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[RP] Aux cœurs de la tourmente

Eliance
« Vous ». Un mot qui revient toujours. Un mot qui rassemble dans l'âme de la Ménudière, à la fois la Louve et le Dracou.
« Vous ». Quatre lettres. Toujours les mêmes. Quatre lettres qui en disent long.
Les deux lettres du « tu » sont parfois simples, plus fluides et pourtant inenvisageables quand il s'agit de s'adresser à eux.

Ce mot traduit toujours beaucoup.
Quatre lettres pour quatre principes. « Vous » pour le respect, l'admiration, la confiance, l'estime, l'amour. Quatre principes qui ne peuvent que passer par ce « vous », rendant le « tu » faible, familier, mesquin, inutilisable.

Ce « vous » étonne parfois. D'aucuns le trouvent froid, distant. Ceux-là n'ont rien compris. Ceux-là ne savent pas que le Dracou et la Ménudière s'aiment autour de ce « vous ». Grâce à ce « vous ». Ils n'ont pas compris qu'il est le reflet de leur union.

La Louve l'aura compris, elle. La Louve comprend tout. Le « vous » unit aussi les deux femmes. Pas de basses familiarités pour celles qui se comprennent et se parlent à coeur ouvert. Elles perçoivent les angoisses, les tourments de l'autre et c'est ce « vous » qui le dit. Il dit la grotte et la falaise qui parviennent à les apaiser l'une et l'autre. Seule la Louve comprend son besoin de falaise. Ça vaut bien un « vous ».


Citation:


    Kachina,

    Je ne vous ai pas croisé hier et n'ai donc pas pu vous dire au revoir. Je m'en excuse.
    J'aurais voulu pouvoir vous embarquer avec nous aussi, non que je veuille vous éloigner de votre Boulvay, plutôt que j'aime nos discussions et que j'aurais bien eu besoin de votre avis éclairé sur certaines choses dont j'arrive pas à me dépêtrer.

    Une chose me taraude, surtout.
    Je me pose des questions. Une foule de questions. D'ordinaire, je me laisse vivre, je ne réfléchis pas trop et ça fonctionne plutôt bien. Mais le Cosaque a écrit des choses qui ont mis tout ça en marche. Je me demande si il a tort ou raison. Il dit que je m'enferme dans mon mariage pour de mauvaises raisons. Il dit que je pourrais être heureuse tout à fait si je partais. Il dit que je me cache. Que j'assume pas d'envisager quelque chose de mieux.

    Vous qui connaissez Diego. Vous pensez qu'il m'aime vraiment ? Qu'il m'est encore fidèle ? Des mois qu'il me dit qu'il est sage. Je le crois. Je l'ai cru, du moins. Aujourd'hui, je doute. Je sais plus vraiment. Il est parti à ce mariage de son ancienne amante, a refusé que je l'accompagne et ne m'en a pas dit un seul mot, en revenant. J'ai peur de lui poser des questions.

    Vous, vous auriez fait quoi, à ma place ? Vous feriez quoi ?
    Ne croyez pas que c'est pour rejoindre Torvar et trouver un avis approbateur à ma démarche. Non. Je l'ai tout à fait perdu, le Cosaque. Il ne m'écrira plus, ne voudra jamais me revoir.
    Je voudrais seulement savoir. Pour moi. Rien que pour moi.

    Eliance





Citation:


    Eliance, ma jolie Abimée,

    Moi aussi j'aurais aimé vous dire au revoir. Mais vous savez comme moi qu'on ne choisit pas. M'éloigner de mon Boulvay, tant ont essayé, vous savez . Néo et moi étions par le passé inséparables, jusqu'à cette incompatibilité d'humeur avec mon Brun qui je l'avoue se comporte parfois comme le dernier des rustres quand il sent le vent le pousser trop fort loin de moi.
    J'aime aussi nos discussions et je dois vous avouer me sentir bien souvent plus en confiance avec vous qu'avec certains du clans. Ainsi va la vie.

    Vous vous posez bien trop de questions. Mais ainsi sommes nous faites les filles, a vouloir toujours plus qu'ils ne peuvent nous donner.
    Le Cosaque dit surement vrai en parlant de ces choses. Mais il a tort aussi.
    J'ai quitté Boulvay un jour pour ce genre de raisons. Et croyez moi, ce n'était pas mieux loin de lui. C'était mille fois pire. Je suis revenue à lui, et j'ai accepté de n'etre plus qu'à lui. Depuis certains de mes amis qui n'en n'étaient pas vraiment au final disent que la Louve se comporte souvent en chienne soumise.
    Savent-ils seulement ceux là que les femmes comme nous quand elle se donnent, choisissent elles mêmes leurs chaines, tant elles sont douces ?

    N'écoutez pas le Cosaque. Il vous convoite, ça le rend cruel et peu crédible.

    J'ai vu Diego. Peu de fois, à vrai dire. Mais ce que j'ai vu de lui me plait plutôt. Et à chaque fois dans nos conversations, revenait votre nom . Chaque fois, il s'inquiètait de vous. Je le crois vraiment fidèle. Je sais respirer à 10 lieues à la ronde le parfum d'un queutard.
    Votre homme ne porte que votre odeur sur lui.

    La dernière fois que je l'ai vu, il était perdu et amer. Vous veniez de vous faire défigurer. Je lui ai expliqué la raison de votre geste. Il a eu ces mots que je n'ai jamais vraiment osé vous redire en face : qu'elle fasse seulement en sorte que tous les hommes ne la désirent plus, et pas besoin de se défigurer pour ça. Il souffrait Eliance.
    Vous le faites souffrir. Il vous fait souffrir. Je crois que l'amour c'est ça, toujours avoir peur de perdre l'autre.

    Concernant ce mariage, écrivez lui, ouvrez vous à lui sans peur. Dites lui vos craintes, vos doutes, votre rancoeur.

    Un jour, nous nous sommes disputés Boulvay et moi et j'ai vidé mon sac. Je lui ai dit tout ce que j'avais sur le coeur. Il m'a dit plus tard qu'il n'en n'avait pas deviné la moitié , qu'il pensait juste que je me lassais de lui.
    Il ne dit jamais qu'il regrette. Il dit juste parfois : je suis un sacré crétin quand je m'y mets. Et croyez moi, c'est vrai.
    Il dit aussi que je lui en fais baver, qu'il est jaloux à crever et c'est vrai aussi.

    A votre place, j'aurais eu le coeur déchiré de le voir partir à ce mariage. Il n'aurait pas du faire ça, il l'a fait. Ils ne pensent pas , parfois au mal qu'ils nous font. Ce sont des hommes, je crois qu'on aime toujours plus. Il n'aurait pas du, il la fait. La question est : pourquoi est ce que c'était si important au point de vous laisser seule sans lui. Peut-être voulait-il vous éprouver, voir si vous voudriez le suivre, si vous l'aimiez assez pour ça, ou si vous alliez lui interdire. Je ne sais pas.
    Mais voir une de ses anciennes amantes en épouser un autre, ça ne doit pas etre particulièrement amusant pour un homme, fiers comme ils sont.
    Peut-être aurait-il surement aimé y aller avec vous à son bras. Montrer à tous qu'il marchait au côté de la magnifique femme que vous êtes.

    Dites lui vos doutes, vos peines. Dites lui la plaie qu'il a ouverte en partant.
    Comblez ce vide entre vous. Pour le tenir enfin, serré si fort entre vos bras et faire de lui un homme heureux

    Je vous regarde. Vous. Lui. Je vois deux êtres qui s'aiment.
    Qui doutent de l'autre
    Qui ne sont pas vraiment comblés.

    Vous seule avez la clé de ça. Je fais toujours le premier pas avec Boulvay. Mais il en fait tant pour venir à moi, d'autres façons.

    Je vous embrasse, vous me manquez déjà. Revenez vite

    Kachi


_________________
Eliance
Citation:

    Kachina,

    D'abord, je dois vous remercier. Vous avez le don pour dire les choses, comprendre les autres et surtout éclairer ce qui doit l'être en temps voulu. En peu de mots, vous savez rassurer comme personne.

