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[RP] Écris l'histoire dans ma mémoire, mais ...

Eliance
Le sang a tâché ses frusques poussiéreuses. Son sang. Mais celui de Diego, aussi. Quand elle a ouvert les yeux, elle a tout vu. Ils sont amochés. Salement amochés. Et allongés sur des paillasses, tous les deux, côte-à-côte. Les jumeaux sont couchés sur une autre. La chambre est vide et calme.

L'instinct l'a fait regarder son Dracou et s'inquiéter pour lui. Elle a vu le rouge. Partout. Le rouge qui a tout coloré à la manière d'une malédiction. Elle a soulevé la chemise tâchée et a vu les bandages. Il va mal, mais il n'est pas perdu. En se penchant au-dessus de ses lèvres entrouvertes, elle a perçu un souffle. Son souffle. Elle s'est alors mise à pleurer et elle a enfin sentie ses plaies à elle. Sa main est venu vérifier que ses blessures aussi sont entourées de tissus. L'eau s'est encore déversée sur ses joues, abondamment. À défaut de leur offrir la ville où elle règne en maître, la ville dont Diego lui a tant parler comme étant le plus belle ville qu'il ait vu, Venise, cette eau s'invite dans son désarroi.

Elle pleure parce que c'en est trop. Elle pleure parce qu'elle est née sous une mauvaise étoile et qu'elle se maudit de précipiter Diego et les enfants avec elle. Elle pleure parce qu'elle a peur. Parce qu'elle est effrayée. Parce qu'elle est pas à la hauteur.

Sa main a enserré celle de l'Italien. Même ses doigts sont écorchés. Il s'est battu bec et ongle. Pour elle, pour eux. Ils sont une famille. Et ils ont failli mourir. Pleurer l'a épuisé. Eliance pose un œil inquiet sur les jumeaux qui semblent paisibles, avant de se rendormir, collée à celui qui les a sauvé, l'esprit secoué par une litanie de prières en tout genre pour que tout aille mieux. Que tout aille bien.

Ce n'est que plus tard qu'elle aura pu se lever, se glissant hors de la paillasse le plus silencieusement possible, tout en essayant de contrôler cette douleur inédite qui envahit sa jambe. Écrire qu'elle est vivante, comme un pied-de-nez au destin. Rassurer les compagnons de voyage. Et puis répondre à Maryah. Se confier. Décharger sa colère.


Citation:

    Maryah,

    Je donnerais tout et n'importe quoi pour ressentir uniquement la bonne vieille douleur du tannage de postérieur à chevaucher si longuement. Mais cette nuit, il est arrivé malheur. Non, j'exagère un peu. Je recommence. Cette nuit, il nous est arrivé une épreuve peu plaisante. On s'est fait rouster la tronche pas des soldats italiens. Des saletés d'Italiens sortis de nul part qui se sont mis à beugler en cognant de toutes leurs forces avec leurs lames.

    Diego est salement amoché. Moi, je vais relativement bien. Il nous a protégé, avec les jumeaux. Je n'ai pris que les coups d'un fourbe qui a attendu que Diego faiblisse et pose un genou à terre pour m'asséner quelques griffures en traître, par derrière.

    Tu l'as compris, on était parti ensemble en Italie. J'avais peur de te le dire, Maryah. Peur de te décevoir, encore une fois. Je me rends compte aujourd'hui que c'était stupide de ma part. Et faible. Si faible. Et pourtant, tes mots sont beaux. Je limite la casse. C'est cela.

    L'Italie n'est plus. Les rêves de voir une cité aux ruelles en ruisseaux se sont évaporés. Les cours d'italien sont partis aux oubliettes des choses inutiles.
    Quelqu'un nous aura trouvé sur le chemin et conduit ici. On ne se souvient de rien. Et nos amis ne sont pas avec nous. J'ai espoir qu'ils s'en soient mieux sortis que nous. Ou bien que ces foutus Italiens en aient eu seulement après Diego et moi. Va savoir pourquoi... j'ai jamais vu quelque chose d'aussi débile qu'un chef d'armée. Les politiciens leur arrivent parfois au même niveau. Ils sont du genre à lister et à traquer des gens innocents. Même une écrevisse a plus de jugeote.

