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De cocu à cocu...

Eliance

Le crayon de plomb tourne, encore et encore, entre ses doigts. La mine est sérieuse, concentrée, préoccupée, son pied s'agite nerveusement sous la table, ses dents viennent rougir sa lèvre, tandis que les noisettes fixent le papier blanc. L'anxiété est là. Les mots sont faciles à tracer, la plupart du temps. Ici, rien n'est facile.

Tout est compliqué depuis que la saleté de tarte aux fruits est venu se trémousser devant son Italien à elle, provoquant l'irréparable. Eliance en est bien persuadé, c'est de sa faute à elle. C'est elle qui lui a écrit, c'est elle qui l'a invité à son mariage et, sans aucun doute, elle qui s'est jetée sur lui pour dévorer sa bouche et un bout de son cœur. Elle s'est persuadée, de tout ça, pour pas sombrer davantage, pour pas gueuler de trop, pour pouvoir oublier, un peu. Elle essaie d'oublier, elle essaie de pardonner. Non, pardonner, c'est déjà fait. Le bougre sait s'y prendre. Mais la tarte aux fruits hante ses cauchemars, venant lui enlever l'Italien des bras chaque nuit, elle-même poursuivie par un homme qui lui court après. Un autre homme. Un qui partage cette peine indescriptible. Pourtant, ils ne se connaissent pas.

Elle a voulu écrire à la tarte aux fruits, lui ordonner de recracher le bout de cœur italien qu'elle a dérobé lâchement, lui expliquer que c'est son mari, son amour, sa vie. Lui balancer à la figure que c'est grâce à elle qu'il a pas sombrer. Que c'est elle son pilier. Que ce sont ses mots à lui. Et que elle n'est rien. Rien du tout. La Ménudière ne lui écrira rien. Rien de tout ça. À quoi bon. Ce qui est fait est fait. Exposer sa colère ne ferait que la rendre faible. Encore plus faible. Une meringue. Elle est une meringue, d'après une amie. Alors imaginez une meringue faible...

Elle écrira seulement à l'homme. C'est décidé. Celui qui court dans ses cauchemars. Cet homme bafoué le jour le plus important de sa vie, le jour qui aurait dû être le plus beau.
Écrire à un inconnu est déjà tout une affaire. Écrire à l'homme que son mari a humilié en est une tout autre. Et quand cet homme est un Corleone, la mission devient périlleuse. Gabriele Coreleone, le fils d'Amalio Corleone. Voilà tout ce que Diego a bien voulu lui donner comme information. Ça et le fait qu'il ait rousté sa nouvellement femme indigne. De déception, de colère, d'incompréhension. Eliance connaît les coups de la colère. Elle en a encore la marque, le souvenir. Mais allez savoir pourquoi, cette dernière précision ne lui a tiré aucune pitié pour la tarte aux fruits. Au contraire : « Elle l'a cherché. »

Écrire. Oui. Mais écrire quoi ? Comment s'excuser d'une pareille chose ? Comment dire ? Avec quels phrases ? Ce sont des mots qui tournent dans la cervelle ménudiérienne. Comment entamer la lettre, d'abord ?
Cher Gabriele ? Elle ne le connaît pas. Il ne lui est pas cher.
Gabriele ? Trop personnel.
Gabriel Corleone ? Et pourquoi pas.
Messire. Ce sera ce mot. Juste ce mot.

Il est tracé en haut de la page. Elle n'est plus blanche. La suite vient tout aussi difficilement. Mais elle se doit de le faire. Elle ne sait pas pourquoi. C'est une chose qu'elle ressent. Atropine lui a dit qu'elle est du genre à adopter jusqu'aux chiens enragés, pour dire combien elle est bonne, même avec les pires créatures. Elle connaît Corleone-père. Elle l'a croisé, deux fois, il y a plus d'un an, vers Chinon. Une fois autour d'une choppe, l'autre en lui filant contre son gré ses maigres écus. Elle sait que la famille n'est pas réputée commode. Elle l'a vu.

Le crayon se met soudain à s'agiter vivement, sans plus d'hésitation. Elle sait quoi écrire.


Citation:

    Pour Gabriele Corleone


    Messire,

    Vous ne me connaissez pas. J'ai rencontré votre père il y a plus d'un an. Lui ne doit pas s'en souvenir. Mais ce n'est pas ce qui m'amène à vous écrire aujourd'hui.

    Je suis la femme de Diego Corellio. Et je viens m'excuser.
    Ne froissez pas cette lettre tout de suite. Lisez la suite. Je vous en conjure.

    Je sais votre peine. Je la partage. J'aurais voulu que vous ne la connaissiez jamais. Elle est pour moi une amie qui revient régulièrement, tel un rendez-vous incontournable, une fête de la Saint-Jean ou un jour des Morts. Mais vous... vous n'auriez pas dû la connaître. Ni la ressentir. Je m'en excuse.

    Il se passe parfois des choses, dans le crâne des gens, Gabriele. Des choses qui ne se contrôlent pas. Des choses qui sont regrettées aussitôt faites. Des choses complexes qui pourraient faire mentir ce à quoi on a toujours cru. Mais c'est plus tordu que ça encore. Ce n'est qu'une vulgaire addition. Les choses ressenties précédemment pour un être le sont toujours. Seulement, une autre chose leur saute à la gueule et se positionne à côté, s'imposant d'elle-même sans qu'ils n'y soient pour rien. Au même niveau ou un peu plus bas. Mais c'est une simple addition. Pas une soustraction.

    Elle a voulu vous épouser. J'ose croire qu'elle vous aime. J'ose croire que cette femme est une femme bien. J'ose croire que j'ai tort de la détester comme je le fais. J'ose croire que vous lui pardonnerez. Comme je pardonne à Diego. J'ose croire que ce n'était rien. Rien du tout.

    Pardonnez-leur, Gabriele. Oubliez ça. Vous verrez, on en souffre moins une fois l'épouvante remisée dans un coin de la cervelle. Il faut du temps. Mais c'est possible. Je ne cherche pas à leur trouver des prétextes. Il n'y en a pas. J'essaie juste de comprendre et de vous transmettre mes misérables connaissances sur la chose. J'essaie que vous ne soyez pas seul. J'essaie de l'être un peu moins.

    Oubliez, Gabriele. Et vivez. Simplement.

    Eliance

_________________
Gabriele.
Fort. Faible. Fier.

Personne ne trompe Gabriele Corleone sans en subir les conséquences. Elle sait parfaitement, la Nordique, combien son erreur lui a coûté cher. Ça ne l'empêche pas d'avoir toujours à l'esprit cet enfoiré de Diego, qui ne demande qu'à la reconquérir. Elle n'a pas vraiment cherché à se faire pardonner, elle sait que c'est une chose pratiquement impossible, pourtant, pour le moment, je n'ai encore pas dis grand chose. Des engueulades, oui, il y en a eu, des déchirements aussi. Des réconciliations, des combats, il y en aura encore, sans doute.
Ce qu'il n'y aurait plus, en revanche, c'est le bonheur total, le bonheur inconditionnel, celui que l'on ressent lorsqu'aucune ombre ne vient entacher le tableau. Celui qui n'existera donc plus tant que le Corellio sera en vie. J'aimerais y remédier, offrir à ce bâtard une mort lente et douloureuse. Pourquoi pas une longue séance de torture physique et mentale. Pourquoi ne pas lui faire tester des poisons dont je n'ai pas encore vu les effets, mais toujours sans le tuer, pour faire durer mon plaisir de voir souffrir celui qui m'a retiré ce que j'ai de plus précieux. Enfoncer mes lames dans chaque endroit de son corps pourvu que ce soit douloureux en évitant soigneusement les points vitaux qui pourraient trop tôt achever ses souffrances.
Je n'attends que le moment de le faire souffrir, lui qui me ronge chaque jour un peu plus.

