Sobirana
La cire goutte et perle sur le porte-bougie en silence, étrange miroir de la sueur qui cascade sur le front plissé d'effort de la jeune femme.
Eeeeeeeeeet un ! Eeeeeeeeeeet deux !
L'éclair métallique d'une pioche capte furtivement l'éclat de la bougie dans la sombre poix de l'obscurité caverneuse avant de plonger dans un bruit sourd contre la roche.
Eeeeeeeeeet un ! Eeeeeeeeeeet deux !
Elle s'encourage mentalement, tandis que ses collègues autour d'elle papotent gaiement. Quelques heures plus tôt, elle échangeait avec eux des plaisanteries bien senties, quelques piques malicieuses sur le parfum qu'ils dégageaient après toutes ces heures de minage et des paris sur la vitesse à laquelle ils parviendraient à faire décamper un passant en rentrant en ville.
Eeeeeeeeeet un ! Eeeeeeeeeeet deux !
Et puis la lumière du jour avait totalement fuit les sombres couloirs pour laisser place à une nuit épaisse et sourde. Bientôt l'heure de poser la pioche et de se dire bonsoir.
Tandis que le jour fânait, ainsi s'évanouissait la pétillante bonne humeur de la rouquine.
Encore un autre soir dans cette maison toute petite et trop grande.
Encore un bol d'eau salée où elle tremperait seule son pain pas tout à fait sec du matin.
Encore un "Bonanuèch meu papà"* qui se perdrait dans le silence.
Encore quelques mots griffonés sur un vieux carnet que les bonnes soeurs avaient consenti à lui laisser lorsqu'elle avait renoncé à se morfondre dans son deuil d'enfant.
Eeeeeeeeeet un ! Eeeeeeeeeeet deux !
Le chant des pioches la ramène brutalement à la réalité. A quoi bon s'appitoyer, drolleta** ?
Son père l'aurait surement moquée et houspillée pour s'être aussi longtemps complue dans sa morbide solitude. Il lui aurait fait la morale sur la fierté de la famille, sur l'inutilité de sa tristesse et sur l'amour de sa patrie.
Eeeeeeeeeet un ! Eeeeeeeeeeet deux !
Sa patrie... Si loin, si lointaine même dans ses souvenirs. La reverrait-elle un jour ou n'était-elle qu'une vagabonde sans foyer où retourner ?
Son foyer était-il mort avec son père ?
"Allez les gars, c'est bon pour ce soir ! Posez vos pioches et prenez votre paye.
Vous avez bien bossé ! Allez, allez ! Zou ! Dégagez, laissez passer l'équipe suivante !"
Le contremaître tape dans ses mains pour se faire obéir et donner le tempo. Par habitude, ses pieds et ses mains ont déjà obéis, et la voilà qui goûte la fraîcheur d'une pluie hivernale nocturne sur le chemin du retour.
En y repensant, il y avait bien la Mameta*** Ceselha... Elle se demande comment va cette vieille femme qui l'a élevée avant que son père ne l'emmène. Est-elle encore en vie seulement ?
Soupire.
Elle flâne un peu, malgré la pluie, retardant l'échéance du face à face avec elle-même. L'une des choses qu'elle appréciait depuis la sortie du couvent, c'était de pouvoir noyer ses pensées dans le bruit, dans l'activité chantante et bruissante de la ville.
Un bâillement sonne le glas de son répit. Il est temps. Déjà.
Un grincement de bois l'accueille tandis qu'elle pousse le pas de la porte.
Je suis rentrée.
Et le silence l'accueille à bras ouverts pour l'engloutir à nouveau, maternel et dévorant, doux et terrifiant, seulement ponctué par un éternuement impromptu.
Eeeeeeeeeet un ! Eeeeeeeeeeet deux !
L'éclair métallique d'une pioche capte furtivement l'éclat de la bougie dans la sombre poix de l'obscurité caverneuse avant de plonger dans un bruit sourd contre la roche.
Eeeeeeeeeet un ! Eeeeeeeeeeet deux !
Elle s'encourage mentalement, tandis que ses collègues autour d'elle papotent gaiement. Quelques heures plus tôt, elle échangeait avec eux des plaisanteries bien senties, quelques piques malicieuses sur le parfum qu'ils dégageaient après toutes ces heures de minage et des paris sur la vitesse à laquelle ils parviendraient à faire décamper un passant en rentrant en ville.
Eeeeeeeeeet un ! Eeeeeeeeeeet deux !
Et puis la lumière du jour avait totalement fuit les sombres couloirs pour laisser place à une nuit épaisse et sourde. Bientôt l'heure de poser la pioche et de se dire bonsoir.
Tandis que le jour fânait, ainsi s'évanouissait la pétillante bonne humeur de la rouquine.
Encore un autre soir dans cette maison toute petite et trop grande.
Encore un bol d'eau salée où elle tremperait seule son pain pas tout à fait sec du matin.
Encore un "Bonanuèch meu papà"* qui se perdrait dans le silence.
Encore quelques mots griffonés sur un vieux carnet que les bonnes soeurs avaient consenti à lui laisser lorsqu'elle avait renoncé à se morfondre dans son deuil d'enfant.
Eeeeeeeeeet un ! Eeeeeeeeeeet deux !
Le chant des pioches la ramène brutalement à la réalité. A quoi bon s'appitoyer, drolleta** ?
Son père l'aurait surement moquée et houspillée pour s'être aussi longtemps complue dans sa morbide solitude. Il lui aurait fait la morale sur la fierté de la famille, sur l'inutilité de sa tristesse et sur l'amour de sa patrie.
Eeeeeeeeeet un ! Eeeeeeeeeeet deux !
Sa patrie... Si loin, si lointaine même dans ses souvenirs. La reverrait-elle un jour ou n'était-elle qu'une vagabonde sans foyer où retourner ?
Son foyer était-il mort avec son père ?
"Allez les gars, c'est bon pour ce soir ! Posez vos pioches et prenez votre paye.
Vous avez bien bossé ! Allez, allez ! Zou ! Dégagez, laissez passer l'équipe suivante !"
Le contremaître tape dans ses mains pour se faire obéir et donner le tempo. Par habitude, ses pieds et ses mains ont déjà obéis, et la voilà qui goûte la fraîcheur d'une pluie hivernale nocturne sur le chemin du retour.
En y repensant, il y avait bien la Mameta*** Ceselha... Elle se demande comment va cette vieille femme qui l'a élevée avant que son père ne l'emmène. Est-elle encore en vie seulement ?
Soupire.
Elle flâne un peu, malgré la pluie, retardant l'échéance du face à face avec elle-même. L'une des choses qu'elle appréciait depuis la sortie du couvent, c'était de pouvoir noyer ses pensées dans le bruit, dans l'activité chantante et bruissante de la ville.
Un bâillement sonne le glas de son répit. Il est temps. Déjà.
Un grincement de bois l'accueille tandis qu'elle pousse le pas de la porte.
Je suis rentrée.
Et le silence l'accueille à bras ouverts pour l'engloutir à nouveau, maternel et dévorant, doux et terrifiant, seulement ponctué par un éternuement impromptu.
*Bonne nuit mon papa
** Fillette
***Mamie
** Fillette
***Mamie