    Tu me connais, Maryah. Je suis même incapable de faire du mal à Diego. Alors me battre et tuer, c'est impossible. J'ai bien assisté à quelque chose d'ignoble avec le clan. Une torture. Ils ont torturé un homme pour se venger du fouet qu'il avait fait cingler sur leur peau. Même ça, c'était trop dur pour moi. Je n'ai pas pu regarder. Je les ai trouvé cruels. Tellement cruels.

    Mais je suis bien sur une foutue liste comme étant quelqu'un de dangereux. J'ai une idée d'où ça sort. Et crois-moi, ça date.
    Quand on s'est marié avec Diego, on était sur les routes. C'était l'été dernier. On a atterrit dans un village pommé. Mais dans ce village pommé, on a trouvé un vieux prêtre un peu sénile qui a accepté de nous marier à notre façon. On a dû y rester trois jours en tout et pour tout. On a appris par les commères du coin que les Corleone avaient pillé le village voisin du nôtre. Murat. Alors on a évité Murat, fait un crochet par le sud pour repartir. Figure-toi que quelques temps après, on a reçu une lettre d'un politicien auvergnat qui nous signifiait qu'on ne serait plus les bienvenus chez eux. Notre erreur ? Je ne l'ai jamais su. Il n'a jamais répondu à mes questions.
    J'ai l'impression d'être punie pour m'être mariée chez eux. Je n'ai jamais rien fait de mal.
    Est-ce que se marier, c'est illégal ? Ou est-ce qu'on nous reproche d'avoir été pas loin au mauvais moment ?


    Maryah, ce que tu as écrit, ça montre bien que tu as souffert. Alors j'arrête de me plaindre. Je souffre peu, en considérant ce que tu as enduré. Je suis en colère. La colère, c'est cet endroit qui se trouve entre la haine et la peur. Et tu as raison de haïr les hommes. Je les déteste aussi. Je ne les détestais pas il y a encore peu. Je me mets à les détester petit à petit. Tu sais ce que je fais quand je suis en colère ? J'écris. Je veux écrire. J'ai envie de crier sur le papier ta saleté d'histoire. J'ai envie que les gens sachent ce qu'ils t'ont fait. Je sais, tu n'es pas d'accord, pas prête. Je le comprends. Je respecte. Mais si tu savais cette boule qui s'est formée dans mon ventre. Elle est pour toi. Elle est pour toute la rage que j'ai depuis cette nuit où j'ai vu ces enfoirés s'acharner sur Diego.

    Je vais écrire sur la lâcheté des armées. Je voudrais écrire sur la lâcheté des hommes qui sont venus te chercher, qui t'ont transportés en enfer.
    Les Italiens sont les plus grands enfoirés du monde. Tu voulais savoir ? Voilà la vérité.

    Ton Percy a mal. Son étoile s'est envolée. Sa vie est dure. Mais tu n'y es pour rien. Retiens ça. Tu ne fais que l'adoucir, sa vie. Sans toi, elle serait encore plus cruelle avec lui.
    Tu me diras comment va le Cosaque ? On ne s'écrit plus. Ou du moins, il ne m'écrit plus. Je n'ai plus de nouvelles. J'ai toujours peur qu'il soit crevé dans un fossé. J'ai toujours peur qu'il aille mal.

    J'ai mal, Maryah. Pourquoi ça fait si mal, la connerie des autres ?
    Fais très attention sur les chemins. Je ne veux pas qu'il vous arrive malheur.

    Tu comptes. Tu comptes tant.

    Eliance


_________________
Maryah
Enfin un village où elle avait pu acheter des parchemins. C'est toujours quand il nous en faut, qu'on n'en a plus. C'est toujours quand on en cherche, qu'on n'en trouve pas. Mais voilà qui est fait ... dans ce troisième village qui signe sa traversée du désert.

Citation:
Eliance,

J'suis désolée de pas avoir répondu avant ; ayant pris peu d'affaires avec moi, j'me suis rendue compte que mon matériel pour écrire était largement entamé. Bref, m'y voilà, et j'suis effarée de ce qui vient de t'arriver.
Moi qui de temps à autre me sens maudite, que dire de ce qui t'arrive ? Serait-ce un signe ? Fâcheux, cruel, sanglant.

Voir celui qu'on aime se faire frapper, en étant impuissante ... Je comprends tellement ta souffrance. Ironie du sort, je t'écris de Murat. J'avoue que je n'ai pas bien compris l'affaire entre l'armée italienne et la lettre auvergnate, c'pas trop le même chemin quand même. T'aurais pas pris un coup sur la tête toi ?

