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[RP] : Prémisses d'une vie trépidante !

Anghell
Immobilisée. Les jours passent comme un défilé dénué de tout entrain. Le corps reprend rigueur. Les membres brisés se cicatrisent dans un silence lourd de sens. Le silence qui hurlait à la solitude. 40 jours, 30 jours, 20 jours et enfin la dernière semaine de convalescence qui arrive comme salutaire ! La plus longue et la plus difficile.
Si au début elle avait compté chaque jour qui la séparait de sa liberté, désormais, elle ne comptait aucune seconde. La notion du temps s’était envolée.

Si le corps était vouée à être immobilisée, son sol ancré dans ce trou perdu, son esprit, lui, partait complètement à la dérive. Il se reposait dans la lisière de ses souvenirs. Chaque jour, ses pensées creusaient un peu plus dans les méandres de ses souvenirs les plus anciens. Tout à un commencement. Le sien débuta à Agen, il y a de cela plus de 10 printemps.

    Prémisses d’une vie trépidante.


L’aventure l’avait toujours attiré dès son plus jeune âge. L’insouciance d’une enfant désireuse d’aller à la conquête du monde. Voyant ses parents monter leurs projets d’une main de fer, elle s’était mise à rêver d’un sentier tumultueux. Après sa tentative de voler tel Icare, une autre idée murissait dans sa petite caboche châtaigne !

Par une journée printanière où les rayons du soleil appelaient à la sérénité et à la bonne humeur, une petite fille s’était décidée à passer un cap. Après avoir trouvé un instant où sa nourrice Margareth, qu’elle détestait, ait le dos tourné, Anghell en profita pour s’éclipser. Elle s’éloigna de ce chemin tout tracé par ses parents, de cette route trop protectrice et trop envahissante.

De ses huit printemps, elle grimpa sur une charrette marchande et s’y cacha le temps du trajet. Lorsque le chargement s’élança, elle réalisa qu’elle ne pouvait plus faire machine arrière. Liberté avait elle envie de s’écrier. Fini les ordres, Fini les surveillances, Adieu nourrice grincheuse incapable de contrôler une petite teigne. A moi la vie se murmurait elle en son for intérieur.
Lorsque les mouvements cahoteux du véhicule stoppèrent leur élan, elle sortit de la caisse qui la camouflait pour descendre en catimini. Sans un regard vers derrière de peur de voir le conducteur tenter de l’arracher à sa décision, elle couru en direction de la forêt. Son père qui aimait la chasse avait tôt fait de lui apprendre comment s’orienter dans un endroit aussi luxuriant en chênes et en ormes. Ses émeraudes claires, à cette époque, scrutaient chaque détail pour les imprimer dans son esprit. Après être tombée une bonne dizaine de fois s’écorchant le genou à plusieurs reprises, elle arriva enfin dans une bourgade.

Courant vers une nouvelle civilisation, elle sentit le vent lui caresser le visage, les cheveux balayant les airs à leur guise. Oui, c’était là le souffle de la Liberté ! Elle balança une jambe après l’autre avec enthousiasme ignorant la douleur de ses écorchures. Visitant la ville sans se poser de question, elle entra dans une taverne pour s’abreuver. Elle avait toujours su faire usage de son jeune âge pour amadouer les adultes. Avec un sourire innocent et un battement de cil, elle parvenait à tout avoir. En sortant pour poursuivre son ascension dans cette ville inconnue, elle vit un jeune homme d’à peu près son âge coller une femme rondelette. Étonnée et ravie de voir quelqu’un d’aussi jeune qu’elle, elle l’apostropha.


Hé toi là, elle agita sa petite main en sa direction alors que ce dernier l’ignora totalement concentré.
Fronçant les sourcils, elle s’avança d’un pas déterminé vers lui quand elle le vit glisser sa main dans la poche de la passante qui bavassait avec un vendeur de tissu. Anghell écarquilla les yeux devant ce spectacle. Partagée entre l’envie de crier au voleur et celui de continuer à admirer la scène, elle cria :


M’dame, m’dame.

Cette dernière, trop occupée à battre des cils auprès du tisserand, lui lança un regard dédaigneux en guise d’éloignement. De nature susceptible depuis toujours, elle se pinça les lèvres et haussa les épaules murmurant tant pis pour toi sale peau de vache !
Le coup final du jeune homme fut une bousculade sur la femme qui chassa le garçonnet par quelques jurons. Anghell n’attendit pas deux minutes pour courir vers lui et le suivre. A bout de souffle, il s'arrêta enfin pour se retourner et lui lancer un regard sombre. Il était plus grand qu'elle d'environ une tête, des cheveux blonds en bataille, pas coiffé, un visage fermé emprunt de crasses et de poussières. Seuls ses yeux étaient lumineux malgré leur couleur sombre.


Dis donc toi… ze t’ai vu hein même que z'aurais pu touuuut cafter ! sourire des plus angéliques devant la moue du jeune garçon. Z’dirais rien, elle l’a bien mérité. Ils sont où tes parents ? Pourquoi t’es aussi mal habillé ? Pis, c’est quoi cet endroit ? Oh et tu pourras me montrer comment qu’tu fais pour voler ? Pis comment que tu t’appelles ? Pis t’as quel âge ?!