La lettre est parvenue entre mes mains, et je l'ai longuement regardé avec curiosité avant de la lire. J'ai hésité, aussi. Rien que l'entête me semblait déjà trop formalisée à mon goût. Quand on a quelque chose à dire, on ne s’embarrasse pas de « messire » inutile, on en vient aux faits. Je déteste qu'on tourne autour du pot.
Qu'on ait rencontré mon père, qu'est-ce que je m'en tape ? Mon père n'est pas moi, même si je lui voue une admiration sans bornes. Quand bien même, elles sont nombreuses, à avoir vu mon padre de près, et même de très près. Papà étant au moins aussi attirant que moi, ce n'est que la logique des choses.
La femme de Diego. Déjà mes mains se crispent sur la lettre, prêtes à la déchirer en mille morceaux, mais mes yeux sont trop rapides à aller lire la supplication. Fais chier. Tu es trop gentil Gabriele, tu t'adoucis avec le temps. Après tout, cette femme n'a rien à voir avec tout ça, c'est son enfoiré de mari, le responsable, elle est aussi victime que moi dans l'histoire.
Encore que j'ai cette vague impression qu'elle lui cherche des excuses. Qu'elle leur cherche des excuses. Elle n'a rien compris, elle croit que ce n'est qu'une erreur qui ne se reproduira plus, elle croit qu'on peut oublier ça, mais on ne peut pas. Je suis incapable de fermer les yeux là-dessus, car je sais très bien que ça se reproduira, que ce sera pire encore. Je le ressens au fond de mes entrailles, comme un poison latent qui n'attend que le bon moment pour faire imploser mes veines.

Il faut lui répondre, à présent, il paraît que c'est la politesse. Longtemps, je reste devant le feuillet vierge, auteur en panne d'inspiration, syndrome de la page blanche. Finalement, les mots viennent noircir la page, sans savoir réellement où il veut en venir en répondant à cette inconnue.


Citation:
Eliance,

Déjà. Ce n'est pas à vous de vous excuser. La concernée l'a fait, plusieurs fois, mais ses excuses n'ont pas vraiment de sens, puisqu'elle ne regrette pas. Si pour vous, c'est une compagne habituelle, cette douleur, je refuse qu'elle le soit pour moi. Je ne l'accueillerai pas comme on accueille une vieille amie, ou une maîtresse, je ne veux pas me faire à l'idée que la trahison est normale. Elle ne l'est pas. Elle ne le sera jamais. Elle n'avait pas le droit de me faire ça, et elle ne l'aura jamais.

Il n'y a aucune justification pour ce qu'elle a fait. Ce qu'ils ont fait, tous les deux. Et si je le croise lui...Je le tuerais. Qu'il s'excuse ou ne le fasse pas, ce sera pareil. Il souffrira. Il souffrira autant que j'ai souffert lorsque mon cœur a été réduit en miettes. Personne ne rend cocu un Corleone sans en payer les conséquences, je ne suis pas un vulgaire chien, je suis un tueur, un dominant, un alpha. PERSONNE ne me tourne en ridicule de la sorte sans souffrir mille morts au point de la souhaiter réellement, justement.

Elle a voulu m'épouser. Elle me rabâche tous les jours que je suis l'homme de sa vie. A côté de ça, elle ne réussit pas à me promettre de ne plus voir votre enfoiré d'époux, ni d'arrêter de lui écrire, ni même qu'il ne se passera rien entre eux. Ça ne vous fait rien, vous êtes prête à accepter ça de votre époux ? A accepter qu'il vous trompe avec une femme qu'il aime de toute évidence ? Ce n'était pas rien du tout, au contraire, c'était tout. Si ils sont capables de faire ça lors de notre propre mariage, je peux vous dire que ce n'était que l'introduction. Il y aura une suite, j'en suis certain. Ne vous voilez pas la face, et réfléchissez deux petites secondes.

Je n'oublierai pas, puisque ça se reproduira. Je veux qu'ils payent. Et puisque vous voulez être un peu moins seule, j'ai même un plan à vous exposer. Nous pourrions...Vous voyez, nous pourrions leur retourner leur propre jeu. Voir leurs époux respectifs s'échapper dans les bras l'un de l'autre pourrait bien leur remettre les idées en place et les faire réaliser ce qu'ils perdront à trop jouer avec le feu. Ils souffriront autant que nous, ainsi. Bien sûr, vous et moi ne ferions que semblant. Mais nous serions les seuls à le savoir...
Qu'en pensez-vous ?

Vengez-vous, Eliance. Et vivez. Simplement.

Gabriele C.

_________________
Eliance
Le pli est ouvert avec précipitation. Il a répondu. C'est donc qu'il n'est pas aussi méchant que Diego a bien voulu lui faire croire. Quoique... Les mots s'enchaînent sous ses yeux. Il le tuera. C'est écrit. Ses doigts se crispent sur le papier et tremblent dans une secousse furtive. Diego a raison. Le Corleone veut sa peau.

Vinguette...

Le paragraphe suivant n'est guère plus gai. Lire que les amants du passé partagent la même incapacité à couper les ponts, lire qu'il la trompera encore, lire qu'il l'aime, elle, cette satanée tarte aux fruits, font redoubler les tremblements qui s'étendent à présent aux bras, puis aux jambes de la trompée. Eliance sait ce qu'il se passe. Il la rend folle. Tout simplement. Il la fait crever à petit feu. La lettre est lâchée précipitamment pour permettre aux doigts mal assurés de fouiller dans la bourse et d'en sortir une fiole. La déboucher lui semble prendre un temps infini, pendant lequel les secousses inondent toujours plus son corps. Une gorgée. Une seule suffit. Et elle attend, en fermant les yeux, en essayant de vider son esprit, de ne plus penser à rien.


Les tremblements ont cessé. Ayla est une magicienne. Sans elle, sans ses remèdes, la Ménudière se serait roulée par terre dans une danse diabolique à faire trembler les moins croyants. Les paupières se relèvent, les pupilles détaillent les deux mains à présent immobiles. Tout va bien. C'est parti. C'est fini. La lettre est reprise dans une grande inspiration qui donnera du courage. La lecture peut se poursuivre, les yeux allant directement au dernier paragraphe pour s'éviter une nouvelle torture des mots précédents. Les paupières oublient de cligner. Il veut...

Il veut quoi ??

Décidément, il est vraiment timbré celui-là. Voilà en substance ce que pense Eliance à cette proposition de vengeance. Elle n'y croit pas, à la vengeance. Elle n'a pas l'âme qu'il faut pour ça. Elle n'en a ni le courage ni la force. Faire souffrir son Autre est au-dessus de ses forces. Et pourtant, parfois elle aimerait qu'il sache combien elle a mal.

Le paragraphe est relu. Elle a chaud. Très chaud. Ses mains sont moites.
Et si c'était la solution pour que le Corleone ne tue pas son Diego ? Si c'était l'unique solution ? Cette idée la hante. Diego mort n'est pas envisageable. Non.
Elle relit encore. Faire semblant... d'avoir des sentiments ou... ? Le plan est vicieux. Elle veut savoir jusqu'où le Corleone poussera le vice. Elle veut savoir si la proposition est réellement indécente. Elle doit en avoir le cœur net.


Un crayon et un papier sont saisis et elle se met à écrire, frénétiquement.

Citation:

    Gabriele,

    Je vous remercie pour votre réponse. Et, si, je me m'excuse. J'insiste. Parce que vous pourriez me reprocher de ne pas savoir tenir mon mari, de ne pas savoir le garder auprès de moi de sorte qu'il n'aille pas courir les conneries. Vous pourriez me reprocher tout ça et vous ne l'avez pas fait. Je me dois de m'excuser quand même, pour lui. Pour ce qu'il a fait. Parce que j'ai la sensation que tout est ma faute. C'est ainsi.
    Acceptez seulement mes excuses. Elles sont sincères.