    Mais loin de moi l'idée de vous arracher à Boulvay. Il m'est simplement apparu le manque que j'allais ressentir en ces temps troublés, loin de vous et de vos avis si précieux. Ce n'est pas la fréquence de nos conversations qui m'ont procuré ce sentiment, puisqu'elles sont assez espacées et pas si fréquentes que ça, mais plutôt la qualité de toutes pendant lesquelles vous savez choisir vos mots avec cette dextérité qui vous caractérise.

    Ce mariage, pensez bien que j'ai tout fait pour l'y accompagner. Il m'a sorti toutes sortes d'excuses pour m'en éloigner, notamment que c'était dangereux au vu des gens invités et qu'il voulait pas m'engouffrer là-dedans. Ce a quoi j'ai répondu qu'il était hors de question qu'il y aille seul si c'était aussi dangereux qu'il le disait, que je saurais apaiser à merveille les tensions si besoin. Il a fini par être à court d'idées et a été tranchant. Il ne voulait pas que je vienne, ça faisait longtemps qu'ils s'étaient pas vu tous les deux et il craignait que je gâche tout. Il lui avait pas parlé de moi dans leurs lettres, donc je venais pas. Sujet clos.

    Il m'a quand même assuré qu'il se passerait rien et y est allé avec son ami. Sauf qu'en revenant, pas un mot sur la soirée. Rien. Une autre fois, une autre fête, il m'aurait dit un truc comme « Qu'est-ce qu'on s'est défoncé avec Niallan, c'était chouette ». Là, rien. Donc ma raison me fait croire que quand même, à un mariage, il peut rien se passer d'extraordinaire avec la mariée, mais j'aimerais quand même lui poser la question. Sauf que si question il y a, il va se fâcher que je la pose, quelle que soit la réponse. Alors je me tais, mais ça me travaille. Parce qu'avant d'y aller, il en parlait, de cette fille. Et depuis, plus rien. J'essaie de me convaincre qu'il vaut mieux dans tous les cas ne rien savoir, que ça ferait que charger ma conscience d'un truc supplémentaire à oublier. Voyez ? Et puis je veux pas qu'il se sente prisonnier de ne pas pouvoir s'amuser avec ses amis. Le plus simple est donc de ne rien dire et de manger mes dents.

    Diego sait ce qui me hante. Je lui en parle assez, le bassine souvent avec. Du coup, j'essaie la tactique de tout garder pour moi, voir si ça arrangerait pas les choses d'une manière plus adéquate. C'est dur, mais j'essaie. On finira bien par trouver un système qui nous fera pas trop souffrir l'un et l'autre. Parce que vous avez raison, la cause principale de nos disputes et sans doute de la plupart des gens tient en un mot : perte. Perte de celui ou celle qu'on aime. C'est idiot, stupide, mais ça effraie même les plus forts.

    Je dois lui faire un enfant. Il l'a demandé et d'autres ont approuvé. Il paraît que ça cimente, que ça change tout. Je suis pas formidablement emballée par l'idée, mais pourquoi pas, après tout. Deux gosses ou trois, il y en aura au moins un qui sera de moi dans le lot. Sauf que c'est plus facile à dire qu'à faire, je commence à douter de mes capacités à pouvoir construire une vie, moi qui en ai tant vu de morts dans mon ventre.

    Vous me donnez de la force, Kachina, la force de me battre pour arriver à le rendre heureux. Il devra vous en remercier, un jour, quand il saura.

    Et vous, comment allez-vous ? Néo est encore là ? Elle s'est réconciliée avec son blond ?
    Y a pas eu d'accident diplomatique avec Boulvay ? Est-ce que ça va mieux, entre vous, avec votre mari ?
    Racontez-moi. Dites-moi tout.

    Et prenez soin de vous, surtout.

    Eliance


    PS : Je ne crois pas vous l'avoir dit, mais Diego souhaite qu'on vous suive, plus tard.



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Kachina
Pourquoi cette fêlée qui , quand ça n'allait pas , avait besoin de se tenir au bord d'une falaise ? Falaise qui ,heureusement ,s'érigeait le plus souvent dans sa téte. Pourquoi la Belle Abimée comme l'appelait Kachi lui avait plu dès leur première rencontre ?
Femme au visage marqué de coups. Souffrance qu'elle semblait s'être elle-même infligée...

Peut-être parce qu'elle lui rappelait Lhyra et sa façon étrange de se rassurer en comptant tout et n'importe quoi. Où peut-être à cause de l'histoire de la falaise qui l'avait menée jusqu'à cette grotte là bas dans le sud de la France où elle se réfugiait parfois quand la vie se faisait trop chienne. Une falaise contre une grotte, l'amitié prend parfois de bien curieux chemins ....
C'était ainsi.

Quelques courriers échangés et la complicité était née. Les filles , c'est comme ça, ça a besoin de raconter à une autre quand l'amour égratigne ou crucifie. Si les hommes par pudeur ou orgueil, peinent à parler de celle qu'ils aiment, les donzelles, elles, prennent un plaisir fou à prononcer le prénom de l'homme aimé. De parler de lui, de faire vivre leur relation aux yeux des autres. Les filles c'est comme ça.
A bien y réfléchir, Kachi n'avait jamais connue Eliance vraiment épanouie de sa relation avec l'Italien. Et pourtant, ces deux là semblaient fait l'un pour l'autre. C'était comme une évidence.

La Louve avait appris à ne plus se mêler des histoires de coeur ou de fesses des autres, restant le plus souvent en retrait, écoutant quelques confidences . Mais Néo l'avait avoué ce matin :
Qui peut vraiment savoir ce qui se passe entre deux êtres, à part eux mêmes ?

La Louve reçu la missive, et posa ses fesses sur le banc de pierre, à l'abri de l'ombre du platane. Juillet dispensait une chaleur étouffante, qui rendait les peaux moites et vous poussait à l'indolence, voire la paresse. Elle parcouru le message, le relu, souriant à la dernière phrase, ravie.....
Et la plume vint griffer le vélin, mots griffonnés d'une écriture déliée et ronde :

Citation:


Eliance ,


J'ai failli rougir à tous vos compliments. Soyez gentille, rapellez à mon Brun combien je suis sublime quand vous le reverrez !

Vos explications à propos de ce mariage, me laissent indécises. Est ce qu'il a eu à ce point besoin d'air, votre Italien ? J'ai parfois l'impression qu'on les étouffe avec tout cet amour. Qu'ils ont besoin de souffler un peu, nos hommes. Serait-ce ça ?
Voulait-il simplement revoir son ami Niallan, sans une présence féminine qui aurait gâché ces retrouvailles ? Pour ma part, j'avoue que je manque singulièrement d'humour quand Boulvay se retrouve à une table avec Mike , et qu'après quelques bières, ils égrènent les noms de leurs anciennes conquêtes, allant parfois jusqu'à évoquer la façon dont ils les culbutaient. J'y entends toujours comme une pointe de nostalgie. Savez vous que je le connais ce Niallan ?

Nous nous montrons toujours trop jalouse, nous autres femmes.
Ils le sont à leur manière, et puis peut-être qu'ils sont si surs de nous....Ou pas, allez savoir.....

Perdre celui qu'on aime, c'est vite fait. Vous partez un soir sur un coup de sang, en disant, ça suffit, je tourne la page. Et vous le plantez là. Vous pensez : bon débarras, vis ta vie, laisse moi vivre la mienne.
Je l'ai fait et c'était moche.
Sauf que vous n'arrivez à rien sans lui. Et que pour lui, il se trouve toujours une ribaude mouilleuse de bancs, qui papillonne et ouvre ses cuisses en lui susurrant : viens chéri, la nuit est à nous. Et lui, il boit et il se laisse prendre dans la toile. Les hommes c'est comme ça. Alors que vous, vous balancez au vent de sublimes lettres d'amour d'autres ou vous restez indifférente aux jeux de séduction qu'on déploie pour vous en taverne.

Un enfant.....Boulvay voulait un héritier. Moi je ne voulais plus d'enfant. Comprenez, j'en avais perdu un si beau. Et puis les mioches, ça vous rend faible et ça se met entre vous dans le lit au matin. Je ne voulais que lui, moi. Il me suffisait. A croire que je ne lui suffisait pas. Alors j'ai jeté mes plantes, et je lui ai offert un fils, avec en prime une jolie balâfre sur mon visage. La vie c'est comme ça, vous faites un cadeau, elle vous retourne une claque. Je ne sais pas si ça cimente, si ça change tout. Je crois que j'hésiterais à partir loin de lui, de peur d'éloigner l'enfant de son père et le père de son fils. C'est une autre chaine encore . C'est juste magnifique, ce bambin qui a ses yeux, qui vous sourit et attend tout de vous. Vous etes foutue et vous adorez ça.
Eliance ? parlez moi de ces enfants morts, vous voulez bien ?