Trop excitée par une jeune tête, elle le mitrailla de questions le dévisageant de haut en bas. Inspectant chaque trait de son être. Pourtant, elle ne vit pas le décor insalubre qui les entourait. La face cachée du décor. La réalité du monde côté verso, loin de la sécurité. Elle venait d’ouvrir une porte interdite qui l’entraînera sur un chemin cahoteux.
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Hectortillas
Agrippé à sa broche comme une moule à son rocher, Hector faisait le bilan. Il regardait dans les méandres de ses souvenirs. Tout était si confus, si complexe. Il tournait chaque pan de sa vie comme on tournait les pages d'un livre, comme on lisait une histoire.

Il y avait un chapitre qui l'avait marqué, un chapitre qu'il avait écrit, pour la première fois à deux. Un chapitre où elle l'avait emmené vers des moments heureux, qu'il n'avait pas cru possible. Elle l'avait emmené vers



        les prémisses d'une vie trépidante.



Agen... Hector n'avait même pas cherché à atterrir ici. Il avait suivi ses propres pas. Il était sorti de la forêt quelques jours plus tôt, hirsute comme un sauvage. Ses cheveux étaient collés par la crasse, et ses vêtements ressemblaient plus à des lambeaux qu'à quelque chose qui couvrait du froid. Il avait d'ailleurs utilisé les derniers écus en sa possession, en arrivant, pour prendre un bain, et changer ce qu'il pouvait de ses frusques. Mais le résultat n'était pas tellement plus engageant. Il ne faisait plus sauvage, certes, mais il ne pouvait trompé personne sur son côté gamin des rues.

Puisque c'est d'ailleurs ce qu'il avait l'habitude de faire, pour gagner sa pitance, et rêver d'un jour meilleur, il s'y appliqua. Il y avait un certain talent, sachant se faire discret. Et les rares fois où cela ne fonctionnait pas, il arrivait à mettre des beignes dignes des adultes. Pourtant, il n'avait que onze ans. Mais faut dire qu'il avait déjà gagné sa vie en se battant contre divers animaux, et réclamant ensuite les paris qu'il lançait contre ceux qui le voyait perdre. Cela lui avait laissé quelques traces, mais globalement il pouvait étendre un chien de chasse d'un bon coup bien placé.

Aujourd'hui, il avait repéré une grosse qui avait une bourse qui lui faisait de l'oeil. Vu la taille, Hector se pris à imaginer un poulet juteux pour caler ses dents creuses, et même pourquoi pas l'ivresse d'une chopine. Il se mit à la suivre, à repérer le bon moment.

Collé à elle, il mit fin à la cueillette avec son dernier acte ; la bousculant, il fit tomber la bourse dans une main qu'il enfonça directement dans sa chainse miteuse, et s'excusa platement en s'enfuyant, sans même écouter les jurons qu'elle lui lançait.

Et c'est alors qu'elle apparue. Le bombardant de questions, il en profita pour ne pas faire apparaître l'effet de surprise. Car oui, elle l'avait surpris, cette petite. Lui qui pensait être efficace, il s'aperçut qu'il avait des progrès à faire. D'autant qu'elle le menaçait de cafter.

Mais dans l'esprit d'Hector, il ne put s'empêcher de laisser sa curiosité s'aiguiser, se faire. D'autant qu'il avait déjà passé une bonne année seule, à ne même pas parler des fois pendant plusieurs jours. Il ne parlait que pour aller à l'essentiel. Et son aspect faisait parfois si peur que les gens le fuyaient. Alors qu'une gamine apparaissent, et en plus lui parle, il n'en crut pas les oreilles.

Prenant un air des plus orgueilleux et fier, s'il avait eu un torse d'homme il l'aurait bombé, il prit le parti de lui répondre.


Chui pas un voleur ! Ch'chaparde, c'est tout, et 'niqu'ment quand j'm'emmerde.

Et ayant remarqué qu'elle venait à peine de remarquer l'aspect poisseux et miteux des alentours, il lui sorti alors son plus beau sourire, mit le majeur gauche devant la bouche.

Mais......chhhhhhhhhhhhhhhhuuuuuuutttttt.

Et lui faisant signe de le suivre, il s'enfonça dans les ruelles, vérifiant de temps en temps qu'elle le suivait.
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Anghell
Le monde face cachée.


Une slave de questions s'était échappée de ses lèvres telle une cascade rugissante. Avide de rencontres, avide de découvertes, pleine d'insouciance et de joie. La petite portion s'approcha un peu plus de son interlocuteur comme pour briser le fossé imaginaire qui les séparait. C'était le pas qui allait sceller une drôle d'amitié. La porte qui s'ouvrait sur une confiance enfantine mutuelle.
Elle ouvrit ses grands yeux émeraudes en l'écoutant. Il avait une voix chantonnante. Quand elle l'entendit pour la première fois ouvrir la bouche, il lui semblait entendre un merle chanteur. Elle sourit à cette image furtive dans son esprit. Dans le ton de sa voix, il y avait un je ne sais quoi qui la poussait à se fier à lui et à très vite l'apprécier. Peut être n'était ce dû qu'au fait qu'elle rencontrait que peu d'enfants de son âge. Toujours entourée par des adultes. Son sourire s'effaça devant une réflexion existentielle. Eh oui, à cette époque là, tout questionnement semblait cacher une vérité monstrueuse, monumentale comme si chaque réponse terrait un artefact, un trésor. Là, c'était plutôt le flou total qui primait et elle détestait ne pas comprendre, ne pas saisir les termes qu'elle entendait par ci par là. Cet état des choses lui avait valu une répartie qui pouvait parfois bien déconcerter ou bien énerver !
Anghell répéta après lui "
Chapa..."d'une toute petite voix. Depuis quand, on volait son prochain pour occuper son temps, pour chasser l'ennui ? Froncement de sourcils devant son incrédulité, on vole parce qu'on a pas d'autres choix ou... ou... jusque là, elle ne s"était jamais réellement posée la question et d'ailleurs, pourquoi se serait elle posée une telle question à cette époque ?
A peine eut elle le temps d'en demander plus qu'il filait déjà.
Au moins, il ne l'avait pas chassé. C'était mieux que ce qu'elle espérait, il lui fit même signe de le suivre et ce, en silence, chose pas aisée à cette époque là pour la petite teigne!