    Je ne sais pas me venger. Je ne sais que mal vivre. Votre plan... dites-m'en plus. Quand vous écrivez « faire semblant »... leur faire croire qu'il se passe entre nous ce qu'il se passe entre eux, simplement ça ? Comment ? On ne se connaît pas et ils le savent. Si je viens à accepter, si ils souffrent comme nous souffrons, lui laisserez-vous la vie sauve ? Je ne veux pas voir mon mari mourir. J'ai accepté certaines choses, certains risques en l'épousant. C'est stupide, mais je l'aime.

    Il n'y aura pas de suite. Il me l'a dit. Il ne me ment jamais. Ne dites pas qu'il y aura une suite. Vous n'avez pas le droit. Il ne veut pas d'elle. Elle ne fait partie que de son passé. Je le sais. Il a dit qu'ils ne sont pas fait pour être ensemble. Ils ont fait ça, à votre mariage, mais ils se sont trompés. C'était une erreur. Une simple erreur.

    C'est moi son pilier. Pas elle. Il l'a dit.

    Eliance

_________________
Gabriele.
Corleone veut sa peau, mais pas uniquement.

Je lui arracherai tout ce qui peut être arracher, je trancherai le reste, à petit feu, lambeau après lambeau. Je ferai de lui mon cobaye, le testeur de mes nouveaux mélanges médicaux ou non. Le tuer serait faire preuve de pitié, je n'en aurai aucune pour ce paria. La trahison me reste en travers de la gorge et j'en viens même à faire du mal à mon épouse, toujours à cause de ce Corellio qui n'a pas su garder sa langue dans sa bouche au moment opportun. Je l'ai frappé, j'ai marqué son corps avec toute la rage et la haine qui naissaient en moi à chaque pensée envolée pour la trahison.
Les coups passent encore. Notre couple n'est pas un modèle d'amour tendre et naïf, nous y préférons les violents orages des passions assorties du sadisme qui nous caractérise. Mais cette fois, je suis allé trop loin, je l'ai drogué alors que je connais les risques de l'usage de certaines plantes sur les femmes enceintes. Enceintes, oui...Une graine que j'espérais être celle de la réconciliation, une solution tombant à pic dans le chaos que représentait notre couple à présent. Un espoir que j'ai tué dans l'oeuf, littéralement. J'ai assassiné mon enfant à naître en la droguant, aveuglé que j'étais par la tristesse et la colère. J'ai tout gâché. Je nous ai encore plus éloigné.

Pour cela aussi, il paiera.
Il est le seul responsable de notre malheur actuel. Chaque pas que je fais vers l'épouse attristée par la terrible perte, je la vois reculer de trois. Lorsque mettant mes actes cruels de côté, elle parvient à son tour à venir vers moi, je recule alors d'autant, la peur au ventre et la sensation exécrable qu'il est là, juste derrière elle, voilant de son ombre le moindre de nos contacts à deux. A se demander si un jour nous réussirons à être réunis à nouveau, comme avant. A s'aimer sans plus se détester. A ne plus se faire ce mal qui nous consume chaque jour un peu plus, à faire fuir cette tristesse de nos regards en nous voyant l'un de l'autre si proches mais si éloignés.
Tant qu'il sera en vie, il n'y aura plus jamais de bonheur à deux, si vivace qu'on en oublie tout le reste du monde, ne s'occupant plus que de l'un et l'autre. On a qu'un amour, et le mien je l'ai perdu dans les bras d'un homme que j'ai peur de découvrir supérieur à moi. Cette bataille là, je refuse de la perdre. Nos éternités ne peuvent être gâchées par un seul homme. Des milliers d'années à s'aimer pour une vie à s'anéantir mutuellement, chaque jour un peu plus.
Je la tuerai. Elle me tuera. Une vie sans elle n'est pas envisageable, elle est le sang qui coule dans mes veines, l'air qui fait battre mon cœur. Elle est la vibration infime qui permet aux cordes vocales d'émettre un son.
Elle est tout ça, et mon pire poison.

La vengeance n'en est pas vraiment une. C'est la seule solution que j'ai pu trouver pour qu'elle réalise le mal qu'on se fait. Mes vengeances, je les ai réalisées, doublement. J'ai assez fait souffrir mon Eternelle, c'est à mon pire cauchemar à présent de subir mon courroux. Quoi de mieux que d'employer son épouse pour réaliser mon dessein ?
Elle semble frêle, et l'espace d'un instant je me demande comment il peut dire aimer ma femme alors que la sienne est si fragile. Si Daeneryss a pu être fragile et innocente par le passé, aujourd'hui c'est loin d'être encore le cas. A mes côtés, elle est devenue celle qu'elle aurait dû toujours être, et si ce Diego peut se vanter de la première fois, je peux me vanter de toutes les autres, de lui avoir passé l'anneau au doigt, d'être l'amant, l'ami, et l'amour. Son mari, à la vie – à la mort.
Corellio, bientôt, ne pourra se vanter que d'être la mort.


Citation:
Eliance,

J'accepte vos excuses bien qu'elles ne soient pas justifiées. J'aurais pu vous reprocher tout ceci, mais je ne l'ai pas fait. Au mariage, vous n'étiez il me semble pas présente pour tenir votre mari. Lorsqu'ils s'écrivent, vous ne l'êtes pas plus, vous ne pouvez pas contrôler ce qu'ils se disent, vous ne pouvez qu'assister impuissante à ces courriers échangés, tout comme moi. Ils sont les seuls fautifs de cette histoire, et ils ont oublié que jouer avec le feu peut être dangereux. Je vous propose, avec mon aide, de leur rappeler. J'aime ma femme, je l'aime plus qu'aucun autre homme ne pourra jamais l'aimer, pas même votre époux. Même s'il l'aime. Même si elle l'aime, comme elle me l'a dit. Si je n'avais pas été amoureux, je n'aurais pas tant souffert de ce qu'ils nous ont infligé.

Mon plan est simple. Je veux leur faire croire que vous et moi, nous aimons, comme ils s'aiment. Leur faire croire qu'à force de nous écrire, d'autres sentiments sont nés. Provoquer une rencontre, et leur montrer comme nous pouvons nous aussi nous laisser aller dans les bras d'une autre personne. Rassurez-vous, je ne vous parle pas là de vous prendre sur la table devant eux, non. Je veux pas la tromper, juste le lui faire croire. Les mettre sur la piste sans dire clairement les choses. Nous jouer d'eux, sans nous compromettre, pour qu'ils n'aient rien à nous reprocher. Quelques gestes et paroles murmurées devraient suffire. Imaginez donc leur réaction en découvrant que leur trahison aura finalement mené à voir les êtres qu'ils disent aimer soulager leur souffrance loin d'eux.

Vous savez très bien qu'il y aura une suite entre eux. Ils ne peuvent pas se passer l'un de l'autre, ça crève les yeux, il faudra au moins être aveugle pour ne pas le voir. Il n'a pas été honnête avec vous. Vous vous voilez encore la face. S'il faisait partie de son passé, elle ne l'aurait pas invité à notre mariage, si elle faisait partie du sien, il ne serait pas venu. S'ils s'étaient oubliés, ils ne se seraient pas embrassés. Je préfère le voir souffrir que mourir. La mort est trop douce pour un homme comme lui.
Aidez-moi à obtenir justice, Eliance, montrez-lui comme vous êtes en colère de sa trahison, de sa passion avec une autre. Montrez-lui que vous n'en pouvez plus de le voir aimer une autre.

Gabriele C.

