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[RP] Chassé croisé de fruits et d'anis, du baume au cœur

Daeneryss
Le passé.
Il y a des moments qui restent à jamais gravés dans la mémoire des gens comme les premières fois. Mais il y a aussi tout le reste : les sentiments et les gens qui constituent votre vie à un moment ou un autre. Une succession d'épisodes, certains plus longs que d'autres, se greffent et s'enclenchent comme un puzzle dans la vie, pour nous offrir des souvenirs plus ou moins vivaces. Des connaissances par ci, une guerre par là, de l'amour entre deux passages pourquoi pas, et une déferlante d'évènements tous plus anodins les uns que les autres... C'est ce qu'on appelle : La Vie.
Et la mienne n'est en rien différente...

Assise sur le rocher qui surplombe la rivière de notre camps, je n'arrive pas à faire abstraction à tout ce qui constitue ma vie actuelle. Tant de surprises, d'hésitations, de maladresses et de blessures, de rêves et de tromperies, de promesses... Les jours s'écoulent, et chaque lever de soleil semble être une gifle reçue en plein visage. Une douloureuse, lorsque je perçois ce reflet que je connais tant, que j'ai longuement admiré pour une candeur que beaucoup enviaient, qui n'est plus aujourd'hui. Un voile noir s'est installé sur mon innocence, des eaux troubles me trimballent dans la mer d'un mensonge qui n'a de cesse de se poursuivre. Comme une pierre, venant perturber le miroir aquatique, me laisse honteuse de ce que je vois.
Moi. Honte à moi.
Moi, l'Infidèle.
Moi, l'Amoureuse.
Un amour sans fin, ou plutôt deux... Pas de restriction, pas de retenue, jusque le coeur qui s'emballe à en manquer quelques battements. Certains pensent qu'il y en a un de trop, d'autres qu'il ne devrait plus y en avoir. La raison et le tort ne sont que la perception de chacun à mêler passé, présent et futur ; les dissocier pour mieux les unir de manière tout à fait raisonnable.
Nous nommons "passé" ce qui nous a marqué assez fortement pour laisser en nous une trace indélébile, comme un fer rouge à même la peau. Alors pourquoi le passé devrait-il conserver ce rang et n'être que ce qu'il est ? Pourquoi ne pas faire de notre passé, un présent bel et bien vivant, au point de ramener dans notre quotidien ceux qui ont construit ce que nous sommes ? Pas de logique à cela, mais rien d'illogique non plus. Le passé est passé, certes, mais ne sera jamais effacé. Que cela plaise, ou non.

Il y avait eu Diego, et il y aurait Diego. Mais le passé, présent et avenir, n'était pas composé que des sonorités italiennes. Il y avait eu aussi " La Ménudière ". Qu'était devenue cette fille avec laquelle je m'entendais tant ? Celle avec qui les heures de guerres semblaient s'évader par delà les remparts du couvent dans lequel nous nous étions toutes deux réfugiées, celle avec qui j'avais partagé bien des récits malgré le français incertain qui dictait ma verve, celle pour qui j'avais écouté l'histoire un peu semblable et pourtant bien différente de la mienne.
Comme le passé est agréable à se souvenir...! Comme cette sensation de compréhension soudaine est salvatrice à ressentir, alors que le monde semble s'abattre sur les épaules de l'épouse infidèle que je suis. De tout temps, les conseils que nous nous étions prodigués avaient porté leur fruit. Toujours, nous nous étions soutenues même lorsqu'on pensait que ça ne servirait à rien d'espérer que le calme revienne. Ce qui était valable hier ne saurait qu'être valable demain.

A ces renouements, un obstacle. Son nom.
Jamais nous ne nous étions appelées par nos noms, usant de sobriquets amusants avec les soeurs qui veillaient sur nous. Jamais nous n'en avions ressenti le besoin... Jusqu'à aujourd'hui. Un besoin de vider ce trop plein de souffrances, un besoin de renouer avec un passé qui ne traumatiserait pas le présent et l'époux aimé malgré mes faiblesses. Une nécessité que de savoir si La Ménudière était encore. Si elle n'avait pas oublié, elle non plus, ce passé qui nous liait.
L'espoir mince ne m'échappe pas.
La conviction que quelque part, il faut que je tente ma chance. Et à cela, il n'y avait pas des masses de solutions. La besace abandonnée un peu plus tôt est attrapée et ma main plonge déjà à l'intérieur pour en chercher parchemin et fusain. Un effleurement sur le peu de lettres du Corellio qu'il me reste, alors que mon regard évalue le morceau de fusain. Bientôt, je n'en aurais plus... Bientôt, il faudrait que je me démène à m'en procurer, si je ne voulais pas sombrer dans ce besoin de correspondance pour me sentir entière.

