Eliance
Allongée sur le dos, la couverture tirée jusqu'au menton, Eliance a les yeux grand ouverts malgré la pénombre qui hante la cabane. Les nuits commencent à être fraiches, mais la chaleur de l'italien parvient jusqu'à elle. Elle sent ce corps à proximité du sien, elle sent son souffle.
Elle jette de temps en temps des coups dil appuyés à cet homme qui partage sa paillasse. Elle aime le regarder dormir, juste observer son visage, serein. Elle aimerait se glisser dans ses rêves, sauf qu'elle a le sommeil difficile en ce moment la rousse. Alors elle profite de cette présence à ses côtés, de ce calme pour réfléchir.
Mais ce qu'elle aime le plus, c'est scruter, à travers un trou béant dans le toit, les minuscules points lumineux qui se détachent du ciel obscur.
La cabane qui abrite le couple n'est toujours pas rafistolée. À part les jours de pluie, cela ne la dérange pas et puis ce n'est que temporaire. Bientôt, ils repartiront.
La rousse est un peu perdue depuis... depuis toujours en fait.
Sauf qu'il y a encore peu de temps, elle ne réfléchissait pas autant. Pas du tout même. Elle acceptait sa vie sans sourciller, en bonne bête de somme.
Elle ne sait même plus ce qui l'a amenée à tout cela. Son besoin soudain de liberté, sa fugue, Diego...
Elle ne sait pas ce qu'elle veut, alors elle cherche la réponse chaque nuit. Elle essaie d'imaginer son avenir, ses désirs. Mais aucune image ne vient, à part la silhouette de l'italien qui se dessine dans son esprit. Cet italien qui la comble tant... et la fait tant souffrir.
Elle est convaincue qu'elle est sur terre pour en baver. Depuis toujours, c'est le même refrain. Alors pourquoi le bon Dieu changerait donc soudainement le destin qu'il a tracé à la rousse ? Elle s'en accommode et profite de cet amour offert. Vivre sans illusions : paraît que c'est le secret du bonheur. Elle est peut-être pas si malheureuse que ça au fond.
Et puis, elle a appris à oublier ses tourments. Elle a oublié sa famille, son mari, l'accident... elle a oublié Aphrodite, Sarah... elle oublie même les jumeaux de Diego, régulièrement.
Oublier est le secret des existences fortes.
Elle se plie donc à cette tâche sans rechigner. C'est même plutôt facile à force, mais elle oublie parfois plus qu'elle ne devrait, plus qu'elle ne voudrait. Peu importe pourvu qu'elle se souvienne toujours de l'italien.
Un regard à Diego qui vient de se retourner lourdement, se rapprochant un peu plus.
Un sourire à cette main pleine de douceur qui arrête sa course sur le ventre de la rousse, dans une chaude caresse somnambule.
Un sursaut, un cri étouffé, au bruissement d'ailes et aux pattes crochues qui se posent à côté de sa tête.
Si c'est une heure pour les pigeons de voler !
Eliance repousse doucement la main de l'italien, lui jette un dernier regard pour s'assurer qu'il dort profondément, sommeil confirmé par un lent soupire suivi d'un ronflement régulier, et se glisse en dehors de la paillasse.
Elle choppe l'oiseau et lui arrache le message solidement accroché à sa patte.
Pourquoi prendre des gants pour un volatile qui finira rôti dès l'aube !
Une chandelle est allumée et la lettre est déroulée, lue... relue... encore... et encore.
Eliance s'est laissée choir sur la couche, sans se soucier du sommeil de l'italien cette fois.
La fraîcheur nocturne frôle son corps à moitié nu, tourne autour de lui. Mais pas un frisson ne survient. La rousse est immobile, les yeux rivés sur les mots gribouillés à la hâte.
Sous sa peau de marbre, son cur s'agite, s'emballe, bat la chamade.
Elle relit une nouvelle fois ce nom, ce secret dévoilé.
Elle jette de temps en temps des coups dil appuyés à cet homme qui partage sa paillasse. Elle aime le regarder dormir, juste observer son visage, serein. Elle aimerait se glisser dans ses rêves, sauf qu'elle a le sommeil difficile en ce moment la rousse. Alors elle profite de cette présence à ses côtés, de ce calme pour réfléchir.
Mais ce qu'elle aime le plus, c'est scruter, à travers un trou béant dans le toit, les minuscules points lumineux qui se détachent du ciel obscur.
La cabane qui abrite le couple n'est toujours pas rafistolée. À part les jours de pluie, cela ne la dérange pas et puis ce n'est que temporaire. Bientôt, ils repartiront.
La rousse est un peu perdue depuis... depuis toujours en fait.
Sauf qu'il y a encore peu de temps, elle ne réfléchissait pas autant. Pas du tout même. Elle acceptait sa vie sans sourciller, en bonne bête de somme.
Elle ne sait même plus ce qui l'a amenée à tout cela. Son besoin soudain de liberté, sa fugue, Diego...