_________________
Eliance
Elle est aveuglée. Aveuglée par l'espoir, les sentiments, la confiance qu'elle lui accorde. Et aujourd'hui plus que jamais, elle est aveuglée par cette peine incommensurable qui la transperce. Observer impuissante Diego tanguer au bord du précipice mortel de ses blessures a renforcé son amour, lui a fait oublier tout le reste. Qui aurait cru qu'une armée italienne puisse les rapprocher, les unir sous les coups ? Et pourtant, c'est le cas. Ou presque.

Elle le soigne, elle le veille, ignorant ses propres plaies pour se consacrer entièrement à lui. Il est tout. Son tout. Elle ne le laissera pas mourir. Elle ne le laissera pas à une autre non plus. Et puis il a promis. Avant l'accident, ils étaient parvenu à un consensus. Il ne lui écrirait plus. Il s'y engageait. Et il avait exigé qu'elle fasse de même avec le Corleone. Elle lui a accordé la faveur d'une dernière lettre. Un dernier mot. Elle croit en ses paroles, en ses promesses. Cette dernière lettre, il y avait droit, pour expliquer à la tarte pourquoi il n'écrirait plus.

Les promesses sont souvent légères au point de s'envoler à la première brise venue. Pas avec Diego. Peu de paroles d'honneur ont scellé leur amour. Une seule, à vrai dire, en tout et pour tout. Il n'a pas juré fidélité. Elle ne lui a rien demandé de tout ça, sachant le combat perdu d'avance. L'honnêteté, la franchise. Voilà leur seul engagement. Tout repose dessus. Et c'est cette volonté délibérée de cacher les dérapages du mariage, de cacher cette tentative pour revoir la tarte qui a failli briser l'unique chose qui les reliait. Il l'a bien senti. Alors il s'est battu. Entre la drogue et l'alcool, il s'est battu pour la conserver, celle qui l'empêche de sombrer complètement. Il a dû sacrifier une parole. Il devra la tenir. Elle a confiance en lui.

Elle s'est aussi engagée à ne plus écrire au pauvre mari de la tarte. Même pas une dernière lettre. Il ne veut pas. Elle a promis. Mais ça, c'était avant. Avant de le croire mort sous ses yeux. Avant de recevoir les derniers écrits du Corleone. Elle a réfléchi, tourné en rond avec le papier entre les mains pendant des heures, à errer dans leur chambre, autour du lit où Diego s'est assoupi. La décision prise est difficile. Elle hésite longuement avant de se jeter à l'eau. Elle rompt la confiance du Dracou, mais elle en est persuadée, elle le fait pour son bien.


Citation:

    Gabriele,

    Ils ne s'écriront plus. Il me l'a promis. Il m'aime. Il craint de me perdre. Il tiendra sa promesse. Je le sais. Il écrira une dernière lettre à votre femme, si ce n'est pas déjà fait. Et puis c'est tout. Il n'y aura plus rien. Ils cesseront de s'imaginer une vie sans nous, une vie de passé, une vie imaginée de toute pièce. Ils vont retourner à leur réalité. Vous. Moi. Nous sommes leur réalité.

    Je dois vous avouer que je me suis aussi engagée à ne plus vous écrire. Je surpasse cette parole aujourd'hui pour une bonne raison. Nous sommes blessés. Diego est mourant. Oubliez votre vengeance, Gabriele. Il souffre. Déos s'est chargé de déverser sa haine sur nous. Promettez-moi que vous ne toucherez jamais mon mari. Promettez-le, s'il vous plaît. Et ne parlez pas de cette lettre à votre femme. Gardez-la secrète, je vous en conjure.

    J'ai fait une autre promesse qui vous concerne. Nous nous verrons, tous les quatre. Je veux que votre femme me voit, me connaisse, sache à qui le cœur de Diego appartient réellement. Je veux qu'elle sache, qu'elle voit qu'elle n'est plus rien pour lui. Que ce qu'elle croit ressentir pour lui n'est que chimère. Je veux que Diego voit ce qu'il a failli détruire. Je veux qu'il voit la peine dans vos yeux, votre haine aussi et tout l'amour que vous portez à votre femme. Nous nous verrons. Quand ? Je ne sais pas. Nous devons d'abord penser à nous soigner. Nous aviserons ensuite. Les Italiens ne sont pas très accueillants, ils n'ont pas voulu de notre visite et nous ont renvoyés à Annecy.

    Gabriele, je ne sais pas quoi dire de votre vengeance. J'y ai cru, un temps. Je l'ai voulu comme vous. Aujourd'hui, les choses sont différentes. Je ne sais plus si j'en serais capable. Je ne suis plus en colère. J'ai peur.

    Pardonnez-moi. C'est ma dernière lettre.

    Eliance

_________________
Gabriele.
La valse des sentiments, succession de sensations et d'émotions qui tournent et virent dans mon esprit dérangé. Je flirte avec la folie, la souffrance trop proche de moi qui menace de m'avaler tout entier. Qu'est-ce que j'y peux ? La lecture du courrier m'a fait rire. Rire, oui, aux éclats, aux larmes. Elle se berçait dans de douces illusions. Mon épouse, au moins, avait eu l’honnêteté de me dire qu'ils continueraient à correspondre. Voilà qui me rassurait encore dans ce que je peux penser du Corellio. Il ne mérite pas deux femmes qui restent à ses côtés avec tant d'abnégation. Et surtout, il ne mérite pas ma femme.

Faux. Il est faux, il est fourbe. On me dit le Diable, mais je suis un homme bien plus méritant que celui-là, j'ai au moins le courage de mes opinions, j'assume mes choix, je ne reste pas entre-deux. Mon éternité sera aux côtés de ma femme ou ne sera pas. Ce n'est pas un homme comme lui qui aura raison de ces vies que nous nous sommes jurés de vivre à deux, comme une seule âme. Tes illusions, garde-les, l'Italien.
Assis dans une clairière qui m'est à présent familière, je rumine encore nos dernières disputes. La Nordique et moi ne faisons que nous déchirer pour mieux nous retrouver et nous entre-tuer encore. Chaque regard devient alors un poignard, chaque parole une flèche empoisonnée qui ne rate jamais sa cible.

Je pensais garder pour moi ces mots que j'avais lu, écrit par le Corellio, mais rongé par la haine, j'avais fini par céder à cette tentation de réclamer justice à nouveau. Puisqu'il est l'obstacle qui m'empêche de la retrouver totalement...



Citation:
Eliance,

Vous vous trompez. Vous vous voilez la face. Il vous ment, je peux vous le promettre. Il éloigne toujours plus mon épouse de moi, et toutes mes tentatives pour l'en empêcher se soldent par des échecs. Pourquoi respecteriez-vous votre parole quand lui écrase la sienne sous le talon de sa botte ?
Cet homme n'a que faire des promesses qu'il vous fait, il n'a que faire des mots qu'il profère à votre encontre.
Ma vengeance n'est pas encore accomplie, je ne l'oublierai pas. Ça aussi, c'est une promesse, et les miennes n'ont pas la même saveur que celles de votre mari. Les miennes ont le goût de mort et de souffrance, si douloureuses qu'à côté, ce qu'il a vécu face à cette armée sera comme une douce caresse.

TOUT ce qu'il vous dit, ce ne sont que des conneries. Rien de tout ça n'est vrai. Il pense toujours à elle, il s'imagine dans d'autres vies avec elle, il lui dit en silence les mots que nous craignons vous et moi qu'ils s'échangent. Il me rappelle elle et moi à nos débuts, il y a plusieurs vies de cela. J'ai peur qu'il me la prenne, car c'est bien ce qui risque de se passer. Elle ne réalise pas qu'aimer deux hommes, que m'aimer et en aimer un autre, est dangereux.
La dernière lettre ? Je l'ai lu. Elle me l'a tendu de ses mains tremblantes après avoir appris la nouvelle de l'attaque comme on prend une lame dans les entrailles. J'ai parcouru l'écriture incertaine de ce bastardo et j'ai vu comme toutes les promesses qu'il vous a faites ne sont que du vent. Dans cette lettre, il avoue qu'il vous trompera encore, que ma femme n'est pas son passé et qu'il sera incapable de le lui dire.