Oserai-je te demander des nouvelles de Diego ? Contre le sang, il n'y a que l'eau ... L'éclat du rouge lavé par la pureté transparente. Baigne le souvent, fais le boire encore plus souvent. Enfin, j'imagine que les meilleurs soins lui sont réservés. Je n'irai donc jamais en Italie. Ton frère à des amis de confiance à Annecy, enfin j'ose le penser. Il faut qu'ils viennent vous chercher, il faut qu'il vous arrange ça. Tu te rappelles la relation que je prêtais à ton frère ? Ce fou blond d'Elias, un diplomate si mes sources sont bonnes. Demande à ton frère d'intercéder en ta faveur, il faut que vous sortiez de là le plus rapidement possible. J'aimerai te savoir en sécurité en Savoie, et si ces jolies personnes ne peuvent pas bouger leur popotin, dis le moi. J'peux p't'êt'voir avec des amis Genevois. Bref, faut pas qu'vous restiez en terres ennemies.

J'remonte lentement mais sûrement vers la Bourgogne, alors tient moi au courant. Ma sanction est levée, j'peux de nouveau me balader en Empire. Et j'ai p't'êt'tous les défauts des royaumes, sauf celui d'laisser crever une amie sur des terres ennemies. Alors tu me diras.

Nul besoin que je parle de moi cette fois-ci. Parons à l'urgence, donne moi de vos nouvelles. Et parle moi de ces jumeaux, dont j'ignore presque tout. Sont-ce les enfants d'Aphrodite ? Ne devait-elle pas vous les reprendre ? Alors te voilà mère à part entière ... Et tu m'as caché tout ça !

Dans l'attente de te lire,

Maryah


PS : non tu n'écriras pas sur ce qu'il m'est arrivé, l'horreur reste dans la nuit.
PPS : j'attends de lire ton article sur ces armées dévastatrices qui nous condamnent tous !

_________________
Eliance
Citation:

    Maryah,

    Les enfants sont ceux d'Aphro, oui. Elle les récupère de temps à autre. Mais bien malgré moi, je deviens leur maman, à travers les mots de Diego, à travers nos journées ensemble aussi. Une maman qui les pousse dans des voyages dangereux au péril de leur vie. Ils ont déjà une mère pourrie, tu sais, ils n'ont pas besoin d'une seconde maudite comme moi.

    Nous sommes à Annecy, en fait. J'aurais dû préciser, dans mon précédent message. Quelqu'un nous y a ramenés. Il nous aura trouvé à la frontière, je suppose. J'en sais rien. Je m'en fiche. Le principal est qu'on soit en vie. J'ai vu nos amis débarquer il y a quelques jours, le corps abîmé par les coups d'une armée italienne. Comme nous.

    Je soigne tout le monde. J'essaie. Je suis pas guérisseuse. Je sais pas bien faire.
    Je déteste cette ville. J'ai pas encore écrit à mon frère. Je vais le faire. Je dois le faire.

    Diego se réveille. Il me réclame.

    À très vite, et fais attention à toi

    Eliance


La lettre est brève. Ses muscles affaiblis ne lui permettent pas de consacrer trop d'effort dans l'écriture. Toute sa force doit aller à Diego. Et puis à Mike et Atro aussi. Et les jumeaux, qui s'en occuperait si elle ne pouvait plus ? Elle court partout, clodiquant d'une chambre à une autre, rassurant tantôt une Atro en panique de désespoir ou un jumeau en manque de son père.
Eliance gère. Du moins, elle essaie...

La lettre est rapidement pliée. Elle l'apportera plus tard à l'aubergiste qui se chargera de la faire remettre. Elle doit s'occuper de Diego. Il a soif. Il a mal. Mais ce n'est pas d'eau qu'elle l'abreuve. Elle lui offre la boisson de l'oubli et de la guérison, accompagnée de la pipe qu'elle a appris à préparer, pour lui.
Elle ferait tout pour sauver son Dracou...

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Maryah
Citation:
Ma jolie Eliance,

J'suis sur le bateau, 'fin j'descends bientôt du bateau. Si tu peux lire ce courrier, si on te le lit, j'arrive. Je fais aussi vite que je peux, je demande au vent de me pousser vers toi, vite et fort. Je prie Déos pour que nos chevaux soient ailés.

