Ambroise avait écouté la longue plaidoirie de la Duchesse Angelyque, du moins il le pensait s’il ne s’était pas assoupi pendant l’audience. Quant à Della, il l’avait aperçu discutant à l’entrée. Le jouvenceau avait gardé une place pour son amie, mais sa surprise fut grande quand elle alla s’installer ailleurs. Pourtant il était sûr qu’il avait croisé son regard.
Lorsque le cardinal appela les témoins à s’exprimer un à un, le jeune frère voulait en terminer rapidement pour rentrer chez lui. C’est qu’il avait encore beaucoup à faire pour préparer son déménagement de la Bourgogne, terre qu’il ne considérait plus comme terre sainte mais trop longtemps gouverné par des hérétiques, que la plupart des aristotéliciens s’étaient exilé pour une terre où les valeurs et la foy aristotélicienne serait au centre des institutions dirigeantes.
Il se leva donc et se présenta à la barre, se présentant d’abord à l’assemblée présente.
Bonjour Votre Eminence, je me présente à tous icelieu, Frère Ambroise de Blanchimont, Archidiacre d’Autun. J’ai été ici appelé à témoigner pour la réhabilitation de la Duchesse Angelyque de la Mirandole.
Il se tourne ensuite vers la Duchesse.
Votre Grâce, même si je vous ai pardonné en tant qu’enfant de dieu tout le mal que vous m’avez fait, c’est ici en tant qu’homme d’église que je viens témoigner. Et au regard de l’Eglise, je ne suis pas habilité à vous pardonner les péchés que vous avez commis durant la croisade, et la rébellion que vous avez faite contre l’Eglise Aristotélicienne et son Ministère.
Ceci était dit pour bien clarifier les choses avec Angelyque. Revenant sur le Grand Inquisiteur, il reprit la parole.
Votre éminence, voilà deux ans que je connais la Duchesse, d’abord sur les estrades électorales, ensuite lors de discussions sur ses choix à se rebeller contre notre Sainte Eglise. Ce qui m’a permis ces long mois de me forger une opinion sur son caractère. J’en ai d’ailleurs conclu que c’est une femme de caractère, qui malgré ces nombreux péchés, est et reste une femme de convictions, même si ses convictions ne sont pas toujours très aristotéliciennes hélas.
C’est d’ailleurs par conviction et par amitié qu’elle a soutenu avec ferveur le règne et les choix du Roy Eusaias au-delà de son serment vassalique. C’est ce qu’elle m’a dit lors de nombreuses discussions. Elle a donc fait le propre choix de le suivre dans sa rébellion contre notre Sainte Eglise Aristotélicienne. Elle l’a surtout soutenu parce qu’elle partageait ardemment les convictions de son ami.
De ce fait, lors de ses demandes de levée d’excommunication, elle n’a jamais pu se repentir sincèrement et faire vraiment pénitence pour tout le mal qu’elle a causé contre notre Sainte Eglise et son Ministère. Cela lui était tout simplement inconcevable car cela rimerait à trahir non seulement son ami Eusaias, mais surtout tout ce en quoi elle avait combattu. Elle était et je pense qu’elle l’est toujours tiraillée entre sa loyauté envers son ami et son désir d’être réhabilitées dans la communauté des croyants.
Au début, j’ai cherché à gagner son amitié, et ce de façon sincère tout comme Christos l’a fait en son temps. Offrir son amitié à ses ennemis est une chose très difficile à faire, mais je l’ai fait. D’abord, j’ai appris à la connaître, j’ai écouté ses griefs contre l’Eglise et son Ministère. J’ai cherché le dialogue, et ce, toujours dans l’unique but de restaurer la paix en Bourgogne, entre l’Eglise et ses fidèles et ceux qui s’étaient rebellés contre elle. J’avais l’intime conviction que si j’arrivais à ramener la Duchesse Angelyque sur le chemin de la vertu, ses amis la suivraient, tellement elle a une grande influence en Bourgogne. C’était d’ailleurs aussi la conviction de Monseigneur Aegon.
