Aengus
La clairière disparaissait dans un flou ouaté... mes yeux ne pouvaient quitter le visage d'Aylay, autant que je n'arrivais à détacher les mains de la peau soyeuse de ses jambes que je continuais à masser... caresser, devrais-je dire.
Je ne sais pourquoi je me confiai à elle de la sorte... je percevais en elle une femme aussi libre que moi... au moins dans sa tête. Libre mais droite... honnête et sincère.
Mes voyages m'avaient amené à connaître - dans le sens biblique du terme - des femmes de tous ordres et de toutes espèces... Nobles, bourgeoises, paysannes, catins... Mais aucune ne m'inspiraient une telle confiance... ni un tel désir.
Sans doute le fait que ce désir semblait tellement réciproquement évident y entrait-il pour une grande part.
Comment le définir, sinon par une espèce d'attirance quasi-animale... mais aussi sans doute par un sentiment qui, sans s'apparenter à de l'amour, n'excluait ni respect ni tendresse.
Elle était de ces femmes que l'on a envie d'aimer, d'honorer... l'espace d'une étreinte passionnelle... Sans lendemain, sans doute, mais d'une intensité rare et qui laissait la place, cependant à une relation amicale ultérieure d'où le regret ou le remords serait exclus.
J'avais envie d'elle... Je la désirais... Là... Immédiatement... dans l'urgence d'un désir partagé et qui ne souffrait aucun état d'âme. Aucune crise de conscience...
Deux êtres emportés par une vague de désir irrépressible...
Aylay est de la même trempe que moi, je le sens, je le sais... Capable d'aimer passionnément l'espace d'une étreinte volée au temps... sans mauvaises pensées... Prête à se donner, sans même réfléchir... Simplement parce que le désir est plus fort que la raison et, sans doute aussi, parce que la vie est avare de cadeaux de ce genre... Prendre... Saisir et ne pas rater le moindre moment d'extase, de tendresse, de bonheur.
Je lisais tout cela dans son regard, miroir du mien.
Nos réticences n'étaient que pure forme. Simplement parce que nous étions honnêtes l'un envers l'autre, mais aussi vis à vis de Vyviane et Azzera. Mais nous savions aussi que nous ne faisions pas le mal..; Croquer la vie à pleines dents et laisser à l'avenir le soin de nous montrer la voie à suivre.
Nous savions tout deux que, quoi qu'il se passe ce soir, demain serait pareil à tous les autres jours... Un moment hors du temps... une parenthèse dans nos vies, sans conséquences.. si ce n'est une tendre complicité à venir.
Elle savait pour Azzera et je savais pour Vyviane... Nous ne trompions personne. Et nous ne nous trompions pas.
Je sens soudain ses mains se poser sur ma poitrine... Frisson intense... Visage tout contre le mien... à portée de baiser... offert... presque suppliant...
Ses doigts jouent dans la toison qui recouvre mon torse... s'égarent sur mes seins... mon cou, mon visage... sa bouche pulpeuse si proche... trop proche... Petit bout de chair rose qui caresse mes lèvres...
Un instant, je ferme les yeux... respiration courte, poitrine qui se soulève... tempes qui battent... Je les rouvre et me noie dans son regard sombre, intense, suppliant...
Elle s'est redressée et mes mains, presque malgré elles, ont glissé le long de ses jambes sous la jupe légère et caressent à présent ses cuisses musclées et tendres... Je les sens frémir sous mes doigts fébriles...
Je suis subjugué par cette ébauche de baiser, cet embryon d'étreinte... Ma langue, timidement d'abord va à la rencontre de la sienne... Ballet lascif... jeu de cache-cache... contact intime encore pudique... Il est encore temps d'en rester là... Mais le voulons-nous vraiment ? N'est-il pas déjà trop tard pour reculer ?... A présent que nous nous sommes avoués notre désir ?
Lèvres contre lèvres, je murmure avec une émotion intense dans la voix :
- Un choix ? ... Vraiment croyez-vous ?... Vous savez aussi bien que moi qu'il restera entre nous un regret immense de n'avoir pas été au bout de nos désirs... Plus tard ?... Il sera trop tard.
Et, oui, nous garderons l'un de l'autre l'image d'un désir inassouvi qui, à mon sens, n'aura rien de sublîme... car il viendra un moment où, poussés par une frustration grandissante, nous ne pourrons plus réfréner nos désirs... A ce moment-là, nous risquons de faire souffrir ceux que nous aimons. Vous et moi sommes de ceux qui jouissent du moment présent... Sans état d'âme... sans pensées malsaines... Et vous comme moi savons les limites de nos envies, de nos désirs. Ce qui se passe entre nous... c'est comme un abri providentiel lorsqu'un orage éclate sur nos têtes en rase campagne... Nous n'en faisons pas pour autant notre domicile.
Sa bouche boit mes paroles... nos lèvres se frôlent... ses mains se sont posées sur ma nuque, attirant mon visage involontairement au plus près du sien. Brûlante caresse qui me parcourt l'échine.
Retarder encore ce baiser relève du supplice de Tantale... Oui... Que nous le voulions ou non, le point de non-retour est atteint... Et nous le savons tous deux, malgré nos scrupules.
Mes mains tremblantes pressent ses cuisses, remontant doucement vers ses hanches... mon torse vient doucement se coller au sien. Je l'attire au plus près de moi.
Ses seins dressés s'écrasent tendrement sur ma poitrine tétanisée... C'en est trop pour mon désir d'elle !... Dans un gémissement viril, presque animal j'articule sourdement :
- Moi aussi j'ai envie de toi... et je vais t'aider... Nous n'avons plus le choix !...
Je m'empares alors de ses lèvres avec une fougue sauvage... passionnelle... Mes lèvres grignottent, mangent les siennes en un baiser torride, tandis que ma langue avide force le passage à la rencontre de la sienne... tourbillons lascifs et langoureux... Danse charnelle... prélude à d'autres jeux dont nous savons à présent l'issue.
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