Royaume, libre d'époux et d'enfants. J'ai trop vu pleurer ma mère pour vouloir m'attacher à quiconque, la politique et l'étude suffisent à emplir mes journées, ce qui semble à d'autres si ardu m'est agréable.
Hélas, il me faut y renoncer. Le Très-Haut, en suscitant chez mon aîné cette vocation sans appel, me montre clairement mon devoir. Il me faut songer à épouser.

Cependant, Parrain, vous comprendrez aisément, qu'une fille de ma condition sache faire la part des choses : un époux, soit, puisque le Très-Haut le veut. Je connais mon devoir, et m'y soumettrai, de bonne grâce sinon d'un cœur léger. Mon destin est de donner un héritier aux Culan, il n'est pas de perdre ma vie entière dans l'ombre d'un homme.

Aussi vous demandé-je en grâce de guider Mère dans le choix qu'elle fera de cet époux. Elle s'est montrée horrifiée de mon désir d'épouser un "barbon", comme elle dit. C'est pour moi la seule solution acceptable. Pour dire le vrai, un homme d'âge ne m'encombrera que le temps qu'il faudra.

Je vous supplie, mon Parrain, d'accéder à ma requête, et de faire entendre raison à Mère.

Votre affectionnée filleule,



Le pigeon partit dans l'heure en direction du Berry.
pnj
La vie est pleine de surprise. Avec pas loin de trente printemps derrière elle, Maryan s’en rendait encore compte. Pour une jeune femme qui, dans son désespoir d’alors, avait un instant pensé finir ses (nombreux) jours dans un couvent, loin de tout sursaut et de tout bousculement de la vie, voilà qui avait de quoi dérouter.

De la petite ruelle située non loin de l’hôtel de Culan, et où cheminaient à présent la Vicomtesse en compagnie du Bourgmestre, l’on pouvait déjà humer l’odeur des pâtés de truites, des vandoises rôties et des crépines que préparaient consciencieusement Flamenque dans la cuisine vicomtale.
L’air était plutôt doux en ce jour de février, et, sans qu’elle sache bien si c’était le fruit de son imagination ou un réel phénomène de la Nature, Maryan sentait tout autour d’elle comme une odeur de printemps qui s’annonçait.

Ils avaient bavardé tout au long du chemin qui séparait la taverne municipale de l’imposant hôtel, parlant de tout et de rien, saluant les connaissances croisées au hasard des venelles, commentant la soirée passée avec ses portes claquées, ses explorations incertaines, ses obscurités, ses chandelles et ses effleurements.
Elle avait ce sourire rêveur qu’elle n’avait pas esquissé depuis bien longtemps.
Il avait ce regard impassible qui suscitait toujours quelques questionnements muets.

Enfin ils franchirent la porte de l’auguste demeure, et ils aperçurent bien vite Matheline, qui s’empressa de les débarrasser de leur mantel et cape.




« Ajoutez un couvert pour ce soir, Matheline. Messire Bourgmestre nous accompagnera pour notre souper. »



Un sourire niaiseux étira aussitôt les contours grossiers des lèvres de la camérière, puis celle-ci s’en retourna à ses devoirs, n’osant susciter le courroux de sa maîtresse en se risquant à quelques battements de cils aguicheurs.
N’accordant pas un regard de plus à sa domestique, la Vicomtesse, quant à elle, tourna ses yeux pers vers son hôte.



« Passons à la grand-salle, voulez-vous ? Anne et Gabriel doivent déjà s’y trouver. » Continuant à parlementer tout en menant son invité vers la dite grand-salle. « À moins que votre filleul ne se soit de nouveau enfermé dans quelques pieuses et profondes pensées solitaires dans sa chambrée. Savez-vous qu’il y passe le plus clair de ses journées, à présent ? Il a même fallut que j’y fasse installer un prie-Dieu pour l’usage personnel de Monsieur. »
S’arrêtant un instant devant la porte de la grand-salle et se tournant de nouveau vers son hôte, le fixant d’un regard clair et brillant où luisirent des étincelles d’espièglerie.
« C’est à se demander si vous n’avez pas fait votre travail de parrain avec trop de zèle. »
Anne_blanche
La réponse de son parrain ne s'était pas fait attendre. Le cœur battant, Anne décacheta la missive que Bacchus venait de lui remettre.