Tout en gagnant son amitié, j’ai appris la raison qui l’avait poussé à combattre notre Sainte Eglise. Je voulais connaître ce qui l’avait poussé à agir ainsi. Elle avait des griefs contre le Cardinal Rehael et le Cardinal Vincent Diftain, et je crois aussi le Cardinal Aaron. Le Cardinal Rehael avait, selon elle, agit trop précipitamment pour sanctionner le Roy Eusaias. Quand à Vincent Diftain, c’est parce qu’il faut à l’origine des excommunications massives et non nominatives. Je dois dire que tout cela me dépassait à l’époque, et que cela regardait le Ministère de l’Eglise et la Royauté. Et pourtant, c’est tout le peuple de France qui avait été pris en otage dans un conflit qui aurait pu se régler par le dialogue. Le souci, c’est que les deux parties, fort de leur orgueil, était tombé dans un dialogue de sourd. Si les partisans du Roy Eusaias campaient sur leurs convictions qui leur semblaient tout à fait légitime, de l’autre, nous avions le Ministère de l’Eglise qui suivait avec beaucoup de rigueur les loys canoniques et le dogme.
Une fois ami, je pensais pouvoir influer sur elle, car j’avais la certitude et je l’ai toujours, que même si Angelyque est une femme qui a de nombreux défauts, elle m’a toujours semblé avoir la foy. D’ailleurs, elle a toujours pensé que Dieu la soutenait dans ses agissements contre le Ministère de l’Eglise. Ce qui rendait d’autant plus difficile ma mission de ramener la brebis égarée parmi les fidèles. Lui apprendre l’humilité était vraiment très difficile. J’ai tenté au mieux de la conseiller mais en vain, car elle n’écoute qu’elle-même et n’en fait qu’à sa tête.
Et puis, peu à peu, j’ai compris que sous ses airs amicaux et mielleux, se cachait surtout une femme de mauvaises foy qui n’admettait jamais ses torts et qui usait de son charme et de sa persuasion pour arriver à ses fins, qui n’avaient que pour but de servir ses intérêts personnels, c’est-à-dire garder le pouvoir en Bourgogne, de tout contrôler et de gouverner en faisant pressions sur ses opposants tant politique que religieux. Elle soutenait ardemment l’Eglise de France aujourd’hui appelée Eglise Universelle. J’ai compris au fil des mois à voir défiler sur le trône ducal, son mari le Duc Crezus, puis son fils Azharr de Montestier, qu’elle cherchait à ce que sa famille et ses amis face partie de la noblesse afin de garantir un nombre conséquents de voix pour obtenir la majorité par rapport aux décisions prises au collège de la noblesse bourguignonne. Et lorsque ses opposants arrivaient en tête aux élections, elle faisait pression en coulisse, au conseil ducal, pour les décourager, en usant d'harcèlement moral par les insultes et les attaques verbales. Tout cela est monnaie courante au conseil ducal. Je n’y ai jamais mis les pieds mais j’avais des échos de l’ambiance très houleuses et tendues en salle du conseil ducal.
Lorsqu’on s’oppose à elle de façon tout à fait correcte et calme pourtant, elle devient colérique, voir même hystérique, au point d’en venir aux insultes. Elle en devient vraiment vulgaire. De plus, elle est hautaine et méprise la roture les traitant de « sent la pisse ». Ma bien-aimée Angeline en fit les frais lorsqu’elle a défendu ses convictions au conseil des maires.
Aujourd’hui, ce que je peux dire, c’est qu’elle a toujours été et sera toujours opposée à ce que l’Eglise Aristotélicienne récupère ses cures en Bourgogne. Elle a toujours joué un double jeu en faisant croire à tous en public qu’elle était ouverte à une paix durable avec l’Eglise, alors qu’une fois au conseil ducal, elle est la première à être contre l’Eglise. Cette hypocrisie et ce double langage est aussi l’apanage de tous ses amis.
Dernièrement, Sœur Eilinn Melani s’est présentée à moi pour demander mon approbation afin d’être ambassadeur apostolique pour représenter notre Sainte Eglise en Bourgogne et permettre de relancer le dialogue avec le conseil ducal. J’ai tout de suite approuvé l’idée, car j’ai toujours été dans un esprit d’ouverture à retrouver la paix, à ce que l’Eglise travaille de concert avec le conseil ducal, et afin de retrouver la Bourgogne pieuse d’antan. Hélas, par l’intermédiaire du Duc Télémaque, cela fût refusé par le conseil ducal. Il m’a été rapporté que la Duchesse Angelyque fut l’une des premières à manifester son refus au conseil ducal.