Mais ce qui est sûr, ce que tu dois entendre, c'est que j'arrive. J'te laisserai pas. Ton courrier ne me quitte pas. Et le courage ne me manque pas.

Pendant que tu souffres et agonises, ton article est passé. Il est magnifique. J'ai failli en pleurer. C'est tellement vrai, l'authenticité en condensé.

Tes mots me font vibrer, quand tes maux me font prier.

A bientôt jolie plume,


Maryah

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Eliance
Les temps passent et la colère trépasse.

Comment en vouloir, finalement, à une amie qui a cherché à aider, à soigner ? Même si, tout le monde sera d'accord pour dire que la manière n'était pas très judicieuse, la bonne volonté était bien là. Est-ce qu'elle l'a déjà remerciée de l'avoir sortie de cette fièvre qui aurait pu l'emporter ? Elle ne se souvient pas. Est-ce qu'elle ne lui a fait que des reproches pour l'avoir emmené chez le cosaque fâché et loin de Diego, laissant la voie libre à la Tarte ? Sans aucun doute. Aujourd'hui où tout semble arrangé, où la perspective et les promesses de son mari la rendent euphorique à chaque heure passée, Eliance se rend compte des choses.

Et après un long moment de silence, elle reprend le crayon pour lui écrire à elle, l'Épicée, celle qui lui a sauvé la vie.


Citation:


    Maryah,

    Tu pardonneras ma longue absence à tes côtés. T'écrire est resté longtemps compliqué. Si ton intention était louable, mon éloignement de Annecy a provoqué des remous dont j'ai eu bien du mal à me remettre.
    Aujourd'hui, je sens que je te dois des excuses et des remerciements.

    Si tu le veux bien, je te demande de m'excuser pour mes reproches et mes mots qui ont pu être durs envers toi. Je tiens aussi à te remercier pour être venu me chercher et m'avoir amené chez le cosaque. Tu m'as soignée, Maryah, et ça, je ne l'oublierais jamais.

    Je n'oublierais jamais que tu as mis de côté tes rancœurs avec lui pour m'offrir un havre de paix le temps que le fièvre passe. Les boitements ont cessé et ma jambe est revenue comme avant.

    Aujourd'hui, je vais bien, Maryah. Diego est parti renvoyer une maîtresse chez son mari, ramène une fille tombée dont ne sait où et quand il revient, on fera une famille. On fera construire une baraque et on y sera heureux. On en rêve tous les deux. Je suis si heureuse.

    Je t'ai détesté pour m'avoir emmené loin d'Annecy. Je t'ai détesté parce que j'ai eu l'impression que tu as permis que la Tarte ait la voie libre. Plus j'y réfléchis et plus je me dis que loi ou non, ça n'aurait rien changé. L'important est encore que tout se finit bien. Après des semaines complexes, il a fini par me choisir, moi, sa femme, la première de toutes. Je suis si heureuse, Maryah.

    Mais parle-moi de toi ! Comment vas-tu ? Où es-tu ? Comment va Percy ?
    Il a dû grandir depuis la dernière fois où je l'ai vu.
    Raconte-moi tes journées, raconte-moi de quoi tu vis, raconte-moi ce que tu veux, mais raconte-moi quelque chose.

    Merci pour tout, Maryah.
    Je suis pas une bonne amie. J'essaie de m'améliorer...

    Je t'embrasse

    Eliance


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Maryah
Maryah était en train d'enfiler ses cuirs noirs, signe de jour musclé, quand un messager insista pour lui remettre en main propre une missive. Comme si c'était le jour ! On ne dérange PAS pendant une intervention, ça déconcentre et c'est comme ça qu'on finit au fond d'une prison avec des rats qui vous grignotent la chair !
La sica qu'elle venait de fixer à sa ceinture, à la taille, sembla refroidir le pauvre messager, qui en oublia sa petite pièce ; ce qui fit sourire en coin Maryah. Y a pas à dire, râler est la meilleure chose qui soit ! Surtout avec une épée courte dans une main et une hache dans l'autre.

Toutefois, retournant à l'aiguisage de ses lames, elle remarqua l'arrondi des lettres et perdit couleur quelques secondes. A peine deux jours qu'elle avait rencontré Diego sur les routes, et comme par hasard ... une lettre d'Eliance. La brune jeta le courrier sur la table, nerveuse, commençant à tourner dans la pièce comme un lion en cage.