Hé attends... c'est quoi ça, chapa, j'sais pas quoi ?

Ni une ni deux, elle le suivit ignorant toujours le décor qui les engloutissait trop préoccupée par le nouveau mot qui s'offrait à elle. Curieuse de tout, tant des choses abstraites que matérielles.

Hé t'm'as pas expliqué c'est quoi qu'un chapar...C'est là où on nous pouvons voir que dès le plus jeune âge, elle agissait tête baissée, sans réfléchir courant à droite et à gauche... sans doute pour ça qu'il lui arrivait aujourd'hui de se retrouver dans des impasses !
Ce qu'elle ne savait pas, c'est que plus elle s'élançait vers lui et plus elle semblait être engloutie par la bouche des ténèbres. La douleur de son genou commençait à être plus vivace, elle glissa sa main dessus pour le frotter mais se ravisa voyant son compère accélérer le rythme. De peur de le perdre, elle prit son mal en patience se disant que plus tard, elle pourra bien se plaindre auprès de lui. Très vite la douleur fut remplacée par une autre préoccupation. Une 'odeur nauséabonde qui lui picotait les narines.

Oh mais.. ça pouiiiiii, elle se pinça les lèvres pour les sceller devant le regard désapprobateur du garçonnet et devant son index sur sa bouche qui lui intimait de la mettre en veilleuse à nouveau. Puisqu'il lui sommait de se taire et qu'elle détestait déjà obéir, elle marmonna tout bas plus pour avoir le dernier mot. Entêtée, dites vous ? Oh oui...

z'me tais quand z'veux pis d'abord, et pis ... pis on va où ..?

Elle pivota son minois sur le côté comme pour trouver une réponse à sa question puisque le garçonnet s'était murée dans son mutisme. Là, Anghell remarqua que le jour s'était éloignée et qu'il était aux abords du sommeil. En réalité, il était encore tôt seulement, la clarté du soleil avait fui ce coin de la ville, laissant là les habitants mordus par les crocs de la déchéance ou plutôt, les nuages grisâtres s'étaient mis en harmonie avec le malheur de chacun d'eux. Au choix.
Elle fit face à des bâtiments en ruines envahis par des fissures dûs au temps et au manque d'entretien. Des maisons s'entassaient laissées à l'abandon, des hommes maigrelets ou ivres gueulant des vulgarités à tout va. Certaines femmes déambulaient le pas traînant et la mine renfrognée craignant d'attirer les foudres d'un quelconque inconnu. D'autres femmes au visage tout peinturluré lançaient des œillades à toute chair masculine qui se trouvait dans les parages. Elles faisaient des signes de la main pour les attirer dans leur filet comme le chant des sirènes. Mais derrière chacun de leur faux sourire, elle vit un profond désespoir à travers leur regard. Elle frissonna en réalisant enfin ce qui l'entourait. Devant tant de décolletés, de vêtements crades et déchirés par endroit, de visages possédés par une détresse sans limite, elle braqua ses émeraudes par terre. Toutefois, même le sol faisait peine à voir. Il était envahi par des détritus et des déjections, traces d'une pauvreté, traces d'une possession d'autrefois. Elle s'arrêta en voyant une écharpe sale au sol et regarda autour d'elle pour chercher le propriétaire de ce tissu. Personne n'avait l'air de se soucier de cette écharpe. Chacun vaquait à leurs occupations, s'enfermant dans leur propre désarroi trop palpable pour elle. Assaillie par ces nouveaux sentiments qui se propageaient en elle, Anghell accéléra le pas pour rattraper le jeune garçon qui l'avait entraîné dans ce dédale et lui saisit la main. Maigre réconfort face aux images qui s'étaient imprimées dans son esprit ! Bienvenue dans la face cachée de ce monde !

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Hectortillas
La ville est comme un corps. C'était un organisme vivant qui possédait ses particularités.
On y trouvait la tête pensante, représentée par la municipalité. Lieux des principales décisions, organe où se pensaient les mouvements du reste.
On y trouvait le cœur, c'est à dire le marché. Endroit vital, où tout arrivait et où tout en repartait. Chacun y venait pour assurer sa survie, ou bien pour y faire fortune. Lieu de tous les rêves imaginés, et de tous les espoirs déçus. Lieu de tous les échanges, de fortunes mal acquises, et d'infortunes jetées à la face du monde.
On y trouvait les grandes ruelles, comme des artères. Lieux de passage, où l'on faisait autant d'avancer que de se montrer. Lieux de bouchons, le noble en roulotte refusant le passage au soudard qui ne souhaite que taper ou casser une bouche. Hector, lui, ne prenait pas ces ruelles. Il n’était pas de cette veine. Il avait emprunté…



      les chemins de traverse.