Désormais assise en tailleur, les mots se tracent. Simplement.


Citation:
    Saumur, le 11 septembre de l'an 1462.

    A Vous, Soeur Félicie, Dirigeante du Couvent des Carmes.
    De Daeneryss Corleone, dicte La Colombe.


      Ma Mère, mes respects.


      Tout d'abord, pardonnez ce dérangement. Je me doute qu'une femme telle que vous n'a pas de temps à consacrer à quelques banalités, votre couvent devant vous prendre votre précieux temps, mais je vous serai reconnaissante si, une fois encore, vous acceptiez de m'aider.

      Vous souvenez vous, ma Mère, de qui je suis ?
      Si aujourd'hui le patronyme de Corleone m'est attribué, c'est bel est bien que je suis épousée à l'un d'eux. J'espère cependant que votre bonté d'âme ne jugera pas le nom, mais bien la personne.
      Je fus celle que vous appeliez "Colombe" durant la guerre qui opposait les terres royalistes au Ponant, en 1459. Une chevelure rousse, une mèche blanche, un caractère réservé et surtout, surtout, toujours en compagnie d'une autre rousse, plus claire. Celle qu'on nommait " Ménudière". Elle est la raison de mon écrit...

      J'aimerais, si vous le voulez bien, reprendre contact avec elle. Cependant, comme vous devez certainement vous en souvenir, jamais nous ne nous étions échangées nos noms respectifs, respectant ainsi l'intimité de l'autre, malgré nos nombreux aveux l'une pour l'autre.
      Afin de vous prouver de ma bonne foi, je ne demande pas de le connaître aujourd'hui. Je me contenterai de ne jamais le connaître si, la sainte femme que vous êtes accepte de bien vouloir faire suivre le pli joint. Lisez le, si vous le souhaitez. Ainsi vous pourrez vous assurer des propos non belliqueux que le nom que je porte pourrait éveiller.

      Par avance, merci.
      Que le ciel vous protège, Vous et toutes les soeurs.


    Daeneryss.
    La Colombe.


Et rapidement s’enchaînent les mots destinés à l'amie du passé...


Citation:
    Saumur, le 11 septembre de l'an 1462

    A toi, la Ménudière.
    De la Colombe.


      Salut.


      Un mot bien simple, je le sais. Le premier mot que nous nous sommes échangées si tu te te souviens bien. Je m'octroie le droit du tutoiement de par la complicité de notre passé commun, mais si cela te déplaît j'adapterai mes prochains écrits. S'il y en a d'autres...

      Les convenances veulent que je te demande de tes nouvelles, savoir ce que tu deviens. Mais à l'heure actuelle, ma préoccupation première est de savoir si tu es en vie. Savoir si ce courrier te trouvera sans encombre et entière.
      Voilà un moment que je n'ai pas prié. Trop longtemps sûrement pour que le ciel m'accorde ses faveurs, mais j'espère qu'il entend mes suppliques lorsque je lui souffle de faire parvenir cet oiseau jusqu'à toi.

      Nul besoin de m'étaler davantage. J'attends simplement le retour de ces mots.

      Prends soin de toi.
      Que le ciel te protège.


    La Colombe.


Le point final se trace, les vélins sont roulés sur eux-mêmes. Un dernier détail vient encore s'ajouter à mon flot de tourments : trouver un oiseau. Avec la jeune Corleone qui s'est mise en tête d'attraper tous les volatiles des environs, je savais par avance que ma tache ne serait pas aisée... Chaque courrier est un combat. Même ceux là...
_________________
Eliance
Le présent.
Sombre, joyeux, surprenant, il laisse des éclats dans son sillage, augure des soirs, des aventures particulières, tout en demeurant imprévisible. Tellement imprévisible. On l'aime, on le déteste, on lui préfère tantôt le passé enjôleur ou l'avenir bien plus prometteur, mais toujours on se retrouve à l'affronter, jour après jour, inlassablement. Il accroche aux semelles comme la plus collante des boues. Il arrive qu'il nous fasse nous casser la binette ou bien qu'il nous fixe au sol de manière plus solide. On se demande souvent ce que sera le futur, si on retrouvera un peu d'antan, mais on ne songe jamais au présent. Il est bien trop fantomatique. Lui ne fait pas rêver. Il est là, et c'est tout.