Je ne sais pas pour la force. J'en manque si souvent, je crâne souvent, je sais donner le change comme personne.

Néo....Je n'ai été qu'une idiote qui espèrait que tout se passerait bien. Que s'oublieraient d'un coup de baguette magique les mots d'oiseaux , les différents.
Néo comprend dans la douleur, le prix que coûte un homme à soi. Le mal de chien que fait le choix .

Entre mon époux et moi, tout va bien. Il est subjugué par la lecture de ce grimoire sur l'art de la guerre. J'y ai glissé quelques enluminures érotiques et coquines pour qu'il se souvienne de moi à la nuit tombée. Je ris. Tout va bien.
Je n'aime pas tout raconter de notre histoire à lui et moi. Elle n'appartient qu'à nous. Sachez que rien n'a été facile pour nous depuis le départ. Mais que sa main serre toujours la mienne.

Vous aussi prenez soin de vous, et par pitié, faites moi la grâce de ne pas les manger ces dents , ça suffit de vouloir vous enlaidir pour lui.

Je vous embrasse

Kachi

PS : C'est moi qui remercierai Diego, si vous nous suivez ! J'aime votre compagnie, moi.



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Eliance
Une auberge, enfin. Eliance s'est plantée de chemin, comme souvent, et ils ont dû passer plusieurs jours à dormir au creux des fossés peu accueillants qui bordent le chemin. Ça n'a rien arrangé à l'atmosphère délétère qui accompagne le groupe depuis le jour du départ. Les râleries ont repris de plus belle et la rousse n'a rien trouvé de mieux que se taire et marcher devant pour ne pas en être trop affectées.

La porte a été poussé dans un soupir commun de soulagement, les bottes poussiéreuses retirées, un repas chaud commandé. La nuit serait enfin reposante. Ça apaiserait les esprits. Les cassolettes fumantes ont été dévorées des yeux bien avant d'être sur la table. L'odeur les avaient déjà précédé et avaient ouvert l'appétit à tous.


- J'ai r'çu un piegon, c'matin. Comme y a personne à part vous, c'p't-être pour vous, que j'me suis dit.
Un piegon en avance, si c'est pas rare. Mouar...mouar...mouar...


Le rire gras de l'aubergiste est interrompu par quatre pairs d'yeux braqués sur lui, attendant qu'il crache véritablement le morceau.

- Euh... ah ouais. Eliance, qu'y a marqué d'ssus.

Le papier enroulé est directement attrapé par la Eliance en question.

- Merci.

Il est déroulé à la hâte, un œil est jeté au bas, simplement pour satisfaire la curiosité de savoir qui écrit, puis est fourré dans sa bourse. Il sera lu plus tard, à l'abri des regards indiscrets.

Et c'est donc plus tard, tandis que l'Italien roupille à qui mieux mieux, que la lettre est lu attentivement à la lueur d'une mèche enflammée. La réponse ne tarde pas à se faire et sera portée à l'aubergiste dès l'aube pour que le pigeon reparte aussi sec.


Citation:

    Kachina,

    Tout mari devrait se rendre compte que sa femme est sublime puisqu'il l'a sous les yeux. Malheureusement, je crois qu'ils deviennent aveugles, avec le temps. Je me ferais donc un plaisir de lui rendre la vue, au Boulvay. Comptez sur moi !

    Diego, qui étouffe ? Oui. Sans doute. C'est même plus que sûr. Nous voilà mariés depuis presque un an. Chaque semaine, il me le dit, depuis que l'échéance approche. Il me répète ce record auquel il ne s'habitue pas. J'ai cru au début qu'il en était fier. À force, j'ai compris que c'est bien plus compliqué. Diego n'a jamais imaginé se marier, avoir des enfants, il n'a jamais imaginé une vie de famille. Nous marier, c'était sa décision. Mais il pensait pas qu'il se prendrait aussi sec des mouflets de son amante au coin du nez, à devoir les torcher et les nourrir tous les jours parce qu'elle en veut pas. C'est probablement de ma faute, je ne l'ai pas aidé, considérant que c'était pas à moi de le faire, n'étant pas leur mère. J'ai, depuis, changé un peu d'avis et j'essaie de m'habituer à eux. De les voir autrement que comme les rejetons de la tarée qui est obsédée par mon mari. Ça n'empêche qu'on se retrouve à quatre sans avoir rien demandé, rien voulu.

    Je sais que cette vie l'étouffe. Je sais qu'il a du mal à l'assumer. Cet hiver, il est parti pour cette raison. Il avait envie de s'amuser, comme avant. Il a passé des jours à se bourrer la tronche, à fumer plus que de raison. Il a même appris à se battre. Alors oui, je l'étouffe. C'est pour ça que ce foutu mariage de son amante, j'essaie de ne rien en dire, de ne pas poser la question qui me ronge.

    Niallan. Je le déteste. Je le déteste parce qu'il maintient Diego dans son ancienne vie, le tirant par les pieds comme pour mieux l'enfoncer. À chaque fois, j'ai l'impression qu'il va le convaincre de se barrer loin de moi, en lui vendant les mérites de toutes ces femmes qui attendent que ses services. Et pourtant, je le connais pas, ce type. Je sais qu'il est votre premier amour. C'est du moins ce que Diego m'en a dit. Ça n'empêche, je le déteste, lui et son opium, lui et ses sorties, lui tout court.

    Diego a failli partir à nouveau, d'ailleurs. Encore. Avec mon histoire débile de me faire casser le portrait. Deux jours pour le convaincre de ce que je ressens pour lui. Deux jours à m'excuser des souffrances que je lui inflige. Cette fois-ci, il est resté. J'ai souvent l'impression que son départ plane au-dessus de ma tête, toujours menaçant, présent où que j'aille. Comme si je savais d'avance qu'un jour il partirait pour de bon et que je pourrais rien y changer. Qu'un jour il redeviendra celui qu'il s'efforce de ne plus être.

    Moi je suis jamais partie. J'ai trop besoin de lui. Je lui dois trop. Mais un enfant, c'est cher payé. C'est effrayant, quelque part.
    De ces enfants morts, il n'y a pas grand chose à dire. Je n'ai pas su les faire vivre, les préserver de leur père. Ils ont tous péris avant de voir le jour. Sauf le dernier. Lui, je voulais pas le sentir grandir et mourir en moi. Alors j'ai pris les devants. Il est mort avant tous les autres. Une femme m'a dit que parfois, ça laisse des dégâts à l'intérieur. Que parfois, ça gâte de sorte que les accidents n'arrivent plus. Alors parfois, j'ai envie que ce soit le cas, égoïstement. Mais je le dis pas à l'Italien. Si il savait ça, il partirait, je pense. Et puis c'est pas moi qui déciderait de ça. Je laisse la hasard faire.

    Vous avez raison de garder ce que vous vivez pour vous. Diego me reproche souvent de trop parler de nous. Je dois apprendre à me taire. Et puis les gens ne comprennent pas. Ils ne comprennent pas qu'on peut souffrir et aimer à la fois. Ils n'entendent que les mauvaises choses sans retenir ce que je peux dire de joli. Alors ils se contentent de le détester, comme fait Atro.

    Mes dents, Kachina, je les conserve. Ce n'était qu'une expression. Ne me prenez pas pour la folle que je ne suis pas.

    Nous serons bientôt arrivés à destination. Demain, sans doute. Et alors, le demi-tour sera possible. Les chemins sont déserts et l'ambiance de notre troupe orageuse. L'idée de les obliger à se côtoyer pour s'apprécier est un échec cuisant. Il faut que j'arrête d'avoir des idées. Ce sera sans doute mieux.

    À bientôt

    Eliance

_________________
Kachina
Elle avait regardé les archers s'entrainer, adossée au tronc de ce chêne, occupée à machouiller un brin de blé. Elle aimait guetter le sifflement de la flêche et suivre sa trajectoire, s'amuser du cri de victoire ou de dépit de celui qui venait de tirer.