Les petites ruelles sombres, et les recoins, les trous que faisait l'espace entre deux taudis. Le garçon courait, à en perdre haleine. Enfin, pas trop vite non plus. Le but était de la semer juste au bon endroit. Elle se devait de le suivre jusque là où il voulait l'emmener. Et avec un peu de chance, Le Borgneux serait là. Il s'il était là, la fortune sourirait au Petit Bâtard. Il vendrait la gamine, ou bien l'échangerait contre plus utile, plus intéressant. Et puis, nul doute que le Borgneux serait impressionné de ce haut fait. De cet acte plus qu’intéressant financièrement pour lui. Une fille, sur le marché juteux de la putasserie, pour peu qu’elle soit vierge, pouvait rapporter au moins une cinquantaine d’écus. Au bas mot.

S’arrêtant devant l’entré du repaire, Hector jeta un rapide coup d’œil, cherchant le maitre des lieux ou bien l’un des pouilleux qui l’accompagnaient. Mais personne. D’habitude, il y avait toujours un toutou fidèle, un chiard qui surveillait l’entrée pour son mestre, et qu’il fallait d’abord passer. Mais là, même pas. Si cela se trouve, ils étaient en pleine opération, ces cons. Ou bien, ils se seront faits choppé par un grand, ou un agent de la Prévôté. Faudrait qu’il songe à repasser par là, vérifier ce qu’il en était. Nan parce que s’ils s’étaient fait prendre et croupissaient dans une cellule, la place était à prendre. Et le coin était plutôt bien agréable, ou du moins pratique.

A peine le temps pour lui de se faire ce genre de réflexion, que revoilà la gamine qui apparaissait enfin. Reproduisant son geste, il lui intima à nouveau l’ordre de fermer sa bouche. Elle parlait définitivement trop celle-là.
Mais il remarqua qu’elle comprit enfin là où elle se trouvait. Elle s’aperçu enfin qu’elle avait quitté l’effervescence du marché, pour rencontrer la crasse. Celle qui s’incruste loin dans les recoins d’une ville, celle qui reste au corps longtemps après que la pluie eu tout délavée. Une crasse que l’on reconnaissait aisément par les traces de pisse sur les murs, et les vieilles merdes qui ne voulaient pas partir du caniveau. Les pots de chambre cassés se mélangeaient aux restes avariés de repas. Si elle trouvait que cela pouissait, c’était surement que la puanteur se disputait avec la pourriture

Et les gens… Nul doute que si la crasse pouvait avoir un visage, elle aurait celui des personnes qui trainassaient dans la rue, actuellement. Les dones de mal viure lorgnaient sur de maigres et pauvres passants, prêtes à vendre leur cul pour chope de bière. Les grands semblaient si sales, que leurs vêtements tenaient tous seuls sur eux, comme une seconde peau. L’abrutissement était un lot de groupe, pour résider icelieu, et la bêtise congénital semblait pointer le bout de son nez à chaque croisement.


Bon, c’est loupé pour le Borgneux, pensa Hector pour lui-même. Changement de plan, donc. Il repartit en avant, reprenant sa course, tout en vérifiant toujours qu’elle le suivait. Et il n’eu pas longtemps à vérifier, puisque d’un coup, il sentit qu’elle lui prit la main.

Et tout en avançant, il se surprit à apprécier cette main dans la sienne. Il s’étonna de voir qu’il ne l’a rejetait pas, qu’au contraire il en appréciait la chaleur. Comme un manque qui faisait surface de façon soudaine. Comme un instant d’affection, que le Bâtard n’avait jamais connu. Un inconnu qu’il ne pensait même pas possible, et qu’il découvrait à présent. Même sa mère ne lui avait jamais tenu la main. La seule main dont il se souvienne, c’est celle qu’il recevait régulièrement dans la figure ou ailleurs, parce qu’au mauvais moment au mauvais endroit. Une main qui lui chauffait la joue ou le cul, alors que celle qui sentait à l’instant, lui chauffait autre chose. Un autre lieu. Et la sensation n’était pas déplaisante, bien que nouvelle. Cette fille avait peur, et elle lui faisait presque confiance.

Et c’est ainsi qu’ils arrivèrent ensemble dans une cour. Rien n’y trônait, mis à part un tas d’immondices, et une porte. Sans dire un mot, toujours silencieux, Hector ouvrit la porte, et s’engouffra dans le couloir, l’emmenant avec lui. Ils traversèrent un petit dédale de pièces, dans lesquelles étaient entreposées diverses denrées. Comestibles ou non d’ailleurs. Cela faisait un peu comme une caverne d’Ali Baba. Un endroit où de la viande séchée trainait à côté d’un tableau de Raymond Barre. Un bazar bordelique, dont Hector semblait tout de même connaître l’issue, puisqu’il les en sorti, pour adresser un discret coup de tête à la personne derrière le comptoir qui apparaissait, et s’attabler avec elle sur un coin reculé et discret de la taverne où ils venaient d’arriver. Tandis que le reste de la populace, présente dans cet endroit de débauche, ne prêtaient même pas attention aux deux mioches qui venaient de passer, trop occupé à rêver de fortunes et de plaisirs qui ne seraient que chimères.

Il l’assit en face de lui, la détailla tout du long, prenant enfin le temps de remarquer son genou abimé, par exemple. Et à peine deux verres d’eau venaient de se poser sur la table, que Hector lui posa la question qui lui brûlait les lèvres depuis cette main tendue :


    T’appelles comment ?

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Anghell
Le blanc immaculé avait éclairé son enfance de sa pureté. Les nuages dégagés pour laisser les rayons du soleil irradier son univers. Elle n'était pas née avec une cueillière en "or" dans la bouche mais elle n'avait jamais manqué de rien. L'amour et la sécurité que lui prodiguaient ses parents valaient bien tout l'argent du monde. Malgré tout, elle s'ennuyait dans cette bulle trop protectrice.
Souvent avant de se rendre aux pays des rêves, ses pensées voguaient vers univers qui lui était étranger. Celui qui l'amènerait seule, démunie et sans défense. Elle imaginait la vie de l'autre coté de cette rune protectrice que sont les bras de père et mère. Comment était donc les gens de l'autre côté du rivage ? Elle avait ouïe dire un tas de choses là dessus mais rien qui se rapprochait de la réalité. Il fallait juste le voir de ses propres yeux pour en mesurer la différence.

