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[RP BG] La fièvre dans le sang…

Lucie_
Le poker limit est une science, mais le no-limit est un art. En limit, vous tirez sur une cible. En no-limit la cible est en mouvement et se dirige vers vous.
Jack Strauss



[Un tripot dans les bas-fonds Parisiens. Août 1462.]



Volutes éthérées et nauséabondes d’une salle enfumée mêlées à la sueur et les effluves d’alcool, quelques tables éparses, le brouhaha permanent des joueurs en action, l’air d’été est lourd, moite, l’endroit confiné. Le décor est posé. Grisant. Les veines palpitantes, fiévreuse sensation prenant entière possession du corps et de l’esprit. Opium brûlant les doigts et incendiant les bourses. Moments extatiques de la gagne, moments coléreux de la défaite.

La main reste ferme, les doigts fins enserrant les cartes, les ongles de la senestre tapotent nerveusement le bois de la table. Seul signe trahissant son état. Le visage délicat porte le masque impavide. Les noisettes scrutent chaque adversaire, fouinent la moindre réaction, captent les perles de sueurs sinuant sur les temps grisonnantes de l’homme assit à sa gauche, sa main tremblante et l’excitation agaçante de sa jambe. Les cartes entament leur ballet selon la demande de chaque joueur, la tension est palpable, ici on joue gros, le tas d’écus imposant qui trône au centre de la table le prouve. Un fin sourire s’esquisse doucement, un brelan de dames s’annonce et c’est armée d’une assurance à toute épreuve, et de son besoin irrépressible à repousser les limites qu’elle augmente la mise de plusieurs centaines d’écus. Elle amène l’index a venir s’enrouler de trois torsades à une de ses mèches de cheveux, signifiant à son complice que le brelan est de mise et qu’elle part à la chasse au full. Bruissement de soie, elle frémit à peine au contact sur sa cuisse alors qu’elle glisse les deux cartes inintéressantes de son jeu dans sa manche en toute discrétion. La main délicate rejoint celle de son complice en attente sur son giron et récupère la paire qui l’amènera à gagner. Le dos est droit, le regard velouté passe d’un joueur à l’autre afin de s’assurer que la collusion n’est pas repérée. L’heure d’abattre les cartes arrive, et là, elle aurait du se fier à ce fichu frisson glacial descendant le long de la colonne vertébrale alors qu’elle révèle le fameux full , les noisettes étincelantes de la victoire, les mains plongeant vers l’avant afin de ramener à elle le pactole du siècle.

Impact. Les poignets sont prisonniers de mains rugueuses, le corps sursaute tandis que le regard teinté de surprise se lève vers son geôlier. Le temps aurait pu se suspendre mais il n’en est rien, tout se passe à une telle vitesse qu’elle ne peut réagir, les menottes de chair la tire violemment sur la table alors qu’elle étouffe un cri, la joue s’écrasant au milieu des cartes et des écus, la tête maintenue afin de la forcer à regarder le passage à tabac de son complice d’un soir. Elle grimace, ne pouvant détourner le regard devant la scène alors elle les supplie de leur laisser la vie sauve. Un rire gras, une poigne de fer qui agrippe sa chevelure et tire sa tête en arrière, puis l’haleine fétide vient chatouiller ses narines, lui susurre de leur remettre trois fois la mise d'ici trois lunes pleines. La nausée s’empare de sa gorge, elle tente de détourner son visage en vain. Elle hoche la tête, signe le pacte leur laissant la vie en suspend jusqu’à ce que la dette soit réglée. Le complice mal en point est relevé, le visage amoché et ensanglanté, on les entraîne vers la sortie, on les jette au sol comme des malpropres. Elle se traîne vers son compagnon d’infortune, l’aide à se redresser, à s’adosser contre un mur, elle déchire un pan de son jupon et tamponne doucement le visage tuméfié. Piètre scène de deux pauvres hères réfugiés contre un mur, assis au sol, tentant de reprendre leurs esprits après avoir goûté l’excitation du jeu, la jouissance de la gagne et l’amertume de la défaite.

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Adryan
[Appartement de la rue des Bourdonnois]

Soir de relâche pour le Castillon.

La gestion des boissons du lupanar ne réclamait pas son amoureuse attention, et le ventre avide de l’Aphrodite afficherait son masque lubrique sans lui. Ainsi en avait décidé Adryan. A enchainer les déplacements et les nuits sans sommeil, la fatigue commençait à se faire ressentir, et le besoin de calme tout autant, si ce n’était plus. Enfoncé dans son fauteuil au dossier si haut que malgré sa taille pourtant belle, le haut de son crane en était englouti, la nuit n’était pas encore totalement noire que le Castillon somnolait déjà, un courrier de sa sœur trainant sur les genoux. Il fallait bien avouer cette qualité à Abigaël, sa prose était magnifiquement soporifique. Pourtant, il n’eut pas le loisir de s’enfoncer plus profondément dans les doux bras de Morphée, que la lourde porte de bois du vestibule fut tambourinée. En d’autres heures, il aurait laissé Osman renvoyer l’intrus. Adryan avait la plus entière confiance en cet homme débarqué depuis peu de Fez où il avait fait sa connaissance bien des années auparavant. Pourquoi le berbère avait-il fuit pour se réfugier dans la grisaille parisienne ? Le Castillon s’en moquait et avait aussitôt accepté de fournir gite et couvert en échange de la tenue de l’appartement et de beaucoup de discrétion et de silence. Osman, tout aussi taciturne que le noble, semblait se satisfaire pleinement de l’arrangement et s’était installé à l’autre bout du vaste appartement, redonnant un peu de vie à quelques pièces si longtemps désertées. Le reste de l’hôtel particulier restait le domaine hanté de meubles oubliés.

Mais une visite à cette heure ci - quand elles étaient déjà fort rares - ne présageait rien de bon, et alors qu’il ouvrait la porte, Adryan devinait déjà le minois qui l’attendait. Marie. Le soupir fut profond, las. A la mort de sa mère qui avait suivit de peu le mariage juteux d’Abigaël, le Castillon s’était promis de ne plus jamais renflouer les dettes de jeu familiales, et se tenait à cette décision avec un givre implacable. Néanmoins, il n’avait pu se résoudre à abandonner complètement Charles de saint Flavien. Son père. Enfant vieillissant encrouté dans son égoïsme tout puissant qui avait mené Adryan, tout Duc qu’il soit, à s’enchainer à l’Aphrodite. Et même si à présent, il n’avait plus à se vendre à de vielles rombières trop fardées et parfumées, il gardait une rancœur féroce contre son géniteur. Aussi, pour quelques piécettes de plus, la soubrette face à lui se voyait chargée de suivre le patriarche dans tous ses déplacements et de prévenir Adryan en cas de soucis important. La jeune femme sous ses airs d’ingénue se montrait d’une efficacité et d’un sang froid remarquables, ne frappant à la porte de la rue des Bourdonnois qu’en cas de soucis réellement délicat. Nul besoin ne fut donc d’explications et un simple
Conduis-moi suffit. Cape sombre jetée sur les épaules, le berbère à la vêture somptueusement traditionnelle le suivant comme son ombre, le Castillon mutique suivit les pas pressés de la soubrette.