L'air était lourd et étouffant, mais l'arbre lui procurait un peu d'ombre et de fraicheur et elle restait là, indolente et paresseuse à laisser passer les heures. Néo avait quitté le village et cette fois ci Kachi n'avait pas eu le coeur à la regarder s'éloigner.

Les jours passaient, semblables et monotones, alors que le clan semblait comme endormi dans la chaleur de juillet. Ils étaient en attente de ce qui pourrait être une grande aventure ou un fiasco total, suivant le cours que prendraient les choses.

Elle vit le mioche venir à elle, portant un pli et sa main se tendit impatiente. Une pièce glissée dans celle du gamin, et elle retourna à son chêne, posant ses fesses dans l'herbe tendre, le dos calé contre l'écorce rugueuse de l'arbre. Elle imagina la troupe, et Eliance là au milieu de tous ces caractères forts et un léger sourire étira les lèvres de Kachi.

Elle en oublia les archers, de toute façon, elle avait pour sa part perdu le bénéfice des leçons que lui avait donné son père sur l'art de tirer à l'arc. Elle manquait d'entrainement et Atro l'avait largement devancée dans ce domaine là.
Kachi reprit le sentier qui menait au village, poussa la lourde grille de la demeure qu'ils occupaient depuis leur arrivée. Et quelques instants plus tard, munie de son nécessaire à écrire, elle se retrouva sous une tonnelle en bois sur laquelle venaient s'accrocher du lierre et quelques capucines. Elle s'installa sur le banc de pierre, admirant la fontaine de pierre et l'ange qui l'ornait, puis commença à écrire :


Citation:


Eliance,

Niallan n'est pas mon premier amour. Il est mon ami d'enfance, le mioche qui m'apprenait à faire des ricochets, à siffler avec les doigts et à cracher plus loin. Sans succès d'ailleurs. On dit le bougre doué avec les femmes. Mais là franchement, il a été zéro. Je ne sais faire ni l'un , ni l'autre. Je ne pouvais pas tomber amoureuse de lui, il était pour moi comme mon frère.

Mon premier amour était le forgeron du village, là bas dans mon sud natal. Blond, tendre et inconstant. Bien trop tendre, lisse et fade. Poète à ses heures et lié à sa promise depuis toujours. Promise qui n'était pas moi. D'ailleurs , en y songeant, la forge a toujours fait partie des hommes de ma vie.

Mais dites moi, Eliance......Si on se mettait au défi , vous et moi,de les oublier un instant ces hommes de nos vies juste une fois dans nos correspondances .? Etes vous capable de m'envoyer une seule missive où je ne lirais pas le nom de Diego ? Histoire de voir si nous pouvons encore respirer un peu sans eux ?

J' en aurais des choses à vous raconter pourtant. De ces missives qu'on guette et qu'on espère au lever du jour, à ces soirs de disputes, ces heures qui suivent de réconciliation. Mais non......Oublions nos hommes et les mioches qui vont avec.

Dites moi comment vous étiez à la sortie de l'enfance ? A quoi rêviez vous ?
Ne riez pas si je vous dis que je m'intéressais aux simples et que je cherchais le secret des parfums. J'étais douée pour danser la taverniole sur les tables et ma soeur et moi rêvions d'ouvrir un salon de massage pour ces messieurs. En tout bien, tout honneur, n'allez pas vous imaginer des choses.
J'avais une foule de prétendants qui m'écrivaient des poèmes ou déposaient au matin des fleurs sur le rebord de ma fenêtre. Ma vie était toute tracée et sans surprise, à pétrir et cuire le pain, et regarder pousser le maïs dans les champs.
Enfin, je le croyais.

J'essayais d'oublier mon père et ses soubresauts quand il s'est balancé au bout de sa corde. Je faisais profil bas, obéissant aveuglément aux lois, imaginant parfois comment pouvait être la vie derrière les murs du château.

Avez vous connu ça, Eliance , ce temps de l'insouciance ?
Je savais l'effêt produit par mon rire sur les damoiseaux du village et je savourais leurs regards sur moi quand mon panier sur la hanche, j'allais au lavoir le lundi. Je priais le Très-Haut qu'il mette sur mon chemin, un homme juste fait pour moi. Je n'avais pas encore appris que la Vie donne et puis reprend et redonne....

Et vous ? Dites moi un peu. Etiez vous déjà à marcher au bord d'une quelconque falaise ?

Je vous embrasse. Je vais bien. La chaleur me rend paresseuse. P'tit Boul a déjà deux dents et il découvre le monde à quatre pattes. Néo est repartie.

Prenez soin de vous. Et revenez, je m'ennuie de vous.

Kachi

PS / Lui, passe ses journées le nez fourré dans son livre des arts de la guerre. Vous me direz que c'est toujours mieux que le nez entre les cuisses d'une catin....
Et vous ? ça va vos amours ?

_________________
Eliance
Citation:

    Kachina,

    Permettez-moi de vous faire remarquer votre propre échec quant à la réalisation de votre défi de ne pas évoquer les hommes de nos vies. Votre post-scriptum vous aura trahi ! Mais je rentre dans le jeu et accepte de relever le défi. Vous parler de mon enfance ne sera guère intéressant. Je vais pourtant m'y essayer. J'ai ri, en lisant ce que vous étiez petite. Je n'aurais pas imaginé ça.

    Pour ma part, c'était bien différent. En ce temps, je ne connaissais pas la légèreté et la frivolité de la danse, ni les rêves d'avenir, encore moins la curiosité des plantes et ne parlons même pas des prétendants et amis. J'étais même à mille lieues de tout ça. Je vivais, seule, isolée, avec pour seule compagnie mon père et les mots. Je n'avais pas vraiment de rêve, un peu comme aujourd'hui, en fait. C'est une chose que je n'ai pas vraiment réussi à changer. Je m'y efforce, j'essaie, mais ça vient pas. Atro dit que c'est pas normal, qu'on ne peut pas vivre sans. Il faut croire que si, puisque je vis. J'ai essayé d'en trouver en moi, mais je viens d'arrêter cette stupide quête qui m'éloignait de... Bref. Pas de rêves. Poursuivons.

    Pas de rêves, donc, et pas plus de prétendants. Je n'avais pas le droit de sortir ou trop rarement pour me lier à d'autres enfants. Je ne connaissais donc personne, ne voyais personne, ne parlais qu'à mon père. J'ai appris il y a quelques jours, que j'étais moins seule qu'il n'y paraissait, puisque j'ai croisé au hasard des rencontres un type qui m'a reconnu formellement comme étant la Eliance qu'il observait alors. Au temps où ma vie se résumait à une mansarde, ce type est parvenu à m'espionner sans que j'en sache jamais rien, sans jamais me parler. Aujourd'hui, savoir que je n'étais pas seule me fait un effet étrange. Je trouve ça rassurant, dans un sens, et encore plus angoissant, dans un autre. Cet homme s'est immiscé dans mes secrets les plus profonds, mais je ne le connais pas. N'est-ce pas effrayant ?

    Mes journées, je les passais à écrire. Mon père m'avait offert des feuilles et un crayon. Je les avais assemblées de sorte de faire un cahier et écrivait dedans. Au début, j'écrivais simplement les choses qui traversent l'esprit, et puis j'ai fini par me confier à ce cahier. Chose complètement stupide quand j'y repense aujourd'hui, mais qui venait instinctivement à l'époque.

    J'ai longuement réfléchi à votre question de falaise. J'allais vous répondre que non, point de falaise dans mon enfance, puisque je ne sortais pas et ne savais sans doute même pas ce que c'était. Et pourtant, je me suis souvenue d'une chose. Une chose qui pourrait se rapprocher de ma falaise. Mon grenier avait une ouverture, une petite lucarne par laquelle mon père rentrait le foin et la paille séchés. Il grimpait sur une échelle et montait des ballotins qu'il amassait là pour l'hiver. La plupart du temps, la lucarne était close d'une petite porte en bois. Mais je pouvais l'ouvrir. Et quand je le faisais, je m'asseyais au bord, les jambes dans le vide et je fermais les yeux. Je ne faisais ça qu'après m'être assurée que personne n'était là pour me voir. Ainsi, je pouvais sentir les gouttes froides de pluie si il faisait averse, je frémissais au tonnerre qui claquait dans l'air les soirs d'été orageux, mais surtout je sentais le souffle du vent me passer sur l'échine dans une caresse qui hurlait de liberté. Je crois que c'est cette liberté-là que je retrouve dans ma falaise. Je crois que peu à peu, j'ai dû transformer ma lucarne en falaise. Je ne saurais dire pourquoi ni comment, mais je pense cette lucarne à l'origine de tout.