Cela ne vous suffit pas ? Dans cette lettre, encore, il dit qu'aucun trait ne sera jamais tiré sur leur histoire. Que quoi qu'il puisse dire, il continuera de l'aimer. Et vous voulez croire cet homme qui vous ment à chaque parole ? C'est un moins que rien. Il ne vous mérite pas. Il ne mérite pas mon épouse, jamais.
Il parle d'étreinte passionnée avec elle. Sachez une chose, si je l'attrape à poser ne serait-ce qu'un doigt sur MON épouse, il ne sera plus jamais en mesure de toucher quoi ou qui que ce soit. Ma vengeance aura lieu, avec votre aide ou sans. Croyez-moi ou non, ce que je viens de vous dire est pourtant la vérité. Et Dio sait que j'aurais préféré qu'il ne s'agisse que d'un horrible mensonge, mais les faits sont là.

Remettez-vous bien de vos blessures, en attendant. Vous n'y êtes pour rien et je n'ai aucune raison de vous souhaiter du mal. Par contre pour votre époux...

Gabriele C.

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Eliance
Tout le monde lui dit que correspondre avec le mari de la tarte est une bien mauvaise idée. Cette dernière lettre reçue du Corleone a, d'ailleurs, été une véritable torture. Toutes ces vérités, ces mensonges n'ont fait que flouter les idées d'Eliance déjà bien peu claires. Elle n'est plus sûre de rien. Plus sûre d'avoir raison de faire confiance à Diego. Plus sûre d'être encore la cible principale de son amour. Plus sûre qu'il reste pour elle et non contraint seulement par ses blessures. Tout s'est embrouillé dans un sombre méli-mélo. Tout est remis en question. Plus rien ne tient debout. Mais ces interrogations qui la hantent désormais n'amènent en elle que souffrance et désespoir intenses qui ne se règleront qu'à coup de falaises.

À croire que cet homme aime à faire souffrir. Si les mots qu'il réserve pour Diego sont cruels, ceux qu'il adresse à Eliance le sont sans doute bien plus, la touchant et la blessant au plus profond de sa fragilité. Et la meringue se demande parfois pourquoi il agit de la sorte. Pourquoi il tente de lui ôter tout l'espoir qu'elle parvient à garder contre vents et marées. Comme si il prenait déjà un malin plaisir à la torturer, elle. Comme un avant-goût à ce qu'il réserve à l'époux.

Elle a failli évoquer la lettre du Corleone, avec Diego. Elle a failli, a été tentée, mais n'a rien dit finalement. Elle s'est contentée de l'interroger sur ses véritables sentiments la concernant et les mots prononcés ont su la rassurer et effacer tout le reste jusqu'à la faire se blottir à nouveau contre lui en toute confiance, sans l'ombre d'une hésitation ni pensée pour l'autre tarte. Ses mots ont réussi là où toutes les matinées de la semaine ont échoué du haut d'une falaise. La falaise aurait dû lui rendre l'esprit libre. C'est toujours comme ça que ça fonctionne chez Eliance. Mais cette fois-là, son amie l'a accompagnée pour l'empêcher de faire une connerie. Résultat, des matinées de causeries, de confessions, mais pas d'oubli possible à l'horizon. Il aura fallu que les yeux noirs italiens se plongent dans ceux clairs de la Ménudière, que la moustache brune remue sous l'impulsion des lèvres et que les mots attendus soient prononcés. L'Italien sait. Il est le magicien de sa femme. Il sait lui faire oublier le futile et la ramener à l'essentiel : lui, eux deux et seulement eux.

Alors, dès le pas de la chambre franchie, Eliance s'est ruée sur la lettre infernale pour l'enflammer et la renvoyer tout droit d'où elle vient, les Enfers. Elle l'a regardé se consumer dans une satisfaction garantie. La tarte n'est plus, le Corleone non plus, envolés en fumée, réduits à poussière. Elle a effacé de son esprit les dernières souffrances pour s'efforcer à être heureuse à nouveau, pouvoir être enfin une épouse agréable et accomplie, puisque tous s'accordent pour dire que c'est là son destin.

Tout n'est plus que cendre. Elle n'écrira plus à Gabriele. Elle tiendra enfin sa promesse.
Du moins, tant que les sujets épineux seront évités, tant que la tarte n'existera plus, que Gabriele n'écrira plus, tant que toute cette histoire pourra continuer à être relayée au rang de cauchemar inventé de toute pièce. Jusqu'à ce que tout refasse surface, jusqu'à ce que tout lui saute à nouveau au visage. Tarte, italien partagé, mari jaloux et cocu...

Un moment de répit, disons. Elle s'accorde un simple moment de répit vital.

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Eliance
Et tout ce qui était enfoui a resurgi un matin dans une gerbe virulente. La maladie a éloignée Eliance de l'Italien quelques temps. Plus qu'elle n'aurait voulu. Lui a cru à un abandon. À son retour, il était là. Bourré, détruit, au plus sombre de lui-même, obstiné à croire qu'elle avait fui avec un autre. Il n'a pas voulu la regarder, affronter la vérité dans ses yeux clairs. Il aura trouvé une raison pour partir sans avoir mauvaise conscience, pour vivre son autre vie.

La Ménudière n'a pas cessé d'espérer. Lettre après lettre, elle lui a tracé son amour, la patience dont elle ferait preuve, son acharnement à ne pas le laisser seul sombrer. Elle sera son ombre. La gamine du Jok' lui a prédit malheur, souffrance et patience. Alors elle a écouté la gamine et ses dieux, elle s'est cramponné à sa réalité et à son espoir de toutes ses forces. Mais les doigts s'épuisent, les doigts sont trop fins, les doigts sont trop peu musclés, trop abîmés, déjà, par les événements passés.

Quand l'aveugle lui a appris que la Tarte est en ville, elle a lâché prise. Elle a tout lâché avec une envie folle d'en finir. De le délivrer totalement, de se libérer d'une vie qu'elle n'a jamais chérie. Mais les amis sont là, des promesses sont faites. Elle vivra. Encore un peu. Pour un mariage. Pour eux, pour leur rendre tout ce qu'ils lui ont donné de bonheur. Donnant donnant. Telle est la loyauté.

Et c'est dans une nuit où elle s'interdit de fermer l’œil, trop effrayée par ce que ses cauchemars pourraient lui montrer, qu'elle songe à ce mari déserté, humilié au plus profond de son être. Ce pauvre mari. La souffrance qui lui brûle les entrailles, lui seul la comprend, la ressent à l'identique. Les promesses faites à Diego ne tiennent plus. Lui ne les a pas respectées. Elle reprend ses droits. Du moins, ceux du papier. Et elle écrit au Corleone. Elle a oublié la dangerosité de l'individu. Elle ne pense qu'à leur douleur partagée et tente d'écrire parmi les tremblements qui l'assaillent sans répit depuis la nouvelle qui est tombée comme un couperet.


Citation:

    Gabriele,

    Votre femme est ici. Je ne l'ai pas vu. On me l'a dit. Je ne pensais pas que...
    Venez la chercher, s'il vous plaît.
    J'ai mal.
    Vous êtes où ?
    Écrivez-moi, je vous en prie. Vous seul me savez.

    Eliance

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Gabriele.
Je dépéris.