Elle se sentait vide, depuis son altercation avec son frère. Elle avait besoin de lui expliquer son projet. C'était presque aussi vital que le besoin de pain ou d'eau. A plusieurs reprises, les derniers jours, elle avait voulu se rendre au couvent où Mère l'avait autorisé à se retirer quelques temps.
Mère, qui ne voyait rien... Mère, qui se rendait de plus en plus souvent en taverne, aussi, et qui faisait naître dans la tête de sa fille bien des interrogations. Elle sentait qu'elle aurait dû se trouver pleinement heureuse de ce retour de sa mère à une vie plus normale, moins tournée vers les ombres du passé. Et en même temps, elle sentait un danger, sans qu'elle pût s'expliquer pourquoi.
De cela aussi, elle aurait voulu s'entretenir à tête reposée avec Gabriel. Pourquoi fallait-il qu'il fût si tourné vers ses échos intérieurs ? Ce n'était pas cela, l'Amitié aristotélicienne telle qu'elle la concevait. Si Gabriel persistait dans son désir de consacrer sa vie au Très-haut, il faudrait bien qu'il comprenne que la vie religieuse est ouverture aux autres.
Même son élection au Conseil Ducal, source d'immense fierté, ne parvenait pas à distraire la presque jeune fille de ses soucis. Elle se repliait comme une huître en sa coquille, et adoptait l'attitude-même qu'elle reprochait à son frère.
Elle surprenait parfois les regards que lui lançait le Père Comis, et rougissait alors sans savoir pourquoi.

Entre ses doigts tremblants, la feuille de vélin se déroula.


Citation:
Ma chère Filleule,

C'est avec une infinie surprise et un respect non moins important que j'ai découvert, ce jour, votre missive.

J'ai, hélas, comme vous, appris voilà peu le désir du petit Gabriel de mêler étroitement sa vie à celle d'Aristote en se dévouant tout entier à son service. Je suis certain que feu votre père aurait été fier de lui, chacun connaissant son dévouement et sa très grande foi. J'ignorais, toutefois, la décision de votre sœur, sœur avec laquelle je n'ai eu de contact depuis fort longtemps.

Il me faut, néanmoins, ne point trop me lamenter et plutôt remercier Aristote de m'avoir donné filleule si dévouée que vous. Vous feriez, vous sans doute plus que votre frère et votre sœur, la fierté de feu mon cousin. Ainsi j'aimerais, ma fille, que vous soyez honorée d'être désormais porteuse d'espoir pour la survie de la branche Cornedrue de Culan. Vouer sa vie à son Duché, à son Royaume, aider son vieux parrain au bord de la sénilité sont des choses fort louables et pleines de noblesse et je vous engage à vous y intéresser toujours plus. La question du mariage, le temps venu, sera réglée de la meilleure manière, j'y veillerai personnellement en vertu de l'autorité conférée par feu votre père.

Soyez donc assurée que j'apporterai un intérêt plus que soutenu à cette question et me mettrai rapidement en contact avec votre Mère pour d'ores et déjà en discuter. Votre volonté sera entendue, je m'y engage solennellement .

Je puis cependant déjà vous annoncer mon désir de vous offrir, non pas une dot, il serait trop tôt pour cela, mais bel et bien une terre afin de vous fournir votre revenu propre sans dépendre de personne d'autre. C'est pourquoi je vous propose de me rendre en votre Duché afin de remettre en vos mains propres la seigneurie de Breviandes, sise en mes terres d'Angillon.

Soyez, ma fille, assurée de mon plus entier soutien et de mon affection la plus aristotélicienne.




Anne ne lut qu'une fois, d'un seul trait. Le soulagement que chaque mot faisait naître en elle amena un sourire sur ses lèvres, déplissa son front, la ramena à ses douze ans.


Parrain comprend !