[Dans une ruelle des bas-fonds Parisiens.]

Un index tendu avait suffit à ce que le Castillon distingue au milieu de la nuit deux ombres sordides affalées contre un mur. Le trio s’arrêta au bout de la ruelle, laissant le temps à Adryan de découvrir la déchéance de son père et par là même celle de son nom dans toute son indignité. Marie, va quérir le médicastre, et conduis le chez moi. Osman, loue une voiture et assure toi du silence du cocher. Aussitôt les deux acolytes disparurent dans le labyrinthe parisien, et le visage fermé, les pas du Castillon claquèrent seuls dans la fange nauséabonde. Son ombre haute recouvrit la masse informe de son père, et malgré la droiture de sa silhouette, il peinait à retenir la nausée l’envahissant.

Père.

Il se refusa d’en dire davantage pour ne pas achever la honte rabougrie relevant un regard violacé vers lui. Froid et stoïque, Adryan plantait le fer de ses yeux dans les chairs de cet homme sans vraiment savoir s’il était soulagé ou déçu de le retrouver en vie. De la seconde silhouette, il ne fit aucun cas, encore, trop occupé à contenir le flot insensé de colère ravageant ce sang qui le dégoutait. Dans un effort qu’il lui parut surhumain, Adryan s’agenouilla, inspectant les blessures paternelles qui eurent la bonne idée de n’émettre que des gémissements incompréhensibles. Et sans encore porter le moindre regard sur la femme, se contenta de s’enquérir d’elle d’une voix profonde mais dénuée de toute chaleur.

Et vous ? Êtes-vous blessée ?

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Lucie_
Le temps est sans importance, seule la vie est importante.
Le cinquième élément.





Le temps file, glisse, s’insinue dans la moindre fissure. Combien de temps sont-ils là, marionnettes désarticulées, dont seul le souffle ténu est témoin de vie ? Par moment les paupières lourdes se lèvent sur les prunelles voilées par une semi-inconscience, une main glacée vient constater que le fluide vital n’a pas quitté son compagnon d’infortune, ses gémissements la réconfortant quelque peu. Elle a mal, cette douleur tambourinant ses tempes, menant instinctivement sa main à sa tête afin de sentir la plaie provoquée par sa chute au sol. Les noisettes observent les doigts délicats maculés de sang, elle grimace légèrement avant de se blottir douloureusement contre l’homme près d’elle, question de survie, échange de chaleur, le froid les atteint inexorablement malgré la douceur estivale, contrecoup de leur rossée.

Les paupières se referment, la mâchoire crispée grelotte mais l’esprit est là, aux aguets du moindre mouvement. Il serait fort contrariant de se faire ouvrir la gorge avant d’avoir pu récupérer quelques forces afin de trouver du secours et se sortir de cette malencontreuse situation parce qu’elle se serait endormie. Un frisson glacial déchire le derme de son échine, les prunelles s’ouvrent sur l’ombre dominant le couple déchu, la bouche s’entrouvre d’effroi, les noisettes détaillent le visage impavide et pourtant d’une certaine beauté que même l’obscurité ne peut camoufler. La main vient agripper instinctivement le pavé laissé à portée sous la soierie de ses jupons en cas d’un potentiel danger, maigre arme. Le geste s’arrête alors que la voix interpelle son compagnon. Le sourcil s’arque douloureusement, les noisettes vont et viennent de l’un à l’autre, contraste détonnant, paradoxe physique entre l’homme ayant perdu toute dignité et celui qui s’agenouille afin de l’inspecter. Le nez fin peut sentir les effluves émanant du ténébreux, il sent bon l’homme prenant soin de lui, l’homme distingué et noble. Odeur la ramenant dans le passé, enfant dans les bras de son père. Comme un animal blessé elle ramène ses jambes à elle, cherchant cette protection chimérique issue de ses souvenirs. La voix profonde et non dénuée d’un certain charme, marquant Lucie par sa douce autorité et pourtant sans chaleur la sort de sa bulle de protection. Le visage se relève vers lui, elle déglutit avant d’enfin oser lui répondre.


Je n’ai rien à côté de lui. Tout est ma faute, je désirais seulement que nous puissions effacer nos dettes.

Les noisettes se baissent au sol, attitude d’enfant prise en faute. Car oui, c’est en partie sa faute, ils se sont rencontrés autour d’une table de jeu, avec ce même manque de chance. Foutue chance qui persistait à les bouder, à les ensevelir dans la spirale infernale de « la prochaine fois sera la bonne » dans ce foutu espoir qu’enfin tout s’arrangerait et ce….jusqu’à la prochaine fièvre du jeu. Spirale sans fin, piège éternel. Et de fil en aiguille avec la volonté de conjurer ce mauvais sort, ils sont devenus complices et vils tricheurs, perdant le goût du jeu pour le jeu. Mais tout cela, elle ne lui dira pas.
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Adryan
Pourquoi s’empêtrer d’un seul fardeau lorsqu’on peut en avoir deux pour le même prix ?

Si la question pouvait paraître absurde, la réponse avait au moins le mérite d’être claire et dépassait les ans.

Car on est un abruti fini.

Et d’une simple question, le Castillon avait étalé l’étendue de la sienne quand il lui aurait si facile d’embarquer le géniteur, ce qui en soit était déjà une bêtise sans nom, en laissant la donzelle moisir sur le pavé. Mais voilà, son éducation, en outre de lui pourrir la vie par des principes qui harponnaient ses pulsions, avait aussi la médiocre et très encombrante idée de le plier à une certaine courtoisie, et oui, à un brin de sollicitude. Dosé au compte goutte néanmoins.


