Arnault d'Azayes
Rome, 6 juillet 1462. Le cardinal d'Azayes avait congédié ses bedeaux, notaires et diacres à l'entrée de la basilique Saint-Titus. Le dernier bedeau l'ayant amené devant l'autel rejoignit ses collègues devant la porte extérieur de la première église de l'aristotélité. Dans l'immense et superbe édifice, un homme petit et hideux était agenouillé. La laideur de ses traits, évidente depuis qu'il ne portait plus sa capuche, s'était récemment accentuée par une morsure d'hérétique mais surtout par un ample bandeau marron traversant son visage au niveau des yeux.
« - Seigneur, fais-moi voir Ta lumière. »
Les mots avaient été murmurés avec une voix suppliante et douce, loin des atours d'autorité dont l'homme se forçait à se vêtir depuis quelques années. Après plusieurs minutes de prière silencieuse supplémentaires, l'aveugle inclina totalement son buste jusqu'à toucher le sol de la basilique. Les splendides habits de pourpre et d'or qu'il avait revêtus ce jour-là soulevèrent la poussière du lieu saint.
« - Servus servorum Dei », murmura-t-il avant de redresser son buste lentement.
Le serviteur des serviteurs de Dieu. Selon lui, ce titre communément utilisé par les papes lui convenait entièrement en ce jour si particulier. De toutes les nombreuses tâches qui avaient été les siennes, celle qui l'attendait était sans nul doute la plus titanesque. Depuis plusieurs jours, il ne dormait quasiment plus, réunissant des documents et établissant des listes assisté d'une foule de notaires.
Angelyque de la Mirandole, chef de file de l'Église schismatique de France sous le règne de feu Eusaias, avait demandé à être entendue en procès en réhabilitation. Un tel événement ne se pouvait concevoir autrement que public ; c'est donc au cur même de la place d'Aristote que l'Azayes souhaitait entendre l'excommuniée. L'événement figurerait sans doute dans de nombreux livres d'histoire ; et plus il avançait dans sa préparation, plus l'Azayes doutait. La réussite de la procédure, si certaine dès qu'il entama les préparatifs, était à présent remise en question par divers faits. C'est pour trouver la foi nécessaire qu'il avait souhaité prier seul dès avant l'aube. Or celle-ci poignait au moment même où l'aveugle se redressa : son visage hideux fut alors baigné d'une lumière douce mais puissante.
« - Merci Seigneur », murmura-t-il enfin avant de se relever lentement et de se déplacer à l'aide d'une canne jusqu'à la porte qu'il frappa de deux coups.
Ses assistants eurent tôt fait de le mener sur la place d'Aristote voisine. tout y avait été soigneusement préparé par la garde épiscopale. Sur une estrade surélevée au-devant de la place trônait un grand bureau recouvert de velours pourpre. Une immense cathèdre incrustée de gemmes était disposée derrière le bureau en son centre ; un siège plus modeste de chêne foncé figurait à sa droite. Face à la cathèdre centrale se trouvait une barre semblable à celle des tribunaux à l'exception qu'elle portait les armes de l'Inquisition et des crois aristotéliciennes. La barre faisait face à la cathèdre centrale ainsi que les très nombreux sièges simples disposés en rangs réguliers derrière elle.
D'habitude, la place d'Aristote est encore déserte à une heure si matinale. Mais lorsqu'il y arriva ce jour-là, Arnault savait qu'il était attendu. Aux deux personnes qui y patientaient, il dit :
« - Chevalier. Ma mère. Approchez donc. »
Et, d'un geste, il les invita à s'agenouiller face à lui.
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« - Seigneur, fais-moi voir Ta lumière. »
Les mots avaient été murmurés avec une voix suppliante et douce, loin des atours d'autorité dont l'homme se forçait à se vêtir depuis quelques années. Après plusieurs minutes de prière silencieuse supplémentaires, l'aveugle inclina totalement son buste jusqu'à toucher le sol de la basilique. Les splendides habits de pourpre et d'or qu'il avait revêtus ce jour-là soulevèrent la poussière du lieu saint.
« - Servus servorum Dei », murmura-t-il avant de redresser son buste lentement.
Le serviteur des serviteurs de Dieu. Selon lui, ce titre communément utilisé par les papes lui convenait entièrement en ce jour si particulier. De toutes les nombreuses tâches qui avaient été les siennes, celle qui l'attendait était sans nul doute la plus titanesque. Depuis plusieurs jours, il ne dormait quasiment plus, réunissant des documents et établissant des listes assisté d'une foule de notaires.
Angelyque de la Mirandole, chef de file de l'Église schismatique de France sous le règne de feu Eusaias, avait demandé à être entendue en procès en réhabilitation. Un tel événement ne se pouvait concevoir autrement que public ; c'est donc au cur même de la place d'Aristote que l'Azayes souhaitait entendre l'excommuniée. L'événement figurerait sans doute dans de nombreux livres d'histoire ; et plus il avançait dans sa préparation, plus l'Azayes doutait. La réussite de la procédure, si certaine dès qu'il entama les préparatifs, était à présent remise en question par divers faits. C'est pour trouver la foi nécessaire qu'il avait souhaité prier seul dès avant l'aube. Or celle-ci poignait au moment même où l'aveugle se redressa : son visage hideux fut alors baigné d'une lumière douce mais puissante.
« - Merci Seigneur », murmura-t-il enfin avant de se relever lentement et de se déplacer à l'aide d'une canne jusqu'à la porte qu'il frappa de deux coups.
Ses assistants eurent tôt fait de le mener sur la place d'Aristote voisine. tout y avait été soigneusement préparé par la garde épiscopale. Sur une estrade surélevée au-devant de la place trônait un grand bureau recouvert de velours pourpre. Une immense cathèdre incrustée de gemmes était disposée derrière le bureau en son centre ; un siège plus modeste de chêne foncé figurait à sa droite. Face à la cathèdre centrale se trouvait une barre semblable à celle des tribunaux à l'exception qu'elle portait les armes de l'Inquisition et des crois aristotéliciennes. La barre faisait face à la cathèdre centrale ainsi que les très nombreux sièges simples disposés en rangs réguliers derrière elle.
D'habitude, la place d'Aristote est encore déserte à une heure si matinale. Mais lorsqu'il y arriva ce jour-là, Arnault savait qu'il était attendu. Aux deux personnes qui y patientaient, il dit :
« - Chevalier. Ma mère. Approchez donc. »
Et, d'un geste, il les invita à s'agenouiller face à lui.
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