Maryah
Elle relit la missive, encore et encore. C'qu'elle aime bien chez Eliance c'est qu'elle pose toujours les questions auxquelles elle ne s'attend pas. Elle a ce petit côté surprenant, qui vient colorer sa douceur ; et parfois son innocence.
Eliance, c'est l'genre de personne qu'on croit fréquentable de prime abord, pis on s'rend vite compte que les convenances et elle ça fait deux.
Et ça, ça en fait une amie fiable pour Maryah.
Elle a ses bosses et ses aspérités, ses joies et ses contrariétés, mais elle ose questionner et s'interroger.
Eliance, c'est l'genre de personne qu'on croit fréquentable de prime abord, pis on s'rend vite compte que les convenances et elle ça fait deux.
Et ça, ça en fait une amie fiable pour Maryah.
Elle a ses bosses et ses aspérités, ses joies et ses contrariétés, mais elle ose questionner et s'interroger.
Citation:
Maryah,
Pardonne le manque de conviction qui transparaît dans mes mots. C'est pas que je ne pense pas que tu t'en sortiras réellement bien, mais l'absence d'assurance que tu as ressenti vient de moi, pas de ce que je pense. Bref. Je m'embrouille. Tout ça pour dire que je sais que tu as besoin de personne pour t'en sortir. T'es si forte. Parfois, j'aimerais avoir cette force.
Et puis ne te fie pas aux apparences qui sont si souvent trompeuses. Je vais bien. Dans quelques jours on quitte mon frère pour rejoindre Dijon et Aphro. Les soirées sont agréables ces derniers jours. Pas d'engueulades à déplorer hier, en tout cas. On progresse, n'est-ce pas !
T'as donc lu l'article des Cosaques. Je suis contente qu'il t'ait plu. En réalité, je vais t'expliquer pourquoi je l'ai écrit, et pourquoi je voudrais écrire ton histoire. Les gens ne voient en les autres que les côtés les plus sombres, les plus inavouables. Un type m'a dit un jour que je suis une rêveuse pour voir de la beauté là où les autres ne voient que de la pénombre, de l'espoir là où il n'y a plus que la misère. Je préfère penser que je sais mieux regarder au fond des gens, que je sais mettre de côté ce qui est inintéressant pour me pencher sur ce qui l'est vraiment. C'est ce que je veux faire avec vous. Toi comme le Cosaque, vous êtes perçus comme des brigands sans états d'âme. Je veux montrer aux gens ce qui se cache derrière vous. Alors, bien sûr, je ne nomme personne, je me débrouille pour généraliser la chose à un peuple ou une condition. Ça a fonctionné pour Torvar au pays des Cosaques. Je voudrais faire la même chose pour toi, Maryah, la déplacée, l'enchaînée.
Je voudrais montrer que ce que tu es, c'est eux qui l'ont créé, que s'ils t'avaient bien traitée, tu n'aurais pas eu de côté obscur, tu aurais été une femme banalement formidable au lieu d'être formidable et tourmentée. Peu importe que tu ne te souviennes plus de ton peuple. Je voudrais raconter comment ils t'ont enlevé à eux. Comment ils ont dû arracher tant de jeunes filles comme toi à leurs racines. Je sais ça douloureux à raconter. Je t'ai expliqué mes raisons, tu as le droit de ne rien en faire. J'aimerais juste montrer qui tu es. Que ton fils puisse être fier d'entendre parler de sa maman autrement. J'espère que tu accepteras, un jour.
Je vais finir par une question qui me trotte dans la tête depuis quelques jours.
Maryah, est-ce que t'as déjà eu envie de mourir ? Est-ce qu'aujourd'hui ton fils t'empêche d'y penser ?
Je t'expliquerais le pourquoi si tu le demandes, mais réponds-y, s'il te plaît.
Prends soin de toi.
Eliance
Pardonne le manque de conviction qui transparaît dans mes mots. C'est pas que je ne pense pas que tu t'en sortiras réellement bien, mais l'absence d'assurance que tu as ressenti vient de moi, pas de ce que je pense. Bref. Je m'embrouille. Tout ça pour dire que je sais que tu as besoin de personne pour t'en sortir. T'es si forte. Parfois, j'aimerais avoir cette force.
