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[RP] Ce n'est qu'un rêve un peu fou

Eliance
    –––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––
      Ce n'est qu'un rêve un peu fou *
      Un mirage irréel
      Mon coeur pour vous plane en plein ciel
      Comme il est doux d'aimer un ange
      C'est, je vous l'avoue, le paradis
    –––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––

Elle a voulu suivre. Malgré les gros risques énoncés par Mike, malgré sa célèbre trouille qui fait dire à Atro qu'elle craint même son ombre, malgré son inutilité persistance dans un combat quel qu'il soit, elle a voulu suivre. Les raisons ne sont pas connues. Nulle réflexion derrière cette décision un peu folle, un simple sentiment de pas-le-choix qui s'est installé en elle quand Mike lui a demandé si elle était prête à mourir avec eux, pour eux. La réponse non formulée est un « oui » évident. Elle ne saura pas se battre, elle saura simplement mourir en premier si le cas se présentait. Une Meringue avec une épée, ça fait désordre et c'est moche. Mais elle est là.

Elle n'a pas pensé à Diego. Elle n'a pas pensé aux jumeaux. Elle n'a pas pensé à ce qui se passerait si effectivement elle y laisse la peau, ici, en Bourgogne. Elle a juste senti qu'elle devait suivre. Alors elle suit. Bêtement diront certains, fidèlement diront d'autres. Le résultat est bien le même. Voilà un chef, une Teigne, une nounou détestée portant son fillot préféré et une Meringue sur les chemins bourguignons, à l'affût comme jamais. Le peloton se tait. C'est le mot d'ordre du jour. Les pipelettes se tiendront tranquilles et tout le monde restera en vie.

Si ça pouvait être aussi simple... En prêtant attention, on pourrait parvenir à entendre les palpitations de chacun qui se font de plus en plus fortes. Les pas se font rapides et aussi silencieux que possibles. Le moindre oiseau de malheur nocturne provoque un sursaut général et malgré les rires habituels de moquerie en ce genre d'occasion, aucun ne ponctue la remise en avant, ce soir-là. La tension est à son comble et Eliance sent même la peur dans le grand blond qui les dirige.

Ce blond-là a eu des confidences, des paroles inhabituellement raisonnables et déterminées. Aucune légèreté et stupidité n'est sortie de sa bouche pendant plusieurs heures, signe évident pour Eliance que quelque chose cloche. Pour sûr... les armées sont en éveil et sautent sur tout ce qui bouge. Kachi et ses sudistes se sont faits avoir. Mike ne s'avoue pas vaincu. Eliance découvre un homme déterminé et courageux derrière le trop blond trop con ordinaire, ce qui entraîne aussitôt une admiration sans borne inconditionnelle. Si il les envoie au casse-pipe, elle aura été fière de l'avoir eu comme un chef. Si il les envoie au casse-pipe, elle sera la première à y passer. Si il les envoie au casse-pipe... c'est le destin. Elle ne mourra pas d'une falaise comme elle se l'est toujours imaginé.

    ***
Le destin, ce soir-là, a une odeur particulière. Il sent l'humidité et le froid des sous-bois. Il sent la trouille à plein nez. Eliance marche derrière le couple directionnel incarné par Atro et Mike, laissant la nounou se dépêtrer du mouflet qu'elle porte. La peur est là. Elle humecte l'air ambiant, l'envahissant de sa saveur particulière. Pour se donner du courage, Eliance ne pense pas trop. Seulement à Lucie et au géant qui attendent leur retour. Quoi de plus rassurant que l'image d'un géant protecteur comme Eithann ? Avec lui, elle sait qu'elle ne risque rien. Elle a ses faveurs et a vu ses manières qu'il sait faire si douces avec elle. C'est vers cet ami-là que vont ses pensées. Toutes. Et le courage lui vient... un peu... disons un tout petit peu. Assez pour faire avancer ses pieds. Pas assez pour empêcher ses membres de trembler.

Le sous-bois s'achève. Au loin, le groupe perçoit une clairière éclairée par la lune pas encore toute ronde, mais bien présente. Tout a l'air tranquille. Aucun bruit ne perce la nuit. Alors l'allure se poursuit et les pieds foulent l'herbe humide. Certains endroits comme ceux-là pourraient être le paradis, mais se révèlent plutôt du côté des enfers. Des cliquetis de ferrailles brisent le silence et montent jusqu'aux esgourdes ménudiériennes et sans aucun doute à celles de tout le groupe. Chacun a arrêté ses pas. C'est maintenant... Chacun prépare ses armes. Eliance tente bien de brandir l'épée qui pend à sa taille. Mais la soulever à bout de bras semble impossible physiquement. Ses muscles ne tiennent pas le poids qui entraîne rapidement la pointe s'écraser dans le sol herbeux. Devant ce constat désastreux, la trouille reprend de plus belle. Elle s'immisce dans chaque recoin de la Meringue. Le bouclier est aussi lâché par terre et Eliance se met à courir comme une dératée en rebroussant chemin.