Si sa vie avait évoluée dans une prairie luxuriante, là, elle était face à une montagne d'immondice. Oui, jusque là l'Ange n'avait côtoyée que pureté et insouciance baignées par la clarté du soleil. Désormais, elle faisait face aux ténèbres et à ses occupants. Rien n'aurait pu la préparer à ce défilé de débauche où l'arc en ciel de son monde s'était noyée dans la noirceur de la crasse et du déchéance.

Les yeux lui picotaient à cause de la mixture des différentes odeurs qui s'échappaient et des habitants de ce coin là et de l'atmosphère. L'air était étouffant et elle suffoqua à plusieurs reprises. En temps normal elle aurait trépigné d'impatience et montré son mécontentement mais là, elle était tétanisée par l'ombre du décor. Elle se sentait être une feuille volante qui tombait dans un précipice sans fond retenant sa respiration jusqu'à la chute finale.
A chaque fois que le dégoût lui montait à la gorge ou que la peur lui nouait l'estomac, elle serrait un peu plus la main de son guide. Geste qui lui rappelait qu'elle était puisqu'il semblait totalement l'ignorer. Geste qui criait à la fuite. Geste pour lui rappeler que toujours, elle sera protégée. Étrangement, dans ce décor insalubre, elle se sentait tâche. Elle espérait qu'il ralentisse la cadence mais elle comprit bien vite que leur pas de danse effrénée n'était pas prête de s'arrêter.

Enfin l'allure ralentit, Anghell pensait cette issue salutaire. Enfin, elle pouvait jauger à nouveau les alentours qui n'étaient guère plus rassurant qu'au départ. Le gouffre dans lequel il l'avait entraîné vomissait toujours sa débauche. Ses émeraudes roulèrent de droit à gauche dans leur cage pour détailler l'endroit où il l'avait emmené. Presque fascinée, elle entrouvrit ses lèvres pour s'extasier devant les étalages mais aucun son ne parvint à sortir. C'est alors qu'il lui lâcha la main. Là, elle sentit la sueur collante se rafraîchir comme si le voile protecteur de cette poigne c'était volatilisée. Alors, elle le suivit sans mot dire à croire que son mutisme était contagieux.

Anghell s'installa en grimaçant de douleur et posa ses mimines sur ses cuisses, triturant ses doigts. Un autre silence s'ensuivit pour les laisser s'observer. Elle dévisagea celui qui lui faisait face, d'abord ses yeux sombres qui ne dénotaient aucune émotion, le vide totale bien que ses sourcils froncés lui donnaient un air de contrariété perpétuel. Puis, elle inspecta son nez et ses joues rosies par leur course. Enfin, elle s'arrêta sur sa bouche qui allait enfin livrer quelques notes de sa voix. La Châtaigne détourna les yeux, hésitante. Pourquoi l'avait il entraîné ici ? Soudain, elle pensa aux activités de ses parents. Malgré son jeune âge, elle avait très vite appris les coups bas et les trahisons qu'imposaient la vie politique. La méfiance était de mise et pourtant, cette voix semblait tout de velours et incitait à la confiance. Ou alors, elle était vraiment naïve ! Avec un sourire qui se promenait souvent sur ses lèvres, elle répondit sur un ton habillé de fierté :

Ze suis Anghell ! Anghell d'Hell !Regard sur son interlocuteur pour voir sa réaction avant d'enchaîner :

Et toi ?

Qu'est ce tu fou ici ?

Dans le visage douillet de l'Ange, le sourire s'efface pour ne laisser qu'une plaine aride où ses sourcils se froncent devant l'ignorance de sa propre question.

On n'répond pas à une question par une autre !
A la remarque de la fillote, Hector ne pu s'empêcher d'arquer ses lèvres dans un sourire. C'est qu'elle faisait l'effrontée en plus. Au moins, elle ne manquait pas de cran. Lui qui s'était imaginé de la stupidité, pour l'avoir suivi tout le long de ces entrelacs de la ville, il devait reconnaître qu'elle ne manquait pas de cran. Peut-être était-ce du à la naïveté de la jeunesse, ou bien parce qu'elle était du genre féminin, toujours est-il qu'elle bluffait bien. Il prit donc le parti de lui répondre.

T'as qu'à m'app'ler Tillas 

Elle ouvrit grand ses yeux comme s'il venait de lui confier là un secret qui déjouerait le temps où qui serait décisif à la bonne marche de ce monde. Elle se répéta à plusieurs reprises “Tillas”, “Tillas” non de peur de l'oublier mais surtout parce qu'elle pouvait enfin mettre un nom sur ce visage, un nom sur un potentiel ami. Oui, ami car elle était persuadée qu'elle se trouvait à un tournant de sa vie.

Oh... ze peux t'appeler Titi ?
Le sourire angélique reprend sa place sur ses lèvres et sans attendre une réponse de lui, elle poursuivit

Ze me suis enfuie de ssez moi ! Marre que mes parents me prennent pour un bébé ze suis une grande maintenant. Ze peux me débrouiller toute seule !
Petite grimace en jetant un œil sur son genou écorché. Elle glissa sa main sur celui ci comme pour cacher sa blessure et ainsi donner une consistance à son discours.
Ze veux l'Aventuuuuuuuuuure ! Et toi, toi aussi tu t'es enfui ? Dis dis... on fait quoi ici ?