    Je dois poser mon crayon, à présent, pour reprendre la route. La troupe s'impatiente de me voir pas prête à repartir. Il faut dire que tout le monde a hâte de rentrer, comme si nous avions tous un chez-nous qui nous attend, comme si cette ville manquait à tout le monde. Le voyage aura été tumultueux, puis agréable, mais il est vrai que je pense pouvoir affirmer que nous avons tous laisser quelqu'un qui manque et que nous avons hâte de retrouver.

    Nous arrivons dans quelques jours. Nos conversations pourront reprendre de plus belle. Tellement de choses à raconter, tellement de questions à vous poser. Me parlerez-vous de sorte que j'écrive un article, comme je vous en avais déjà parlé ? J'attends ce moment avec impatience. Et tellement d'autres.

    À très bientôt

    Eliance

    P.S. : Je crois, à la relecture rapide de cette lettre, pouvoir me vanter d'avoir réussi votre défi. Est-ce nécessaire de préciser combien j'en suis fière ? Merci, Kachina.

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Eliance
Déjà plusieurs jours que le quatuor terrible a quitté Langres. Déjà plusieurs jours qu'Eliance a un pincement au cœur quant aux non-adieux adressés à Kachina. Froide, distante, elle aura eu du mal à se détacher de cette scène de torture à laquelle elle a assisté par inadvertance pour saluer comme il se doit la Louve avant leur départ.

Mais ce matin, elle entame le papier. Elle réparera. C'est décidé.


Citation:

    Kachina,

    Notre petit périple se déroule relativement bien à peu de choses près. Nous sommes en Franche-Comté depuis quelques jours et seront dans une semaine en Italie, selon les calculs atroniens.

    Mais c'est pas le but véritable de cette lettre, que de vous raconter tout ça. Non. Je tenais particulièrement à m'excuser pour les faibles adieux que je vous ai accordés. Je les regrette. Ils étaient pitoyables de froideur. Je les trouve arrogants, aussi, avec le recul. Je n'ai pas de motif réel, si ce n'est le choc produit par vous savez quoi.

    Je n'avais jamais rien vu de tel. J'ai bien vu des choses, j'ai bien été témoin de quelques événements non glorieux sur ma personne. Mais jamais autant. Ça m'a secoué, je ne vous le cache pas. Et j'ai eu du mal à vous regarder les jours suivants sans voir cet homme se mêler à votre propre image.

    Je sais pourquoi vous avez fait ça. Les raisons sont là. Justifiées. Il est un monstre. Réellement. Simplement, l'exécution de votre vengeance m'a dépassée. J'étais heureuse de vous retrouver et j'ai regretté de m'être précipitée à votre suite. J'aurais dû attendre. Simplement attendre. Et ne rien voir.

    Mais ce qui est fait est fait. Ce qui est vu est vu. On ne peut rien effacer. Oublier un peu, tout au plus. C'est ce que j'essaie de faire.
    Ne pensez pas que je vous en tiendrais rigueur. Je l'ai fait. Mais je m'efforcerais de ne pas voir seulement ça en vous. Je crois que je peux y arriver.

    Prenez soin de vous, Kachina. De vous et des vôtres.

    Eliance

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Kachina
Elle en veut à la Belle Abimée. Comme elle en veut à chaque fois à ceux qui la quittent. Comme elle en veut à Atro et ses foutues envies d'Italie. Elle ressent chaque départ de ceux qu'elle aime, comme un abandon. Et elle les aime, ces deux greluches là. La petite Brune, toute en épines et en crocs sortis, comme pour compenser cette fragilité, ce truc qui la rend trop à fleur de peau. Et l'autre, fragile en apparence et si forte au bord de sa falaise à regarder autour d'elle se déchainer les vents et les tempêtes.

Elle en veut à Eliance et pourtant...........Pourtant quand le messager lui remet le pli, elle se précipite et déchiffre avec impatience l'écriture féminine.


Elle sourit aux excuses de l'épouse de Diego, grimace en constatant qu'ils ne sont seulement qu'en Franche Comté. Elle sait qu'il coulera de l'eau sous les ponts, avant qu'elle ne revoie les deux filles et leurs hommes.

Alors, elle prend la plume et se penche sur le vélin. Assise à une table, elle lève de temps en temps les yeux pour regarder par la fenêtre ouverte l'enfant qui joue au dehors avec la nourrice. Le chat noir, rencontré la veille semble les avoir adoptés et les regarde, perché sur un muret. Tant mieux, il sera un compagnon de jeu pour le petit, à moins que Luzia aime les chats. La plume griffe le parchemin et court, laissant l'encre former des mots :

Citation:
Eliance,

Un jour, j'ai pillé ma ville natale. Juste pour me prouver et prouver à l'homme que j'aimais, que je pouvais le faire. C'était moche, j'aurais pas du.
Un autre jour, en été du côté de Toulouse, j'ai tué une femme. Elle était jeune et belle, je combattais en armée. J'assiégeais le chateau. J'ai toujours au fond du coeur la vision de son regard étonné quand ma lame l'a transpercée. Tout ça pour vous dire, ma Belle Abimée, que rien n'est jamais noir ou blanc. Même votre falaise d'ailleurs est grise....

Cet homme était une bête enragée et nuisible. Nous l'avons marqué comme on marque les bêtes. Il méritait un tel châtiment. Et puis entre nous , si je vous avais écouté, c'est sa tête sur un plateau que je vous aurais fait voir. Vous n'êtes pas plus charitable au final.

Ne gardez pas que ça de moi. Mais ne me voyez pas plus belle que je suis. Je suis celle qui pleure quand l'homme qu'elle aime, la blesse ou la quitte. Celle qui rit avec son enfant, et celle qui , en quelques gestes sait fracturer la porte d'une mairie et la vider de ses coffres. Bien que je crains d'avoir perdu la main depuis le temps. Je suis celle qui danse avec la Faucheuse , et qui nargue le Sans Nom, et celle qui brule des cierges pour une amie en détresse. Une femme quoi.....Et encore, vous ne m'avez jamais vue jouer à la marelle avec les jouvencelles du coin. Ou danser sur les tables au rythme des guiternes.

Mais vous même, Eliance....Imaginez vous un instant à ma place. Qu'auriez vous fait ?
Rhaaa, et puis foutre dieu, j'ai pas à me justifier. Vous me gardez votre amitié, c'est déjà ça.
J'aime savoir que vous ne me tournez pas le dos. Enfin, même si c'est une façon de parler, puisque vous rêvez de Vérone ou Florence en ce moment, bien loin des plaines de Champagne.

Chevauchez Eliance, chevauchez........Et quand vous serez lasse de tout ça......Revenez moi.......
Dites à Diego de prendre soin de vous........Et évitez que vos deux autres compères, les amants maudits ne s'entretuent...........

Je vous embrasse.

Kachi

PS/ J'ai rencontré la fille de Boulvay. La gamine me plait...Pour le reste, on verra....

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Eliance
La mine est grise, les yeux petits et cernés de fatigue, le corps épuisé de lutter pour faire abstraction des plaies béantes. Mais Eliance est là, à s'affairer autour de Diego, de Mike, d'Atro, s'inquiétant bien plus de leur sort à eux que du sien. Elle a enroulé des bandes de tissu pour camoufler les siennes, pour éviter les questions. Elle culpabilise. Elle se sent tellement coupable de cette mouise.

Dès qu'un moment de répit se présente, elle écrit aux uns et aux autres des mots qui se veulent rassurant. C'est au tour de la Louve.


Citation:

    Kachina,

    L'Italie est un lointain souvenir. Nous sommes à Annecy.