Fier Corleone au passé, j'ai fais mes conneries, moi aussi. Me laisser embrasser par une autre femme, ma cousine, qui m'avait toujours attiré sans que je ne réponde jamais à mes pulsions. Elles ont profité d'une faille pour s'immiscer en moi et me transformer en ce que je ne voulais surtout pas redevenir. Elle est partie. Elle est partie le rejoindre, je le sais. Je le savais même avant qu'elle ne me le dise clairement. Où aurait-elle pu aller sinon ? C'était d'une logique limpide.
Son départ emporte avec elle mes dernières défenses face à ma cousine plus qu'entreprenante. Elle me veut. Elle m'aura. C'est elle qui l'a dit. Et à force d'usure, à force d'un travail acharné sur mon esprit, jour après jour, elle a fini par m'avoir. Les regrets, les remords, tout ceci n'est rien face à ce que j'ai pu ressentir ensuite. Gaia a réussi son travail sur mon esprit, elle a réussi à me faire douter du retour que j'avais continué d'espérer malgré tout. Et cette douleur lancinante...
Tu me manques. Si tu savais. Je pense à toi, jour et nuit. Je n'en dors plus. Je n'en mange plus. Je n'ai plus cette fougue et cette répartie qui me caractérisaient lorsque tu étais à mes côtés. Tu étais ma force. Tu t'es enlevée à moi...Privé de mon souffle, dis-moi, comment suis-je encore censé respirer ?

J'aimerais me dire que tout ceci n'était qu'un mauvais rêve. Que j'étais sous l'emprise de substance illicite alors que je faisais l'amour à ma cousine. Mais il n'en est rien. J'étais bien conscient. Mille fois conscient que j'aimais ce que je ressentais. J'ai cédé à la tentation, j'ai croqué dans la pomme qu'incarne celle qui partage mon sang. Elle me ressemble. Nous sommes pareils. Trop semblables. Épuisé, rongé par la peine et sûrement une grosse part de stupidité, je n'ai pas su lui résister.
Âme faible...N'est-ce pas normal sans mon âme sœur ?
Je n'ai pas pu te le cacher, mon amour. Je te l'ai avoué, sans ambages, sans fioriture. Tu ne méritais pas ça. Tu as renié tout ce qui nous unissait encore. Notre nom, notre fils. Tu me l'as enlevé et tu me laisses depuis sans nouvelles, sans rien. M'aimes-tu seulement encore ?
Alors devant ce pli que la femme trompée m'envoie, que veux-tu que je fasse ? Je suis impuissant face à sa souffrance, comme je le suis face à la mienne. Le soupir s'échappe du fond du cœur. Je ne peux rien faire sinon assister à l'étiolement de ce que nous étions. Il ne me reste que les souvenirs...


Citation:
Eliance,

Je suis désolé. C'est ma faute si elle est partie rejoindre votre mari. Je ne peux pas venir la chercher, j'ai des responsabilités qui m'en empêchent. Et dans tous les cas, elle ne voudrait pas revenir avec moi. Nous sommes quelque part, au Nord de vous. J'ai été blessé au bras. Ne lui dites pas, si vous la croisez. Dites-lui que je l'aime, qu'elle me manque. Non. Ne lui dites rien...
J'ai achevé de nous détruire. J'ai tout brisé. Si vous saviez comme je m'en veux...Comme je l'aime. Comme un fou. Et je fulmine de la savoir avec Lui, quand moi je n'ai plus rien.

Je ne peux rien pour vous. C'est trop tard.

Gabriele C.

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Eliance
Elle n'évoquera pas l'enfant des amants terribles qui grandit dans les entrailles de la Tarte. Elle n'évoquera pas sa théorie très personnelle selon laquelle cet enfant est en fait le légitime de Gabriele que la Tarte aura endormi lors de leurs derniers mois de disputes pour le réveiller à un moment plus propice, pour garder l'amant enchaîné à elle coûte que coûte. Elle n'évoquera rien de cela, parce qu'elle la promis à Diego. Mais elle veut lui écrire quand même, à ce mari trahi, abandonné. Elle veut lui dire que tout ira bien. Elle veut lui faire partager son bonheur à elle d'avoir retrouvé son époux.

Alors, naïvement, le crayon est appuyé sur une feuille vierge pour y inscrire quelques mots qui se veulent rassurant, oubliant jusqu'au problème évident qui viendra mettre la zizanie dans quelques mois à peine, si ce n'est déjà fait.

Citation:

    Gabriele,

    Pardon pour mon long silence. Je souffrais. Comme vous. J'avais pas la force de vous répondre. Je savais pas quoi vous dire. Les mots qui me venaient à l'esprit me semblaient tous aussi stupides les uns que les autres. J'aurais préféré qu'on se voit. On aurait pu maudire ensemble le destin, en silence. Parce que ces choses-là n'ont pas besoin de mots.

    Mais si je vous écris à nouveau, si je trouve la force de le faire, c'est parce que le destin a changé de cap. Le vent tourne, Gabriele. Vos souffrances vont bientôt s'évanouir. Et ces derniers mois prendront la part de mauvais souvenirs lointains. Elle revient. Elle vous aime. Mon mari m'est revenu aussi. Parce que je suis sa femme, celle qu'il aime le plus, sans doute. Celle qui lui apporte ces jours heureux qu'il apprécie tant. Elle reviendra à vous pour les mêmes raisons. Ils se sont trompés. Ils nous ont trompés. Chacun a droit à ses erreurs. Le plus dur est encore de pardonner pour pouvoir se laisser porter à nouveau par une légèreté qui nous a un peu abandonné, vous et moi, ces derniers temps.

    Vous aurez envie de retrouver sa présence, de retoucher sa peau, de la sentir vôtre, de la savoir là, à vous et rien qu'à vous. Les jours sombres sont derrière vous, Gabriele. L'aube se lève. Se lèvera dans quelques jours. Regardez-le poindre. Je suis sûre que vous le sentez.

    Vous croiserez peut-être mon mari. Parce qu'il la raccompagne. Il vient vous la rendre. Il sait qu'elle vous aime. Ils nous aiment, Gabriele. Leur erreur n'aura duré qu'un temps. Soyez clément avec lui. Je l'aime. Ne voyez que votre épouse revenir. Pardonnez-lui et aimez-la. C'est bien le plus important.

    Courage.

    Eliance Corellio

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Gabriele.
Pas envie. Pas envie d'écrire, pas envie de lire quoi que ce soit, ou de parler à quiconque. La lettre reçue la veille m'a rendu ivre de rage, et une grande lassitude a fini par faire place à cette sourde et incontrôlable colère. Après avoir explosé, l'avoir maudite à de multiples reprises, j'ai bien été obligé de faire face à la réalité : J'ai un choix à faire. La vie est faite de choix, et aucun n'est facile. Elle va revenir. Jamais je n'ai imaginé me retrouver si mal à cette annonce que j'ai espéré durant des semaines, depuis le soir même où elle est partie. Elle revient auprès de moi, elle m'a choisi. La vérité est bien moins rayonnante que cela. Je n'ai pas l'impression d'être le gagnant dans cette histoire. Je suis la personne lésée. Celui vers qui l'on revient parce que, quelque part, on ne peut pas faire autrement. Une contrainte. Une désillusion, peut-être. Elle se résout à revenir, mais pourquoi, au juste ? Me mettre sous le nez le bonheur qu'elle a pu vivre avec son éphémère amant.

J'ai mal, dans ma chair. De cette douleur lancinante qui vous lacère encore et encore, jusqu'à vous donner envie de sauter dans le vide pour tout oublier. Ou peut-être est-ce juste cette entaille que je me suis fait dans la main. Elle n'avait pas le droit. Pas le droit de me mettre mon bonheur sous le nez pour me l'arracher aussitôt. Pas le droit de me laisser espérer ce qui n'arrivera plus jamais.