« Je n’ai rien à côté de lui. Tout est ma faute, je désirais seulement que nous puissions effacer nos dettes. »


Bien sûr tout était de sa faute, n’était-elle pas une femme ? Naïve de surcroit à en juger par ses dires. Mais surtout, surtout, aussi gâtée et avilie que l’était la loque geignarde lui servant de père, au vice de jeux. Le bras sombre s’enroulait autour de la taille blessée quand au loin déjà la diligence d’Osman conduisait les sabots des chevaux du coche vers eux. Le regard gris et froid remonta enfin sur la femme, observant les pommettes hautes et le menton volontaire découpant la nuit d’une ligne claire et délicatement dessinée. Le regard lui échappait, ombré d’une frange de longs cils noirs. Jolie et blonde. Autre vice de l’auguste figure paternelle qui avait valu tant de flétrissures au regard triste de sa mère défunte malencontreusement brune comme l’ébène.

Dans son dos, les pas du berbère claquaient de cette souplesse orientale surprenante dans les rues parisiennes, aussi surprenante que l’était sa haute silhouette enturbannée. Inquiétante disaient même certains lorsque leurs regards se confrontaient à l’inconnu de l’étranger.


Combien ? Interrogea t-il autant de la voix que du fer de ses prunelles.
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Lucie_
J'ai fermé les yeux, et j'ai mis les mains dessus, et j'ai tâché d'oublier, d'oublier le présent dans le passé. Tandis que je rêve, les souvenirs de mon enfance et de ma jeunesse me reviennent un à un, doux, calmes, riants, comme des îles de fleurs sur ce gouffre de pensées noires et confuses qui tourbillonnent dans mon cerveau. Victor Hugo.


Léger repli sur elle-même. Dérisoire protection infantile alors qu’elle se recroqueville de nouveau, s’attendant à ce que la colère du fils tombe sur elle comme la foudre déchirant les nuits orageuses d’été. L’instant lui semble suspendu, curieusement long, et ce foutu parfum aux fragrances de souvenirs qui lui rappelle son passé bienheureux tout aussi déchu que sa noblesse, tout aussi déchu qu’elle, devenue rien. Oh elle aurait pu être cette jeune fille agréable, puante de sagesse docile destinée à prendre pour époux un noble prometteur de terres agrandissant ainsi le patrimoine familial et d’une vie bien tranquille qui tomberait plutôt à son humble avis dans l’ennui mortel.

Mais rien ne vient.

Pas de rage, pas de fureur, pas de mots assassins, même pas une gifle. Seulement le lourd silence pesant de mépris et à sa surprise cela était douloureux. Plus qu’une gifle qu’il était en droit de lui asséner. Les effluves parfumés, le froissement d’un tissu, un geste capté puis les gémissements de son compagnon d’infortune, les sabots frappant les pavés dans l’obscurité, lui font relever la tête. Les noisettes s’accrochent à l’acier blessant tandis qu’elle se déplie enfin, gardant l’appui rassurant du mur dans son dos délaissant ainsi sa position de faiblesse, reprenant de la hauteur sur cette ombre dominante. Si elle a pour habitude de flouer, mentir et tricher, étrangement ce regard et ce timbre de voix intimant réponse claire lui font lâcher la vérité alors que les mains fines tentent de lisser ses jupons.


Cinq mille écus.

Voilà, c’est dit. La voix n’a pas flanché, droite directe, uppercut monétaire. Parce que cinq mille écus, ce n’est pas rien. Les noisettes ne se soumettent pas au duel d’acier. Et maintenant que vas-tu faire ? Laisser ta colère et ton dégoût l’emporter ? Me frapper ? M’étrangler pour être complice de la déchéance de ton père devenue mienne ?

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Adryan
« Cinq mille écus. »

La réponse claqua nette et sans fioriture. Au moins la donzelle assumait-elle ses responsabilités. Si le regard Castillon ne s’adoucit d’aucune paillette ferreuse, bien que tassée contre son mur et ses gestes futiles d’attention envers un jupon, la femme sembla grandir d’un soupçon. S’élevant un peu de sa fange putride de jeu.

Cinq mille écus. La moitié de la dette échouait à son père dont les doigts s’agrippaient à sa cape sombre quand il le redressait, le soutenant avec l’aide d’Osman. Adryan n’avait pas cette somme, ni plus le moindre bijou à vendre. Et l’aurait-il eu, que la promesse qu’il s’était faite de ne plus éponger les ardoises paternelles aurait eu gain de cause. L’accueillir pour quelques temps au creux de la sacrosainte solitude de son appartement serait la seule aide permise, avant de le renvoyer à la tristesse de sa campagne. Adryan savait pourtant, que tôt ou tard, c’est à sa porte que les créditeurs frapperaient, et que sa fierté ne lui laisserait aucun autre choix qu’un duel à la brume matinale, à l’ombre de Montfaucon.


De gestes attentifs à la carcasse abimée, les trois ombres s’engouffrèrent dans le coche pour y installer le blessé, laissant penser que là s’arrêtait le vague échange. Pourtant l’ombre berbère ressortit de l’exigu habitacle, droit, les mains croisées sur le poitrail. Ce ne fut pas sa voix qui résonna pourtant dans la ruelle. Mais celle sortie d’outre tombe d’un homme qui savait mieux que quiconque où la dépendance au jeu conduisait.


Si vous n’êtes pas assez bonne joueuse pour vous épargner la honte, peut-être le serez assez pour faire croire aux clients de l’Aphrodite qu’ils sont beaux et vous font jouir. C’est toujours mieux que de finir sur le trottoir n’est-ce pas ? Sa propre ironie ne le fit pas même sourire. Demandez Adryan au portier. En attendant mon ami vous raccompagne à votre logis, il serait dommage qu’en outre, vous perdiez votre joli visage. Si la proposition pouvait sembler outrageante, elle n’était pourtant que le résultat d’une franchise touchante. Adryan savait que la blonde n’aurait pas d’autre choix que de se vendre et que l’Aphrodite était la meilleure maison où échouer. La paume gantée de la dextre frappa la portière, et les pavés tremblèrent des roues se mettant en branle pour s’éloigner.
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Lucie_
Toute femme a sa fortune entre ses jambes. Honoré de Balzac


Violent frémissement glissant le long de la colonne vertébrale, l’acier vrille le velours d’une rage semblant contenue, mais elle ne vacille pas tenant tête à l’ombre ténébreuse qui se déplie en portant son fardeau au creux de ses bras. Un instant silencieux, drapé de reproches et de mépris certainement. Est-ce ce silence qui la fait frémir de nouveau, logeant la lame de la culpabilité en elle ? Elle lui rend son silence, le velours courant sur les mouvements des ombres s’engouffrant dans le coche, la laissant là, seule avec sa conscience.