Et puis ne te fie pas aux apparences qui sont si souvent trompeuses. Je vais bien. Dans quelques jours on quitte mon frère pour rejoindre Dijon et Aphro. Les soirées sont agréables ces derniers jours. Pas d'engueulades à déplorer hier, en tout cas. On progresse, n'est-ce pas !
T'as donc lu l'article des Cosaques. Je suis contente qu'il t'ait plu. En réalité, je vais t'expliquer pourquoi je l'ai écrit, et pourquoi je voudrais écrire ton histoire. Les gens ne voient en les autres que les côtés les plus sombres, les plus inavouables. Un type m'a dit un jour que je suis une rêveuse pour voir de la beauté là où les autres ne voient que de la pénombre, de l'espoir là où il n'y a plus que la misère. Je préfère penser que je sais mieux regarder au fond des gens, que je sais mettre de côté ce qui est inintéressant pour me pencher sur ce qui l'est vraiment. C'est ce que je veux faire avec vous. Toi comme le Cosaque, vous êtes perçus comme des brigands sans états d'âme. Je veux montrer aux gens ce qui se cache derrière vous. Alors, bien sûr, je ne nomme personne, je me débrouille pour généraliser la chose à un peuple ou une condition. Ça a fonctionné pour Torvar au pays des Cosaques. Je voudrais faire la même chose pour toi, Maryah, la déplacée, l'enchaînée.
Je voudrais montrer que ce que tu es, c'est eux qui l'ont créé, que s'ils t'avaient bien traitée, tu n'aurais pas eu de côté obscur, tu aurais été une femme banalement formidable au lieu d'être formidable et tourmentée. Peu importe que tu ne te souviennes plus de ton peuple. Je voudrais raconter comment ils t'ont enlevé à eux. Comment ils ont dû arracher tant de jeunes filles comme toi à leurs racines. Je sais ça douloureux à raconter. Je t'ai expliqué mes raisons, tu as le droit de ne rien en faire. J'aimerais juste montrer qui tu es. Que ton fils puisse être fier d'entendre parler de sa maman autrement. J'espère que tu accepteras, un jour.
Je vais finir par une question qui me trotte dans la tête depuis quelques jours.
Maryah, est-ce que t'as déjà eu envie de mourir ? Est-ce qu'aujourd'hui ton fils t'empêche d'y penser ?
Je t'expliquerais le pourquoi si tu le demandes, mais réponds-y, s'il te plaît.
Prends soin de toi.
Eliance
Une humaniste cette Eliance, avant l'heure. Et les précurseurs ont toujours la vie plus dure que les autres. Ce qui taraude Maryah, c'est de ne pas savoir ce qui se cache sous cette humilité, cette discrétion et toute cette intelligence. Peut être une enfance bafouée. Tout en eliance semble dire : "ne me regardez pas, faites comme si je n'existais pas". Et pourtant, c'est une perle rare qu'on devrait exposer partout pour que les autres en prennent de la graine !
Bref, c'est l'heure de la sieste de Percy, et donc l'heure des courriers de Maryah. Réponse.
Citation:
Eliance,
Une fois de plus, je ne peux que constater que tu fais tout pour éviter de parler de toi. N'empêche que j'suis contente que tu quittes les comtois, ils ne sont pas fréquentables. Tu m'laisses entendre que Diego et toi, vous vous êtes pas mal disputés. J'avoue que j'ai du mal à te voir te disputer avec quelqu'un, et encore moins avec lui. Je suis bien curieuse de savoir quel est le sujet de vos disputes. Et puis toi, si douce, si calme ... Étrange, oui. Me diras tu si tu es en Bourgogne, et enfin ce que tu y vis ? Tu sais, ta vie est intéressante au même titre que les autres, et ta personnalité bien plus que toutes celles de ceux qui se revendiquent brigands, tueurs, assassins, ou je n'sais quoi d'autres pour cacher leur faiblesse.
J'ai un ami maure, Sal, il dit une chose sage : "tous pareils, et tous dans la même galère. Soit tu gâches ton énergie à te cacher de toi et tu meurs, soit tu montres qui tu es et tu vis."