    Tous les septs. Les enfants vont biens. Les parents, un peu moins. On s'est fait attaquer par une armée italienne juste après la frontière. D'abord Diego, les jumeaux et moi. Mike, Atro et Lucie s'en sont tirés presque indemne, pour subir quelques jours plus tard le même assaut, au final. Un savoyard nous aura tous ramenés en lieu sûr.
    Retour à la case départ, donc, pour tout le monde.

    Avec des hommes amochés. Ils nous ont défendu, vous savez.
    Diego est alité. J'ai soigné ses blessures, mais c'est pas la forme.
    Atro a des bleus partout, un bras pété, quelques os du flan aussi.
    Mike... Mike ne s'est pas réveillé. On attend... On prie...

    Brûlez des cierges, Kachina. Pour lui. Il peut pas disparaître comme ça. Pas maintenant.
    Je sais pas comment redonner de l'espoir à Atro. Même moi j'ai perdu le mien.

    Je donnerais des nouvelles. Mais l'écriture n'est pas facile.
    Vous nous manquez tous. On aurait pas dû partir.

    Eliance

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Kachina
Depuis la veille, elle sait. Qu'ils sont blessés, là bas au loin. Que le rêve s'est brisé contre le fer des armées. Qu'à vouloir vivre libre, il faut un jour payer le prix. Elle sait........Qu'elle savait depuis le début que les choses tourneraient mal. Que l'absence durerait bien trop longtemps. Et la Brune est déchirée. Il y a ici des blessés, ceux pour qui elle reste là, dans cette Champagne qui n'attend que le premier prétexte pour les mettre à nouveau en procès. Et puis il y a Langres. Et ces hommes et femmes du coin qui s'apprivoisent lentement, qui n'ont pas jugé et qui au contraire ont ouvert leurs portes.

Les blessés de Langres, les blessés de Savoie. Et puis le clan , bien trop endormi à son goût. Et puis elle, au milieu de tout ça, alanguie aussi, parce que le soleil la rend paresseuse et docile. Parce que parfois, il est simplement bon, de savourer ce que la vie vous offre. Les mains possessives d'un Brun, les rires d'un enfant. Et la bière qu'on partage dans les tavernes , à la nuit tombée.

Elle lit.......la mine sombre, et la mâchoire serrée. Elle en a tant connu de ces instants là. Elle a accompagné tant de blessés. Maudit tant d'armées.
Alors, elle quitte l'auberge, prend le chemin qui mène à la rivière, l'enfant calé contre sa hanche. Et c'est à l'ombre d'un saule pleureur qu'elle répond à Eliance, dos en appui contre une grosse pierre, jambes allongées sur l'herbe, suivant de temps à autre le vol gracieux d'une libellule insouciante et libre.


Citation:
Eliance,

J'aimerais être là. Panser les plaies avec vous, lire dans vos yeux que vous tiendrez le coup. Je sais qu'on se relève toujours plus forte de ça. Je sais aussi que ça ne sera pas facile. Je sais les murailles d'une ville qui devient prison, et cette envie folle de chevaucher plus loin. Je sais les chairs meurtries, et les marques indélébiles sur la peau et dans le coeur. L'orgueil malmené et les remords. Je sais aussi l'espoir qu'on s'acharne à garder vivant. Et la liberté au bout du tunnel.
Tenez bon ! Et si l'espoir vous fait défaut, il vous reste la rage et la colère pour tenir.
Et puis votre homme, là, à vos côtés, même amoché, même affaibli.
Je ne veux pas croire que Mike ne se réveillera pas. C'est depuis tout le temps, la peur d'Atro, ça. Le voir disparaitre, le perdre. Ne soyez pas comme elle. Mike est solide et bien trop amoureux pour s'abandonner à l'étreinte mortelle de la Faucheuse.
Laissez pas cette garce gagner. Luttez.
Ici tout va bien. Langres a été pillée, mais le village se relève. J'aime ces gens fiers qui luttent. Le clan dort bien trop à mon goût, mais heureusement, Bart et Pimp semblent en pleine forme, eux.
Eliance..........vous survivrez tous à ça. On n'est pas de ceux qui se rendent. Je vous sais forte, bien plus forte qu'on ne l'imagine. Vous êtes toujours au dessus de la falaise, à défier les éléments et la tempête. Jamais à ses pieds........

Je vous embrasse. Prenez soin de vous, et d'eux. Restez en vie, tous.........

Kachi

PS / Vous m'êtes précieuse, Belle Abimée.....

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Eliance
Annecy resterait sans aucun doute une ville maudite dans l'esprit d'Eliance.
Une ville où rien ne va, où tout empire. Pourtant, il leur faut y rester. Un peu. Il leur faut se soigner et attendre. Attendre qu'un blond vive un peu mieux. Attendre qu'un blond se décide. Attendre qu'un blond leur dise si il va encore être insupportable à leurs côtés ou si il a choisi d'aller enquiquiner le diable.

La joie n'est pas au rendez-vous. L'exaltation du voyage non plus. Tout s'est embrasé pour se consumer et ne laisser parmi les cendres que du chagrin et de la crainte. C'est bien une ombre d'elle-même qui écrit, ce jour, à la Louve.

Citation:

    Kachina,

    Non. Il ne se réveille pas. Y a rien à faire. On a tout essayé, je pense. Il dort. Comme si il s'était pas déjà assez reposé chez les moines. Il pionce comme un mort. Peut-être il est mort et on le sait pas, on le voit pas, on veut pas se l'avouer.

    Je ne sais pas si un seul de nous pourra se relever de ça, Kachina. Vous allez dire que j'abandonne. C'est possible. Mais se battre contre du vent, contre sa peine, contre sa culpabilité, c'est épuisant et stérile.

    Je ne sais pas quoi dire à Atro. J'ai essayé, mais je supporte pas son regard. Je voudrais pouvoir échanger et lui voler cette place, sur ce foutu lit. Au lieu de ça, je suis une amie indigne, une épouse indigne. Je suis lâche. Vous auriez honte de voir comment j'agis.

    Je ne suis pas forte. Non. Je pourrais les aider. Je le fais pas. J'arrive pas à affronter la peine d'Atro. J'arrive pas à affronter les dérives de Diego. J'arrive à rien. Même les jumeaux, je m'en occupe mal alors que je suis la seule à pouvoir le faire en ce moment. La falaise est là, plus attirante que jamais. Elle est là et, pourtant, je la vois plus. Je sens seulement le souffle aspirant qui tente de m'entraîner au bas. Je sens plus l'air de liberté, le vertige.

    Si vous rencontrez le diable, envoyez-le moi, que je lui vende mon âme. Elle ne vaut rien.
    Mais si ça peut sauver Mike...

    Eliance

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Kachina
Il y a dans l'air comme un parfum de fin d'été. Odeurs de fruits murs qu'on cueille et qu'on aligne sur des caissettes en prévision des mauvais jours. Odeur de la terre qui de sèche se fait humide. Odeur des cépes qui se ramassent dans les bois. Les jours raccourcissent inexorablement.
Elle a froid ce matin, quand réfugiée dans la taverne municipale, elle prend enfin le temps de répondre à Eliance. Pour un peu, elle ferait bien une flambée dans l'âtre. Mais elle s'y refuse. Il est trop tôt. Elle veut encore croire à l'été. Le feu de l'automne viendra plus tard.

Il y a dans les mots envoyés par Eliance, tant de tristesse, que Kachi a longtemps hésité à répondre. Comment trouver les mots ? Mais Mike est tiré d'affaire, elle l'a appris par Atro. Alors, c'est le coeur plus serein qu'elle trace sur le vélin des courbes et déliés




Citation:
Eliance,

A l'heure qu'il est, vous savez comme moi, que Mike a repris conscience et que les deux tourtereaux, ont déjà du reprendre leur compte de querelles et claquages de porte. Atro est enceinte même. Alors cessez de vous inquièter pour ces deux là. Ils sont coriaces, heureux et amoureux.
Songez un peu à vous. A cet époux qu'il vous faut reconquérir, enchainer ou jeter, à votre guise. Qui sait ce qui se passe dans le coeur d'une femme ?
On peut faire de toute défaite, une victoire. Comptez pas sur le Diable. Il n'a pas voulu de mon âme, une nuit de déséspérance. Que ferait-il de la vôtre ? Il aime à se moquer, à nous faire croire qu'il peut changer les choses. Il n'est qu'un prétentieux qui n'a pas su mater la Camarde. Elle seule au final, reste reine.