Elle saisit le verre d'eau qui venait d'être posée devant eux pour le porter à ses lèvres et boire une longue rasade. Elle avait retrouvé son panache tantôt calfeutrée derrière la peur de la découverte de l'envers du décor. Pourtant, ce qu'elle ne savait pas c'est que cette peur allait bientôt monter d'un cran.... Elle aurait peut être du s'abstenir de lui poser cette dernière question car la réponse allait l'entraîner dans une ruelle étroite où le soleil n'ose même pas en franchir la limite.

[hrp Les pensées et les paroles de la poupée Tillas n'appartiennent qu'à lui ]
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Hectortillas
« Le soleil ne se lève que pour celui qui va à sa rencontre. » *



Tout en écoutant la jeune en face de lui, Hector ne put s'empêcher de fureter quelques regards aux alentours. Déformation professionnelle, diront certains, agacement du flot de paroles diront d'autres, toujours est-il que le petit bâtard suivait la conversation, les yeux posés sur le lieu de la rencontre.

Et il n'était pas déçu en soi. Il n'y avait qu'à voir comment la serveuse s'affairait d'une table à une autre, posant les chopes sur une table, tout en esquivant une main baladeuse et le rire gras du propriétaire de la main. Pendant qu'à côté, deux hommes chuchotaient à voix trèèèèès basse, tout en jetant des coups d'oeils furtifs aux alentours. Un forfait ? Un assassinat ? Nul ne saura jamais. Et il faut croire qu'il ne vaut mieux pas savoir dans quel forfaiture ces deux là allait se jeter.
Plus loin, dans le contre jour d'une fenêtre crasse, l'on voyait un noble qui regardait autour de lui, et dont le sourire trahissait l'encanaillement qu'il faisait en squattant ces lieux, cette taverne.
Au comptoir, sur le zinc, des chopes au breuvage plus fort et dont la teneur alcoolique brûlait toutes les maladies connues dans les Royaumes. Chacun y allait de son bon mot sur la politique des Royaumes. chacun y allait de sa remarque sur l'actuel monarque, et surtout son absence si rassurante, si déroutante. Remarques que gratifiait à chaque pause d'un hochement de tête consentant, le maître des lieux, celui qu'Hector avait salué il y a quelques instants à peine, pendant qu'il essuyait un verre d'un torchon à la blancheur plus que douteuse.
Le tout était flou aux yeux du gamin. Il avait parfois un peu de mal à discerner ce que ses yeux voyaient, sous le flots de la fumée des pipes, sous l'odeur mélangée du pain rassis, de la viande nerveuse et surtout cuisinée à même le feu. Il arrivait même, de par l'habitude peut-être, à sentir les odeurs de pisse qui venait des latrines au fond. Ça sentait la sueur et la mauvaise cuisine, l'homme gras suintant autant que les côtés de boeuf.

C'est quand elle lui demanda si elle pouvait le surnommer Titi qu'il tourna la tête vers elle, et revint au sujet de sa présence.

Rien que pour ce surnom débile, il aurait du la planter, là. lui mettre un coup de surin discret dans le ventre, en passant par sous la table. Tout le monde était tellement occupé à remplir le vide de son existence que personne ne s'en rendrait compte.
Et pourtant, il n'y arrivait pas. Même quand il était parti de chez le Borgneux, il semblait soulagé. Comme si, au fond de lui, il n'arrivait pas à se résoudre à la dessouder. C'est qu'elle avait ce quelque chose d'indéfinissable, qui lui avait fait garder cette main dans la sienne. Elle avait cette spontanéité, cette fraîcheur propre aux débutants. Si jeune, et encore si innocente. Elle, qui voulait découvrir la vie, et semblait vouloir la croquer à pleine dents, elle lui avait fait confiance. Elle s'était jeté dans le gueule du loup, et maintenant, le loup culpabilisait de la croquer, de resserrer sa mâchoire pour n'en faire qu'une bouchée.

D'ailleurs, c'était bien la première fois que quelqu'un lui faisait confiance. Lui qui avait débuté sa vie sous le rejet de sa pute de mère. Sous les coups de Marcus quand il était devant son chemin. Lui qui avait rejeté toute affection qu'on lui offrait, comme la promesse d'une souffrance trop dure à supporter, le voilà qui s'entichait d'une gamine. Peut-être est-ce la nouveauté d'une confiance aveugle. Ou alors peut-être se persuada t-il, dans une défense mal faite, qu'il voulait savoir jusqu’où cette confiance pouvait aller. toujours est-il qu'il se rendit compte que déjà, sans le vouloir, il n'arriverait pas. Ni à la trousser, ni à la détrousser.

La regardant prendre son verre d'eau, tentant de se redonner prestance, Hector sourit à nouveau, et pris le parti d'accepter les émotions qui le traversaient. Pour une fois du moins.


Alors d'jà, si tu r'commences à m'app'ler Titi, j'te désosse !

Un lever de doigt en direction du gars derrière le comptoir, qui l'ayant remarqué, se dirigea directement vers de quoi préparer deux bières, et Hector revint à Anghell.

T'es une grande ? T'veux l'aventure ?
Alors tu commences par faire c'que ch'te dit. Tu t'tais, et t'observes !




