Eliance
Paradoxale, elle l'est. Mais c'est pas non plus sa faute, à la roussi-blondasse, si une hystérique blonde a pondu des jumeaux à son mari et que sa meilleure amie amnésique a décidé qu'elle n'est pas prête à être mère tout compte fait, et que, du coup, elle se retrouve toujours à s'occuper d'au moins un morveux. Ça devient dur de faire illusion à détester les braillards. Très dur. Même Diego ne semble plus trop y croire. Quoiqu'elle lui ait avoué le fond de vérité qui se cache derrière le mensonge, il entre toujours dans son jeu, comme pour lui trouver des excuses à cet enfant qu'ils n'ont pas et la déculpabiliser. La famille, ils l'auront. D'une manière ou d'une autre. Et puis quoi... il a déjà trois bâtards à s'occuper, bientôt quatre... elle va pas lui en pondre un cinquième légitime ou ils ne sauront plus où donner de la tête. Et puis si elle le tue comme les autres ? Et si Diego se casse en abandonnant les bâtards à sa femme ?... Bref. C'est pas l'heure. Voilà tout.
Un chiard sur les bras, c'est encombrant. Surtout quand sa mère lui manque et qu'il passe ses nuitées à brailler à qui mieux mieux. Si elle a retrouvé le sommeil avec le retour-promis-prochainement, Louis lui a retiré ses beaux rêves tout doux ces derniers jours. Ça, plus une Atro jalouse d'Eliance, pensant qu'elle lui vole enfant et tontons... folle ambiance. Mais la délivrance a sonné, il semblerait, puisque la Dragonne a repris le marmot, laissant rêver à Eliance la perspective d'une belle nuit. C'était sans compter sur le chaton reçu la veille et un intrus batracien qui a croassé toute la nuit.
Les popoches sont toujours présentes sous les yeux fatigués de la Ménudière, au réveil, mais c'est libre qu'elle pose un pied par terre. Libre de s'étirer, de bailler, de s'allonger à nouveau. Pas de torchon à faire sucer, pas de gamin à bercer, pas de comptine à chanter. Rien. Le vide. Si on met de côté le chaton qui s'acharne sur ses orteils à coups de griffes.
Alors elle fait ce qu'elle attend de faire depuis des jours. Écrire à Diego. Si le début de sa lettre l'a inquiétée, elle a ensuite été rassuré du ton qui a suivi, sentant qu'il irait bien malgré tout. Le corps fin s'est levé, enveloppé dans la couverture laineuse, et Eliance a pris papier et crayon avant de se poser sur le plancher inconfortable. Il va vraiment falloir qu'elle transforme ce taudis en auberge, ça devient pénible de devoir écrire au sol faute de table dans les chambrées.
Un chiard sur les bras, c'est encombrant. Surtout quand sa mère lui manque et qu'il passe ses nuitées à brailler à qui mieux mieux. Si elle a retrouvé le sommeil avec le retour-promis-prochainement, Louis lui a retiré ses beaux rêves tout doux ces derniers jours. Ça, plus une Atro jalouse d'Eliance, pensant qu'elle lui vole enfant et tontons... folle ambiance. Mais la délivrance a sonné, il semblerait, puisque la Dragonne a repris le marmot, laissant rêver à Eliance la perspective d'une belle nuit. C'était sans compter sur le chaton reçu la veille et un intrus batracien qui a croassé toute la nuit.
Les popoches sont toujours présentes sous les yeux fatigués de la Ménudière, au réveil, mais c'est libre qu'elle pose un pied par terre. Libre de s'étirer, de bailler, de s'allonger à nouveau. Pas de torchon à faire sucer, pas de gamin à bercer, pas de comptine à chanter. Rien. Le vide. Si on met de côté le chaton qui s'acharne sur ses orteils à coups de griffes.
Alors elle fait ce qu'elle attend de faire depuis des jours. Écrire à Diego. Si le début de sa lettre l'a inquiétée, elle a ensuite été rassuré du ton qui a suivi, sentant qu'il irait bien malgré tout. Le corps fin s'est levé, enveloppé dans la couverture laineuse, et Eliance a pris papier et crayon avant de se poser sur le plancher inconfortable. Il va vraiment falloir qu'elle transforme ce taudis en auberge, ça devient pénible de devoir écrire au sol faute de table dans les chambrées.