La Ménudière n'a pas reçu la lettre de Colombe. Sœur Félicie a succombé aux fortes gelées incessantes, derrière les murs froids du couvent, emportée par une méchante toux et quelque mal mystérieux dont seul son Seigneur a le secret. La félicité aura tardé à la ramener près de son adorateur et la nouvellement mère supérieur a dû reprendre le flambeau, se faire sa place parmi les nonnes en deuil. En prenant possession de la cellule un peu plus vaste que les autres, elle y a trouvé un tas de missives non traitées. Jeune, dynamique et volontaire, la nouvelle mère supérieure a lu rapidement les lettres, a répondu à celles qui lui semblaient importantes, a attisé le feu avec les autres. Celle de Colombe était de celles-là. Les mots des retrouvailles souhaitées ont fini en flamme, puis en cendres, pour finir quelques mois plus tard dans le potager avec pour seule mission d'éloigner les limaces et escargots des salades qui feront la pitance des nonnes et une monnaie d'échange au marché du village.

Pas de lettre, certes, mais Colombe n'est jamais réellement sortie de la tête de la Ménudière depuis cet hiver 1459 où les deux rousses se sont liées pour échapper à la guerre. Dans son présent, elle songe souvent à cette amie furtive, se souvenant de leur quotidien entre ces murs et les rires qui y ont résonnés. C'est bien elle, Colombe, qui a appris à rire à une Ménudière fraîchement enfuie de la maisonnée Pardieu de son époux à moitié calciné. Elle lui a montré la légèreté de la vie, les blagues, l'espièglerie, les sourires, en un mot la joie d'une vie possible.

Pas de lettre, mais les retrouvailles ont eu lieu tout de même. Inattendues, surprenantes, réjouissantes d'abord, déprimantes ensuite, pour finir colériques. Une ville a réuni les deux rouquines. Une soirée a vu se rejoindre Colombe et la Ménudière, une taverne a accueilli la gaité de leur voix, les histoires passées qui les ont chacune amenées entre les murs de cette ville. Mais à aucun moment l'une n'a demandé le nom de l'autre. Comme un accord tacite, une information inutile, le silence a été préservé sur ça pour laisser le temps aux deux femmes de se raconter leurs tourments, leurs bonheurs, leurs expériences. Les mots ont été écoutés attentivement par toutes les esgourdes, des conseils donnés, de la joie apportée. Une soirée idéale de retrouvailles comme jamais elles n'avaient osé l'imaginer.

L'incompréhension est tombée quelques jours plus tard, de la bouche de l'aveugle et nouvellement ami de la Ménudière. Quelques mots seulement qui ont remis en question toute la joie et l'apaisement apportés par Colombe. Quelques mots...
« Eliance... vous ne savez vraiment pas... ? Colombe... c'est... Elle est Daeneryss... »
Certains mots sont tranchant, sanglant. Ceux-ci sont fissurants, dévastateurs. L'amie est donc la Tarte. La Tarte. Eliance a mis plusieurs minutes à s'en remettre. À accepter la dure réalité. À l'affronter. La subir. La Tarte. Celle qui obsède les nuits du Dracou. Celle qui lui vole sa vie rêvée. Son pire cauchemar et Colombe ne font qu'un.

Alors elle l'a affronté, elle a supporté son regard. Elle a essayé de faire ses paroles aussi blessantes que possibles. Elle y est parvenu, possiblement. Mais rien ne peut égaler la souffrance qu'elle renferme. Rien ne peut se comparer au vide qui envahit l'abandon d'un mari qui préfère l'amante à l'épouse, ou du moins qui la choisit, contraint à se décider pour l'une ou l'autre.

Elle est partie. Elle a fui la falaise qui l'appelait sans cesse, mais à laquelle elle ne pouvait succomber pour cause de promesses amicales. Elle est partie, sans un regard pour l'amie. Les dernières discussions avec l'Italien se sont déroulées calmement. La Ménudière pardonne tout. Elle pardonnera ça comme le reste. Mais parler à l'amie traîtresse sans l'insulter lui a paru impossible. Elle ne l'a pas fait. Pourtant, elle a des choses à lui dire. Tant de choses.