Eliance !
Vous parlez d'un souvenir ! Elle avait mobilisé Marie et ses amis, avec le bateau, jusqu'à Chambéry, payer les chevaux jusqu'à Annecy, puis les remèdes exorbitants de Körbl, elle avait brisé le lien qui se raccomodait avec Torvar, et elle avait fait cette horrible promesse à Körbl ...
Celle où elle devait lui trouver un gamin, pour qu'il entre à son service. Körbl avait même lourdement suggéré qu'elle lui laisse son fils, son trésor, son petit Percy, ce qui était absolument non négociable. Mais le vieux avait ajouté : "on ne répare pas les gens, on ne les sauve pas pour la gloire ... tout est possible, mais chaque service a son prix". Et Maryah n'avait pu se soustraire à la promesse. Elle avait confiance en Körbl, pour les soins et les poisons. Mais de là à lui remettre un petit garçon ... Un enfant pour un vieil homme ... à quoi pourrait-il bien lui servir ?
Et depuis des jours, elle évitait de se rappeler la promesse ; à deux reprises, elle était allée à la cour des miracles, pour en ramener un Orphelin. A deux reprises, elle n'avait pas pu, ruminant, contestant à l'étrange demande.
Voilà le magnifique pétrin dans lequel elle s'était plongée par rapport à Eliance. Et cette dernière avait semblé très fâchée, même quand Maryah l'avait ramené à Annecy avec les jumeaux.

Ne plus entendre parler d'elle lui allait bien. Et elle s'attendait à ne plus jamais avoir de nouvelles, ce qui lui permettait de ne plus penser à Torvar et au gâchis, ni à la promesse détestable qu'elle avait faite. Comme aimait à lui rappeler Hilde, elle en connaissait du monde la Bridée, mais fallait voir un peu les dossiers de ses connaissances et les contreparties à leur relation. Dans cette affaire, elle avait laissé quelques plumes, et Torvar ne lui avait que trop dit de ne pas se mêler de ça, et de ne pas le mêler à ça. Naturellement, Maryah n'avait rien écouté.

Et voilà qu'après avoir baissé ses armes deux jours devant le charme doucereux de Diego et sa présence réconfortante, pendant laquelle ils avaient parlé d'Eliance, de Niallan et principalement de Sarah, voilà que Eliance écrivait. Et Maryah sentait déjà les complications s'avancer dangereusement. Après moultes réflexions, elle se saisit enfin du courrier et le lut de part en part, se mordant un peu plus les lèvres à chaque paragraphe.
Elle vida une fiole de gnole, avant d'être en mesure de prendre la plume. Assumer, dire sans dire. Et pourquoi pas écrire sans écrire ?! Tsssss. C'est dans ces moments là, que la présence de Sarah lui manquait cruellement. Combien de fois était-elle allée la voir en recherche de solutions, de conseils ? Combien de fois elles avaient ri ensemble de l'ironie de la vie, des hasards compromettants et des circonstances inattendues ? Mais Sarah n'était pas là ...




Eliance,

Pour tout te dire, je ne m'attendais pas à recevoir de tes nouvelles un jour. Je reste étonnée, j'avais mis une croix sur notre amitié. Je ne vis que de liberté et de libertés, tu nourris l'attachement. J'avais fini par comprendre que je me suis trompée, que je n'aurai jamais du venir te chercher à Annecy, t'enlever aux tiens, et te montrer une autre façon de vivre. J'ai bien vu que tu étouffais loin d'eux, et même les jumeaux n'y pouvaient rien.

Je ne t'ai pas soigné, c'est le vieux Körbl qui l'a fait. Tu te souviens, le lendemain de notre discussion, ce fameux jour où tu t'étais assise à la fenêtre, je t'avais dit que le médecin allait venir. Le vieux barbu n'est pas vraiment médecin, mais ses remèdes sont plutôt radicaux ; et c'est avec une joie énorme que j'apprends que tu ne boîtes plus. Le boitillement, c'était ma faute. Me suis trompée de dosage quand on t'a ramené sur le bateau ; tu vois, je suis loin d'être une bonne amie. J'suis un poison. J'ai tendance à penser que c'qui me rend heureuse, rendra les autres heureux. Et c'est n'importe quoi. A chacun sa recette du bonheur.