Alors, comment elle peut décemment venir demander sa levée d’excommunication alors que dans le dos de l’Eglise, elle la poignarde en refusant la main tendue au dialogue avec l’une de ses représentantes.
Ce n’est pas la première fois qu’elle demande sa levée d’excommunication. Elle en a fait notamment la demande à feue son Eminence Aristokolès et à Monseigneur Aegon. Elle voulait absolument tenter de faire lever son excommunication afin de faire reconnaître son mariage avec le Duc Crezus de Montestier. Un mariage qui a été célébré par l’excommunié Duc Théodomir de Hennfield auquel j’ai assisté. En fait, il en a découlé qu’elle a voulu faire cette demande d’excommunication uniquement par intérêt. Elle voulait voir levé son excommunication parce que la Hérauderie de France ne reconnaissait pas son mariage, et donc toute sa descendance avec le Duc Crezus serait donc illégitime, et donc ne pouvait hériter des titres et terres du couple. La Hérauderie de France ne reconnaissait pas à l’époque les sacrements donnés par l’Eglise de France.
Et aujourd’hui, elle m’a écrit récemment dans une lettre qu’elle comptait se présenter aux prochaines élections royales. Elle m’avait je cite « Après moult réflexions, j'ai également décidé de braver à mon tour la malédiction des rois si Sa Majesté Jean venait lui aussi à en être frappé. » Et je pense aujourd’hui que sa demande de levée d’excommunication n’a que pour intérêt personnel de redorer son image et préparer sa campagne pour les royales. Car, hélas, depuis que je connais la Duchesse Angelyque, elle a toujours agi que par intérêt.
Il donna la lettre à qui de droit pour étayer son témoignage.
Citation:Bonjour,
Je viens prendre de vos nouvelles, j'espère que vous allez bien, ainsi que votre promise.
J'avoue être assez inquiète après avoir appris que vous démissionnez de vos charges.
Je tenais également à vous remercier pour l'offre que vous avez fait à mes ravisseurs, cela m'a beaucoup touchée, je ne sais si les mots que vous avez couchés sur le parchemin étaient sincères, mais ils m'ont remonté le moral lorsque j'en ai eu connaissance. C'était à un moment où je n'avais plus envie de lutter, simplement rejoindre le Très Haut. Durant ma captivité j'ai pu me remettre en question et ai demandé à la sainte Inquisition un procès de levée d'excommunication. Nous verrons ce qu'il en ressortira.
Après moult réflexions, j'ai égalements décidé de braver à mon tour la malédiction des rois si Sa Majesté Jean venait lui aussi à en être frappé.
J'espère que nous aurons l'occasion de nous rencontrer, je suis enfin de retour en Bourgogne, heureuse de retrouver ma terre.
Prenez soin de vous surtout.
Amicalement
Angelyque de la Mirandole-Monstestier
J’ai appris donc à mes dépends que la Duchesse Angelyque agit uniquement que pour son intérêt personnel. Que pour elle, afin d’arriver à son but, la fin justifie les moyens, et qu’elle est prête à user de tous les vices pour arriver à ses fins.
Pour ma part, ses intentions à venir levé son excommunication ne sont pas sincères et son attitude m’a montré qu’elle n’était aucunement prête à s’excuser pour tous les crimes qu’elle a commis contre l’Eglise. Elle ne se repentira jamais parce que selon moi, elle a agi par conviction. Je plaide donc contre sa réintégration à la communauté des fidèles, car elle n’a montré aucune humilité à reconnaitre ses errances, et pire … Il me semble qu’elle continuera dans son égarement. Ce qui va à l’encontre de tout acte de contrition et de repentance.
J’ai terminé Votre Eminence.Ambroise incline la tête même s’il le savait aveugle et se retire prêt à quitter les lieux. Il restait encore quelques minutes pour s'assurer que SE Arnault n'avait aucune question à lui poser. Ce procès lui était trop pénible après toutes les persécutions qu’il avait dû subir par la Duchesse Angelyque et ses amis._________________
