Daeneryss
Le passé.
Il y a des moments qui restent à jamais gravés dans la mémoire des gens comme les premières fois. Mais il y a aussi tout le reste : les sentiments et les gens qui constituent votre vie à un moment ou un autre. Une succession d'épisodes, certains plus longs que d'autres, se greffent et s'enclenchent comme un puzzle dans la vie, pour nous offrir des souvenirs plus ou moins vivaces. Des connaissances par ci, une guerre par là, de l'amour entre deux passages pourquoi pas, et une déferlante d'évènements tous plus anodins les uns que les autres... C'est ce qu'on appelle : La Vie.
Et la mienne n'est en rien différente...
Assise sur le rocher qui surplombe la rivière de notre camps, je n'arrive pas à faire abstraction à tout ce qui constitue ma vie actuelle. Tant de surprises, d'hésitations, de maladresses et de blessures, de rêves et de tromperies, de promesses... Les jours s'écoulent, et chaque lever de soleil semble être une gifle reçue en plein visage. Une douloureuse, lorsque je perçois ce reflet que je connais tant, que j'ai longuement admiré pour une candeur que beaucoup enviaient, qui n'est plus aujourd'hui. Un voile noir s'est installé sur mon innocence, des eaux troubles me trimballent dans la mer d'un mensonge qui n'a de cesse de se poursuivre. Comme une pierre, venant perturber le miroir aquatique, me laisse honteuse de ce que je vois.
Moi. Honte à moi.
Moi, l'Infidèle.
Moi, l'Amoureuse.
Un amour sans fin, ou plutôt deux... Pas de restriction, pas de retenue, jusque le coeur qui s'emballe à en manquer quelques battements. Certains pensent qu'il y en a un de trop, d'autres qu'il ne devrait plus y en avoir. La raison et le tort ne sont que la perception de chacun à mêler passé, présent et futur ; les dissocier pour mieux les unir de manière tout à fait raisonnable.
Nous nommons "passé" ce qui nous a marqué assez fortement pour laisser en nous une trace indélébile, comme un fer rouge à même la peau. Alors pourquoi le passé devrait-il conserver ce rang et n'être que ce qu'il est ? Pourquoi ne pas faire de notre passé, un présent bel et bien vivant, au point de ramener dans notre quotidien ceux qui ont construit ce que nous sommes ? Pas de logique à cela, mais rien d'illogique non plus. Le passé est passé, certes, mais ne sera jamais effacé. Que cela plaise, ou non.
Il y avait eu Diego, et il y aurait Diego. Mais le passé, présent et avenir, n'était pas composé que des sonorités italiennes. Il y avait eu aussi " La Ménudière ". Qu'était devenue cette fille avec laquelle je m'entendais tant ? Celle avec qui les heures de guerres semblaient s'évader par delà les remparts du couvent dans lequel nous nous étions toutes deux réfugiées, celle avec qui j'avais partagé bien des récits malgré le français incertain qui dictait ma verve, celle pour qui j'avais écouté l'histoire un peu semblable et pourtant bien différente de la mienne.
Comme le passé est agréable à se souvenir...! Comme cette sensation de compréhension soudaine est salvatrice à ressentir, alors que le monde semble s'abattre sur les épaules de l'épouse infidèle que je suis. De tout temps, les conseils que nous nous étions prodigués avaient porté leur fruit. Toujours, nous nous étions soutenues même lorsqu'on pensait que ça ne servirait à rien d'espérer que le calme revienne. Ce qui était valable hier ne saurait qu'être valable demain.
A ces renouements, un obstacle. Son nom.
Jamais nous ne nous étions appelées par nos noms, usant de sobriquets amusants avec les soeurs qui veillaient sur nous. Jamais nous n'en avions ressenti le besoin... Jusqu'à aujourd'hui. Un besoin de vider ce trop plein de souffrances, un besoin de renouer avec un passé qui ne traumatiserait pas le présent et l'époux aimé malgré mes faiblesses. Une nécessité que de savoir si La Ménudière était encore. Si elle n'avait pas oublié, elle non plus, ce passé qui nous liait.
L'espoir mince ne m'échappe pas.