En parlant de bonheur, j'ai croisé ton Diego. Nous avons fait route ensemble sur Tours. Percy et les jumeaux étaient complètement fous de se retrouver, c'était un joli moment. J'étais étonnée de voir que tu n'étais pas à ses côtés, il m'a raconté pour sa fille qu'il allait chercher ; ça va t'en faire des enfants par procuration. Il m'a appris que Sarah était partie prendre l'air, là où on ne pouvait la trouver, et ce qu'il lui était arrivé. ça m'a foutu la tête à l'envers, 'fin j'devrais dire le cœur à l'envers. Il me faudra du temps pour accepter, ... si j'accepte un jour. On a parlé d'Niallan aussi, j'crois qu'il se fait des illusions ; il croit que Niallan a envie d'être père et que je devrais lui faire une place auprès de Percy. Il doit croire que Niallan est comme lui, mais le blond n'a jamais fait quoique ce soit pour retrouver ses enfants, ni Lexi, ni Percy. Je lui ai expliqué que dans un courrier il m'a même demandé de dire à Percy de l'oublier. Bref, cette histoire m'énerve.

De mon côté, je voyage, je m'balade, j'vais de duché en duché, histoire de passer le temps. L'année prochaine, après le tournoi de Genève, je dois partir pour Alexandrie. Je rêve de chaleur, d'exotisme, et j'voudrais montrer certains lieux à Percy. Pis j'veux qu'on prenne le bateau, qu'il sache combien ces royaumes sont infinis et que tout au bout, il y a notre Royaume à nous, avec des gens comme nous. Peut être aussi que ça me permettra de prendre un nouveau départ. C'est que cette année j'en ai fait des croix sur les choses et les gens. T'avais raison, j'crois qu'on ne change pas. Personne ne change jamais. C'est juste une illusion.

Je n'suis pas quelqu'un de bien, tu n'as pas besoin d'être mon amie. J'ai tenté de changer, vois-tu, et rien n'a fonctionné. Ni mon mariage, ni la recherche d'un père pour Percy, ni le fait d'avoir une situation rangée. J'commence à comprendre qu'avec le passé que j'ai, ça pourra pas changer. Alors je fais la paix avec mon passé, je me laisse redevenir celle que j'ai toujours été, et je reviens à ce que je sais faire. Qu'importe la morale ou le danger. La vie c'est comme ça, on ne fait pas tout c'qu'on voudrait. On s'y fait. J'ai mon trésor, mon p'tit Percy. Lui il se régale d'un rien. Je fais juste attention à nos déplacements car il fait assez froid en ce moment. Il lui tarde d'aller à Genève et de revoir sa tata Léa. Parfois il me demande si je me souviens quand elle était venue dans not'maison, là où on vivait avec Dolgar ... ça remue un peu le couteau dans la plaie, mais je m'y fais. Le reste du temps, il parle de Torvar, le grand Chevalier que nous avons quitté. T'avais raison aussi, y a bien longtemps qu'ma chance est passée.

J'apprends à profiter des petits moments éphémères, et je ne m'en porte pas si mal. Dans une autre vie, peut être, je serai princesse et je vivrai avec l'assurance et les rêves d'une Princesse. C'qui sera bien dans cette vie, c'est que je n'aurai jamais froid.

Voilà, j'ai fait l'tour des nouvelles, et tu as de quoi lire.
Prends soin de toi et de ta famille agrandie,

A un d'ces jours,


Maryah

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Eliance
Quelques jours ont passés depuis la réception joyeusement accueillie par Eliance du courrier de l'Épicée. Elle doutait que la lettre atteigne sa destinataire. C'est vrai, on ne sait jamais où elle est fourrée, la Maryah. Les mots sont un peu froids, un peu lointains, mais la Ménudière, dans sa torpeur d'espoir, n'y voit qu'un retour amicale en bon et dû forme.

Elle est bien à dix mille lieues de se douter de ce qui se trame entre l'Épicée et l'Italien. À dix mille lieues de se douter ce que sa guérison et la venue du médicaste a impliqué dans la vie de Maryah. Eliance est naïve. Elle aime imaginer les deux compères sur une auberge de bord de chemin se pignouffer ensemble en parlant de leurs connaissances communes. En aucun cas elle ne songe aux chambrées du dessus qui peuvent accueillir des scènes qui la feraient tourner de l’œil.

En attendant le retour tant espéré de son Italien, tout devient source de joie. Maryah en fait partie. Une amie retrouvée est une vraie aubaine pour occuper un peu la conscience à autre chose que l'attente de l'époux.