Elle ne sait pas ce qu'elle veut, alors elle cherche la réponse chaque nuit. Elle essaie d'imaginer son avenir, ses désirs. Mais aucune image ne vient, à part la silhouette de l'italien qui se dessine dans son esprit. Cet italien qui la comble tant... et la fait tant souffrir.
Elle est convaincue qu'elle est sur terre pour en baver. Depuis toujours, c'est le même refrain. Alors pourquoi le bon Dieu changerait donc soudainement le destin qu'il a tracé à la rousse ? Elle s'en accommode et profite de cet amour offert. Vivre sans illusions : paraît que c'est le secret du bonheur. Elle est peut-être pas si malheureuse que ça au fond.
Et puis, elle a appris à oublier ses tourments. Elle a oublié sa famille, son mari, l'accident... elle a oublié Aphrodite, Sarah... elle oublie même les jumeaux de Diego, régulièrement.
Oublier est le secret des existences fortes.
Elle se plie donc à cette tâche sans rechigner. C'est même plutôt facile à force, mais elle oublie parfois plus qu'elle ne devrait, plus qu'elle ne voudrait. Peu importe pourvu qu'elle se souvienne toujours de l'italien.
Un regard à Diego qui vient de se retourner lourdement, se rapprochant un peu plus.
Un sourire à cette main pleine de douceur qui arrête sa course sur le ventre de la rousse, dans une chaude caresse somnambule.
Un sursaut, un cri étouffé, au bruissement d'ailes et aux pattes crochues qui se posent à côté de sa tête.
Si c'est une heure pour les pigeons de voler !
Eliance repousse doucement la main de l'italien, lui jette un dernier regard pour s'assurer qu'il dort profondément, sommeil confirmé par un lent soupire suivi d'un ronflement régulier, et se glisse en dehors de la paillasse.
Elle choppe l'oiseau et lui arrache le message solidement accroché à sa patte.
Pourquoi prendre des gants pour un volatile qui finira rôti dès l'aube !
Une chandelle est allumée et la lettre est déroulée, lue... relue... encore... et encore.
- À ma fille Eliance Pardieu, Eliance la Ménudière,
Après la dramatique mise à sac du village, nous avons cru que tu n'étais plus de ce monde. Nous avons d'ailleurs fait installer une croix à ton nom au cimetière et le curé est venu dire quelques mots. Puis ton cher Gontrand, en se remettant peu à peu de ses brûlures, s'est remis à parler, après des mois de bandages, de cataplasmes et de mutisme. Et c'est là que nous avons su quelle ignoble fille tu fais. Il nous a dit la bassesse de ton âme. Cette âme qui a trahi son époux en l'enfermant dans sa propre demeure en feu !
Comment as-tu pu me faire une chose pareille ? J'ai fondé tous mes espoirs en toi en te faisant épouser ce cher Gontrand. Un homme dexception, tu sais. Je voulais l'accompagner pour te retrouver. Il n'a pas voulu. Il veut faire cela seul. Tu l'as blessé, mais il te pardonnera.
Tu m'as déçu, ma fille. Je t'ai tout donné, j'ai tout sacrifié pour ton éducation. Je t'ai tout appris pour que tu sois une bonne épouse, je t'ai trouvé ce bon mari car je savais qu'avec lui, ta vie serait douce ; tu ne manquerais de rien et moi non plus.
Tu es ma préférée. Tu l'as toujours été. Tes surs me dégoûtent. Quelles sont laides ! Toi, tu es mon rayon de soleil, ma belle Eliance.
Tu es aussi envoûtante qu'ELLE... D'ailleurs je n'aurais jamais dû l'abandonner. ELLE a su me donner un garçon... il aurait été mon fils, mon héritier. Mais ta mère... elle m'a ensorcelé. Cette gueuse, devenue aussi repoussante que tes soeurs, n'est capable que de pondre des filles ! Je suis parti sans jamais voir mon fils. ELLE m'a écrit, une fois, une seule, pour que je sache son nom... Thomas Sauveur...
Je te croyais différente de toutes ces femelles inutiles, mais au fond, tu ne vaux pas mieux. Depuis ta disparition, je suis contraint d'aller au lupanar ! tu devrais avoir honte de laisser ton propre père ainsi.
Si je t'écris, c'est parce que voilà plusieurs semaines que nous sommes sans nouvelles de Gontrand. Sa dernière lettre disait qu'il t'avait retrouvé. Depuis, plus rien.
J'ai peur qu'il ne vous soit arrivé malheur sur le chemin du retour.
Rassure ton vieux père, veux-tu.
Je serais tellement peiné de te perdre à nouveau.
Vois mon malheur. Je me suis trompé de vie. Trompé de femme. Tu es mon seul réconfort.
Je t'attends.
Alphonse le Ménudier
Eliance s'est laissée choir sur la couche, sans se soucier du sommeil de l'italien cette fois.
La fraîcheur nocturne frôle son corps à moitié nu, tourne autour de lui. Mais pas un frisson ne survient. La rousse est immobile, les yeux rivés sur les mots gribouillés à la hâte.
Sous sa peau de marbre, son cur s'agite, s'emballe, bat la chamade.
Elle relit une nouvelle fois ce nom, ce secret dévoilé.