_hildegardeii
J'ai eu la version écrite, voilà que face à moi, la version orale de celle qui devait évidemment être l'auteur de la lettre reçue : Malicorne Taillebois.
Derrière moi, la foule s'est comme figée dans le silence, chacun tentant de décrypter le sens de ses paroles. Nul doute que celle là aurait de l'avenir en politique, elle a déjà le débit anesthésique et le discours incertain de ceux qui noient le poisson.
Je compris qu'elle saluait les chattes, que Germaine était à moitié là à en préparer des masses sans tergiverser.
Je compris aussi qu'elle nous demandait si on avait faim, qu'elle me proposait un macho dans un train et que son père vendait des bottes.
Mmh... Enchantée damoiselle Taillebois...
Le principe étant que les hôtes se doivent d'un minimum de politesse vis à vis de leur hôte (vous suivez le jeu de mot hôtes/hôte ? moi j'adore...) surtout quand l'hôte était hôtesse, je ne vais pas tout de suite lui dire que je suis déjà pas mal pourvue question macho et que ma chatte va très bien, merci.
J'essaie de paraître rassurante car, il faut le savoir, Amigos, les Cobradèche ne sont pas les pires connaissances que Germaine risque de rameuter à Vesoul. Croyez moi, comme dirait mon époux, ça va chier des Pulles si la connerie lui prend.
Je rends donc son sourire à la Taillebois qui semble un peu emmerdée tout de même de notre venue et on lui emboite le pas vers l'intérieur de la maison, laissant les curieux, leurs femmes et les casseroles dehors.
Nous découvrons ce qui ressemble à un salon-salle-à-manger-chambre-salle-de-bains-cuisine-buanderie (que les parisiens appelleront pompeusement, plus tard, Appartement Cossu) plutôt croquignolet, gage de la qualité de l'hôtesse.
Cependant, une odeur persistante de chou et de saucisse de Morteau bouillie enveloppe l'atmosphère. Pas que ça pue, mais ça incommode pas mal, surtout à quatre heures de l'après midi, quand il fait froid dehors et qu'on peut pas ouvrir pour ventiler.
Par chance, la porte s'ouvre en grand sur la spectaculaire Germaine, la gorge palpitante, le sein aussi généreux que sur le portrait. J'ouvre des yeux grands comme des soucoupes, je remonte la machoire de Cobra pour qu'il ferme la bouche et laisse Poum raconter nos péripéties.
Les commères ont raison ! Germaine est devenue bombasse. Adios la silhouette sèche et le pli aigre au coin de la bouche. Terminado l'oeil à peine ouvert dans une fente méfiante. La Germaine cuvée 1463 fera l'affiche des calendriers au fond des charrettes des marchands ambulants !
Mais .... Mais.... Mais tu es resplendissaaaante !!!
D'un pas souple et déterminé, elle chaloupe jusqu'au lit, nous offrant un arrière qui n'a rien à envier à l'avant et s'y laisse choir dans un mouvement qu'elle doit penser lascif mais qui manque encore un peu d'expérience. En un mot, elle s'y laisse tomber comme une merde, disons le clairement.
J'en profite pour glisser un pied dans l'entrebaillement de la porte pour maintenir une entrée d'air salvatrice.
Poum est intarrissable et va de Germaine à Malicorne, à croire qu'elle a oublié le tournoi de Genève 1462, les nichons malmenés et les côtes enfoncées et les griffures qui ont mis trois mois à cicatriser.
Pour ma part, je respire profondément, tentant de faire abstraction des cris de ma fille, du chien haletant, des haut le coeurs provoqués par le graillou et découvre deux hommes, installés au fond de la pièce où Malicorne s'affaire.
Poum ! Cesse ! Lache ce chien, tu vois bien qu'il y a du monde !
Peut on adopter un air détaché et inspiré dans de telles circonstances ?
Oui.
Je rajuste mon chignon d'un tapotement de la main, m'évente de l'autre et jette un regard désespéré vers la rue. Cela dure un instant puis je souris aux types. Je comprends le désarroi de Malicorne : la cour de Germaine est déjà dans la place !