Citation:


    Maryah,

    Je ne savais pas ta volonté de me montrer une autre façon de vivre. Je ne sais pas pourquoi tu as pu penser à ça. Je vis d'attachement, oui. Parce que sans quoi, la vie ne me semble sans aucun intérêt. Je vis pour mon mari, pour mes amis. Tu fais partie de ces amis-là, même si une rancœur m'a éloignée de toi quelques temps. Si tu veux tout savoir, mon absence à Annecy a provoqué d'énormes remous avec Diego. Il a cru que je l'abandonnais. À mon retour, il partait avec une autre. Il me quittait, Maryah.

    Une lettre pour toi à ce moment-là n'aurait que refléter ma tristesse et mon désarroi. J'en aurais été méchante, sans aucun doute. Je t'aurais accusée de mes souffrances. J'ai préféré ne pas le faire. Maintenant, je sais. Tu n'y es pour rien. Maintenant, il m'est revenu. Il sait que je ne l'ai pas abandonné. Il a pardonné. Et moi aussi. Je ne suis pas avec lui parce que au moment où il est parti chercher sa fille, j'étais pas en état de le suivre. Un incident. Un autre encore. Alors je l'ai laissé reconstituer sa famille sans moi. Mais il me revient vite et m'écrit souvent. Tout ira bien maintenant. On s'aime.

    Maintenant, je peux t'écrire sans que de mauvaises pensées m'encombrent. Je peux te remercier sincèrement de tes actes. Peu importe les doses trop fortes. Peu importe ma jambe qui n'a plus répondu pendant des jours. C'étaient des dommages collatéraux. Ils sont oubliés. Je te dois la vie, Maryah. Sache que si un jour tu as besoin, je saurais être là à mon tour. À mon niveau. J'ai bien moins de savoirs et de relations que toi. Mais j'aimerais que tu me fasses appeler au besoin.

    J'aimerais te dire que je suis contente de savoir que tu vas bien, mais c'est pas ce que je lis dans tes mots. J'y lis une amertume et pas cette légèreté que je te connais. Tu n'étais donc pas toi-même, avec moi ? Tu sais que je ne dirais rien sur ta reprise d'activités. Les gens changent, mais il faut du temps. Et puis on peut pas tout changer d'un coup, ça se fait avec le temps. Ni tout changer. On est aussi ce qu'on est. On a les talents qu'on a. Toi, tu as changé. Tu es maman. Peu importe le reste. Et puis peu importe ce que tu fais de tes dix doigts, je te connais des qualités. Tu sais que j'ai toujours cette envie d'écrire sur ton passé. Je ne dis pas ça pour te relancer, non. Je respecte ton refus. Je dis ça parce que je ne serais pas celle qui juge les changements réussis ou non.

    Je sais que tu t'en es pris pleins les dents. Je suis à Nevers. J'ai vu le Cosaque hier. Ses mots pour toi n'ont pas changés. Pour moi non plus, tu me diras. J'aimerais te dire qu'il te passe le bonjour, mais j'ose pas lui demander. Ton idée de voyage semble pas mal du tout. Ça fera du bien à Percy de s'éloigner un peu, de voir d'autres choses. Ça te fera du bien aussi, de rencontrer de nouvelles personnes, de nouveaux hommes. Va savoir si ton futur mari n'est pas marin !

    Je savais pas que tu avais des rêves de princesse. Atro dit qu'il faut en avoir des rêves, pour avancer. Alors je m'en suis trouver quelques-uns. Le principal, c'est d'être sa femme. Juste ça. Qu'on soit heureux tous les deux. Tu sais ? comme dans les contes qu'on peut lire. C'est un petit rêve. Ça va se réaliser. Bientôt. Et qui sait si tu seras pas une princesse dans ton pays, là-bas ?

    Crois en tes rêves, Maryah. T'es quelqu'un de bien. T'as jamais cessé d'être mon amie. J'ai été un peu idiote de rester loin de toi autant. Pardonne-moi. Passe me voir en Savoie, après Genève, si ça te dit. Je serais heureuse de t'y voir. On y boira un peu avant que tu prennes le bateau pour longtemps.

    Merci d'avoir répondu.
    Je pense souvent à toi, tu sais.
    Embrasse les jumeaux et veille sur Diego si tu les recroises.
    Et prends soin de toi, surtout.

    Eliance


_________________
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