Elle abandonne. Elle les abandonne. La peur conduit ses enjambées. Elle ne respire plus. Elle a juste peur. Elle court, traverse un bout de prairie, puis quelques bosquets quand un poids incommensurable lui fauche les jambes et elle se voit rouler par terre avec violence, le poids accroché à ses mollets. Il rampe sur elle et se met à lui parler, ou plutôt à la houspiller dans des paroles effrayantes. Il s'est relevé et lance son pied plusieurs fois de suite dans ses flans. Puis le poids s'assied sur elle, écrasant ses entrailles tandis qu'un autre poids s'abat sur sa joue. Puis un autre. Puis un autre. À califourchon sur elle, l'homme frappe. Elle se défend. Elle bat des mains. Elle griffe, tord, arrache. Les coups pleuvent plus fort. La Meringue n'a pas repris son souffle ni ses esprits. Simplement, son instinct de survie s'est éveillé et elle se débat sous l'emprise de cet homme sorti de nul part. Elle sent les gros poings serrés s'écraser contre les os de son visage crémeux. Peu à peu, doucement mais surement, la crème se transforme en sanquette et la croûte de la Meringue s'effrite pour laisser son intérieur tendre et moelleux béant et sans défense.

Elle entend les autres. Elle entend le combat qui fait rage à quelques pas de là, dans la clairière. Elle entend surtout ses propres os se briser les uns après les autres. Elle entend ses nerfs et ses vaisseaux éclater les uns après les autres. Elle entend cette voix qui l'insulte. Les coups pleuvent encore. Ses yeux ne perçoivent plus que du flou, arrosés du carmin coulant de ses sourcils, de son front. Sa bouche aussi n'a que ce goût-là sur les papilles, inondée par le liquide gluant s'écoulant de son nez éclaté et de la lèvre fissurée. Elle n'est plus que sang. Et quand l'homme déchire sa chemise d'un geste brusque pour dévoiler sa nudité aux étoiles, ses bras à elle sont retombés au sol. Consciente, elle l'est. Assurément. Bien trop. Sa peau blanche tutoie la nuit sombre alors que des mains crasseuses l'explorent avec une brutalité et une insolence qu'elle connaît que de trop.

Eliance Corellio n'est plus. À cet instant, elle n'est plus que la Ménudière, cette fille de rien, dont le corps a servi de terrain de jeu à quiconque avait les faveur de son époux Pardieu. À cet instant-là, tout l'espoir qui l'habite et la fait vivre est évaporé. Elle est vide de présent. Simplement rempli de ce passé qu'elle tentait de mettre de côté. Elle se rend compte que ce passé est à jamais trop présent en elle. Elle sait qu'il ne la quittera jamais. Alors elle abandonne. Elle s'abandonne à chaque coup de rein que l'homme s'acharne à donner. Elle abandonne ses rêves de vie. Elle abandonne Diego. Elle abandonne ses amis. Elle abandonne tout. Eliance abandonne Eliance. Elle est à présent vide de toute la vie qu'elle s'est construite en s'enfuyant de chez Pardieu. Elle est vide d'elle-même.

L'homme semble apprécier la docilité nouvelle de sa proie et en profite pour faire battre sa peau contre la sienne encore un long moment, vidant plusieurs fois dans ses entrailles ses mois de frustration militaire. Eliance fixe ce ciel sombre. Aucune pensée ne vient effleurer son esprit. Elle est assurément vide de tout. Une larme vient creuser un sillon au milieu des joues rougies. Cette larme tente de laver l'affront, de laver le sang. Mais elle est surtout inutile et sèche rapidement sous le froid de décembre, laissant Eliance seule, vide, absente, ensanglantée.

Ses cils battent lentement, dans un cycle parfait les faisant s'engluer à cause du carmin pour mieux se séparer ensuite. L'homme s'est relevé. Des sons, des voix percent alors la nuit. Les soldats l'appellent. Il répond quelques mots et se penche à nouveau sur la Ménudière, dague en main. Eliance sent alors une douleur sur son bas ventre. Mais la douleur lui semble si lointaine qu'elle ne bouge pas. Seules ses paupières attestent du flux de vie qui coule encore en elle. Il a gravé la première lettre de son nom dans la chair blanche. Là, à côté de l'affront. Puis il s'en est allé... Simplement.