Les remparts du premier village franchis, la Ménudière a ressenti le besoin de lui parler, de lui dire les choses, à cette amie si controversée, à présent que plusieurs lieues les séparent.


Citation:


    Colombe,

    Je suis partie. Tu dois le savoir. Tu dois aussi connaître le choix de Diego, qui, de toute manière, t'avais sans doute déjà choisie depuis longtemps.

    Je l'aime. Tellement. Comme tu aimes ton mari. Plus sans doute. Je l'aime davantage. Je l'aime parce qu'il m'a fait vivre. Il m'a appris à vivre, à aimer les mains des hommes. Je n'aime pas n'importe quelles mains, tu sais. Les siennes seulement. J'en connaitrais jamais d'autres. C'est ainsi. Je suis pas une de celles qui vivent plusieurs fois.

    Pardonne les mots qui ont pu te blesser. Les mots qui t'ont frappée de plein fouet. Je te sais innocente dans cette histoire, même si tu es la cause de tout.
    Pardonne-moi simplement tout ce que j'ai pu te dire, Colombe.
    Pardonne-moi ma folie.

    Tu le rendras heureux. Tu as cette fougue qui ne m'a jamais habitée.
    Prends soin de lui. Pardonne-lui ses faiblesses, elles ne le rendent que plus beau.
    Vis ce que tu as à vivre.

    Tu as été une amie. Une vraie. Une qui m'a appris à rire. Tu te souviens ? Dans ces couloirs noirs ?
    Tu te souviens comme j'étais ? Tu m'as appris à rire, et je ne te jette en retour qu'une colère sombre et froide. Pardonne-moi pour ça aussi. Et laisse moi te remercier, pour ça. Quand on offre quelque chose d'aussi précieux, on devrait en être remercié.

    Rien ne t'oblige à me répondre.
    Tu dois me haïr pour tout ce que je t'ai dit. C'est de ma faute.

    Prends seulement soin de lui, s'il te plaît.
    Rends-le heureux. Fais en sorte qu'il m'oublie. Qu'il ne souffre plus. Tu y arriveras sans doute mieux que moi.

    La Ménudière



Le surnom est conservé. Le véritable nom serait trop douloureux à inscrire sur la feuille. S'adresser à ce nom serait insupportable. Eliance préfère parler à Colombe plutôt qu'à Dae, comme si les deux femmes n'étaient pas vraiment les mêmes. Comme si elle pouvait s'adresser uniquement à la Colombe du passé, tout en ignorant la Dae du présent. Son présent, elle aimerait le fuir au pied d'une falaise. Là est son seul rêve, sa seule délivrance.
_________________
Daeneryss
Je relisais les mots d'Eliance avec toujours cette même impression de trahison. Je trompais déjà mon mari avec Diego, et sans même le savoir j'avais trompé l'amie que j'avais perdue de vue, et que j'avais retrouvée. Comme je m'étais sentie bien à la revoir, à la serrer dans mes bras. Comme le passé sentait bon la rosée d'un matin de printemps, alors que tout reprenait une place simple, comme si tout avait toujours été ainsi. Diego était celui que j'avais toujours aimé et la Ménudière était l'amie que je n'avais jamais quitté à la sortie de ce couvent. La vie aurait pu avoir un goût si doux, sans aucune amertume. Pas d'anis, non. Juste un carré de douceur sucrée que j'aurais dégusté chaque jour offert par Déos. Cela aurait été si simple... Je me surprends encore à rêvasser à tout ça, à m'apitoyer sur un sort que j'ai pourtant choisi. C'est fou comme l'égoïsme s'empare chaque jour davantage de moi, reléguant la jeune femme altruiste au rang de simple souvenir.