Elle se surprend à échapper un soupir de soulagement, la présence presque mystique du fils de Charles, la dérangeant quelque part n’arrivant pas décrire ce qu’elle ressent en sa présence même si elle est certaine d’avoir trouvé une nuance de peur en elle dans ce camaïeu de sensations chaotiques. Elle avance d’un pas ne désirant rester plus longtemps dans le lieu et s’arrête soudainement, l’ombre berbère jaillit du carrosse suivit de la voix profonde donnant une teinte d’irréel la statufiant sur place. Les mots cinglent, la gifle une fois de plus, la laissant dans sa posture, la bouche arrondit de surprise par la proposition sortant du commun. Elle aurait pu s’indigner, rougir, elle n’en fit rien, pinçant ses lèvres de honte d’avoir eu l’idée de prendre le trottoir en dernier recours, de vendre son corps en désespoir de cause. Désespoir bien présent pourtant, l’épée de Damoclès pointant furieusement au dessus de sa jolie tête blonde. Un choix lui reste à faire celui de s’embourber dans la fange du jeu jusqu’à la mort ou celui de suivre l’ombre disparaissant sous la résonnance des sabots frappant le pavé.

Lucie secoue la tête, laissant ses boucles blondes frapper son visage alors que les lèvres charnues laisse les volutes d’un prénom s’évader
« Adryan… », vaine tentative afin d’effacer ce qu’elle pense sortir de chimères éthérées car les noisettes détaillent l’ombre berbère face à elle, qui lui rappelle que tout cela est bien réel. Elle tente un léger sourire, bien heureuse d’être accompagnée jusqu’à son piètre logis qui se veut être d’une seule pièce, petite chambrée froide sous les toits ayant pour seul avantage, une vue imprenable sur la ville.



[Une pincée de mois plus tard]


A l’heure où les feuilles mortes tourbillonnent au gré de la brise automnale, danse légèrement bariolée du l’ocre au brun, Lucie avance dans les rues menant vers l’Aphrodite. Recouverte d’une cape noire de velours léger afin de ne pas être touchée par les premiers frimas sournois glissés dans la fausse douceur d’un rayon de soleil. Le crépuscule prend place de son ombre brumeuse, le velours capte la lanterne, étoile du saint graal du plaisir, lumière apaisante attirant toute sorte de papillons de nuit dans sa toile arachnéenne. Lucie inspire profondément, des mois à ressasser les paroles d’Adryan, des mois à combattre l’envie de s’y plier, des mois à comprendre qu’elle luttait en vain, ayant déjà eu par deux fois avertissement douloureux de payer sa dette. Et c’est en réprimant un frisson glacial pointant à l’échine qu’elle agrippe de sa main gantée le heurtoir et l’assène contre la porte de trois coups francs.

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Adryan
Si le père indigne, sitôt quelques forces retrouvées, s’était rapidement vu limogé loin du regard gris et dur, la solitude castillonne n’avait cependant pas été épargnée longtemps. Par un matin blafard, les coups pressentis sur la porte de l’appartement de la rue des Bourdonnois n’avaient pas manqué de retentir. Mais contre toute attente, la réponse du duel n’avait pas même pu être articulée. L’homme masqué sur son seuil, fortuné à en juger par la richesse de son habit, avait racheté la dette. L’entièreté de la dette. Même la part de la blonde. Si une colère sourde avait animé Adryan à cette annonce égrainée d’une voix mielleuse, il n’en avait pourtant rien dit même si la contrepartie du geste retombait de tout son poids sur ses seules épaules.

Loué, acheté, à vendre. Encore. Pacte réduisant à néant les efforts fournis pour s’extraire de la courtisanerie. Il n’avait pu devant cet échec supplémentaire que hocher la tête sans qu’un mot ne sorte de sa bouche.

L’hôtel particulier où il était convoqué puait l’or et le pouvoir dans chaque flamme éclairant les murs couverts de lourdes tapisseries. Aucun blason ne trahissait pourtant le moindre nom et chaque visage féminin était couvert de masques soyeux. Trois femmes lascives, à moitié nues, aux seins lourds et aux hanches épaisses dont les loups noirs peinaient à camoufler la lubricité des regards. Le visage castillon, lui, était offert à la vue de tous. Comme un monarque, trônant sur un haut fauteuil enchâssé de pierres, un homme. Un seul homme, boudiné dans son velours dont la voix mielleuse reconnue ne retentit que pour lancer un "Bienvenue Saint Flavien" bourré d’ironie jusqu’à la lie, marquant le début de l’orgie infamante. Les yeux du noble redevenu courtisan s’étaient plissés, enflés d’une colère froide et tranchante en cherchant en vain à démasquer l’identité du menteur de la meute, indifférent aux mains et aux bouches le bousculant pour le dénuder telle une offrande sacrifiée à l’autel à leurs griffes affamées. Le choix n’était plus de mise, et se barricadant en lui-même, retrouvant ses réflexes de courtisan, la tête vide de tout, Adryan avait léché, mordu, empalé, heurté, prenant l’une, caressant l’autre, quand la troisième réclamait sa langue en lui mordant l’épaule. Encore et encore, dans un temps qui se disloquait pour mieux s’éterniser. Il n’était qu’automate bien huilé dont les soupirs restaient interdits au regard lubrique se caressant dans son fauteuil. Et alors que la dernière femme se tordait encore de plaisir sous les coups de butoir réclamés, le Castillon, le torse luisant de sueur sous l’effort épuisant, crut sa dette payée quand l’homme se leva. Mais l’homme approcha, brouillant la vision castillonne d’un vit rose et distendu jusqu’à l’enfoncer entre ses lèvres essoufflées sous les gloussements féminins griffant son dos. Le Castillon obéit, encore, jusqu’à ce que le foutre inonde sa bouche nauséeuse. Mais le tortionnaire n’avait pas planté ses griffes assez profondément, et encore haletant d’extase, ce fut lui qui goba Adryan, sans piété aucune quand la langue lourde dénichait chaque faille avec une virtuosité accablante. Jusqu’à l’humiliation la plus totale. Jusqu’à l’aveu d’un gémissement rauque d’extase ricochant entre les murs pour se fracasser entre les tempes nobiliaires, coupables du plaisir pris dans cette débauche écœurante.

Cinq mille écus pour ta déviance affichée dans tout Paris Saint Flavien. Voilà un contrat équitable qui ferra rire jusqu’aux pendus de Montfaucon. Grateloup te salue bien.