J'aime pas vous savoir triste. Seule avec vos doutes au bord de cette falaise. Vous vouliez l' Italie, la vie vous a offert la Savoie. Peut-être parce que l'Italie vous aurait déçue. Allez savoir. Comme ça, vous garderez toujours en vous ce rêve. Et puis les monts de Savoie sont juste superbes. Ils sont comme une femme trop belle, ils se méritent. Les parcourir demande de l'effort, de la sueur.
Reprenez des forces, profitez en pour faire le point. Trouvez de quoi vous occuper là bas. Gardez des moutons, je sais pas.......je vous vois bien bergère, moi.
Une bergère qui, a la nuit tombée succomberait dans les bras du palefrenier. Palefrenier qui serait Diego, évidemment, n'allez pas croire que je vous pousse au vice, hein.

Bref, vivez. Et cessez de vous morfondre. C'est la faute de personne, ce qui vous est arrivé. Juste un capitaine d'armée en mal d'exercice pour ses troupes. Et vos noms qu'un prévôt, dans un excès de zèle a bêtement recopié. Histoire de pouvoir se vanter en haut lieu qu'il fait bien son boulot.

Vivez. Et revenez.

Je suis mairesse à Langres. Plus pour longtemps. Les éléctions approchent. Et avoir les clés d'une ville vous enchaine bien trop à elle. Ceux du château ont fait des annonces fracassantes, comme quoi, ils ne me reconnaissaient pas mairesse. Mais pas un ne bouge son cul pour me déloger de là. Ils attendent patiemment. L'envie me titille de lever l'impôt avec des sommes dérisoires. Mais ce serait pénaliser Langres. Langres que j'apprends chaque jour à aimer.

Eliance.............il ne revient pas du monastère. Je l'attends. Il a promis. J'essaie en attendant d'apprivoiser cette mioche tombée du ciel . Où des enfers, tant elle est comme une écorchée vive.
Il me manque. Vous me manquez. Atro me manque. Et tant d'autres, encore.

Tenez bon. Les filles à falaise, c'est comme les filles qu'ont une grotte. Elles lachent jamais.

Je vous embrasse.
Il me manque....

Kachi

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Eliance

La saison des départs.
Eliance aime partir. Fuir, par facilité, mais aussi s'en aller pour mieux revenir, comme elle fait avec son frère. Elle aime sentir le manque et le bonheur des retrouvailles. Mais ces jours-ci lui font réaliser qu'elle aime partir et non voir les autres le faire.

Diego, d'abord, qui a choisi de faire sa vie loin d'elle. Le choix... Ce concept si douloureux à déterminer qui a pourtant un côté salvateur. Elle serait morte du non-choix de son Italien. Le savoir avec la Tarte est douloureux. Se dire qu'il sera heureux avec elle semble apaiser un peu la chose.

Kachina ensuite. Un départ surprenant pour la Meringue qui avait fondé ses derniers espoirs sur le caln, pour lui occuper l'esprit. Un fourmillement d'amis en puissance où il faut œuvrer jour et nuit pour garder tout le monde en accord aurait été une opportunité. Être utile à tout prix. Mais voilà, le clan a besoin de repos. Le départ du Jok' et de sa famille a sonné l'hallali de cette seconde solution envisagée.

Tant pis. Elle survivra, même sans eux. Elle l'a promis. Mal, mais elle survivra.
Kachi lui a promis d'écrire et elle a écrit. Rapidement. Sans doute parce que les adieux étaient nuls.


Citation:

    Ma Belle Abimée,

    Je sais que vous n'aimez pas que je vous appelle comme ça. Mais vous l'êtes tellement, abimée. Et puis je ne serai pas là, pour voir s'afficher cette moue sur votre visage quand vous lirez ces mots.

    Je suis partie Eliance. Comme annoncé. Parce que rester, c'était s'enfoncer encore et encore dans d'éternelles discussions où chacun gardait ses rancoeurs. Parce que j'étouffais de ça. Et qu'il l'a vu.
    Il souffre. Son clan est tout pour lui. Il dit que je compte avant tout. Mais je le sais si déçu de tout ça.

    Et moi ? Moi, il y a déjà longtemps que je lisais les signes. Depuis que Mike a parlé de restes, je crois, j'avais compris. Que nous n'étions tous que des compagnons de route, et souvent de galère. Pas de vrais amis.

    Que sera demain ? J'en sais rien. Je ne veux pas y penser. Nous sommes à Chambéry. Et le froid arrive, je le sens à ces oiseaux qui se regroupent et partent chercher des cieux plus doux.
    Savez vous qu'une amie un peu folle me surnommait Corbeau ? Je suis peut-être un de ces oiseaux qui sait ?

    Mais je ne parle que de moi. Je vais bien, d'accord ? A ma place, à ses côtés, quoiqu'il advienne.
    Ne vous faites pas de souci pour moi. Allez juste bruler un cierge pour que les chemins nous soient cléments. Je crois à ces trucs là. Mais le dites pas trop fort.

    Je ne sais pas quoi penser de la discussion d'hier. Diego et vous. Peut-être que les autres ont raison, après tout. Qu'il vous faut apprendre à être sans lui. Ils ont tord , par contre, quand ils le voient moche.

    Vivez. Oubliez cette foutue falaise. Une falaise n'a de beau que la ligne d'horizon qu'elle offre à nos regards. S'il faut l'oublier, allez au bout de la souffrance, laissez vous couler mais par pitié , n'oubliez pas de donner un bon coup de pied pour remonter . Et respirer à plein poumons. Découvrir que vous êtes encore vivante, malgré tout. Et s'il faut le vivre...vivez tout.
    Je vous le redis. On ne meurt pas d'aimer. On meurt de ne plus aimer.

    Vivez, foutre Dieu. Prenez tout.
    Et écrivez. Dites moi que vous allez mieux.

    Tendresses

    Kachi


Citation:

    Kachi,

    Je crois que vous serez toujours la seule et l'unique autorisée (plus ou moins) à m'appeler comme ça. Parce que dans votre bouche, la chose prend un autre sens.

    Je sais que vous êtes partie. Ça tombait sous le sens.

    Je regrette votre départ. J'aurais voulu vous dire autre chose que la triste vérité dont je vous ai fait part dans mes derniers propos. Cette vérité n'est sans doute pas universelle. Voyez, aujourd'hui, j'ai changé d'avis. J'ai changé d'avis et je m'en vais, après cette lettre, écrire à votre prochainement barbu. Je ne dévoilerais pas ici le contenu du message. Vous n'aurez qu'à lui en parler. Je vous laisse la surprise, en souhaitant qu'elle vous soit agréable.

    Votre arrivée à Annecy n'aura pas eu l'effet escompté et je crois qu'on est tous responsables, moi la première avec mes tourments impossibles. Disons que chacun était dans le creux de la vague et qu'un temps d'éloignement ne sera finalement peut-être pas une mauvaise idée. J'ai parlé avec Max, aussi avec Ric. Les braises se rallumeront, Kachi. Ce qui a mis le feu aux poudres n'est que broutille et l'amitié dont vous m'avez parlé est plus forte que ces broutilles, vous verrez.

    Vous avez dit être une amie nulle et ne plus en avoir vous-même, à cause de vos conseils. J'estime que vous pouvez être une excellente amie tout en ayant de foutus conseils à la con. C'est ce que vous êtes pour moi. Sileo dit que vous êtes une grande sœur. Il y a de ça, oui, sans doute. Vous êtes une amie depuis le jour où, à Dôle, vous avez cru que mon mari me battait et que vous avez tout fait pour m'aider. Personne n'est parfait et vos conseils, même s'ils semblent pourris, démontrent bien l'intérêt et l'inquiétude que vous me portez. Ça me suffit, Kachina.

    Nous reparlons, encore et encore, avec Diego. C'est étrange, mais je sais, je sens que ça ira. Ces discussions calmes me font un bien fou. C'est seulement quand la nuit tombe que les choses dérapent. De là à vous écrire que je vais bien, je ne le ferais pas. Je ne vous mentirais. Je vais. Je vis.