Citation:
Mon Dracou,
Je vous dois des excuses pour cette réponse qui se fait tardive. J'aurais voulu tellement vous écrire plus tôt, mais la mauvaise humeur de Louis et son choix de hurler à la mort ont accaparé tout mon temps. Vous savez ce que c'est... je ne vous apprends rien. Et quand celui-là beugle, je peux vous garantir qu'il ne fait pas semblant. C'est bien le digne fils de sa mère. Je vous le garantis. Elle l'a repris hier soir, ce qui me permet d'avoir un peu de temps pour vous répondre.
Comme je m'inquiète pour vous, de vous savoir si loin et blessé à la fois. Je pense sans cesse à vous, j'imagine ce que vous pouvez faire au moment dit, je vous imagine avec les jumeaux, je vous imagine marchant sur un chemin caillouteux, avec eux dans les bras, je vous imagine vous réchauffant au feu d'une auberge. Je pense sans arrêt à vous tout en n'ayant que peu l'occasion de parler de vous à des gens.
Je me souviens bien de cette Johanara, oui. Je ne l'aime pas, je crois. Atro dit que j'aime tout le monde, mais c'est faux. Je hais les femmes qui vous tournent autour. Et un peu Niallan aussi parce qu'il amène ces femmes à vous. Pourtant, je vous fais confiance. Vous avez dit être épuisé des femmes et je vous crois. Certains disent que je suis folle de croire en vous après tout. C'est ainsi. Je crois en vous. Comme vous croyez en moi.
Un oncle de Atro m'a demandé comment un mari pouvait laisser sa femme seule ainsi. Je lui ai répondu que vous n'aviez pas peur, que je ne vis que pour vous. Il n'a pas semblé convaincu. Les gens sont parfois si idiots. Est-ce que c'est si dur à comprendre, que c'est possible de s'aimer ?
D'ailleurs, je vous défends de penser que vous êtes faible. Vous ne l'êtes pas. En aucun cas. En Italie, si vous n'aviez pas été là, je ne me serais pas relevé, Diego, de ces terres ritales. Les mauvais soins appliqués à mon bras, j'en suis la seule responsable. J'aurais dû prendre garde à cette douleur et m'occuper de moi, en plus de vous. Vous m'avez toujours protégé à merveille. Depuis le début qu'on se connaît, vous m'évitez tout. Vous avez tué Gontrand. Vous avez tué ce brigand. Vous avez écarté ces soldats italiens. Vous êtes fort, mon Dracou. Seulement, on ne peut pas toujours parer tous les assauts. Vous êtes simplement humain. Et beau aussi. Et si fort. Voyez comme vous avez protégé vos enfants simplement avec vos pieds ! Vous y êtes arrivé. Ils sont sains et saufs. C'est le plus important. Votre blessure à vous guérira vite. J'y veillerai.
Je n'ai pas écrit à Ayla depuis un bon moment. Je ne trouve pas le moment pour ça. Peut-être si Atro garde Louis dorénavant, je le pourrais. Je vous dirais ce qu'elle me dit de sa forme.
Avez-vous trouvé votre fille ? Je vous mets la lettre adressée à elle avec la vôtre. Vous pouvez la lire si vous voulez. Je l'écrirais en suivant celle-ci, même si je pense que les mots ne couleront pas aussi facilement que pour vous écrire à vous. C'est tellement simple de vous écrire, à vous, mon mari. J'aime cela. Je crois que même quand vous serez revenu, je vous laisserai des petits mots. Des petites choses qu'on ne se dit pas aisément, mais qu'on peut graver sur un bout de papier innoncent.