Le nom oublié avait résonné, sortant des enfers de la lame castillonne, laissait Adryan tant sonné que même les pas des quatre acolytes s’éclipsant lui échappèrent. Et ce fut avec peine, titubant sous le poids d’un regard verdâtre, d’une absence douloureusement lancinante et d’un fantôme resurgit des limbes que le Castillon avait rejoint son logis, s’affalant à peine arrivé dans son fauteuil pour s’y saouler jusqu’à tomber ivre mort sur le tapis râpé.

[Une poignée de jours plus tard, à l’Aphrodite]

Plongé dans ses commandes, il n’avait qu’à peine relevé le nez de ses écritures quand un homme d’Hubert lui avait annoncé une visite. La chambre qui lui était dédiée s’était vue petit à petit transformée en bureau, et le seul vestige de sa fonction première restait un lit dédaigné de sommeil où s’équilibrait une pile de courriers et de notes comparatives sur les alcools dénichés au fil de ses déplacements.

Ce ne fut qu’au grincement d’une latte de plancher qu’il daigna relever la tête. Visage impassible ne s’égaillant ni s’offusquant de la présence blonde devant lui. Présence qu’il observa un long moment, le regard glissant sans pudeur sur les formes girondes s’offrant sans le couvert de la nuit. Du visage, il redessina sans peine les pommettes hautes et le menton volontaire qu’il trouvait toujours jolis. Et sans poser son calame découvrant le brun des yeux qu’il ancra aux siens, il posa la seule question qui lui semblait avoir du sens à cette heure ci.


Jusqu’où être vous prête à aller pour vous acquitter de vos dettes ?
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Lucie_
Fais-toi brebis, le loup est prêt. Proverbe Russe.




La lourde porte s’ouvre et elle lance le sésame qui devrait ouvrir d’autres portes.

Adryan.

Le portier s’efface, fait un signe à une personne invisible à sa vue. Elle inspire longuement avant d’enfin entrer dans l’antre du Loup qu’elle vient visiter après une invitation pour laquelle elle avait été longue à répondre. Et s’il l’avait oubliée ? Elle n’était rien pour lui, qu’une vulgaire chose déchue de la vie, une écharde à son pied, un poids de plus dans la déchéance de Charles.

Un homme est là, petit froncement du nez de voir que ce n’est pas Lui alors qu’elle libère son minois du carcan de la capuche, il l’invite à la suivre et en bonne brebis se jetant dans la gueule du loup, elle s’exécute. L’entrée passée elle se retrouve à la réception, les lumières tamisées, les couleurs chatoyantes, les murmures, le bruissement des robes, le parfum des courtisanes l’assaillent d’une caresse voluptueuse. Le velours capte le mouvement d’une main épousant la taille d’une femme, l’effleurement de lèvres dans un cou offert, elle semble traverser un monde irréel tandis qu’elle suit son guide.

Une porte s’ouvre, suivi d’un long couloir, léger frisson qui sinue l’échine de quitter le cocon feutré pour un endroit plus neutre. Enfin après un couloir sans fin et de nombreuses portes l’homme s’arrête devant l'une d'elle, frappe et l’invite à entrer. Les pas sont légers, le regard glisse sur l’antre tandis que la porte se ferme derrière elle, le sourcil s’arque à peine étonnée de trouver l’endroit aussi froid que l’homme. Mélange de chambre et de bureau. Chambre impersonnelle, là se trouve un lit dont les couvertures repliées au pied prouve qu’il est rarement utilisé.

Un bureau affublé d’un tas de paperasses, quelques bouteilles trônent ci et là. Elle observe Adryan, détaille ce visage qui se révèle à elle qui n’a fait que l’apercevoir dans la pénombre de la ruelle, elle dégrafe sa cape, la laisse glisser de ses épaules libérant les effluves de fleur d'oranger, jasmin, cardamome et d'ambre. Elle la dépose sur son bras alors qu’elle amorce un pas de plus qui laisse échapper un grincement, elle grimace légèrement et se fige. Le velours ne se détache pas de son visage qui se lève vers elle, malgré le fait que ce regard qui la détaille provoque un certain malaise au fond d'elle. Les regards fusionnent, lui glaçant l’échine tout autant que les mots lancés en pleine face. Il attaque sans bluffer, elle ne se démonte pas ou du moins en bonne joueuse ne montre aucune réaction qui pourrait venir en sa défaveur. Ne surtout pas lui montrer son appréhension, son mal aise en sa présence. Et sur un ton tout aussi sérieux, alors que d'un geste délicat elle retire ses gants, lui répond :


Je suis prête à tout, sauf à mourir.

Et oui, on est joueuse, ou on ne l’est pas. Et pour une fois, elle pose une limite.
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Adryan
« Folle est la brebis qui au loup se confesse. »
Proverbe français


« Je suis prête à tout, sauf à mourir. »

Le regard habituellement froid s’anima d’une lueur vacillante, gigotant irrésistiblement jusqu’à ce qu’un rire franc résonne entre les murs blancs et vides. Décidément, cette femme en outre d’avoir une sincérité flatteuse, faisait preuve d’un sens de la tragédie fabuleux ! Et sans même le vouloir, il l’imaginait revêtue d’une longue toge blanche, une couronne de laurier d’or entrelacée à ses mèches blondes, se plantant un poignard en plein cœur en égrainant sa tirade finale dans des sanglots désespérés.

Peinant à retrouver son sérieux, finalement assez satisfait de cette récréation le tirant des brumes où il s’engloutissait depuis des jours et même des semaines, il toussota avant de se redresser sur sa chaise, abandonnant son calame pour croiser les bras.


Grand Dieu, j’espère bien. Le ventre de l’Aphrodite est affamé de bien des vices, mais ne boit le sang qu’en de bien rares occasions. Le Castillon pencha la tête, cueillant le regard de biche. Vous venez de commettre une première erreur. Avouer être prête à tout. Vous ne savez rien de moi. Le regard se durcit volontairement. Je pourrais vous demander bien pire que de mourir, quand aujourd’hui, vous n’avez qu’un seul débiteur. Moi. Sans lui fournir davantage d’explications, il lui laissa quelques instants pour digérer cette nouvelle donne. Non, le Castillon ne se vengerait pas ni ne serait plus sévère avec Lucie qu’avec un autre membre du personnel du lupanar. Mais puisqu’elle ne montrait d’une telle franchise, il ne pouvait en échange que lui offrir un peu de vérité. Puis enfin poursuivit. Les clients de l’Aphrodite sont de toutes natures. Montrer vos faiblesses, et certains en useront et en abuseront jusqu’à vous rompre bien plus surement que quelques coups ramassés dans la boue. De gestes lents et posés, il déroula sa silhouette sombre et, contournant la table, vint s’asseoir nonchalamment à l’un de ses angles, laissant une jambe reposer au sol quand la seconde battait l’air d’un rythme lent et régulier.