    ***
Le silence reprend peu à peu possession de la clairière. Eliance observe encore ce ciel étoilé avec une immobilité déconcertante. Plus tard, des villageois viennent chercher ses amis. Elle, personne ne la trouve, personne ne songe à aller voir dans ces fourrés. Les blessés sont déjà assez nombreux. Les villageois repartent avec eux sur les bras. C'est seulement deux ou peut-être trois jours plus tard, que des nonnes tombent sur le corps trop blanc et trop ensanglanté de la Meringue. Parties chercher des plantes, elles s'étonnent de trouver un cadavre qui bat des paupières. Une plus courageuse que les autres s'approche et penche son oreille au-dessus de la bouche d'Eliance. De cette observation ressort un seul et unique constat : elle vit.

    ***
Dans le coin d'une cellule sombre, un corps nu recouvert d'une simple couverture est recroquevillé sur lui-même et les cheveux ambrés sont la seule touche de couleur de la pièce. Eliance est là, bien présente, mais si absente. Depuis son arrivée, une sœur s'occupe d'elle. Elle a nettoyé rapidement le sang écoulé et lui apporte la soupe deux fois par jour. Elle ne parle pas. Celle-là a fait vœu de silence. Et puis... quoi dire après tout ? Elle vient la recouvrir régulièrement d'une couverture quand elle entend des cris s'échapper de la cellule. Elle attend que le silence s'installe à nouveau, vérifie la situation par l’œillère et vient tirer la couverture sur le corps nu étalé au sol.

Aucune n'a osé la vêtir. Aucune n'a osé l'approcher de trop. Toutes sont effrayées par les spasmes qui secouent régulièrement les membres de l'inconnue depuis son arrivée au couvent. Elles la gardent religieusement dans cette pièce fermée à double tour, persuadées que le Très-Haut leur envoie une épreuve à travers cette femme qui semble possédée par le Sans-Nom.

    ***
Elle a demandé à la sœur de quoi écrire d'une voix éraillée et vide de vie. Dans un état de léthargie étrange, elle s'est levée et a commencé à écrire d'une main tremblante deux lettres.

Citation:

    Je suis morte.
    Oubliez-moi.

Citation:

    Je t'ai abandonné.
    Tu trouveras meilleure presque-sœur que moi.
    Pardon



                      ***


Les doigts se crispent sur le drap, le froissant violemment entre les phalanges. Le souffle se fait bruyant. Les pupilles s'agitent sous les paupières closes. Soudain, le buste se redresse alors que les yeux s'ouvrent brusquement en lançant une lueur paniquée dans la pièce et qu'un cri passe la barrière de ses lèvres. Une main se porte à son cœur, il bat la chamade, tandis que l'autre s'est immiscée sous la chemise longue pour tâter son bas ventre. Les doigts cherchent, fouillent. Aucune douleur n'est à déplorer. Rien ne se passe. Alors seulement, Eliance respire un peu mieux, se rendant compte du cauchemar subi.

La nuit est là, encore, emplissant l'air de sa pénombre. Eliance est toujours assise sur son lit, dans cette cellule monacale. Rien ne lui est arrivé. Pourtant, les images de son cauchemar la hantent et elle craint de se rendormir. Tirant la couverture sous son menton, elle regarde par la lucarne les quelques nuages qui passent, camouflant momentanément les astres jaunâtres.

Un fin sourire remonte ses pommettes.
Rien de ce qui a été rêvé n'est vrai. Le géant et Lucie ont été récupérés sans encombres. Et Diego viendra. Il l'a dit. Il l'aime. Ils seront heureux. Le temps du trajet et il viendra la chercher ici. Comme Atro est venu chercher Mike une fois, comme les hommes viennent chercher les princesses.

Si ses nuits sont cauchemardesques, elle rêve son quotidien en conte de fées. Elle y croit. Ce rêve est sa raison de vivre. Alors elle rêve son Italien, elle l'espère rapide, elle le voit revenir à grand galop pour être heureux avec elle. Une si longue attente, un si long chemin ne peut aboutir qu'à un avenir merveilleux. Elle met toute son énergie dans ce rêve-là.

Elle finit par fermer les yeux. Elle tente de se souvenir de son regard noir perçant, de sa voix grave, de la douceur de sa peau, de son parfum. Les paupières s'abaissent pour mieux s'imaginer, mieux se rappeler ce qui compose la chair de sa vie. C'est un rêve bien plus serein qui inonde son sommeil.


* Chanson Disney, Adaptation française de Luc Aulivier

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