Eliance a raison. Je lui ai tout pris. Sa vie, son mari, son amie passée. Les remords s'enchainent autour de moi, un boulet est désormais attaché à ma cheville de manière indestructible. Aucune clef ne pourrait venir forcer cette serrure renforcée, aucun remède ne pourrait noyer ce poison. Mais je sais que ma culpabilité ne sera jamais suffisante pour effacer les dégâts que nous avons créés. Lui, comme moi, savons pertinemment que nous anéantissons nos moitiés respectives. Nous étions loin de la vision des mariages parfaits où tout semble rose malgré quelques bévues. Nous étions.. bancales. Tous.
De mon côté, je me rappelle comme un sourire est venu se greffer sur mes lèvres lorsque j'appris le départ d'Eliance, signe que Diego serait mien au moins un peu plus que je n'avais osé l'espérer et y croire. Mais il y avait aussi la tristesse de perdre l'amie que j'avais eue... Il faut croire que je ne suis pas faite pour avoir des amies. Ma Ménudière n'est autre que la femme trompée de l'amant que j'aime, et l'autre - Gaïa - une cousine du Corleone qui a cru bon de s'octroyer mon époux comme casse-croûte. Deux amies en qui j'avais cru aveuglément. Deux femmes auxquelles j'aurais confié ma vie s'il avait fallu. Et pourtant... le présent me rappelle, comme les sirènes engloutissent les marins fous. Et je me noie à mon tour dans ce passage de mon existence.

Passé, présent, futur... Un mélange où je perds à m'y retrouver. Il y encore quelques temps, j'étais l'épouse d'un Corleone, pour devenir la compagne du Corellio. Et les jours ont passé... Et les choses ont encore changé... Ma tête tourne à tous ces changements. Redevenir la maîtresse nous semble être ce qu'il y a de mieux face à notre vie : nous sommes l'amour du passé qui n'a - pour le moment - pas sa place au grand jour du présent. Et l'avenir dans tout ça ? Nous l'ignorons. Tous. Mais je sais que Diego retournera vers Eliance, car c'est l'ordre des choses. Parce qu'il l'aime, comme on aime une épouse. Et moi...
Moi...
Je retrouverais les Corleone, parce que c'est ainsi. Parce que Romeo est en manque de son père, parce qu'il lui manque comme jamais. Mais aussi, malgré tout les non-dits et les craintes qui grandissent en moi comme l'enfant que je porte désormais, parce que j'aime Gabriele. Il est et restera celui qui m'a donné envie de vivre dans cette existence et les précédentes. Un amour à dompter. Un amour.. étrange. Mais entier.

Alors pourquoi suis-je si mal à l'aise à répondre à la femme qui me nomme encore par ce sobriquet du passé ? N'a-t-elle rien en travers de la gorge pour réussir à m'écrire avec tant de gentillesse ? Je m'en étonne, et à la fois, j'en suis ravie. Car j'aime à penser qu'il pourrait rester quelque chose de notre amitié malgré l'ouragan Corellio.


Citation:

    Ménudière,


      Vois comme les choses de la vie sont bien faites. Dans notre existence, il n'y a pas de hasard, juste des rendez-vous. Et le destin a fait que ton époux te revienne. Vois comme tu as pu te tromper dans ton courrier, vois comme il tient à toi.
      Parce que tu es belle, Menudière. Dans ta fragilité déconcertante, ta naïveté que j'ai toujours aimé, dans ta candeur qui nous a tant rapprochée par le passé... Il aime ce que tu es. Il aime qui tu es. Tu es sa femme, ne l'oublie jamais. Aussi il est normal que ses pas reviennent à toi.

      Que dire d'autre... si ce n'est que notre route se passe pour le moment sans encombre alors que je rejoins peu à peu le père de Romeo. Je suis idiote, je peux le nommer Gabriele, tu sais son nom.
      D'ailleurs, je voulais te remercier pour le courrier que tu m'as fait transmettre. Sa lettre. Ses mots... Le savoir blessé m'a... Tu imagines très bien, j'en suis certaine, l'angoisse qu'une femme peut ressentir à savoir son mari blessé et amoindri.
      Je ne suis pas une épouse parfaite, je ne le serai plus jamais après cet épisode de notre vie. Je ne suis pas comme toi. J'ai changé... Je ne suis plus celle que tu as connue, même si je ressens encore la Colombe en moi. Elle me parle des fois, tente de me guider, me raisonner. Comme une petite voix dans ma tête, un soupçon de conscience... Par Deos, tu dois me croire folle !

      Comment fais-tu, Ménudière, pour réussir à être encore si douce avec moi ?
      Oh, pendant que j'y pense, si tu essaies de mettre encore une fois un terme à tes jours, par l'amitié qui nous a liées, je te promets sur mon fils que je fais le déplacement pour te remettre les idées en place. Sur ces couloirs où nous avons couru et craint les ombres des orages, sur les rires que nous avons étouffé lors des messes bien trop sérieuses... Je n'ai rien oublié. Je n'oublierais jamais.