* Henri Le Saux

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Anghell
  Deux choses sont blanches - l'innocence - et l'arsenic. *

    Dors dors petit ange, le jour viendra
    Il se lèvera sur ton innocence.
    Dors dors petit démon, la nuit viendra
    Elle tombera sur ta clémence.


La règle que tout être se doit d'appliquer et d'assurer est bien celle des apparences. Malheureusement, celle ci fait défaut à bon nombre de personne. Il faut toujours se méfier de l'autre et de ce qu'il veut bien nous montrer. Après tout, nous ne sommes pas à l'abri d'une mauvaise surprise. La potiche qui se veut ignorante pour appâter les faveurs d'un noble et piocher sur sa fortune. Le charmeur qui se veut confiant et fou amoureux pour mettre dans son lit la dernière des pucelles. Derrière chaque personne, il se cache une autre facette et parfois, nous feignons de ne pas la voir. Nous pouvons nous faire passer pour n'importe qui, seule faille : le regard qui peut nous trahir.
Ainsi, derrière une enfant aux airs des plus angéliques, peut se terrer son contrario.

La spontanéité anghellique pouvait soit susciter, attendrissement soit agacement. Ses parents étaient souvent mal à l'aise devant les répliques cinglantes de leur fille et puis, après comment engueuler une bouille si touchante ?
Elle était en soi comme un diamant emprunt de pureté. Un joyau, le plus éblouissant qu'un joaillier ait pu avoir entre ses mains. Mais avant de briller aux éclats, n'oublions pas que cette pierre précieuse était à l'état brute et sauvage avant d'avoir été polie. Malgré tout, le sourire affiché sur son visage baignait dans une lueur enfantine qui clamait l'innocence.
La choppe, reposée sur la table, était la cible de ses émeraudes si claires. Le silence entra enfin en scène mais, il était de courte durée. La Châtaigne avait l'habitude de s'extasier de si peu de chose. Le fait est qu'elle ait trouvée un potentiel ami la comblait davantage. Si elle, elle avait un regard limpide, lui, ses pupilles s'étaient échoués dans les ténèbres. Elle aurait dû fuir au premier regard et pourtant, c'est ce même regard qui l'avait attiré. Il avait ce quelque chose d'inexplicable. Derrière son calme apparent, elle décelait un tourment, une agitation intérieure. Aucune explication à cela mais, sa curiosité allait bien découvrir la cause de ce tumulte.

Elle désirait découvrir le monde face B, elle voulait voir de ses propres yeux comment était et comment vivait ces espèces de gens laissé pour contre. Seuls et livrés à eux mêmes. Elle avait remarqué qu'un voile nuageux envahissait chacun des regards qu'elle avait réussi à pêcher de ses vertes et Tillas en était la mascotte. Il serait le lien qui la rattacherait à ce monde si méconnu d'elle. Échangeons nos places juste une journée proposait son air mutin. Toutefois, elle fut prise au dépourvu oubliant ce qui l'avait pousser à venir ici.
La petite appréciait la voix de son guide parce que celle ci contrastait avec ses prunelles. Une voix mélodieuse sous un regard d'acier. Une voix chantonnante pour un visage fermé. Elle pencha légèrement la tête amusée par ce contraste quand le contenu des mots atterrirent dans le cerveau de la belle. Se redressant, elle fronça légèrement les sourcils, incrédule. Puis, quand il poursuivit son incrédulité donna la place à l'impulsivité.

    Lève toi petit ange et plane
    Vole au dessus des nuages et regarde
    Lève toi petit démon et flâne
    Brûle l'ennemi qui oubli sa garde.


Chaque chasseur est la proie d'un autre. Le loup voulait resserrer sa mâchoire sur ce minois des plus angéliques. Le loup claqua des dents pour libérer des mots acérés à une poterie si fragile.

De l'ombre à lumière, il n'y avait qu'un battement de cils. Le silence la rendit aphone. Elle prit alors connaissance des lieux zyeutant de droite à gauche et plissant les yeux devant les visages qui se succédaient sous ses émeraudes. Elle observa le tavernier balancer son torchon sur son épaule sous un rire tonitruant. Elle vit un regard audacieux suivre le pas sensuel d'une serveuse sans comprendre encore ce que voulait dire cette étincelle habitée par le désir de la chair. Elle scruta un homme à l'écart bien différent de tous les autres. Cette différence se manifestait par sa tenue distinguée. Chacun vaquait à ses occupations laissant de côté deux enfants assis autour d'une table dans un endroit qui puait la débauche. C'est maintenant, qu'elle se rappela qu'à chaque fois qu'elle mettait les pieds dans une taverne quelqu'un lui faisait savoir qu'un tel lieu n'était pas fait pour une enfant. Pourtant, là elle était comme transparente, une décoration que personne n'oserait admirer.

De l'ombre à la lumière, il n'y avait qu'un pas. Elle entendit les battements de son cœur cogner contre sa cage thoracique cherchant à hurler. La main posée à plat sur la table se crispa et lorsqu'elle pivote son minois pour faire face à son interlocuteur, on aurait pu déceler des larmes qui montaient à ses yeux. Larmes d'une enfant sensible, susceptible. Larmes d'une enfant capricieuse et boudeuse. Pourtant, aucune d'elles ne coulèrent au contraire, elles bordèrent le lit de ses émeraudes qui fixaient ce cher Tillas. La clarté qui enveloppait ses prunelles s'envola pour faire tomber le rideau sur un regard sombre. Une moue déçue se dessina sur son visage. Dès le plus jeune âge, elle n'avait pas sa langue dans sa poche. Très tôt, elle avait appris à répliquer comme il se devait trempant ses mots dans l'arsenic alors, elle répondit avec une assurance quelque peu déconcertante :


Désosse moi si tu en es capable mais surtout, ne me rate pas. Tu risquerais de le regretter autrement.