La lettre d'Eliance m'a mise hors de moi à nouveau, faisant resurgir cette colère à peine endormie. Tout juste en sommeil. Je ne suis pas comme elle. Je ne peux pas me contenter de seulement oublier. Je ne suis pas comme ça, et je ne peux pas l'être, jamais. Je ne peux pas pardonner et tourner la page, parce qu'on me l'interdit. Je n'ai pas droit à tant de clémence.
Encore une fois, la femme du Corellio fait preuve de bien trop de naïveté à mon goût, je la trouve candide, trop innocente, trop douce, et trop compréhensive. Je suis cruel et l'incarnation de ce que le monde fait de plus dur. Pourtant la Nordique m'a quelque part transmis un peu de sa douceur, quand mon sang lui a transmis ce caractère qu'elle a appris à dompter. C'est trop compliqué, je me sens réellement pris entre deux feus, et l'un d'eux risque à tout instant de me consumer entièrement. Comment pourrais-je lui pardonner alors qu'elle m'a poignardé dans le dos et en plein cœur ?
Cette lettre qui m'enjoint à faire preuve de compassion, de bonté, j'ai bien envie de la déchirer et de la faire brûler elle aussi. Pourquoi m'écrire ? Et pourquoi m'écrire pour me dire cela, surtout ? Le Dracou m'a tout arraché, tout.

Pour la première fois, elle a signé de son nom d'épouse. Est-ce donc qu'elle se considère à nouveau comme sa femme ? Comme ça, c'est tout ?


Citation:
Eliance,

Je vous pardonne. Mais je n'ai besoin de personne pour partager ma peine. Personne ne peut comprendre. Même moi je ne le peux pas. Les choses sont ainsi, c'est tout, et je suis le témoin impuissant d'une débandade que je ne peux en aucun cas contrôler.
Le vent ne tourne pas, non. Le vent redouble encore d'intensité pour attiser un peu plus l'incendie de ma vie. Il carbonise tout sur son passage. Tout. Mais encore une fois, tout ça, vous ne le voyez pas, et tant mieux pour vous. Vous pourrez être heureuse, oui, sans aucun doute. Avec lui. Vous pourrez sans doute oublier, car vous n'aurez pas sous les yeux, chaque jour maudit que votre existence vous donnera de vivre, le fruit innommable de leur amour. Pas de légèreté pour moi non. Plus jamais d'amour libre, entier et plein.

Comprenez-moi bien. Des mois durant, je l'ai supplié de m'offrir un second enfant. Elle a pris des plantes abortives tout ce temps pour s'empêcher de tomber enceinte de moi. Votre Corellio a pris tout ce qui m'appartenait. Il est revenu dans sa vie, et depuis, il est devenu l'homme principal de sa vie. Quelques semaines ensemble, et elle lui offre un enfant.
Ça veut tout dire.
Ce que je sens poindre, Eliance, ce n'est pas le bonheur, mais des jours plus sombres encore. Plus jamais elle ne m'appartiendra entièrement. Plus jamais elle ne sera mienne corps et âme. Car dans les entrailles de mon épouse grandit la graine de leur amour. Comment pourrais-je encore la regarder en face ? Comment pourrais-je aimer cette chose infernale qui pousse en elle ? J'aurais tant aimé pouvoir être l'Unique dans sa vie. Celui de qui elle aurait voulu tous ses enfants.

Tout ceci est impossible.
Il paiera.

Gabriele C.

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Eliance
La douleur est encore là, bien présente. Elle s'évapore du papier et emplit l'air environnant comme une nappe compacte de brouillard envoûtante. Eliance la ressent. Elle l'imagine. Elle aussi a cru mourir quand il lui a annoncé la nouvelle. Mais Il était là. Il a su lui dire les mots, la rassurer, l'aimer. Et puis elle a réfléchi à tout ça. Elle voudrait pouvoir faire de même avec le Corleone. Simplement le rassurer. Deux êtres qui ne se sont jamais vus et pourtant, elle se sent si proche de lui. Leurs épreuves sont les mêmes. Un jour, elle en est sûre, ils se croiseront. Et ce jour-là, elle s'imagine plonger ses yeux dans les siens et y retrouver tout ce qu'ils ont partagé, à travers ces plis.

Pourtant, elle risque aussi de lui en vouloir, si il touche un cheveu de son Italien à elle. Les derniers mots lui glacent le sang. Le Corleone est cruel. On l'a prévenu. Elle a tenté d'anticiper, de rétablir le cours des choses, en vain. Alors elle doit frapper plus fort. Tant pis pour la promesse faite à Diego. Ou plutôt, non. Elle ne rompt pas la promesse. Elle se mêle de ce qui la regarde, puisque Gabriele lui parle de l'enfant. Elle se sent le droit de lui dire.
Elle lui dit. Maintenant.


Citation:


    Gabriele,

    Vous dites ça parce que vous ne l'avez pas encore revue. Quand vous l'aurez en face de vous, tout changera dans votre esprit. J'en suis sûre. Et puis, je dois vous dire une chose. Je l'ai déjà dite à Diego. Cet enfant n'est pas une chose infernale. Détrompez-vous.
    Je dois vous expliquer une chose que peu d'hommes savent.

    Quand j'étais enfant, ma mère me traînait chez toutes les accouchées du coin. Je devais apprendre, être prête pour le jour où ce serait mon tour. Beaucoup de femmes se réunissent autour d'une femme grosse. Beaucoup de choses se disent. J'y ai appris une chose essentielle et étrange que je vais vous faire partager ici. Maintenant...
    Une femme peut endormir l'enfant qu'elle porte, Gabriele. Si elle décide que ce n'est ni le moment, ni le lieu, elle endort l'enfant qui cesse de grandir aussitôt. Les femmes font ça quand leur mari part à la guerre. Ainsi, ils ne ratent pas la naissance de leur fils. Diego m'a raconté que vos derniers mois avaient été compliqués, avec votre femme. Elle aura endormi l'enfant en vue de temps plus apaisés et l'aura réveillé ce tantôt pour une raison que j'ignore. Cet enfant, il est de vous. Il ne peut en être que ainsi. Une femme ne devient pas grosse au bout de si peu de temps d'avec son amant et ne le ressent pas non plus si tôt. Si elle le sent, l'enfant, c'est qu'il date d'avant. De vous. C'est qu'elle l'a réveillé. Cet enfant est Corleone. Il est ce deuxième fils que vous avez tant espéré.

    Réfléchissez à ça.
    La légèreté n'est pas loin. Vous devez y croire.
    Et puis, il n'est pas l'homme de sa vie. Non. Ils se sont laissés aller à un amour passé. Diego l'a dit. Le passé est le passé. Il faut vivre le présent. J'ai vu votre femme à Annecy. Je l'ai vu et j'ai eu envie de la voir mourir. Parce que je la connais. Qu'elle est une amie. Parce qu'elle est Colombe et qu'elle m'a trahi de la pire des manières en me volant Diego ces quelques semaines. Je l'ai pas fait, parce que je sais pas tuer. Je l'ai pas fait, parce que faire du mal ne résout pas sa propre peine. J'ai juste envie de la savoir loin de nous. Loin de lui. Laissez-la revenir, Gabriele. Le pardon est salvateur. Vous saurez oublier. Vous saurez élever cet enfant. il est le vôtre.

    Gabriele, elle revient parce que je lui ai fait passer votre lettre. Celle qui parlait de votre bras blessé. Celle qui hurlait vos sentiments pour elle.
    Elle revient pour vous. N'en doutez pas.