Elle n'était plus seule. Elle ne portait plus sur ses épaules la charge effroyable qu'elle avait assumée sans y penser. Elle tournoya de la fenêtre à la table, puis à la cheminée, et de nouveau à la fenêtre. Fort heureusement, elle était seule dans la grand-salle. La tête lui tournait un peu, et ce fut avec un éclat de rire qu'elle se laissa tomber sur les coussins disposés dans l'embrasure.

Du bruit dans le corridor lui fit lever la tête. Elle reconnut la voix de sa mère, sans d'abord distinguer les mots. Un autre pas résonnait. Ce n'était pas celui du baron d'Aupic. Un visiteur ? Vite, vite, elle chercha où dissimuler la missive.


C’est à se demander si vous n’avez pas fait votre travail de parrain avec trop de zèle.

Parrain ? Il lui avait fait la surprise de venir à Vienne dès à présent ! Anne se précipita vers la porte, et s'arrêta net.
Ce n'était pas son parrain, qui accompagnait sa mère, mais celui de Gabriel, Messire Walan. Elle avait encore le rouleau de parchemin entre les mains. Interdite, elle resta debout au milieu de la salle.
Walan
Ce qui n'était au départ qu'une banale discussion en taverne avait fini par avoir des conséquences quelques peu inattendues pour Sans Repos. D'abord la séance éducative dans la réserve de la taverne, destinée avant tout à convaincre la vicomtesse qu'il n'y avait pas de rats dans celle-ci. Si ce but avait vraisemblablement été atteint, d'autres effets déroutants pour le bourgmestre étaient survenus et cette invitation à souper en faisait partie.
Le seigneur de Meyrieu ne savait trop quoi penser de tout ceci et c'est en y songeant qu'il accompagna la jeune femme dans les rues de Vienne, répondant à celle ci avec son impassibilité caractéristique afin de cacher autant son trouble qu'une certaine culpabilité.

Ils finirent néanmoins par arriver à l'hôtel de Culan, accueilli par la fidèle Matheline dont le sourire sans équivoques ajouta un peu au malaise du vicomte d'Ancelle. Il n'eut cependant guère le temps de s'attarder sur ce point qu'il était entrainé vers la grande salle par son hôtesse tout en écoutant sa voix lui parler de son fils. La petite pique que lui adressa la vicomtesse avant d'entrer dans la salle sortit Walan de son mutisme.


Hum ... et bien ... Je respecte le Très Haut et ses serviteurs, mais je reste un soldat ... et malgré ce respect je n'incite pas vraiment les gens à trop de zèle dans leurs dévotions.

Il fut interrompu par l'entrée d'Anne dans la pièce,un parchemin et la main et l'air aussi surprise que ... déçue ? Un haussement de sourcil déconcerté apparu sur le visage de Sans Repos avant qu'il ne reprenne la parole.

Bonsoir jeune fille ... ou plutôt conseillère, ajouta-t-il avec un léger sourire avant de sentir le besoin d'expliquer sa présence. Votre mère m'a invité à venir diner ici et ... je n'ai pas souhaité la contrarier et provoquer un flot de surnoms fleuris en refusant.
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pnj
« Rhooo voyez comment vous mettez ma courtoisie légendaire en capilotade ! Je me serai probablement contenter d’un simple grommèlement… ponctué sans doute d’un discret « maraud » ainsi que d’un doux « chiffe molle », assurément. Mais enfin que voulez-vous, on ne se refait pas. »

Offrant un sourire mutin à son hôte, elle tourna l’instant d’après son regard myosotis vers sa fille, qui venait d’apparaître. Comme d’habitude, les détails importants ne lui échappèrent pas. Un simple coup d’œil suffit à la Vicomtesse pour remarquer et le parchemin, et l’air à la fois confus et dépité d’Anne. Sur ce dernier point, en revanche, elle prit soin de ne faire aucun commentaire, certaine qu’elle découvrirait la cause de ce trouble bien assez vite.

« Eh bien, Anne, comment s’est déroulée votre première journée de conseillère ? »

Se fichant en fait de la réponse comme de sa première paire de poulaines, Maryan jeta un œil bleuté aux alentours, et coupa la chique à sa fille avec ces mots :

« Je ne vois ni votre frère, ni le Baron d’Aupic. Seraient-ils tous deux occupés à jouer les ermites dans leurs appartements respectifs ? »
Anne_blanche
Anne ne savait plus quelle contenance adopter. Elle s'était tellement attendue à voir paraître son parrain, que la déception avait dû se lire sur son visage. Et malheureusement, depuis le temps qu'ils travaillaient de concert au Conseil Municipal, le bourgmestre connaissait suffisamment la plus jeune de ses échevins pour s'en être aperçu.