Le temps de ciller des yeux et voilà que le sourire réapparut sur sa face qui retrouvait toute sa tendresse. Elle se détendit, ses doigts dessinant des arabesques sur la table via une goutte d'eau perdue sur la table. Comme si de rien était, elle demanda d'une voix plus basse :

Au fait, z'dois observer quoi ...?

Pour accompagner sa question, elle planta ses vertes sur le tavernier puis balaya la salle des yeux à la recherche de quelque chose qui pourrait attirer son attention. Après chaque tempête, le calme reprend ses droits.

*de Carl Jonas Love Almqvist

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Hectortillas
Un démon, c'est un ange qui a eu des malheurs *


Moitié ange moitié démon
Les cheveux en bataille
Le sourire mutin
Je viens soir et matin
Vagabonder dans ton esprit.


La réponse d'Anghell cloua Hector sur place. Ouvrant grand les yeux, il ne répondit rien, se laissant happé par l'incision qu'elle venait d'essayer d'opérer sur lui. Et manifestement, cela avait fonctionné, d'une certaine manière. Il resta bouche bée. La petite donzelle, la petite péronnelle, qui avait l'air plus perdue qu'autre chose, comme un oisillon sur le sol recouvert de feuilles mortes et qui tentait de comprendre pourquoi ses pattes le tenaient à peine debout. Celle qu'il avait voulu refourguer au Borgneux, voilà qu'en un éclair, elle venait de se transformer. Elle semblait si petite, si fragile avec son zozotement. Elle aurait pu soutirer du fric à n'importe quel personnage du marché, avec cet air angélique, cette bouille à faire craquer le coeur d'artichaut du plus geignard des soudards. Et là, en une fraction de seconde, dans un battement de cil, elle venait de montrer un visage presque effrayant. Une agressivité qui ne devait presque pas sortir, tellement cela lui donnait un regard flippant. Des yeux avides de haine, avide de grossir les rangs d'une horreur sans nom. Et la rapidité avec laquelle cela venait de se passer, la presque imperceptible sensation, comme si cela n'avait été qu'un rêve, qu'une impression, ne fit que rajouter à la sensation qui s'empara d'Hector à ce moment.

Lui qui l'imaginait un peu cinglée, pour se jeter dans la gueule du loup, la voilà qu'il la découvrait cinglante, montrant les crocs.
Nul doute qu'avec elle, les écus sonneraient dans les bourses d'Hector. Il ne fallait pas la vendre, bien au contraire. Elle avait bien plus d'atouts qu'il ne lui avait donné au début. elle recelait bien des surprises, qui feraient surement le bonheur à tous les deux. Si elle pouvait montrer les crocs sur commande, et frapper au bon moment, au bon endroit, nul doute que leur fortune était faite.
Il ne fallait surtout pas qu'il laisse échapper ce joyau. La fillote croqueuse était une denrée rare et trop précieuse.


Moitié ange moitié démon
C'est dans ton rire cristallin,
que se cachent les défunts,
La noirceur de ton monde,
Et l'innocence de l'enfant.


Elle voulait voir l'autre face ? Elle voulait découvrir le côté obscur ? La crasse et la laideur ? Hector allait se faire un plaisir de lui montrer tous ces aspects, et même ceux dont elle ne se doutait même pas. Il allait la façonner, ou du moins tenter de l'aider à contrôler sa noirceur, pour qu'elle puisse y faire face, et qu'elle puisse surtout l'utiliser à bon escient. A son escient. Pour elle.

Reprenant alors ses esprits, Hector parti d'un rire franc, tentant de donner change à ses propos. D'autant que sur son visage, l'air affable avait repris le dessus, comme s'il ne s'était rien passé. Elle débordait de tendresse, après avoir éructé d'une sombre colère. Mais Le minot ne la regardait pas. Ses yeux restaient attentifs à l'entourage. Ils scrutait, guettant le moindre mouvement donnant le signal d'un mouvement. Rapide et efficace.

Le premier signal fut l'arrivé de la serveuse, qui se pencha pour déposer les deux chopes de bière, le sourire aux lèvres de voir deux enfants, deux gamins s'encanailler. Cela l'amusait beaucoup la serveuse, d'autant que cela lui rappelait surement ses jeunes années, lorsqu'elle était encore fraîche et innocente; Lorsqu'elle aussi voulait croquer la vie à pleine dents.
Dans un mouvement bien déterminé à l'avance, Hector regarda l'opulente poitrine se pencher au dessus de la table tandis qu'elle servait, pour ensuite lever les yeux vers la propriétaire des mamelons. Le sourire un peu gauche se fit sur sa figure, comme s'il était gêné d'avoir été surpris d'un regard concupiscent. Et devant celle qui était émue de voir un gamin faire l'adolescent, il osa tendre son bras pour tenter de l'entourer par la taille, et essayer de l'amener jusqu'à lui. La serveuse, comprenant que le gamin voulait jouer au grands, lui attrapa le bras, et le reposa sur la table. Et avec un clin d’œil, elle reparti dans son service, et dans sa vie bien banale, l'esprit émoustillée de plaire encore aux jeunes.

Hector se retourna alors vers la jeune fille assise en face de lui, et lui montra discrètement la bourse subtilisée à la serveuse, tout en la cachant dans sa chainse miteuse.


T'observes l'meilleur' armes pour chaparder : n'sourire et n'joli minois.

* Rivarol

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