D'ailleurs, je peux vous confier mes rêves par écrit. J'imagine votre sourire espiègle à lire ça. Imaginez ma mine gênée... elle est là, sans doute, même si j'évite les miroirs, je la sens. Dans mes rêves, Diego, vous revenez. Vous êtes au bout du chemin et je vous vois avancer. Vous êtes si grand, si fort. Votre silhouette se détache comme une ombre dans la lumière. Vous avancez. Avec cette aisance et cette prestance que j'admire. Votre pas est lent, tout en étant dynamique et assuré. Plus vous vous approchez, plus je distingue de détails. Je peux voir vos cheveux, toujours aussi mal coiffés, et pourtant qui vous vont si bien. J'aperçois votre visage, vos yeux perçants, votre sourire étourdissant. Celui que vous réservez aux grands occasions, vous savez ? Vous portez ce gilet que je vous ai offert. Vous êtes beau, tout simplement. Et puis au bout d'un moment, je n'y tiens plus et je me jette dans vos bras, à votre cou, pour vous voir de plus près, de très près. Pour vous sentir contre moi, percevoir votre odeur. Et puis pour vous embrasser. La suite... peut-être un jour je vous l'écrirai. Rappelez-vous seulement la nuit où vous avez tué le brigand. La suite se passe de la même manière. Sauf qu'il n'y a pas de brigand. Juste vous et moi.
Votre promesse, mon Dracou, compte mille fois plus que n'importe quoi. Je sais vos promesses rares et sincères. Je sais que vous les tenez toujours. Celle-là a une saveur si belle. Je la sais par cur, comme vous savez mes mots aussi. Vous avez raison, c'est étrange comme on retient ces choses-là et comme le reste glisse sur notre mémoire de manière totalement désinvolte.
Avez-vous lu les projets du clan ? Ce sera peut-être pas à côté de la mer, mais on y sera tout à côté, avec un peu de chance.
Faites attention à vous. Par pitié. Et dites aux jumeaux que je pense à eux.
Vous, je vous embrasse de la plus jolie des façons. Amoureusement.
Votre Eli.
Citation:
Odile,
Cette lettre est si étrange. Je ressens moi-même une sensation particulière en l'écrivant. Et pourtant, j'y tiens. Diego saura le rapporter, depuis le temps que je lui en parle. Il est si dur d'écrire à quelqu'un qu'on n'a jamais vu, quelqu'un qu'on ne connaît pas. Dois-je dire « vous » ou « tu » ? J'y ai longuement réfléchi, la question me semblant tellement complexe. J'ai le statut de belle-mère, certes (ce que ça peut faire vilain de le voir écrit...), mais je n'ai aussi que quelques années de plus que ma belle-fille. Donc, l'un dans l'autre, je vais me permettre un « tu », ici-même, qui ne rencontrera pas de reproche, je l'espère. Sans quoi, il faudra me reprendre et j'adopterai un « vous ».
En fait, je ne serais pas une matrone. Je n'en suis pas une. Comme je ne suis pas une mère pour les jumeaux à proprement parler, je ne compte pas imposer une quelconque autorité auprès de toi. Nous verrons bien ce que nous serons, toutes les deux. Mais je tenais à te dire que je ne chercherais pas à m'imposer à toi.
Je veux te parler de ton père, aussi. Je ne sais pas quelle première impression tu as de lui. Je sais les premiers coups dil foireux, alors je vais te dire. C'est un homme bon. Terriblement maladroit parfois, pas sûr de lui pour dix deniers, mais tellement entier et attachant. La vie qu'il a pratiqué avant est loin. Chacun a sa croix, une chose moche qu'il souhaiterait cacher. Malheureusement, sa chose moche à lui, il ne peut la cacher, puisqu'elle a engendré pleins de marmots comme toi. Si il a eu du mal à accepter les jumeaux au départ, il n'en sera pas de même pour toi. Il angoisse de ne pas être à la hauteur de tes rêves, mais il s'efforcera de l'être, ou du moins d'apprendre à te connaître.
D'ailleurs, on apprendra tous à vivre ensemble et tu pourras rester avec nous aussi longtemps que bon te semblera.
Je ne sais trop que te dire d'autre, à part que j'attends votre retour avec impatience. Pour revoir mon mari, bien sûr, les jumeaux, aussi, mais également pour te rencontrer.
J'espère de tout cur que vos retrouvailles se passeront bien.
N'hésite pas à m'écrire si tu as quelque difficulté avec lui. Ou si seulement tu as des questions. J'imagine ces moments complexes. Et j'aurais aimé les vivre avec vous, à ses côtés.
Prends soin de toi, prends soin de lui.
Bonne route.
Eliance Corellio
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