      Prends soin de toi désormais.


    Colombe.

_________________
Eliance
La lettre est restée en suspens quelques temps. Quelques temps pour digérer la chose qui pousse là où elle ne devrait pas. Quelques temps pour simplement se laisser aller à l'espoir d'une vie meilleure aux côtés de l'Italien. Et puis tout a basculé, la veille, avec la lettre du Dracou qui l'a informé d'un incident sur les chemins. Tout a changé à nouveau et Eliance a pris le crayon, comme happée par une force incontrôlable, pour écrire à l'amie du passé.

Citation:


    Colombe,

    Diego m'a dit, pour votre mésaventure. Je m'inquiète pour lui. Je m'inquiète pour toi. J'ai toujours peur quand il est loin de moi. Si tu savais les belles choses qu'il m'écrit. Ces lettres nous rapprochent plus que jamais. J'ai l'impression de le sentir près de moi quand je lis ses mots. Tu sais, ce nuage protecteur qui apparaît quand l'être qui vous tient en vie est là. C'est ce que je ressens avec ses lettres. Ça et son odeur que je perçois, sortant de nul part. J'ai envie qu'on fasse tout ce qu'il dit. Qu'on ait la chance de pouvoir être la famille Corellio dont il rêve. Je lui prépare des surprises pour son retour. Je veux qu'il soit heureux de me revenir.

    Mais à ton tour de me prendre pour une folle, Colombe. J'ai prié pour que tu n'ais rien de grave avec cette attaque, comme j'ai aussi prié pour qu'il soit arrivé malheur à Dae'. C'est stupidement fou ou follement stupide, je ne sais pas. Je déteste Dae' autant que je tiens à toi, Colombe, et à notre amitié. J'ai rêvé que ce qui pousse en Elle ne soit plus. Plus jamais. J'ai rêvé qu'Elle ne soit plus.

    Dis-moi simplement que Colombe n'est pas morte. Que c'est bien elle, à qui j'ai parlé ce premier soir à Annecy, avec qui j'ai ri. Dis-moi que Dae' ne l'a pas tué. Dis-moi qu'elle est toujours là, la jeune fille qui balbutiait un françois approximatif et qui m'a tenu la main ces soirs angoissants où on entendait les combats faire rage au dehors, attendant confinées dans notre cellule que nos peurs cessent. Dis-moi qu'elle est là, encore. Dis-moi que c'est elle qui m'écrit. Dis-moi que c'est elle qui pense à moi.

    Dis-moi que tu peux inverser les choses et redevenir totalement Colombe. On était pareilles, tu te souviens ? Pourquoi on l'est plus ? Pourquoi cette Dae' de malheur t'as enlevé à mon monde ?

    Merci de m'écrire que je suis belle. De ta main, Colombe, les mots ont une saveur particulière. Je crois que je vais aimer, être belle pour lui. Je lui prépare des surprises. Je te l'ai déjà écrit, je crois. Je vais être belle pour lui. Un ange. Son ange. Tu sais qu'il dit que je suis l'ange et lui le démon ? Un jour, il m'a écrit que le pire nous était déjà arrivé. Qu'il ne nous reste que le meilleur. C'était il y a longtemps. On a eu du pire encore, depuis. Et pourtant, j'ai jamais oublié ces mots-là. Je sais qu'un jour, il n'y aura plus que le meilleur pour nous deux. Et je sens que ça va être bientôt.

    Je n'ai plus de nouvelles de Gabriele. Je crois qu'il m'en veut de lui écrire. Ou peut-être il m'en veut de t'avoir montré cette lettre de lui, alors qu'il demandait le total inverse. Ce qui va suivre va te sembler aussi fou, voire plus fou encore que le reste : je crois que j'aurais envie de le voir, Gabriele, un jour. J'aurais envie de voir l'homme qui a partagé mes souffrances. Lui dit que ces choses-là ne se partagent pas. Il a tort. Nos lettres, c'était pour partager. Pour ne pas être seul face au vide. Alors, peut-être, un jour... qui sait ?

    Je prends soin de moi. Je prends soin de moi pour lui. Pour qu'il puisse être fier de sa femme.

    Colombe, veille sur lui, le temps que tu retrouves ton mari, s'il te plaît.
    Et interdit à Dae' qu'elle le touche, qu'elle l'aime. Elle a pas le droit.

    Prends soin de toi.

    La Ménudière.



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