La conviction que quelque part, il faut que je tente ma chance. Et à cela, il n'y avait pas des masses de solutions. La besace abandonnée un peu plus tôt est attrapée et ma main plonge déjà à l'intérieur pour en chercher parchemin et fusain. Un effleurement sur le peu de lettres du Corellio qu'il me reste, alors que mon regard évalue le morceau de fusain. Bientôt, je n'en aurais plus... Bientôt, il faudrait que je me démène à m'en procurer, si je ne voulais pas sombrer dans ce besoin de correspondance pour me sentir entière.
Désormais assise en tailleur, les mots se tracent. Simplement.
Il y a des moments qui restent à jamais gravés dans la mémoire des gens comme les premières fois. Mais il y a aussi tout le reste : les sentiments et les gens qui constituent votre vie à un moment ou un autre. Une succession d'épisodes, certains plus longs que d'autres, se greffent et s'enclenchent comme un puzzle dans la vie, pour nous offrir des souvenirs plus ou moins vivaces. Des connaissances par ci, une guerre par là, de l'amour entre deux passages pourquoi pas, et une déferlante d'évènements tous plus anodins les uns que les autres... C'est ce qu'on appelle : La Vie.
Et la mienne n'est en rien différente...
Assise sur le rocher qui surplombe la rivière de notre camps, je n'arrive pas à faire abstraction à tout ce qui constitue ma vie actuelle. Tant de surprises, d'hésitations, de maladresses et de blessures, de rêves et de tromperies, de promesses... Les jours s'écoulent, et chaque lever de soleil semble être une gifle reçue en plein visage. Une douloureuse, lorsque je perçois ce reflet que je connais tant, que j'ai longuement admiré pour une candeur que beaucoup enviaient, qui n'est plus aujourd'hui. Un voile noir s'est installé sur mon innocence, des eaux troubles me trimballent dans la mer d'un mensonge qui n'a de cesse de se poursuivre. Comme une pierre, venant perturber le miroir aquatique, me laisse honteuse de ce que je vois.
Moi. Honte à moi.
Moi, l'Infidèle.
Moi, l'Amoureuse.
Un amour sans fin, ou plutôt deux... Pas de restriction, pas de retenue, jusque le coeur qui s'emballe à en manquer quelques battements. Certains pensent qu'il y en a un de trop, d'autres qu'il ne devrait plus y en avoir. La raison et le tort ne sont que la perception de chacun à mêler passé, présent et futur ; les dissocier pour mieux les unir de manière tout à fait raisonnable.
Nous nommons "passé" ce qui nous a marqué assez fortement pour laisser en nous une trace indélébile, comme un fer rouge à même la peau. Alors pourquoi le passé devrait-il conserver ce rang et n'être que ce qu'il est ? Pourquoi ne pas faire de notre passé, un présent bel et bien vivant, au point de ramener dans notre quotidien ceux qui ont construit ce que nous sommes ? Pas de logique à cela, mais rien d'illogique non plus. Le passé est passé, certes, mais ne sera jamais effacé. Que cela plaise, ou non.
Il y avait eu Diego, et il y aurait Diego. Mais le passé, présent et avenir, n'était pas composé que des sonorités italiennes. Il y avait eu aussi " La Ménudière ". Qu'était devenue cette fille avec laquelle je m'entendais tant ? Celle avec qui les heures de guerres semblaient s'évader par delà les remparts du couvent dans lequel nous nous étions toutes deux réfugiées, celle avec qui j'avais partagé bien des récits malgré le français incertain qui dictait ma verve, celle pour qui j'avais écouté l'histoire un peu semblable et pourtant bien différente de la mienne.
Comme le passé est agréable à se souvenir...! Comme cette sensation de compréhension soudaine est salvatrice à ressentir, alors que le monde semble s'abattre sur les épaules de l'épouse infidèle que je suis. De tout temps, les conseils que nous nous étions prodigués avaient porté leur fruit. Toujours, nous nous étions soutenues même lorsqu'on pensait que ça ne servirait à rien d'espérer que le calme revienne. Ce qui était valable hier ne saurait qu'être valable demain.
A ces renouements, un obstacle. Son nom.
Jamais nous ne nous étions appelées par nos noms, usant de sobriquets amusants avec les soeurs qui veillaient sur nous. Jamais nous n'en avions ressenti le besoin... Jusqu'à aujourd'hui. Un besoin de vider ce trop plein de souffrances, un besoin de renouer avec un passé qui ne traumatiserait pas le présent et l'époux aimé malgré mes faiblesses. Une nécessité que de savoir si La Ménudière était encore. Si elle n'avait pas oublié, elle non plus, ce passé qui nous liait.