Bonsoir jeune fille ... ou plutôt conseillère. Votre mère m'a invité à venir diner ici et ... je n'ai pas souhaité la contrarier et provoquer un flot de surnoms fleuris en refusant.


Anne aussi connaissait suffisamment le bourgmestre pour comprendre qu'il s'efforçait de la ménager en adoptant ce ton léger. Son haussement de sourcil avait parlé de lui-même. Sa mère intervint aussitôt, la dispensant de répondre.

Rhooo voyez comment vous mettez ma courtoisie légendaire en capilotade ! Je me serai probablement contenter d’un simple grommèlement… ponctué sans doute d’un discret « maraud » ainsi que d’un doux « chiffe molle », assurément. Mais enfin que voulez-vous, on ne se refait pas.

Anne s'efforça de sourire, de prendre un air dégagé. Mais Maryan avait vu le parchemin, elle l'aurait juré.


Eh bien, Anne, comment s’est déroulée votre première journée de conseillère ?


Ah ? Peut-être pas, finalement. Anne abandonna le rouleau sur les coussins de l'embrasure, comme s'il se fût agi d'un document des plus anodins, alors qu'il portait tous ses espoirs.

C'est ...

Je ne vois ni votre frère, ni le Baron d’Aupic. Seraient-ils tous deux occupés à jouer les ermites dans leurs appartements respectifs ?


La vicomtesse était déjà passée à autre chose. Que sa fille eût été élue Conseillère, elle s'en moquait éperdument, et Anne se sentait bien bête d'avoir un seul instant considéré la question comme sérieuse. Mère avait pourtant été Conseillère, elle aussi, en Berry ! Et Maire, même. Mais ça remontait à si loin ! Bien avant son mariage. Anne avait bien du mal à imaginer qu'on pût à ce point se désintéresser de la chose publique, mais il lui fallait se faire une raison : sa mère était à cent lieues de ces banales préoccupations.

La jeune fille ferma les yeux, un bref instant, pour qu'on n'y vît pas le reflet de son exaspération. Mais elle ne put réfréner une crispation de la mâchoire.

Messire mon oncle est effectivement en ses appartements, Mère. Je puis le faire avertir de la présence de notre hôte, si vous le souhaitez.

Un obscur instinct l'avertissait que Mère ne le souhaitait pas. Mais il eût été malséant de ne le point proposer.

Quant à mon frère, ...

Comment rappeler à Mère, devant le vicomte, que Gabriel faisait retraite, sans la mettre en porte-à-faux ?

... je crois que son coche a pris quelque retard. Il rentrera plus tard que prévu, Mère.

Un regard appuyé à sa génitrice, en s'arrangeant pour ne présenter au bourgmestre qu'un profil perdu, suffirait. Du moins, elle l'espérait.
Elle se retourna vers Walan, lui offrit une de ces révérences qu'il ne goûtait guère, mais qu'elle savait nécessaires.


Je suis ravie que Mère vous ait convié ce soir, Messire Vicomte. Soyez le bienvenu.
Walan
Walan maugréa en entendant la vicomtesse prétendre qu'elle se serait contentée de noms d'oiseaux assez faiblards -comparé au reste de sa vaste liste en tout cas- avant de cesser immédiatement en voyant le sourire qui lui était offert. Il s'intéressa alors tant bien que mal à la conversation entre la mère et sa fille, la révérence provoqua un grommèlement qui fit rapidement place à un sourire du baron de Charpey avec l'accueil que lui faisait la jeune fille.