Bref. J'aime ta façon de voir les choses pour l'écriture des articles ; mais je doute malheureusement que quoique ce soit de mon histoire puisse atténuer les horreurs d'aujourd'hui. Au contraire. Bien au contraire. Crier partout que je suis une ancienne esclave ou galérienne, pourrait donner des idées à certains. Et franchement, je n'y tiens pas. Les massacres, les poursuites, l'enfermement, les chaînes, tout ça c'est un temps bien révolu.
Comme tu le disais, il n'y en a qu'un à qui je veux confier mon histoire, c'est mon fils ; parce que c'est aussi son histoire.
D'ailleurs que c'est pour ça que nous sommes venus en Provence. Je l'ai déjà amené au port, au détour d'un débarquement je lui ai montré des galériens, et puis un autre jour nous sommes allés au marché de Arles. Il y avait des tas de victuailles, des bestiaux, des armes ... Le lendemain, je l'ai amené au marché aux esclaves. C'était dur, mais il a vu comment certains hommes se permettent d'en palper d'autres, de tâter leurs chairs, de vérifier l'état de leurs dents, ou encore de tester la robustesse de leur dos en les écrasant de charges. Il a vu comment certains hommes en battent d'autres, parce qu'ils ne comprennent pas leur langue et les ordres donnés.
Il a vu comment certains hommes en fouettaient d'autres parce qu'ils n'avaient pas la même couleur de peau qu'eux.
Enfin, il a vu ces Hommes torturés, être emmenés enchaînés, en échange de quelques écus.
Quand il a eu vu tout ça j'ai pu le lui dire. Moi aussi un jour de mer déchaînée, je suis arrivée enchaînée au port d'Arles. Je ne peux pas changer les Royaumes, mais je peux changer ma vie et faire de celle de mon fils un jardin des délices, respectueux de la vie des autres.
C'est chouette c'que tu fais Eliance, mais ce n'est pas un article qui changera les esprits esclavagistes, dominateurs et sadiques.
Quant à ta dernière question, je dois dire que tu y es allée fort. On ne demande pas aux gens s'ils ont déjà voulu mourir. Mais j'vais te répondre, parce que tu m'inquiètes avec tout ça.
Oui, oui j'ai déjà voulu mourir tout un tas de fois. Toujours parce que je souffrais tellement que je me disais que seule la mort me libérerait. Souvent je me suis rendue compte que le temps qui passait, permettait de repousser tout ça loin dans nos têtes.
Mais quand Dolgar est parti, brisant tous nos rêves, j'ai cru mourir oui. J'étais morte en dedans et je voulais faire mourir le contenant. Voilà pourquoi je suis allée en Savoie ; je voulais confier Percy à son père. Et puis, ces salo** de Lotharingiens me sont tombés dessus, et j'ai du quitter la Savoie, pendant que le père de Percy veillait sur sa fille malade en Savoie.
Alors oui, j'ai continué à vivre pour percy, et cette petite boule de chair et de joie m'incite à vivre chaque jour qui passe. J'ai envie de faire pour lui, ce qu'on n'a pas pu faire pour moi. J'ai envie de lui donner le meilleur, le plus de chances pour réussir. Devenir quelqu'un de bien, qui, lui, ne pensera jamais à la mort.
J'ai répondu, à toi de me dire maintenant pourquoi cette question, car non seulement ça m'intrigue mais surtout ça m'inquiète. Penses tu à la mort ? faut il que j'écrive à Diego pour te surveiller ? Tu sais que rien ne m'arrête ...
Je dois te laisser,
mais réponds moi vite, sinon je vais voir pas mal de nuits blanches passer.
Douces pensées,
Maryah
Une fois de plus, je ne peux que constater que tu fais tout pour éviter de parler de toi. N'empêche que j'suis contente que tu quittes les comtois, ils ne sont pas fréquentables. Tu m'laisses entendre que Diego et toi, vous vous êtes pas mal disputés. J'avoue que j'ai du mal à te voir te disputer avec quelqu'un, et encore moins avec lui. Je suis bien curieuse de savoir quel est le sujet de vos disputes. Et puis toi, si douce, si calme ... Étrange, oui. Me diras tu si tu es en Bourgogne, et enfin ce que tu y vis ? Tu sais, ta vie est intéressante au même titre que les autres, et ta personnalité bien plus que toutes celles de ceux qui se revendiquent brigands, tueurs, assassins, ou je n'sais quoi d'autres pour cacher leur faiblesse.