    Eliance Corellio




Qui a dit que Eliance est naïve ?...
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Eliance
Aucune réponse n'est arrivée. Aucune nouvelle ni de la Tarte ni de son époux. Jusqu'à ce soir-là où Diego lui a parlé. Enfin une discussion. Enfin un échange. Bien plus fracassant pour une Eliance qui s'était imaginé un Diego ragaillardi. Au lieu de ça, l'abandon, la Tarte de retour, leur mariage secret étaient au rendez-vous. En somme, une grande baffe dans la tronche de la roussi-blonde qui était habitée par un espoir sans faille malgré tous les indices évidents qui ont su prouver aux autres que le bonheur ne serait plus. Eliance, elle, a espéré jusqu'au bout. Elle a gardé son rêve intact, imaginant la mauvaise passe bientôt achevée, la maladie de Diego envolée, sa froideur évanouie, sa tendresse réapparue comme par enchantement.

Des jours qu'elle ne l'a pas vu. Des jours qu'elle s'enfonce dans un état désolant. Des jours qu'elle ne pense plus, ne vit plus. Et puis, ce soir-là, en rentrant dans sa nouvelle maison (puisque hébergée chez sa presque-soeur), elle a pensé à lui. Cet autre trompé. Cet autre délaissé. Comme les premières fois, dans les premières lettres, l'envie l'a saisi d'écrire à cet autre.

Il lui a écrit ne pas souhaiter partager sa peine. Ne pas ressentir le besoin de ce contact un peu particulier. Mais là, de penser à lui, à leurs lettres échangées avant, donne envie à Eliance de lui écrire. C'est rapidement et avec très peu de réflexion qu'elle s'est assise à la table, a posé papier vierge et pris mine de plomb en main. C'est aussi sans réflexion qu'elle gratte quelques mots dans les fibres. Sa cervelle est éteinte, vide. Son âme ne fait que se vider sur ses joues dans un flot ininterrompu devenu lent avec les jours passés, mais régulier, inexorable.


Citation:

    Gabriele,

    Vous aviez raison. J'aurais aimé l'inverse.
    J'aurais voulu que vous ayiez tort. Que tout le monde ait tort.
    J'ai rêvé que tout ça ne soit pas réel. Mais je me réveille tous les jours avec cette douleur. Ce vide.

    Pardonnez-moi de vous écrire. Encore.
    Pardonnez-moi ces lettres. Celles d'avant. Celle-là.
    Il me semble que vous êtes le seul à pouvoir imaginer ce qui est en moi.
    Je sais ça idiot. Pardon de prendre de votre temps.

    Eliance.

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Gabriele.
Pas envie d'écrire.
Pas envie d'échanger avec qui que ce soit.
La même litanie qui se répète, encore et encore.

Mais les fantômes me poursuivent, et l'épouse de mon voleur de femme avec eux. Brigand de cœur sans aucun honneur. Je me morfonds depuis que ma femme est repartie le trouver. Je me morfondais déjà à vrai dire lorsqu'elle était encore là, à couver le fruit de leur amour adultère. Je l'ai toujours senti trop loin, malgré la proximité.
Tout ce qu'Eliance a pu dire s'est révélé être faux. Je n'ai pas cru un seul instant à cette histoire d'enfant endormi, et pour une bonne raison : C'est moi qui ait tué de mes propres mains l'enfant qu'elle portait de moi. Celui-ci ne pouvait donc pas l'être. Mes doutes ne se sont pas envolés lorsqu'elle est revenue près de moi. Je savais que ça ne serait que temporaire. Qu'il me faudrait un jour ou l'autre la voir s'évaporer à nouveau. Je n'ai pas réussir à profiter de sa présence alors que je l'avais auprès de moi, et le regrette amèrement à présent.

Les mots de la Corellio ne font que me rappeler la force de mon échec. La puissance de ma tristesse. Je ne sais même pas pourquoi je me fatigue à lui répondre, tout ceci n'a aucun sens. Qu'est-ce qu'elle pourrait faire pour moi, de toute façon ?
Rien. Personne ne peut rien.
Condamné à devoir les voir s'aimer sans rien pouvoir y faire. A verser des larmes, enfermé dans ma solitude.
Pourquoi est-ce que je me décide à m'installer devant ce bureau de fortune pour lui répondre à mon tour ?


Citation:
Eliance,

Ça ne me fait pas plaisir d'avoir eu raison sur ce point. Je ne comprends pas comment on a pu en arriver là. Vous aviez tort. Je ne m'en réjouis pas non plus.
Plus rien n'a de sens.
Je ne sais plus quoi faire. Je suis damné de l'aimer tant quand elle est avec lui.
Je ne sais pas décrire ce qu'il y a en moi. Du vide. Même plus de rage. Je ne réussis plus à en avoir la force. Je dépéris.
J'ai failli mourir il y a quelques temps. Je suis revenu d'entre les morts pour elle. Elle m'est revenue et voilà qu'elle me quitte encore. J'en viens à penser qu'il faudrait que je meurs vraiment pour la retrouver comme je l'ai toujours imaginé.

Je ne sais pas quoi vous dire pour soulager votre peine. Je ne sais même pas comment soulager la mienne.

Gabriele C.

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Eliance
La lecture des mots italiens n'a pas été un soulagement. Eliance a lu, a ressenti sa peine, sa douleur, cette souffrance qu'ils partagent malgré eux, par la faute de ceux qu'ils aiment le plus au monde. Ceux qui étaient leur vie et qui ne sont plus qu'un souvenir lointain. Eliance n'a rien trouvé dans cette lettre qui puisse l'aider, l'apaiser. Elle n'avait pas écrit pour ça. Le but... Il n'y en a pas vraiment, quand elle prend sa mine de plomb pour écrire à cet homme. Depuis le début, depuis la première lettre c'est ainsi. Elle écrit. C'est tout. Elle écrit à cet homme comme elle respire. C'est machinal. Non réfléchi. Pas vital, mais obligatoire.

Chaque personne qui la côtoie comprend une part d'elle, de ses souffrances, de sa personnalité. Atro connaît ses faiblesses, son passé d'épouse battue et de mère abandonneuse et tueuse, de femme apeurée. Mike percute son besoin de rire, de se battre avec la vie... Gabriele, lui, perçoit le vide qui l'occupe, le désespoir et l'anéantissement de son être. En ça, et même simplement à travers des mots basiques tracés sur un papier, il est devenu important. Un peu. Parce qu'ils partagent la même douleur.




Citation:


    Gabriele,

    Ce vide, je le connais. Il est en moi. Comme en vous. Je crois qu'à force, on s'est adopté, lui et moi. Il n'est pas nouveau. Il est mon ombre depuis tellement longtemps. On vit bien, ensemble. Du moins, on vit. Simplement.
    Vous verrez. On s'habitue.

    Je sais qu'aucun mot ne peut soulager ma peine ou la vôtre. Je sais qu'un acte brut non plus.
    Si je veux une mort, ce n'est pas la leur. Je veux la mort d'une amie qui m'a trahie avec Lui. Je suis en colère. Je ne sais pas tuer. Mais je crois que pour l'occasion, je vais apprendre. Mon vide se sent moins seul, accompagné de cette haine nouvelle qui me porte et me motive.

    Je sais une autre chose, Gabriele. Ils ne valent pas la peine qu'on meurt pour eux. Leur supplice sera bien plus terrible de nous savoir errer chaque jour. Ils ne nous voient plus. Mais ils le sentent. Assurément.

    J'ai promis à ma sœur que je mourrais pas. Ni pour lui, ni pour personne. Je vais souvent sur une falaise. Enfin, à Belley, il n'y en a pas, alors je grimpe seulement sur le toit d'une grange. Je m'avance, pieds nus, vers le bord. Là, vous fermez les yeux. Vous sentez le vent, vous sentez la force de la terre. Tout s'allège, tout s'envole. Essayez. Vous verrez. Mais ne sautez pas. Promettez-le à quelqu'un. Une sœur, un frère, un ami, si vous avez. Ou à moi, par défaut.

    Gabriele, vous allez trouvez ça stupide, mais vous écrire, c'est particulier.
    Je crois que ça soulage. Un peu.

    Eliance



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