Merci, Anne. Soyez sûre que j'en suis ravi également.
Alors, comment vont les arcanes du pouvoir ducal ? Vous avez commencé à découvrir les lieux et vos nouveaux confrères


Contrairement à la vicomtesse, Walan s'intéressait à la réponse. Il avait beau avoir prit ses distances vis à vis de la politique ducale, las de ce qu'elle engendrait, il continuait néanmoins à la suivre celle-ci de loin et notamment en continuant de conseiller quelques personnes dans leurs débuts. Il écouta donc la réponse d'Anne avec d'autant plus d'intérêt qu'elle faisait partie des personnes en question.
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Anne_blanche
Anne retint un sourire en entendant le grommellement du vicomte. La réaction à ses révérences était si habituelle ! Mais le moyen de faire autrement ? Surtout en présence de Mère !

Alors, comment vont les arcanes du pouvoir ducal ? Vous avez commencé à découvrir les lieux et vos nouveaux confrères ?

Anne évita de regarder en direction de sa mère, et composa rapidement dans sa tête une réponse à la fois suffisamment brève pour ne pas l'incommoder, et suffisamment explicite pour contenter le réel intérêt du bourgmestre. Depuis qu'elle était à Vienne, jamais il n'avait refusé de répondre à ses incessantes questions. Il lui avait donné les clefs, elle s'en était servie, et jamais il n'avait cherché à l'influencer.

J'ai passé la matinée d'hier à lire les ouvrages de la bibliothèque, Messire. J'ai lu aussi tous les rapports et les compte-rendus de débats de ces deux derniers mandats. C'est ... édifiant.

Elle s'arrêta là. D'une part, il lui semblait que Maryan s'impatientait, d'autre part, il était encore tôt pour se faire une idée exacte de la tâche qui l'attendait, d'autant que le nouveau gouverneur n'était pas encore reconnu.


Mère, puis-je demander qu'on nous porte l'eau ?
pnj
Quant à mon frère, ... je crois que son coche a pris quelque retard. Il rentrera plus tard que prévu, Mère.


Diantre ! La retraite spirituelle ! Mais que oui mais que bien sûr ! Cela lui était tout bonnement sorti de la tête.
Fort heureusement, Anne avait bien mené la chose, et l’inintérêt maternel pour le fils aîné passait inaperçu.

Cela dit, il faudrait bien que le royaume entier s’en rende compte un jour : Maryan n’avait jamais été très douée pour les « arts parentaux », comme elle aimait les appeler.
D’une nature plutôt égocentrique et mondaine, la jeune noble ne goûtait guère les contraintes liées au statut de mère, et elle s’était donc toujours débrouillée pour y échapper.

Gabriel, son fils, avait le plus pâti de cette attitude frivole. Dès sa naissance, il avait subi le rejet de sa mère, et s’était vu confié à celle qui était alors la cousine de son époux, feue Mentaïg Bourges Cornedrue, dame de Baugy.
En fin de compte, Maryan avait fait preuve de juste assez de sollicitude à l’égard de sa progéniture pour ne point la confier à des marâtres, mais c’est là tout ce qu’on pouvait lui concéder.

Le caractère exalté, capricieux et changeant de la Vicomtesse ne s’adaptait guère aux exigences du statut de parent, et c’était peut-être aussi ce qui la différenciait le plus des autres femmes qui, dès lors qu’elles devenaient mère, avait ce regard éteint annonçant la fin des belles et jeunes années.
Maryan, elle, avait gardé la vivacité de ses quinze ans, et dans ses iris qui rappelaient les océans et les forêts, l’on pouvait toujours voir danser les éclats de la passion qui l’animait.
Elle avait la grâce d’une almée et le port d’un monarque. Son orgueil était grand, les élans de son cœur aussi. Et quand d’aventure son âme s’attachait à une autre, elle était capable des pires et des plus douces folies que l’amour pouvait créer.

Ces réflexions, qui ne durèrent en fin de compte que quelques secondes, eurent le don de la mettre mal à l’aise. Il est toujours ardu de se regarder de haut, avec toute l’honnêteté dont on est capable. Se dandinant d’un pied sur l’autre, elle attira le regard de sa fille, qui crût sans doute à quelque impatience.



Mère, puis-je demander qu'on nous porte l'eau ?


Ravie de ce prétexte pour chasser ses pensées, la Vicomtesse acquiesça.


« Bien entendu. Faites, faites. »
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