Prête à tout, me dites-vous. Reste en outre à savoir si vous en êtes réellement capable. L’Aphrodite ne se pare que du meilleur. Quels atouts cachez-vous dans votre manche ? Le regard gris enferra le visage blond. Montrez-moi que vous êtes digne de l’aide que cet établissement peut vous apporter.

Rien n’est gratuit, rien n’est facile. Toi, dont je ne connais pas même le nom, toi qui joues sans en mesurer les conséquences, gagne ta place, montre-moi ta détermination et je t’apprendrais ce que tu ne sais encore.
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Lucie_
Le choix n'existe qu'entre deux choses : le gain ou la perte.Proverbe Urdû



Elle l’a remarquée cette petite lueur vacillante au fond des prunelles sombres, quelques secondes avant que le rire fuse, se répercute contre les murs, l’entoure de cette onde éthérée. Le sourcil s’arque, elle en serait presque restée bouche bée de l’entendre rire si elle n’avait gardé le masque impavide, dernier rempart auquel elle peut s’accrocher afin de ne pas se dévoiler tant elle est habituée à cacher la moindre expression. Oh elle aurait pu s’indigner de ce rire franc teinté de moquerie suite à sa réflexion qui placée dans le contexte de l’Aphrodite portait sur l’ironie. Pour l’heure elle l’observe, un tantinet amusée en déposant sa cape et ses gants sur le dossier d’un fauteuil placé face au bureau. Le velours capte les ténèbres, léger frisson à l’échine, le visage du Loup se penchant délicatement sur le côté, à l’instant elle le trouve beau, animal guettant sa proie et contrairement à leur première rencontre particulièrement loquace. Le nez se fronce imperceptiblement, elle aurait bien osé lui répondre un « vous ne savez rien de moi non plus » et retient ses mots figée par ses paroles. Les cils papillonnent doucement, la vérité lui saute au visage, la gifle royalement. SON débiteur. Elle sent le piège se refermer et déglutit légèrement. Et il continue, instille sa leçon qu’elle assimile le temps qu’il se déplie, se déplace avec cette élégance animale et naturelle. Il la laisse sans voix, la joueuse de cartes confrontée à un jeu tout autre. Et il l’achève, l’acier du regard refermant le piège définitivement, elle pourrait presque entendre claquer les mâchoires métalliques, un frisson glacial lui mord l’échine jusqu’à se répandre au creux de ses reins.


Et les apparences s’écroulent tel un château de cartes…


Le minois se tourne délicatement vers son épaule, se baisse légèrement, peu habituée à séduire, à se montrer entreprenante, il vient de la défier. Le corps amorce un demi-tour dans un bruissement soyeux insinuant une fuite des lieux. La dextre se pose sur sa poitrine qui improvise un solo endiablé de percussions. Le choix est fait depuis qu’elle a franchit le seuil de l’Aphrodite, il ne lui reste plus qu’à prouver qu’elle sera solvable. Les doigts délacent l’étau vestimentaire qui enserre sa poitrine qui ne demandait qu’à être libérée tant elle se trouve oppressée. Elle inspire profondément, expire en un souffle ténu alors que la main dégrafe les galons de sa robe, la gorge se serre un instant puis la soierie glisse en une infinie lenteur le long de la peau soyeuse et dorée, lui offrant une vue imprenable sur son dos et la cambrure de ses reins. Le pourpre de la soie dévore son derme hérissé de frissons, amorti sa chute à l’orée de ses fesses, Lucie incline la tête vers l’avant, la nuque s’offre, soumise à celui qui jugera si elle est digne de rester. Les lèvres entrouvertes sur un souffle qu’elle tente de réguler se concentrant sur chaque geste minutieux et délicat. Enfin les doigts lâchent le dernier lien, la soie tombant, glissant le long de sa peau frissonnante, révélant la rondeur de ses fesses, le galbe de ses cuisses et de ses jambes. Les pieds s’extirpent de leur carcan de cuir l’amenant à reculer d’un pas vers lui. Les épaules délicates tressaillent légèrement suite aux frémissements zébrant son corps, le menton se relève, le visage se tourne doucement vers lui, dévoilant le velours de son regard scintillant d’un trouble évident. La lèvre est délicatement mordillée à l’instant où enfin elle offre à son regard ses monts généreux surplombant son ventre couvant un brasier invisible, fondant vers le calice doré de son pubis. C’est à cet instant qu’elle prend conscience de déposer son premier atout.

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Adryan
Délicate, la soie glissant sur la peau de pèche tel un sirop délectable, devant lequel même les murs se taisaient pour mieux laisser les froissements fredonner une suave sérénade au corps magnifiquement timide qui se dévoilait au regard castillon. Et l’espace d’un instant, ce fut la silhouette fine de Camille, se découvrant aussi pudiquement, qui dansa devant les prunelles floues d’Adryan, les souvenirs de cette affolante rencontre se précipitant entre ses tempes malades d’Elle. Agacé d’être à ce point hanté d’une Vipère trainant Dieu seul savait où en le laissant en proie au tourment du doute, le noble secoua imperceptiblement la tête, quand devant lui, adorablement farouche, se tenait nue et offerte celle dont il ne connaissait pas même le prénom. Belle elle l’était assurément. Courageuse tout autant. Et novice encore davantage… Le cœur du castillon se serra furtivement. Cette candeur si charmante, il devait la briser. Encore. Pour faire de la joueuse une courtisane. Tel était le pacte. Tel était son travail. Tel était son fardeau Interdit.

Immobile sur le coin de sa table, les anthracites coururent sur le corps blond pour revenir chercher le regard de biche subtilement effarouchée, luttant pour les rincer des moindres débris de ses vagabondages aliénés. Il laissa trainer les secondes, plus pour reprendre constance lui-même que pour mettre la postulante au défit. Et enfin, brisant le silence lourd d’attente, la voix grave résonna, presque enrouée.