    Vous, vous irez bien aussi, Kachi. Mais en attendant, parlez-moi de ce qui vous trouble. C'est pas ça, une amie, après tout ? J'ai été une bien piètre, ces derniers temps. Laissez-moi une chance de me rattraper. Racontez-moi.

    Soyez prudents sur les routes.

    Profitez de votre famille. Profitez du grand air. Profitez des chevauchées.

    Et revenez-nous vite.

    Eliance


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Kachina
Uzès. Elle y est passée souvent. Elle l'appelle la ville du gitan, en souvenir du temps d'avant. Cette ville a le parfum du sud avec ses vignes , ses oliviers et ses garrigues. Et puis, elle est comme Saint Bertrand, fièrement perchée.
Ils y font halte. La Louve a, la veille, crié grâce. Voyager avec pour seuls compagnons des hommes durs et aguerris qui se foutent comme de leurs premières braies d'un baquet d'eau chaude , n'est pas de tout repos. Aucun de ceux là, ne ménagent leurs montures et quand vient le soir, au coin du feu, elle se languit de bavardages féminins. Ce qui lui fait penser à celles qu'elle a laissées au loin.

Alors , c'est devant un bon feu, dans une auberge locale, après avoir repoussé l'écuelle vide, qu'elle trempe sa plume dans l'encre, pour qu' Eliance ait une réponse :


Citation:
Eliance,

Ce n'est pas à cause de mes conseils qu'il me reste aujourd'hui si peu d'amis. C'est à cause de mes choix. Qui ne leur convenaient pas.
Certains que j'ai laissés en route me manquent encore. D'autres non.

Je suis à Uzès. Et c'est un pur bonheur d'entendre à nouveau cet accent que j'aime. Je connais la ville, j'y ai un jour pris un bâteau pour mettre à l'abri un riche bourgeois que nous escortions. Un voyage joyeux et fou.

Je ne vous parlerai pas de Diego. Je connais les nuits à se tourner, retourner sur une couche bien trop grande , bien trop froide. Je sais la douleur et le vide.
Vous me direz vous même si vous allez mieux. Si la vie est sans lui ou avec lui.

Je ne vous parlerai pas non plus du clan. Sachez juste que mener un clan, est ingrat et difficile. Et que marcher au côté de celui qui mène, trouver sa place sans trop en prendre, ne pas s'effacer cependant, c'est un peu comme marcher sur un fil. Voyez ?

Je vous dirai simplement qu'à nouveau l'espoir m' habite. Que les hommes qui nous accompagnent piaffent comme des chevaux fous à mesure qu'on descend plus au sud. Que d'autres parlent de nous rejoindre.
On est tous de quelque part, Belle Abimée. Je suis du sud.
Notre fils à Boulvay et moi connaîtra le bleu de ce ciel, comparable à aucun autre. La lumière ici est plus vive et la vie a une autre saveur.

Luzia.....J'aurais aimé l'avoir à nos côtés. Merci d'avoir aidé. J'ai reconnu votre écriture sur cette missive dans laquelle elle donne de brèves nouvelles. Je veux que le Père et la Fille se connaissent, Eliance.
Et ce que la Louve veut...Dieu le veut. Ouais.

Ce qui me trouble ? Plus rien en fait aujourd'hui. Je me suis trop longtemps mentie à moi-même, j'ai trop longtemps fait comme si tout allait bien. Comme si nous étions tous vraiment cette bande d'amis que rien n'aurait pu séparer. Chacun prend de l'autre ce qu'il a à prendre, et donne ce qu'il peut. Puis, un jour la vie balaie tout ça, c'est tout.

Je prends tout de Boulvay. Je lui donne tout ce qu'il voudra prendre. Enfin, sauf mon étalon et la moitié de la couverture qui me revient dans notre couche. Faut pas pousser, hein.
Je plaisante, mais croyez moi, c'est foutrement bon. J'ai croisé en taverne après-midi un homme aigri qui ne peut pas , quand il me rencontre au hasard d'un voyage, boire une chope avec moi sans cracher son venin. Et quand à sa question : "T'es toujours avec lui ? ", j'ai simplement répondu : "Toujours" , croyez moi ce mot prenait tout son sens.

Vous me manquez . Déjà. Vous et Atro. Prenez soin de vous.
Vous vous sentez seule et vide et moche. Vous n'avez surement jamais été aussi belle et forte. Vous l'apprendrez plus tard.

Kachi

PS/ J'aime à savoir que vous serez des nôtres.

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Eliance
Des jours sans répondre. Mais pas des jours inutiles.
Les efforts ménudiériens ont été concentrés sur le prochain départ et plus précisément sur la stabilisation utopique d'un état d'esprit serein.
Une nouvelle fois, l'épreuve est un échec. Alors elle reprend la plume, avec ses angoisses qui refoulent à dix lieues. Tant pis. Kachina saura.

C'est dans une chambre vidée qu'Eliance prend la plume. Son baluchon prêt trône à côté d'elle, la narguant sans cesse, lui rappelant ceux qu'elle ne prendra pas dans ses bagages. Elle a le visage bouffi des mauvais jours, les yeux rougis de fatigue, les traits tirés, les pommettes plus saillantes, la peau plus pâle encore.
Mais ça ira. C'est ce que la Teigne et l'Aveugle lui rabâchent sans cesse. Elle tente d'y croire, enroulée dans sa cape, le crayon à la main.


Citation:


    Kachi,

    Pardonnez-moi ce long silence. Je voulais vous écrire joyeuse de notre départ. J'y ai travaillé. J'ai échoué. Et je finis par prendre la plume sans essayer de changer ce que je ressens ce jour.

    Si vous saviez comme c'est dur. J'aurais pas cru. Plus l'heure du départ approche et plus c'est douloureux. J'arrive pas à trouver l'enthousiasme de partir vers vous, vers de nouveaux villages, de nouveaux paysages. Je me vois simplement m'éloigner de lui et ça fait un mal de chien. J'ai l'impression de l'abandonner, Kachina, en partant en premier. J'aurais préféré le savoir loin déjà quand on aurait pris les chemins à notre tour. Ça aurait été plus simple. Ou non. Peut-être je me fais des idées fausses. J'espère que les chemins sauront me bercer. J'espère qu'ils me rendront ce que j'ai perdu.

    Kachina, j'ai échoué sur autre chose aussi. J'ai pas su garder Luzia avec nous. J'ai essayé, mais elle m'a pas laissé le temps. J'espère juste qu'elle s'égarera pas trop longtemps seule. Comme vous, je l'aime bien cette gamine. Les autres comprennent pas, ça, mais je vois en elle autre chose qu'une sauvageonne, même si je ne saurais décrire ce que j'y perçois à la place. Elle a dit que si elle vous rejoignait, ce serait pour vous. Pas pour son père. J'aurais au moins réussi à ça, lui montrer que vous tenez à elle. Je sais que vous vous chargerez parfaitement de la partie père-fille si elle parvient jusqu'à vous. En attendant, elle avait une lettre de vous que j'ai pas eu le temps de lui lire. J'espère qu'elle aura su trouver quelqu'un d'autre sur les chemins, pour vous répondre.

    Atro va bien, enfin, elle va mieux je crois. Je suis consciente d'être un poids pour elle. Pour Sileo aussi. Ils s'occupent de moi, s'inquiètent, s'acharnent à tenter de me rendre la vie plus douce. C'est ça que des amis, non ? J'en ai de merveilleux et me rends compte de ma chance. Je vous ai, vous aussi, Kachi, et j'en suis fière. J'essaie d'écouter les conseils, de croire les bonnes paroles qui disent qu'un jour, tout sera beau à nouveau. Mais vous savez, je suis fatiguée de voir du sombre partout. Je suis fatiguée de tenter de le repousser en vain.

    Je serais des vôtres, oui. C'est peut-être la seule chose qui semble un commencement et non une fin dans ma vie. Je dois apprendre à me battre, comme il me l'a demandé. On fera ça en chemin je crois. Mais dites-lui bien que je vais avoir du mal, que je suis pas douée pour ça, si tenté que je sois douée pour quelque chose.

    Ma lettre est sombre, moche. Pardonnez-moi. Je voulais vous en faire une jolie, mais je n'arrive pas à vous mentir. Je me sens trop belle, trop vide, mais bien entourée. Et vous me manquez.

    Merci pour vos lettres. Elles sont précieuses.

    Eliance

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