J'ai un ami maure, Sal, il dit une chose sage : "tous pareils, et tous dans la même galère. Soit tu gâches ton énergie à te cacher de toi et tu meurs, soit tu montres qui tu es et tu vis."
Bref. J'aime ta façon de voir les choses pour l'écriture des articles ; mais je doute malheureusement que quoique ce soit de mon histoire puisse atténuer les horreurs d'aujourd'hui. Au contraire. Bien au contraire. Crier partout que je suis une ancienne esclave ou galérienne, pourrait donner des idées à certains. Et franchement, je n'y tiens pas. Les massacres, les poursuites, l'enfermement, les chaînes, tout ça c'est un temps bien révolu.
Comme tu le disais, il n'y en a qu'un à qui je veux confier mon histoire, c'est mon fils ; parce que c'est aussi son histoire.
D'ailleurs que c'est pour ça que nous sommes venus en Provence. Je l'ai déjà amené au port, au détour d'un débarquement je lui ai montré des galériens, et puis un autre jour nous sommes allés au marché de Arles. Il y avait des tas de victuailles, des bestiaux, des armes ... Le lendemain, je l'ai amené au marché aux esclaves. C'était dur, mais il a vu comment certains hommes se permettent d'en palper d'autres, de tâter leurs chairs, de vérifier l'état de leurs dents, ou encore de tester la robustesse de leur dos en les écrasant de charges. Il a vu comment certains hommes en battent d'autres, parce qu'ils ne comprennent pas leur langue et les ordres donnés.
Il a vu comment certains hommes en fouettaient d'autres parce qu'ils n'avaient pas la même couleur de peau qu'eux.
Enfin, il a vu ces Hommes torturés, être emmenés enchaînés, en échange de quelques écus.
Quand il a eu vu tout ça j'ai pu le lui dire. Moi aussi un jour de mer déchaînée, je suis arrivée enchaînée au port d'Arles. Je ne peux pas changer les Royaumes, mais je peux changer ma vie et faire de celle de mon fils un jardin des délices, respectueux de la vie des autres.
C'est chouette c'que tu fais Eliance, mais ce n'est pas un article qui changera les esprits esclavagistes, dominateurs et sadiques.
Quant à ta dernière question, je dois dire que tu y es allée fort. On ne demande pas aux gens s'ils ont déjà voulu mourir. Mais j'vais te répondre, parce que tu m'inquiètes avec tout ça.
Oui, oui j'ai déjà voulu mourir tout un tas de fois. Toujours parce que je souffrais tellement que je me disais que seule la mort me libérerait. Souvent je me suis rendue compte que le temps qui passait, permettait de repousser tout ça loin dans nos têtes.
Mais quand Dolgar est parti, brisant tous nos rêves, j'ai cru mourir oui. J'étais morte en dedans et je voulais faire mourir le contenant. Voilà pourquoi je suis allée en Savoie ; je voulais confier Percy à son père. Et puis, ces salo** de Lotharingiens me sont tombés dessus, et j'ai du quitter la Savoie, pendant que le père de Percy veillait sur sa fille malade en Savoie.
Alors oui, j'ai continué à vivre pour percy, et cette petite boule de chair et de joie m'incite à vivre chaque jour qui passe. J'ai envie de faire pour lui, ce qu'on n'a pas pu faire pour moi. J'ai envie de lui donner le meilleur, le plus de chances pour réussir. Devenir quelqu'un de bien, qui, lui, ne pensera jamais à la mort.
J'ai répondu, à toi de me dire maintenant pourquoi cette question, car non seulement ça m'intrigue mais surtout ça m'inquiète. Penses tu à la mort ? faut il que j'écrive à Diego pour te surveiller ? Tu sais que rien ne m'arrête ...
Je dois te laisser,
mais réponds moi vite, sinon je vais voir pas mal de nuits blanches passer.
Douces pensées,
Maryah