Vous ne m’avez pas compris. Vous me donnez tout. Encore. Vous voila à nu devant moi, et je ne connais pas même votre prénom. Et comme répondant avec un temps de retard, ce fut le tissu sombre de sa vêture qui chanta à son tour alors qu’il se levait et s’approchant du lit abandonné, s’empara d’un drap. De quelques enjambées supplémentaires, il fut devant elle, si proche que le noir de sa chemise agaçait les pointes des seins si joliment dressées par la fraicheur de la chambre. Vous êtes joueuse, alors jouez. D’un ample mouvement du bras, il la couvrit du drap. Feintez, trichez. Vous n’avez plus le droit de perdre. Sans la toucher davantage, il recula de quelques pas. La partie à remporter est le désir des clients. Votre beauté n’y suffira pas tant l’Aphrodite en regorge. Il recula encore, sans un bruit, jusqu’à reprendre sa place sur le coin de la table. Séduisez-moi. Donnez-moi envie de poser mes mains sur le tableau que vous m’avez découvert. Son regard se fit plus poignant encore. Donnez moi envie d’embrasser la rondeur de vos seins jusqu’à vous faire haleter. Donner moi envie de vous faire gémir jusqu’à ce que je soupire moi aussi. Voilà les atouts que je vous demande de me dévoiler, sans vous départir de ce mystère qui doit faire tourner les têtes. Donnez-moi simplement envie de vous suivre, comme il vous faudra le faire avec un client.

Faites la moi oublier quelques menues secondes, et vous serez apte à payer votre dette.
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Lucie_
Son mutisme est lourd, pesant, l’étreignant d’une incertitude, la persuadant qu’elle n’a pas sorti le meilleur atout. Un frisson lui mord l’échine au son grave de la voix qui brise enfin le silence, elle assimile les mots mettant en évidence son erreur. Le velours s’abaisse sur le parquet, au moment où elle capte le bruissement de ses mouvements et attire ses noisettes sur lui sans trouver la force de s’en détacher lorsqu’il s’approche, frôle du rempart de sa chemise les pointes dressées de sa poitrine. Son corps reçoit une secousse sismique, affolement du derme qui s’hérisse de picotements agréables. Le nez aquilin capte les effluves musquée alors que d’un geste ample il recouvre sa nudité.

La fraicheur du drap agresse la peau qui frémit, le souffle devient court tandis que la leçon continue, sur un ton calme et intransigeant. La tête s’incline doucement sur le côté tandis qu’elle laisse glisser le drap sous ses bras et le noue à sa poitrine. Les charnues expriment pour la première fois un sourire, léger, vaporeux et sincère. Bien qu’il ne la ménage pas elle sait reconnaître la main qui se tend, son regard la touche tandis que ses mots révèlent une légère teinte rosée à ses pommettes. Vêtue d’un simple drap tombant jusqu’au sol, laissant dévoiler le galbe de sa cuisse, elle se déplace, mouvements empreints d’une féminité innée, rejoint le fauteuil face à lui en croisant délicatement les jambes fines dont l’une se trouve dévoilée jusqu’à l’aine. Le coude prend appui sur l’accoudoir dont le cuir gémit au contact, le menton se pose sur les doigts fins tandis que le velours détaille le visage d’Adryan, il est beau, très beau et si froid, si vide pourtant.

Il a cette aura, ce fameux mystère dont il parle si bien et qu’il aimerait voir naître en elle si habituée à camoufler toute émotion, à poser un rempart entre l’impulsion de ses veines et l’expression de son visage, voir même de son corps. Le velours caresse, devine chaque détail du corps du ténébreux. Jusqu’ici silencieuse, les charnues s’entrouvrent, la langue se délie, vient humidifier les lèvres d’une caresse.

Je tiens d’abord à deux choses.

La voix s’envole légère telle la jambe qui se lève doucement, tel le pied nu qui sinue sur la jambe d’Adryan.

M’excuser pour Charles.

La lèvre se mordille délicatement, le velours s’anime de flammèches ondoyantes traduisant à la fois le camaïeu de provocation, amusement et désir tandis que le pied serpente inlassablement le long de la cuisse.

Remercier pour la dette.

La pointe du pied dessine une arabesque imaginaire, léger sursaut en effleurant la froideur de la boucle du ceinturon avant de mourir délicatement sur le renflement devenu cible, un léger soupir à peine perceptible s’échappe des lèvres. Et alors que les orteils jouent de provocation, impriment de légères pressions insolentes, le souffle court, les noisettes teintées du trouble sinuant en ses veines plantées dans l'acier, enfin elle se révèle.

Lucie.
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Adryan
Il ne la quittait pas des yeux, observant chacun des mouvements de la blonde se faisant subtilement félins. Si un sourire chatouilla ses lèvres de s’étirer, le masque givré fut tenace et refusa de fondre. Alors que le pied menu sinuait sur la jambe nobiliaire, les mots tombèrent eux, prenant place entre les tempes brunes pour y trouver un écho saumâtre. Les paroles n’étaient que paroles. Venant d’une joueuse qui plus était. La seule preuve qu’elle pourrait apporter de sa sincérité tiendrait dans sa volonté à renoncer au jeu, et encore davantage à ne plus jamais approcher ce père trop léger, quand les remboursements n’étaient qu’à leurs balbutiements. Le bout du pied délicieusement tendu, effrontément sensuel, caressa le renflement des braies, enveloppé du regard gris curieux de l’imagination délictueuse de la jeune femme. A peine la commissure de la lèvre noble se redressa. A ce jeu là, le Castillon savait jouer, avec un sang froid extirpé tant de sa déviance que d’heures de pratique.

Aussi, ce fut à lui de dévoiler un peu de son jeu, telles étaient les règles d’une partie équitable. D’une lenteur accablante, les gants de cuir furent ôtés, et la dextre chaude se posa sur le pied nu, y exerçant une légère pression dévoyée. Personne ne venait picoter le rapace impunément. Les doigts mâles s’enroulèrent à la cheville et remontèrent lentement le long du mollet, sans que le regard ne daigne encore se relever vers la novice, tout occupé qu’il était à jauger la douceur de la cuisse s’offrant à sa paume. Toujours vissé au coin de la table la silhouette sombre se pencha, effaçant le tissu du drap sous les caresses offertes. L’argent que vous gagnerez sera votre. La direction de l’établissement ne prélève rien. Si la paume ourla l’intérieur de la cuisse sans pudeur ou timidité, aucun mouvement brusque pourtant ne trahit le moindre empressement ou la moindre brutalité quand les doigts impudiques s’invitèrent à l’or du buisson découvert. Rien ne vous obligera à descendre au salon tous les soirs. Léger, l’index s’insinua entre les nymphes doucement moites, alors que le regard enfin se redressait, se plantant sans ménagement dans le regard face à lui. Néanmoins vous imaginez facilement que l’établissement n’offre pas gite et couvert sans votre implication pleine et entière pour assurer la renommée de l’Aphrodite. Habiles et sournoises, les caresses s’alanguirent jusqu'à agacer le bourgeon débusqué. Votre tenue évidement se devra d’être toujours parfaite, ainsi que vos manières. Les clients n’admirent que leurs soucis, pas les vôtres. Les caresses se firent plus appuyées, s’amusant d’une ronde excitée de pincements épicés, doucement dosés pour bruler sans autre douleur que celle du plaisir. Après chaque passe, vous devrez vous soumettre à une toilette minutieuse. Le regard gris ne quittait plus la novice, avide de découvrir sur le visage délicat, chaque froncement de sourcils ou chaque mordillement de lèvres trahissant l’embarras des sens. Sournois comme il l’était quant au fond de ses prunelles doucement égayées, une lueur joliment perfide promettait de l’être davantage encore. D’un geste posé, la senestre nobiliaire repoussa avec précaution ce pied mutin qui cherchait à éveiller un feu qui resterait interdit et Adryan déroula l’ombre de son corps. Un pas à peine suffit se livrer prisonnier entre les jambes délicieusement dévoilées. Et taiseux, il s’agenouilla, troquant l’index d’un coup de langue. Le regard redressé vers elle, le sujet de l’examen tomba d’une voix calme.

