Eliance
Cinq. Cinq pour du pain. Cinq péquenots sur les chemins pour du pain. C'est stupide mais nécessaire, le pain.
Sauf que j'aurais pas dû partir. Ça non. Je sais même pas pourquoi j'ai accepté de faire ce truc idiot. Je voulais rester, moi, en vrai. À Langres, je pouvais me bourrer la gueule tranquille, je pouvais passer mes journées et mes nuits loin de l'Italien. J'avais une excuse. Je pouvais laisser libre court à mon désespoir. Là, c'est plutôt raté. Je dois faire bonne figure. Je dois sourire, indiquer le chemin et faire comme si de rien n'était. Je dois me taire alors que j'ai qu'une envie, c'est de déballer tout ce qui pèse, de parler de ça avec Kachi, Néo ou l'autre blond qui réfléchit comme une femme, ou n'importe qui d'autre qui aura envie d'écouter mes pauvres histoires, mes pauvres sentiments troublés.
Sauf que mon petit mari marche à côté de moi, mange à côté de moi, dort à côté de moi, parce que c'est comme ça que ça se passe sur les routes. Parce que c'est pour ça que j'aime bouger. Sauf que là, j'aime pas ! Là, je voudrais être seule. Quitte à tout garder pour moi, autant être seule. Mais non, y a juste trois gars et une brune sur mes chausses à cause de ce foutu pain ! Et ça va durer plusieurs foutus jours. Et je vais finir par exploser. Mais en attendant, je fais profiter les autres de ma mauvaise humeur. Les sourires forcés, ça dure un peu, mais je suis pas surhumaine, j'y arrive pas bien longtemps. Disons... deux longues minutes. Et c'est déjà bien, d'arriver à faire mentir sa tronche tout ce temps. Après, ben après, je deviens massacrante. Je suis massacrante.
Essayez donc de vous réfugier sur une falaise dans votre tête avec tout ce monde autour. C'est pas facile et même totalement impossible pour être exacte. Pas moyen de m'isoler. Même pour aller pisser, j'ai pas le droit d'aller plus loin que le pauvre buisson au bord du chemin. Parce que c'est moi qui porte les écus du pain et blablabla, blablabla... faudrait pas qu'on fasse le chemin pour que la gourde roussi-blondasse se fasse détrousser pendant qu'elle évacue trois jours de bière sur un tas de feuilles mortes en décomposition. Donc le seul moyen d'encaisser, c'est d'avaler mes angoisses et mes questions, mes doutes et mes incertitudes. Et, ça, ça se fait en serrant trop fort les dents, jusqu'à avoir un mal de chien à la mâchoire et ne la décrisper que pour dire certains doux mots qui ponctuent la marche.
...
Bottes de m*rd* ! J'mal aux pieds...
...
On s'arrête quand ?
...
Fait chier c'soleil. J'ai chaud.
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Sauf que j'aurais pas dû partir. Ça non. Je sais même pas pourquoi j'ai accepté de faire ce truc idiot. Je voulais rester, moi, en vrai. À Langres, je pouvais me bourrer la gueule tranquille, je pouvais passer mes journées et mes nuits loin de l'Italien. J'avais une excuse. Je pouvais laisser libre court à mon désespoir. Là, c'est plutôt raté. Je dois faire bonne figure. Je dois sourire, indiquer le chemin et faire comme si de rien n'était. Je dois me taire alors que j'ai qu'une envie, c'est de déballer tout ce qui pèse, de parler de ça avec Kachi, Néo ou l'autre blond qui réfléchit comme une femme, ou n'importe qui d'autre qui aura envie d'écouter mes pauvres histoires, mes pauvres sentiments troublés.
Sauf que mon petit mari marche à côté de moi, mange à côté de moi, dort à côté de moi, parce que c'est comme ça que ça se passe sur les routes. Parce que c'est pour ça que j'aime bouger. Sauf que là, j'aime pas ! Là, je voudrais être seule. Quitte à tout garder pour moi, autant être seule. Mais non, y a juste trois gars et une brune sur mes chausses à cause de ce foutu pain ! Et ça va durer plusieurs foutus jours. Et je vais finir par exploser. Mais en attendant, je fais profiter les autres de ma mauvaise humeur. Les sourires forcés, ça dure un peu, mais je suis pas surhumaine, j'y arrive pas bien longtemps. Disons... deux longues minutes. Et c'est déjà bien, d'arriver à faire mentir sa tronche tout ce temps. Après, ben après, je deviens massacrante. Je suis massacrante.
Essayez donc de vous réfugier sur une falaise dans votre tête avec tout ce monde autour. C'est pas facile et même totalement impossible pour être exacte. Pas moyen de m'isoler. Même pour aller pisser, j'ai pas le droit d'aller plus loin que le pauvre buisson au bord du chemin. Parce que c'est moi qui porte les écus du pain et blablabla, blablabla... faudrait pas qu'on fasse le chemin pour que la gourde roussi-blondasse se fasse détrousser pendant qu'elle évacue trois jours de bière sur un tas de feuilles mortes en décomposition. Donc le seul moyen d'encaisser, c'est d'avaler mes angoisses et mes questions, mes doutes et mes incertitudes. Et, ça, ça se fait en serrant trop fort les dents, jusqu'à avoir un mal de chien à la mâchoire et ne la décrisper que pour dire certains doux mots qui ponctuent la marche.
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Bottes de m*rd* ! J'mal aux pieds...
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On s'arrête quand ?
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Fait chier c'soleil. J'ai chaud.
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