Eliance
Une lettre à Maryah. Une. Pour s'excuser. S'excuser de pas être à la hauteur. Le pli a été soigneusement plié et envoyé. Eliance retourne devant la table. Le jour se fait plus clair, à mesure. Diego dort toujours d'un sommeil de plomb, ne s'étant pas aperçu que sa femme a quitté ses bras. Elle ne le regarde pas. Elle ne regarde rien. Elle a juste des yeux hagards qui crient à son cerveau d'éviter les coins de porte, les pieds du lit. À part ça, ils ne servent plus à rien. Ils sont vides. Comme sa caboche. Ah non. Sa caboche est remplie de gâteaux qui dansent. Des gâteaux tous plus appétissants les uns que les autres qui se dandinent outrageusement, qui tournent autour d'un gâteau à l'anis. Un vieux gâteau gâté, émietté, pâlichon qui a honte de son état. Qui a honte de ne plus être. Et les gâteaux appétissants se moquent, rient. Ils savent vivre, eux.
Le crayon est repris, ainsi qu'un nouveau papier. Les gâteaux dansent toujours.
Sans réfléchir, Eliance écrit. Gribouille, plutôt.
Le crayon est repris, ainsi qu'un nouveau papier. Les gâteaux dansent toujours.
Sans réfléchir, Eliance écrit. Gribouille, plutôt.
Citation:
Torvar,
Cette lettre vous trouvera. Ou non.
Elle sera lu. Ou non. Déchirée, brûlée, sans doute.
Ça n'a pas d'importance. Je vous écris. C'est tout.
Maryah m'a parlé de la visite de votre neveu. De votre voyage sur la tombe de votre fille.
J'ai pensé à vous.
Vous aimez les tartes aux fruits, Torvar ? Est-ce que vous pensez qu'un gâteau à l'anis peut se transformer en gâteau à la crème ? Ou il restera toujours avec son foutu goût d'anis entêtant ?
Vous aviez raison. Un gâteau à l'anis n'a pas de tripes. Il assume rien et se cache. On fait comment pour vivre sans se cacher, Torvar ?
Vos mots me manquent.
Eliance
Pourquoi elle lui écrit ? à lui ? Elle n'en sait rien.
Pourquoi elle lui écrit ça ? Aucune idée.
Elle le fait, tel un automate. Comme si c'était la seule chose à faire. Et puis elle reste là, le dos bien droit sur sa chaise, devant cette table, à ne voir que des gâteaux qui se trémoussent partout où elle regarde.
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