Voyons si vous avez tout retenu à présent. La langue s’invita à nouveau, chaude et soyeuse au nid de la faiblesse féminine. Répétez-moi tout ce que je vous ai dit. Et sans plus de discours, la bouche nobiliaire s’ancra à cette tendre intimité à vendre, pour mieux cueillir le bourgeon d’attentions lascives et avides de dénicher son talent quand lui démontrait l’étendue du sien à chaque torture de sa langue.

Montre-moi…Lucie. Prouve-moi être digne du remboursement que j’ai dû payer. Seul.

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Lucie_
Le jeu est d’une multiplicité complexe, on peut en découvrir toutes les nuances à chaque instant sous n’importe qu’elle forme. Au diable les cartes, les dés et les paris en tout genre. Le défi est lancé. Elle le relève de provocations sinueuses, de caresses subtiles, le jeu sera d’amener à pousser le désir à son paroxysme sachant qu’elle aussi risque de s’y brûler. L’enjeu étant de ne pas y succomber trop vite, surtout que face à elle, nul doute que l’adversaire est de taille à abattre des cartes maîtresses afin de la déstabiliser, de la pousser à l’erreur et l’accabler de leçons.

Le souffle marque un temps d’arrêt, les gants filent sur les doigts fins et longs du Ténébreux avec cette lenteur voulue traduisant qu’il entre aussi dans le jeu. Elle inspire lentement alors qu’elle perd son regard et le suit sur son pied fin. Le corps tressaille d’une décharge électrique sous la chaleur diffuse de la main étonnamment douce qui appuie la caresse de son pied sur la raideur naissante. Les paupières recouvrent le velours, elle expire doucement, la main échappant au menton afin de rejoindre l’accoudoir. Chaque geste d’une précision affolante diffuse en elle des vagues de chaleur, quand enfin la main chaude imprime le galbe de la cuisse, les velours se posent sur lui, le corps tressaille de nouveau, la lèvre est mordillée alors que le drap glisse, les doigts se crispent légèrement sur les accoudoirs, le pied se fait provoquant de caresses plus appuyées en un appel silencieux et paradoxalement tellement parlant. Il l’enveloppe de son ombre stimulant l’accélération de son palpitant, les lèvres laissent filtrer un soupir qu’elle ne peut retenir, les doigts découvrant sa toison dorée dans une implacable douceur, délicieuse torture qui malmène son calme apparent.

L’esprit troublé tente d’assimiler la leçon enveloppée de sa voix chaude, le corps fébrile frémit affamé par le jeu provoquant de son index et le velours enflammé retrouve enfin l’écrin d’acier. Il la détient du bout de ses doigts sur le fil tendu du désir, la rend funambule au-dessus du gouffre du plaisir. Le ventre soubresaute d’excitation, affolé par les caresses appuyées alternée de petits pincements jouissifs qui lui arrache une salve de soupirs incontrôlés malgré le fait qu’elle s’accroche à son regard et à sa leçon. Elle déteste lui montrer sa faiblesse face à la sournoiserie qu’il impose, elle déteste se sentir perdre toute contenance et lui donner la satisfaction de gagner la partie. Voilà qu’il repousse son pied afin d’amener son corps au plus près d’elle, ce qui a pour effet d’affoler complètement ses sens sans pour autant la faire réagir autrement que de se soumettre aux cartes imposées, à sa langue brûlante qui attise le brasier au creux de son ventre. Un gémissement s’échappe entre les charnues, la funambule perd l’équilibre un instant, le ventre se contracte de spasmes extatiques alors qu’il est l’heure pour elle de réciter la leçon sous une torture intenable. Le cuir crisse sous ses ongles, le velours mordoré par les flammes de désir, la charnue emprisonnée par la nacre se libère enfin, la blonde tente de rassembler toute sa détermination à ne rien lâcher d’autre que la leçon sous la langue impérieuse qui joue d’audace. Après chaque impulsion électrique stimulée par la langue elle lâche dans un souffle haletant.


L’argent sera…mien…aucun prélèvement..

La lèvre se mord de nouveau afin d’étouffer un gémissement, il joue, inflige le tournoiement de sa langue. Elle inspire avant de reprendre, doutant sérieusement de pouvoir réciter la leçon entièrement.

Implication pleine…et entière… Comme ta langue…toilette…minutieuse…

Elle ne peut réprimer un gémissement accompagné d’un « Oh » de surprise tant la langue inquisitrice applique sa torture avec minutie. Elle se cambre sous l’impulsion qui l’assaille et lui fait perdre l’équilibre dangereusement au-dessus du gouffre. La supplique fuse alors que la dextre vient empoigner la chevelure sauvage et soyeuse d’Adryan d’un geste tendre et ferme elle l’arrache à la torture à laquelle elle refuse de succomber si vite « Non.. . », elle effleure ses lèvres des siennes avec légèreté afin de venir cueillir de sa langue les perles de sa propre saveur alors que la main lâche la crinière le corps glisse doucement du fauteuil amenant les genoux à se poser au sol puis les mains viennent défaire le ceinturon d’un cliquetis métallique qui en dit long sur son envie. Le regard se fait animal mordant l’acier, la main délivre la raideur engoncée dans le carcan de tissu, joue d’effleurements de la pulpe des doigts jusqu'à enfin enrouler ses doigts fins d’une emprise délicate.

Lève-toi Adryan, lève-toi et laisse-moi te torturer à mon tour.
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