L'espoir mince ne m'échappe pas.
La conviction que quelque part, il faut que je tente ma chance. Et à cela, il n'y avait pas des masses de solutions. La besace abandonnée un peu plus tôt est attrapée et ma main plonge déjà à l'intérieur pour en chercher parchemin et fusain. Un effleurement sur le peu de lettres du Corellio qu'il me reste, alors que mon regard évalue le morceau de fusain. Bientôt, je n'en aurais plus... Bientôt, il faudrait que je me démène à m'en procurer, si je ne voulais pas sombrer dans ce besoin de correspondance pour me sentir entière.
Désormais assise en tailleur, les mots se tracent. Simplement.
Citation:
- Saumur, le 11 septembre de l'an 1462.
A Vous, Soeur Félicie, Dirigeante du Couvent des Carmes.
De Daeneryss Corleone, dicte La Colombe.
- Ma Mère, mes respects.
Tout d'abord, pardonnez ce dérangement. Je me doute qu'une femme telle que vous n'a pas de temps à consacrer à quelques banalités, votre couvent devant vous prendre votre précieux temps, mais je vous serai reconnaissante si, une fois encore, vous acceptiez de m'aider.
Vous souvenez vous, ma Mère, de qui je suis ?
Si aujourd'hui le patronyme de Corleone m'est attribué, c'est bel est bien que je suis épousée à l'un d'eux. J'espère cependant que votre bonté d'âme ne jugera pas le nom, mais bien la personne.
Je fus celle que vous appeliez "Colombe" durant la guerre qui opposait les terres royalistes au Ponant, en 1459. Une chevelure rousse, une mèche blanche, un caractère réservé et surtout, surtout, toujours en compagnie d'une autre rousse, plus claire. Celle qu'on nommait " Ménudière". Elle est la raison de mon écrit...
J'aimerais, si vous le voulez bien, reprendre contact avec elle. Cependant, comme vous devez certainement vous en souvenir, jamais nous ne nous étions échangées nos noms respectifs, respectant ainsi l'intimité de l'autre, malgré nos nombreux aveux l'une pour l'autre.
Afin de vous prouver de ma bonne foi, je ne demande pas de le connaître aujourd'hui. Je me contenterai de ne jamais le connaître si, la sainte femme que vous êtes accepte de bien vouloir faire suivre le pli joint. Lisez le, si vous le souhaitez. Ainsi vous pourrez vous assurer des propos non belliqueux que le nom que je porte pourrait éveiller.
Par avance, merci.
Que le ciel vous protège, Vous et toutes les soeurs.
Daeneryss.
La Colombe.
Et rapidement senchaînent les mots destinés à l'amie du passé...
Citation:
- Saumur, le 11 septembre de l'an 1462
A toi, la Ménudière.
De la Colombe.
- Salut.
Un mot bien simple, je le sais. Le premier mot que nous nous sommes échangées si tu te te souviens bien. Je m'octroie le droit du tutoiement de par la complicité de notre passé commun, mais si cela te déplaît j'adapterai mes prochains écrits. S'il y en a d'autres...
Les convenances veulent que je te demande de tes nouvelles, savoir ce que tu deviens. Mais à l'heure actuelle, ma préoccupation première est de savoir si tu es en vie. Savoir si ce courrier te trouvera sans encombre et entière.
Voilà un moment que je n'ai pas prié. Trop longtemps sûrement pour que le ciel m'accorde ses faveurs, mais j'espère qu'il entend mes suppliques lorsque je lui souffle de faire parvenir cet oiseau jusqu'à toi.
Nul besoin de m'étaler davantage. J'attends simplement le retour de ces mots.
Prends soin de toi.
Que le ciel te protège.
La Colombe.
Le point final se trace, les vélins sont roulés sur eux-mêmes. Un dernier détail vient encore s'ajouter à mon flot de tourments : trouver un oiseau. Avec la jeune Corleone qui s'est mise en tête d'attraper tous les volatiles des environs, je savais par avance que ma tache ne serait pas aisée... Chaque courrier est un combat. Même ceux là...
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